Évolution de la stimulation électrique des muscles respiratoires

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Ann. Kinésith ér., 1985, t. 12, n° 10, pp. 477-482
© Masson, Paris, 1985
QUOI DE NOUVEAU ... EN KINÉSITHÉRAPIE
RESPIRATOIRE?
Évolution de la stimulation électrique des muscles respiratoires
F. BERTHELIN, Y. JAMMES
Laboratoire
de Médecine
expérimentale,
Faculté de Médecine,
Le point actuel
Recherche des formes de courants électriques
les plus efficaces dans leurs paramètres et
leur point d'application
Depuis nos premiers essais, nous avons
appliqué successivement à la musculature respiratoire différentes méthodes d'électrostimulation. Seule la dernière technique (courants
micro-ordonnés) est originale.
F. BERTHELIN,
F13385 Marseille, Cedex 5.
COURANTS RECTANGULAIRES APPLIQUÉS SUR
LE NERF PHRÉNIQUE AU NIVEAU DU COU
ET/OU AU NIVEAU DES ABDOMINAUX (1)
Il existe des travaux antérieurs qui ont étudiés
chez l'homme les effets de la stimulation
électrique des nerfs phréniques. Parmi les plus
récents on remarque les études effectuées par
Gleen et coll. (5) qui rapportent des résultats
intéressants après stimulation à long terme, mais
les électrodes sont implantées directement au
contact des nerfs phréniques au cours d'une
thoracotomie, et la stimulation est assurée par
radio-fréquence.
. En ce qui nous concerne, nous travaillons
depuis 1978 sur la stimulation électrique transcutanée. A ce jour nous sommes en mesure de
démontrer l'efficacité d'un type de stimulation
par électrodes externes, d'en maîtriser la
commande, et d'envisager des possibilités
d'utilisation.
Tirés à part:
27, boulevard Jean-Moulin,
à l'adresse
ci-dessus.
Nous avons pratiqué sur nous-mêmes, sous
amplificateur de brillance des stimulations de
type rectangulaire, de diverses durées d'impulsions et de fréquences comprises entre 50 et
600 Hertz. Cette stimulation est appliquée au
niveau du nerf phrénique, à la face antérieure
du scalène antérieur. La sensatin désagréable de
la contraction diaphragmatique provoquée par
une excitation électrique de ce type, et la
diffusion du courant au", niveau du plexus
brachial excluent la possibilité d'un~ utilisation
prolongée de ce mode de stimulation.
Stimulation des abdominaux
stimulation diaphragmatique
alternée avec la
Utilisant le même type de courant, nous avons
effectué une stimulation alternée du diaphragme
et des abdominaux. La mesure de la ventilation
pulmonaire est réalisée par pneumotachographie. Les échanges respiratoires sont également mesurés au cours de la stimulation.
Malgré une efficacité certaine sur le volume
courant et les échanges alvéolaires, nous avons
rencontré trois sources d'insatisfactions:
- mauvaise .qualité de la stimulation diaphragmatique (trop brusque, avec stimulation
parallèle de groupes musculaires voisins).
- mauvaise qualité de la stimulation abdominale, égalemen~ trop brusque, mais cependant
très efficace..
478
Ann. Kinésithér.,
1985, t. 12, nO 10
difficulté de réglage du cycle inspiration,
expiration et surtout d'ajustement de la fréquence respiratoire superposée à la fréquence
propre du sujet, et qui semble engendrer un
phénomène de dyspnée.
EDl <VOlT)
COURANTS DE MOYENNE FRÉQUENCE
Cette méthode utilise, soit des courants de
moyenne fréquence non modulés, dont la fréquence se situe entre 1 000 et 10 000 Hz, soit
des courants décrits par Fresnel (3) constitués
par la somme de deux courants alternatifs
déphasés dans le temps, générés à différents
niveaux de moyenne fréquence entre 1 000 et
10 000 Hz, soit enfin des courants de Nemec.
Ces derniers sont connus en électrothérapie sous
le nom de courants interférentiels. Ils utilisent
la résultante d'un battement de basse fréquence,
1 à 100 Hz issu d'un décalage des deux niveaux
de moyenne fréquence qui les procurent, aux
alentours de 4 000 Hz. Nous avons effectué
divers essais dont l'efficacité a été appréciée soit
sous amplificateur de brillance, soit par pneumotachographie.
Suivant les mêmes modalités
d'application, nous obtenons une mobilisation
diaphragmatique à la fois mieux tolérée et plus
efficace que celle produite par les courants
rectangulaires.
Ces divers essais ont donné lieu à trois
observations:
- le résultat de la contraction diaphragmatique
est variable suivant la valeur de la moyenne
fréquence utilisée. Celle-ci nous semble propre
à chaque sujet; il convient donc de pouvoir
l'adapter à volonté;
- l'efficacité de la contraction diaphragmatique
est meilleure lorsqu'on
utilise la moyenne
fréquence
avec une résultante
de basse
fréquence ;
- une des difficultés essentielles' réside dans
la possibilité d'une alternance
inspiration/
expiration.
COURANTS D'ADDITION
Nous les avons définis comme résultant de
l'addition de deux sources de courants alternatifs
de moyenne fréquence, suivant le principe de
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FIG. 1. - Recrutement des unités motrices diaphragmatiques.
Fresnel, mais décalés en fréquence comme dans
les courants de. Nemec. Ceci produit un battement de basse fréquence utilisable entre 1 et
300 Hz qui permet une beaucoup plus grande
possibilité de choix des paramètres de stimulation et de rechercher ainsi ceux qui produisent
la contraction la plus efficace. Ainsi nous avons
voulu adapter ces courants d'addition aux
caractéristiques
électrophysiologiques
du diaphragme et nous ménager aussi la possibilité
d'évoluer sur une moyenne fréquence adaptable
au sujet, donc variable en cours d'application.
Ce choix est libre entre 1 000 et la 000 Hz. Il
est dicté selon le volume thoracique du sujet,
le choix du groupe musculaire, la profondeur
et la situation anatomique du muscle à recruter.
Cette possiblité est intéressante pour la stimulation du diaphragme, car il s'agit alors d'éviter
la contraction de muscles antagonistes.
Le battement de basse fréquence réglable entre
1 et 300 Hz nous permet d'évoluer dans le
domaine des fréquences des décharges spontanées des unités motrices diaphragmatiques chez
l'homme (Schweitzer) (fig. 1). L'ensemble de ces
Ann. Kinésithér.,
améliorations a permis de bons résultats quant
à l'efficacité de la dynamique diaphragmatique,
et surtout la qualité de la contraction de ce
muscle. Nous avons filmé, sous amplificateur de
brillance cette dynamique, elle semble être tout
à fait satisfaisante du point de vue physiologique.
Le seul obstacle, majeur, demeure la maîtrise
des cycles ventilatoires, c'est-à-dire des phases
inspiratoires et expiratoires. Bien que ces courants soient asservis par des horloges à quartz,
les paramètres électriques prennent parfois du
retard sur les systèmes de commande. Ce défaut
associé à la maîtrise insuffisante des courbes enveloppe du courant, nous a contraint à confier
la totalité de la gestion à un système microinformatique.
LES COURANTS MICRO-ORDONNÉS
Les courants d'addition semblant répondre le
mieux à nos besoins, nous les avons confiés à
un système micro-informatique,
du type
E.P.R.O.M. (electrical programly read only
memory). Ce moyen nous assure la parfaite
gestion souhaitée et permet à la stimulation de
reproduire les caractéristiques de la décharge
phrénique, bien connue chez l'homme normal
(Schweitzer, 1979), (fig. 1), à savoir :
1) un accroissement progressif du voltage de
stimulation (ou de l'activité nerveuse) tout au
long du temps inspiratoire.
2) un recrutement temporel (augmentation progressive de la fréquence de décharge) qui
n'apparaît que dans la deuxième moitié de
l'inspiration (fig. 1)..
Pour essayer de reproduire cette décharge
nerveuse, nous avons graduellement accru la
fréquence de battement, d'abord brutalement de
1 à 20 Hz au cours de la première moitié de'
la période de stimulation, puis exponentiellement entre 20 et 120 Hz. L'intensité du courant
s'élève rapidement au cours de la première
augmentation de la fréquence, puis croît d'une
manière plus progressive jusqu'à 100 Hz, pour
s'accélérer à nouveau entre 100 et 120 Hz.
L'intensité du courant dépend bien sûr de
l'impédance biologique. Nous l'avons, chez
l'homme mesurée entre 80 et 100 milliampères.
1985, t. 12, n° 10 479
La moyenne fréquence porteuse, nous l'avons
vu, est adaptable en cours de stimulation entre
1 000 et 10 000 Hz. C'est aux environs de
2 500 Hz que nous avons obtenus les meilleurs
résultats. Lorsque la contraction diaphragmatique maximale efficace est obtenue, la fréquence
et l'amplitude du courant décroissent progressivement, c'est alors que débute la stimulation de
la musculature abdominale.
Les muscles abdominaux intéressés sont les
obliques et les transverses de l'abdomen. Il existe
bien entendu une légère stimulation des muscles
grands droits de l'abdomen, par diffusion du
courant, mais cette action n'est pas spécifiquement recherchée, car on le sait; elle n'est pas
la plus efficace.
La stimulation abdominale est assurée par un
second générateur fonctionnant en asynchronisme d'action avec le précédent, l'ensemble
étant toujours géré par l'informatique. Ce
courant de stimulation abdominale ne présente
pas les mêmes caractéristiques électriques que
celui utilisé pour le diaphragme. Il s'agit d'un
courant constitué d'impulsions d'amplitudes
différentes suivant leur durée. Ces durées sont
en relation avec la chronaxie des trois fibres
musculaires striées décrites par Bourguignon (2).
La proportion des impulsions et leur durée
est calculée suivant les potentiels d'activité
propres aux fibres rapides, lentes et intermédiaires du muscle strié confinhés par Fulton (4).
Ce sont des courants isochronaxiques microordonnés (fig. 2). La fréquence retenue est de
672 Hz, compte tenu de la durée de chacune
des impulsions et de la période qui les sépare.
La stimulation abdominalce croît puis décroît
progressivement. Sa durée varie, biell entendu,
suivant le cycle ventilatoire choisi. Nous disposons actuellement dôprogrammes de stimulation
ventilatoire - échelonnés entre 6 et 30 cycles
respiratoires par minute. Ils sont constitués par
une inspiration active, une expiration active et
une pause. Il nous est également possible de faire
varier le- rythme ventilatoire au cours de la
stimulation et par exemple, de s'adapter à une
fréquence spontanée à 28/cycles/minute puis,
progressivement, de la porter à une cadence
moindre, de 20 cycles.
480 Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, n° la
+1
60
80
100
120
200
220
400
ABDOMINAUX(
DUREE DE L'lMPULStON EN MICROSECONDES
FIG. 2. - Courant d'impulsions
des 3 fibres musculaires striées.
FIG. 3. - Disposition des électrodes.
excito moteur
micro-ordonnés
Méthode d'application
LES ÉLECTRODES
Nous avons utilisé
a) Des électrodes en élastomère de carbone,
enduites d'un gel conducteur. La résistance de
ce matériau s'est avérée trop importante, et, à
plus de 140 volts de stimulation la contraction
restait inefficace.
b) Des électrodes constituées de plaques de pâte
conductrice souple, placées directement sur la
peau, humectées, sans fixation nécessaire. Nous
nous sommes heurtés aux mêmes problèmes de
résistance élevée, qui rend la stimulation inefficace par saturation des générateurs ..
c) Des électrodes constituées par des plaques
d'aluminium incluses dans des éponges humidifiées. Les résultats sont meilleurs, mais l'eau
ruisselle parfois sur les patients installés en
décubitus, court-circuitant
les électrodes, et
diminuant l'efficacité des courants.
d) Des électrodes fines, en aluminium souple,
enduites de pâte de contact et, appliquées
directement sur la peau. Cette technique assure
un très bon contact. Elle n'est rendue possible
que par la qualité des courants utilisés (rigoureusement alternatifs, évitant les effets polaires
destructifs).
DISPOSITION ET FORME DES ÉLECTRODES
Nous utilisons pour la stimulation diaphragmatique des électrodes curvilignes, au nombre
de deux pour chaque hémithorax,
placées
latéralement
sur les dixièmes et douzièmes
espaces intercostaux, d'une part. Et, d'autre part
sur la face antérieure du thorax, à proximité
immédiate du sternum, sur les cinquièmes et
sixièmes espaces intercostaux.
Les électrodes abdominales sont disposées
latéralement. Elles ne doivent pas être en contact
avec les électrodes diaphragmatiques. Une forme
triangulaire semble intéressante (fig. 3J.
Le bon positionnement des électrodes est la
condition essentielle à l;éfficacité de la méthode.
Mal disposées, elles peuvent rendre la stimulation inefficace, voire même contraire au but
recherché.
Raccordement
des électrodes aux générateurs
Les électrodes intéressant le diaphragme
seront raccordées au générateur A, disposant de
4 conducteurs,
deux pour chacun des circuits A 1 et A 2. Si l'on désire équilibrer la
stimulation des deux hémicoupoles, on croise les
circuits. Si au contraire on souhaite stimuler
préférentiellement l'une ou l'autre des hémicoupoles on placera les sources de courant, donc
le circuit A 1; sur un hémithorax, et A 2 sur
Ann.
l'autre; il sera possible par un système de
balance de stimuler davantage un des côtés par
rapport à l'autre (fig. 3).
VE
=
3,3 l
1985, t. 12, n° 10
Kinésithér.,
1
min
481
5sec.
STIMULATION
Discussion concernant nos essais
thérapeutiques
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E = 6,2
LI
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FIG. 4. - Ventilation spontanée mesurée par pneumotachographe
Dans un précédent travail [F. Berthelin, de Fleisch n° 2 chez un sujet anesthésié pour chirurgie veineuse
des Ml La stimulation électrique est indiquée par la barre
y. Jammes, (1)] complété par la thèse de horizontale.
Ratto (7), nous avons recherché l'efficacité de
la stimulation électrique par électrodes de
surface des groupes musculaires expiratoires - sur des diaphragmes sains, avec atteinte des
(abdominaux) et, inspiratoires accessoires et/ou nerfs phréniques, la stimulation diaphragmatidu diaphragme sur la ventilation pulmonaire et que est réalisée au cours de périodes de sevrage
les échanges gazeux. Cette étude utilisait des du respirateur. Chez ces sujets le volume courant
courants de type rectangulaire. Elle a, à la fois spontané était mesuré autour de 150 ml (et donc
permis de vérifier la réalité de l'efficacité de la insuffisant en l'absence de ventilation assistée).
stimulation de la musculature abdominale, mais L'électrostimulation diaphragmatique a permis
en raison de l'inefficacité de la contraction d'atteindre des valeurs croissantes jusquà
diaphragmatique, elle a décidé de notre évolu- 1000 ml. Dans ce cas la fatigue musculaire n'est
tion vers les courants micro-ordonnés.
pas observée, et, de plus l'électrostimulation
L'appareillage une fois réalisé, nous nous apporte, comme en témoignent les patients, un
sommes surtout attachés à vérifier l'importance confort clinique important.
des volumes mobilisés sur des sujets privés d'une
possible participation corticale, c'est-à-dire en
service de réanimation, sur des sujets lysés ou Objectifs
au cours de l'anesthésie générale, enfin dans des
Ces travaux constituent seulement le premier
cas de paralysies phréniques hémi ou bilatérales.
pas
d'une étude fondamentale des moyens de
Nous avons procédé à divers enregistrements.
Au cours de l'anesthésie générale, d'excellents stimulation électrique des muscles respiratoires
résultats sont observés chez quatre sujets sur six. chez l'homme. Ils devraient permettre des
La figure 4 montre un exemple de résultat applications pratiques tant en clinique humaine,
obtenu chez une jeune femme au cours d'une en réanimation qu'en rééducation fonctionnelle
anesthésie générale profonde pour chirurgie respiratoire.
veineuse périphérique.
Les caractéristiques du courant de stimulation
sont les suivantes :
Références
Moyenne fréquence porteuse : 2 500 Hz.
Basse fréquence résultant du battement : 1 à 1. BERTHELIN F., JAMMES Y. - Étude de l'efficacité de la
stimulation électrique de groupes musculaires respiratoires
120 Hz.
sur la ventilation et les échanges gazeux (animal et homme).
- Sur. des insuffisants respiratoires majeurs
Electrodiagnostic
Thérapie, 1979, 2, 97-113.
admis en service de réanimation, nous avons 2. BOURGUIGNON. - Les trois contractions, les trois chronaxies
musculaires et nerveuses et les trois sortes de fibres du muscle
constaté que la stimulation diaphragmatique fait
strié normal de l'homme et des mammifères. Elektromedizin
Band, 1.1956, NR4.
apparaître, après un temps variable selon le sujet
une fatigue musculaire manifeste (réduction 3. FOUCHET : Électricité pratique. Collection M. Durande.
Promotion sociale. Les courants de Fresnel.
progressive du volume courant). Cette méthode 4. FULTON J.-F. - ln physiologie du système nerveux, traducsemble donc devoir être proscrite dans ces
tion française de Chatagnon, c, Paris.
circonstances.
5. GLENN W. W., GEE J. B.L., COLE D. R., FARMER W. c.,
482
Ann. Kinésithér.,
1985, t. 12, nO 10
SHAW R. K., BECKMANN C. B. - Combined Central Alveolar Hypoventilation
and Upper Airway Obstruction. Treatment by tracheostomy and diaphragm pacing. Am. J. Med.,
1978, 64, 50-60.
6. JUDSON J.P., GLENN W. W. L. - Radio-frequency
Elec-
trophrenic Respiration. lama,
7. RATTO R. - Étude des effets
que par stimulation électrique
des insuffisants respiratoires
1981, 133 p.
1968, 203, 129-133.
d'un traitement kinésithérapides muscles respiratoires chez
chroniques.
Thèse Marseille,
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