382 Introduction : l`importance croissante du Marketing sportif pour

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ASAC 2006 Emmanuelle Le Nagard
Banff, Alberta E.S.S.E.C. (Paris)
Thierry Lardinoit,
Chaire euro. de Marketing sportif
E.S.S.E.C.
Pierre Desmet
Université Paris-Dauphine & ESSEC
POURQUOI LE MARKETING SPORTIF PEUT-IL ETRE
UTILISE POUR LE LANCEMENT DE NOUVEAUX PRODUITS ?
Cet article présente un double objectif : a) montrer que le marketing sportif permet
de soutenir de façon pertinente et par des modalités variées le lancement de
produits nouveaux, b) étudier de façon exploratoire les relations entre l’implication
pour les retransmissions télévisées de Football (Soccer) et la consommation de
nouveaux produits. Les autres variables explicatives utilisées sont : l’innovativité,
l’âge, les CSP, le niveau d’instruction et la fréquence de consommation de
programmes sportifs à la télévision.
Introduction : l’importance croissante du Marketing sportif pour le lancement de
nouveaux Produits
Les investissements des entreprises en termes de marketing sportif ne cessent d’augmenter. En 1998, ils
s’élevaient à 17,4 milliards de dollars US, pour atteindre 33,2 milliards en 20021 et 48,7 milliards en
2006. Le marketing sportif représentait en 2003 de 10% à 12% des investissements marketing des
entreprises2.
Vu l’importance grandissante des investissements, la pression en termes de rentabilité pour les entreprises
pratiquant le marketing sportif est de plus en plus forte. Or, un des objectifs les plus importants du
marketing est de générer de la croissance sous forme de lancements de nouveaux produits et services.
Lorsque l’on connait les taux d’échec des lancements des nouveaux produits dans les différents secteurs,
notamment dans les marchés grand public, on comprend aisément que l’ensemble des ressources
marketing des entreprises doivent être mobilisées pour assurer le plus grand succès commercial possible.
On comprend alors aisément le recours croissant aux différents outils du marketing sportif en support de
la conception et du lancement des nouveaux produits. Ces nouveaux produits peuvent avoir un rapport
direct ou indirect avec le sport.
On assiste depuis quelques années à de très nombreux lancements de nouveaux produits en rapport avec
le sport. On peut citer des exemples dans l’alimentaire (boissons énergétiques), dans l'habillement, dans
les loisirs (formules de vacances), dans les produits d'information (télévision numérique, téléphonie,
presse…), etc. Se faisant, la frontière entre des produits sportifs et les autres devient ainsi de plus en plus
floue.
Produits et services « sportifs » et « à connotation sportive »
On distinguera les produits sportifs, qui sont nécessaires à la pratique sportive, et les produits « à
connotation sportive ». Ces derniers ont un territoire de communication en lien avec le sport. La
communication du produit est alors basée sur une congruence plus ou moins importante entre son image
1 source : Sponsor Click 2004.
2 Source : Neil Duffy et Jo Hooper: Passion Branding Harnessing the power of emotion to build strong brands –
Wiley, Juillet 2003
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et le sport. La congruence elle-même peut être définie comme le partage de dimensions abstraites de
l’identité d’une marque (Park et Hastak, 1994) et de l’identité d’un sport, comme par exemple l’esprit
d’équipe de la Société Générale et celui du rugby. Cette congruence peut être le résultat des efforts
marketing passés et des investissements répétés dans le même évènement ou le même sport de façon à
créer une histoire commune. Comme le soulignent Johar & Pham (1999), tout produit peut avoir un « lien
sémantique » plus ou moins fort avec l’activité sportive. Ce lien de sens a en réalité deux dimensions : un
produit peut être lié à la pratique sportive, ou au spectacle sportif.
Dans la première catégorie (pratique sportive), le lien sémantique sera fort pour des produits nécessaires à
la pratique d’un sport, ou qui peuvent en accroître la performance. Le lien sera plus faible si le produit
améliore simplement l’organisation de la manifestation sportive, ou peut être utile à la pratique, sans lui
être spécifique (assurances, eau…).
Dans la deuxième catégorie (spectacle sportif), le lien sémantique sera intense pour des produits ou des
services nécessaires pour assister à un spectacle sportif (billets d’entrée dans un stade, retransmission
télévisée ou radiophonique), il sera un moins fort s’il s’agit d’obtenir des informations sur un spectacle
sportif, et moins encore dans le cas des produits destinés aux supporters (objets à l’effigie d’un joueur ou
d’une équipe…).
Pour radicaliser la distinction entre les produits sportifs et les autres, nous spécifierons dans cet article que
les produits sportifs sont des produits ayant un lien sémantique (congruence fonctionnelle) fort avec
la pratique sportive ou le spectacle sportif.
Figure 1 : Typologie des produits selon leur lien avec le sport (Lardinoit & Le Nagard, 2004)
Indispensable au
spectacle
Billetterie,
retransmission
télévisée, ...
Indispensable à
l’information
spécialisée
Presse,
téléphonie,
internet,..
Indispensable à la
pratique
Chaussures,
maillots,..
Améliore la
performance
Aliments et
boissons
énergétiques
Améliore
l ’organisation
Chronomètre ,..
Utile à la pratique
Assurances,
eau..
Améliore
l ’engagement
Maillot de club,
écharpes, ...
Utile à l ’organisation
Transports,
hôtels,...
Fort
Lien sémantique avec l ’activité de supporter
Lien sémantique avec la pratique sportive
Fort
Faible
Utile à la célébration
Bière, soda,
pizza,...
Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons uniquement aux produits non sportifs tels que
définis ci-dessus, mais qui présentent toutefois des « connotations sportives », dans la mesure où il existe
un lien sémantique avec le sport, même si celui-ci est faible. D’autre part, nous nous limiterons à une
perspective « Business to Consumer ». Nous nous situerons donc délibérément dans une perspective de
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marketing par le sport, tel que le marketing sportif pratiqué par des sociétés (Coca-Cola, Visa…), et non
dans la logique du marketing du sport, celui des fédérations sportives (ex. la FIFA) ou des organisateurs
d’événements.
L’utilisation du Marketing par le Sport dans le Lancement de Produits nouveaux non sportifs
Le marketing sportif peut contribuer au moins à trois niveaux dans le lancement de produits nouveaux :
Dans le développement d’idées de nouveaux produits ; il s’agit alors de mettre en place des
programmes de recherche et développement afin de garder une avance par rapport aux concurrents.
Dans le domaine de la compétition sportive, les conditions et les exigences sont extrêmes, cela
nécessite de développer des technologies de pointe qui peuvent ensuite être adaptées au grand public.
Par ailleurs, l’observation de la pratique sportive permet de repérer des besoins et des usages
adaptables aux loisirs sportifs ou carrément à la vie quotidienne.
Dans le positionnement, notamment dans une perspective de différenciation, en utilisant les
valeurs du sport. L’implication dans la compétition sportive peut alors renforcer la crédibilité du
produit. Par exemple, la communication de l’ensemble de la gamme des montres Tag Heuer s’appuie
sur le chronométrage des compétitions, même si elles ne sont d’évidence pas toutes destinées aux
sportifs. Ceci permet de crédibiliser le discours de la marque autour des valeurs d’exigence, de
performance et de précision.
Dans la diffusion des nouveaux produits, notamment dans le domaine de la communication et de la
distribution.
L’utilisation du marketing par le sport est également utile dans des phases plus opérationnelles du
lancement. Ainsi, si l’on reprend les étapes traditionnelles de l’adoption d’un nouveau produit, le
marketing par le sport peut servir à :
le faire connaître (création de notoriété),
le faire essayer (échantillonnage) ,
le faire acheter (exploitation de réseaux).
Un des premiers défis dans le lancement d’un nouveau produit est d’atteindre rapidement une notoriété
significative, notamment dans un contexte international. Dans cet objectif, le parrainage d’événements
sportifs internationaux, grâce à leur capacité à fédérer les cibles, peut se révéler très efficace.
Aux Etats-Unis, la finale du football américain, le Super Bowl est l’événement publicitaire de l’année,
avec des audiences et des tarifs record (49% de part d’audience en 2004). De très grands annonceurs, et
notamment ceux souhaitant s’adresser aux hommes, public majoritaire de l’événement, programment le
lancement de leurs nouveaux produits à cette occasion. C’est ainsi lors du Super Bowl que furent lancés
des produits comme la Next Generation de Pepsi, le premier Mac, la nouvelle bière de Budweiser, etc.
Pour atteindre ces différents buts, plusieurs types de moyens peuvent être envisagés, pour mieux affirmer
le positionnement. Les techniques les plus usuelles sont :
le sponsoring de la preuve, en organisant ou sponsorisant des épreuves permettant de démontrer
l’efficacité de leur produit ou service.
l’association à un événément spécifique, par l’intermédiaire du parrainage.
le co-branding avec un partenaire sportif. Pour être efficace, cette stratégie exige alors une parfaite
adéquation et complémentarité des valeurs et de l’image de chaque partenaire (ex. authenticité,
esthétique et solidité pour la Peugeot Quick Silver). Il importe également que chaque partenaire soit
très représentatif de sa catégorie de produit (typicalité des marques).
Les sportifs ont souvent été utilisés dans les communications publicitaires pour le lancement de
nouveaux produits ou services.
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L’utilisation des communautés et des événements sportifs dans l’échantillonnage. En effet, la
diffusion des innovations repose fortement sur le bouche-à-oreille et la propagation de l’information
dans les différents réseaux sociaux. Dans cette logique, les organisateurs japonais de la Coupe du
monde 2002, en partenariat avec Master Card, ont fourni 5 000 porte-monnaie électroniques aux
supporters détenteurs de billets. Le porte-monnaie était utilisable dans les transports en commun et les
boutiques de souvenirs, ainsi que dans certains commerces sud-coréens.
L’utilisation des réseaux de distribution des produits sportifs
Plusieurs de ces moyens peuvent être utilisés simultanément pour donner une « connotation sportive » au
produit, sans pour autant en faire un produit sport.
On observe fréquemment que les disciplines à fort contenu technologique sont utilisées pour promouvoir
des produits dans des secteurs technologiques, comme l’informatique, l’électronique grand public, ou
encore les montres. Certains sports sont ainsi porteurs d’une image technologique, comme la F1, ou la
voile (Etude Occurrence, Koroibos, & Hyckory, 2001). Dans ce dernier sport, alors que le marché de la
photographie « papier » s’effondre, Fuji s’appuie sur Loïck Peyron pour diffuser sa technologie
numérique et pour promouvoir l’usage de ses consommables via les NTIC.
Cependant, il est également intéressant de voir, au travers des différents exemples cités tout au long de
l’introduction, que les nouveaux produits promus appartiennent à des secteurs très variés (services,
produits de haute technologie, biens de grande consommation), et que les disciplines support peuvent
également être très différentes. Le lien ne semble donc pas être exclusivement lié à un goût pour la
technologie.
La figure 2 montre ainsi le positionnement perçu de différentes disciplines sportives sur des valeurs
particulièrement importantes pour les nouveaux produits, à savoir la modernité d’une part, et la créativité
d’autre part.
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Figure 2 : Les valeurs véhiculées par les différents sports
Source : étude Occurrence, Koroibos, Hyckory 2001
Nous venons de le voir, le marketing sportif est de plus en plus utilisé de façon diverse pour promouvoir
des nouveaux produits ou services, qu’ils soient sémantiquement reliés au sport ou non.
Le but de ce papier est de mieux comprendre le sous-bassement théorique de ces stratégies, en particulier
celles relatives à des nouveaux produits non sportifs.
Nous ne cherchons pas ici à expliquer les phénomènes de congruence ou de transfert d’image et de valeur,
c’est un champ déjà passablement étudié (ex. Didellon, 1997, Johar et Pham, 1999, Lardinoit et Quester
2001, Walliser 2003). Nous cherchons par contre à vérifier si les fans de spectacles sportifs télévisés sont
plus ouverts aux innovations que les individus moins impliqués.
Hypothèses de la recherche
Définition de « l’ouverture à l’innovation »
Il est nécessaire avant toutes choses de définir ce que nous entendons par ouverture ou sensibilité à
l’innovation. La notion d’innovateur est abordée selon deux approches majeures dans la littérature.
- La première approche est comportementale (Rogers, 1995) : les innovateurs sont les consommateurs qui
adoptent les premiers les nouveaux produits. Cependant, cette définition est peu opérationnelle dans la
mesure où il est délicat d’identifier ex-post les premiers acheteurs d’un nouveau produit. Il serait pour
cela nécessaire de réaliser des études longitudinales, qui sont difficiles à mener et présentent souvent des
biais. Dans cette perspective, pour distinguer les innovateurs, une autre méthode utilisée à été d’identifier
les possesseurs de produits encore peu distribués.
- Une deuxième approche, beaucoup plus répandue considère la propension à innover (« l’innovativité »)
comme un trait de personnalité, qui peut être selon les auteurs, spécifique à la catégorie de produits
(Goldsmith et Hofacker, 1991) ou plus générale (Le Louarn, 1997). Ce trait est alors mesure sur une
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