EDITO
La pertinence d’un festival francophone peut sembler de prime abord réductrice, surtout dans une ville
aussi polyglotte que Berlin. Pourtant, comme le dit Stefanie Carp « En ce qui concerne l’art et la culture,
les Festivals se doivent d’élever le risque esthétique face à ce qui existe d’ores et déjà dans les grandes
villes. »1
C’est ce risque que nous avons choisi de prendre cette année pour cette deuxième édition avec toute
l’équipe de La Ménagerie, composée uniquement de bénévoles très motivés, celui de concentrer sur
quatre jours ce que Berlin égraine tout au long de l’année et de donner une visibilité à de nombreux
projets qui ont tous choisi comme langue commune la langue française.
Loin de vouloir nous refermer autour d’une communauté, nous avons au contraire voulu proposer, vivant
dans un pays étranger, une écoute poétique d’une langue qui est la nôtre. De par sa définition, un
festival offre à de nombreuses artistes un espace-temps commun et intense pour présenter leurs projets.
Cette concentration d’énergie dans un seul et même lieu et la présence active du public permettra, nous-
en sommes persuadées, une respiration commune et un réel partage.
Sur le long chemin de préparation de ce festival, plusieurs questionnements ont été soulevés :
Nous avons longuement réfléchi par exemple à la pertinence du surtitrage. En les traduisant, n’allions-
nous pas nous contenter d'expliquer et interférer avec la perception poétique des spectateurs? Ne
devrions-nous pas les laisser tenter d’entendre, même sans tout comprendre ?
Nous avons également choisi d’inviter deux compagnies non-berlinoises à venir présenter leur travail.
Encore une fois, n’était-ce pas paradoxal avec le parti-pris de notre plateforme, qui est de soutenir et
diffuser les arts de la scène francophone berlinois ?
Au contraire, nous pensons, et assumons, que s’ouvrir au monde et permettre l’échange est justement ce
qui catégorise cet espace de vie que nous avons choisi. Berlin, ville « multikultie » et ouverte à l’Autre par
l’excellence et la variété de ses propositions est une ville de passage, de tolérance et de curiosité. Offrir
l’opportunité à ses compagnies de venir nous rencontrer, c’est remplir cette mission que nous nous
sommes fixées ensemble voilà 18 mois, celle d’être vu mais aussi de voir, d’être entendu mais également
d’entendre. A la fois permettre une visibilité, mais aussi amener un autre regard à travers des partages
de vie et d’expériences, dans d’autres lieux, dans d’autres dynamiques. Et traduire les textes qui sont le
résultat de tout ce travail, c’est inviter d’une part l’artiste, le créateur, mais également les structures
culturelles, telle la Ménagerie, ainsi que le public, œil et oreille de l’art vivant, à prendre part à cette
discussion commune autour de la création.
Enfin, nous avons choisi de ne pas nous limiter au théâtre, en offrant entre autres des soirées concerts ou
des projections vidéo, n’est-ce pas encore une fois antinomique ? Mais en choisissant de soutenir les arts
de la scène, quelle difficulté de définition ! Parce qu’un festival est une seule scène de théâtre donc la
possibilité d’univers à part entière, au contraire, ouvrons-le à la pluridisciplinarité, confrontons les arts,
les émotions et cultivons nos sens !
De notre microcosme berlinois, nous effleurons ce doux rêve : toucher au macro, au grand, tenter de
proposer à Berlin ce qui n’existe pas déjà et emmener tout un chacun dans notre fauverie.
Alors, prêts ?
Hélène Lebonnois et Aurélie Vincent, présidentes de La Ménagerie e.V.
1 „Festivals [müssen] das ästhetische Risiko erhöhen gegenüber dem, was an Kunst und Kultur in den großen Städten sowieso
stattfindet.“ Theater Heute, avril 2011, p. 9