La mutation de l’achat public : Le résultat économique placé au centre des attentions de l’acheteur. Karim Draz Responsable du pôle juridique Service des Achats de l'Etat Comme de nombreux pays, la France connaît une dette et un déficit budgétaire atteignant des niveaux inédits, où il apparaît clairement que la rationalisation et la diminution des 17 milliards d’euros dépensés annuellement pour le fonctionnement de l’État, revêtent un caractère de priorité absolue. Dans ce contexte, l’acheteur public doit focaliser son attention sur l’optimisation des gains à réaliser dans les différents segments d’achats courants de l’État, que sont : - les prestations immobilières, pour une dépense annuelle de plus de 7 Md€, - les prestations générales, pour près de 4,5 Md€ par an, - les fournitures générales, pour une dépense annuelle d’environ 3,5 Md€, - l’informatique et les télécommunications, pour près de 1,9 Md€ par an, - l’affranchissement et l’impression, pour une dépense annuelle de plus de 0,60 Md€. La stratégie de réforme des achats publics nationaux a été fixée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), partant du postulat que l’achat constitue un acte économique avant d’être un simple approvisionnement, voire se résumer à un acte juridique. Il s’agit par cette affirmation, d’exprimer la volonté politique d’une nouvelle orientation à apporter en matière d’achat public, où l’État met en œuvre un même niveau de professionnalisme que les plus grandes entreprises mondiales. Il s’agit en pratique, d’atteindre d’ici à 2012, une économie fixée à un ambitieux montant de 1 milliard d’euros sur les marchés et accords-cadres passés par l’État, sur le périmètre©annuel milliards d’euros d’achats. Institut de Des17 Finances Basil Fuleihan This document was downloaded from the website of Institut Des Finances Basil Fuleihan and is copyrighted work. Cette volonté, qui s’inscrit naturellement dans le contexte juridique du code des marchés publics, précise, met en perspective les dispositions contenues dans ce texte. En effet, selon l’article premier du code, la détermination de l’offre économiquement la plus avantageuse respecte les principes de non discrimination et de transparence. Si cette obligation constitue le fondement des règles de la commande publique, les moyens opérationnels assurant l’efficacité de l’achat et la bonne utilisation des deniers publics restent à déterminer. Une perspective nouvelle des pratiques en matière d’achats de l’État La fragmentation des acheteurs et la segmentation de leurs achats, la priorité donnée au respect des procédures au détriment de la création contractuelle, la limitation de la réflexion au seul besoin immédiat, la mise au second plan du coût total de l’achat, constituent autant de freins à la structuration de méthodes d’achat économiquement performantes. C’est pourquoi, afin d’atteindre l’objectif souhaité d’économie assigné par la réforme de l’État, la réforme de l’organisation des achats de l’État réalise un véritable changement dans les pratiques habituelles. Dans l’optique de générer l’économie de 1 milliard d’euros de gain, la mutation en cours permet de fixer la stratégie à mettre en œuvre, selon les quatre orientations suivantes: - mieux coordonner les services et les fonctions achat de l’État, - professionnaliser ses achats, - faciliter l’accès des PME à la commande publique, - promouvoir l’achat socio et éco responsable. De nouveaux acteurs Afin de répondre à ces orientations, le service des achats de l'État (SAE) a été créé sous l’autorité du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, par le décret 2009/300 du 17 mars 2009, avec pour mission la définition et la mise en © Institut Des Finances Basil Fuleihan œuvre la politique des achats courants de l’État. This document was downloaded from the website of Institut Des Finances Basil Fuleihan and is copyrighted work. Dans cet objectif, de nouveaux acteurs ont été installés conjointement à la création du SAE : - Il s’agit pour chaque administration centrale, du responsable des achats nommé par ministère, compétent pour l’ensemble des achats de son département ministériel ; - il s’agit aussi pour chaque région, du chargé de mission achats, placé auprès du préfet de région. Ce cadre supérieur assure la réussite territoriale des quatre orientations stratégiques dévolues aux achats de l’État. La capacité de ces différents acteurs à coordonner leur action constitue un gage de la réussite de la réforme des achats de l’État. L’intervention du SAE et des acteurs décrits ci-dessus dans la rationalisation des dépenses, obéit à répartition suivante : - Le SAE définit la politique des achats non spécifiques de l’État, passe les marchés et accords-cadres de certains des segments cités au décret 2009/300 du 17 mars 2009, et s’assure de leur bonne exécution. En outre, le SAE professionnalise et anime la filière achats. - Les responsables ministériels des achats assurent la prise en compte des besoins ministériels dans la politique d’achat du SAE et animent la fonction achats de leur ministère. En outre, ils peuvent être opérateurs de marchés, sur décision conforme du SAE. - Les chargés de mission régionale achats contribuent à la mutualisation, au recueil et à l’expression des besoins régionaux, mettent en œuvre la déclinaison, par administration territoriale de l’État, des stratégies d’achat du SAE et suivent l’exécution des marchés. À cet effet, ils sont en particulier chargés d’animer le réseau régional des prescripteurs, gestionnaires et approvisionneurs répondant à son périmètre d’intervention. En outre, ils peuvent être opérateurs pour certains marchés régionaux, sur décision conforme du SAE. © Institut Des Finances Basil Fuleihan This document was downloaded from the website of Institut Des Finances Basil Fuleihan and is copyrighted work. Un objectif ambitieux de professionnalisation des acteurs de la fonction achats Pour répondre à la prescription stratégique conduisant à la professionnalisation des achats énoncée en juin 2009, un important programme a été constitué, visant l’élaboration de plans d’action conjoints par des groupes interministériels d’acheteurs et de prescripteurs, sur la base d’expériences de terrain ayant déjà produit des résultats. L’objectif poursuivi par la professionnalisation repose sur la recherche de performance économique que permet la détermination de leviers appropriés d’action. Il s’agit en l’occurrence, après mesure du rapport enjeu/efforts nécessaire à la mise en œuvre de l’action envisagée, de se saisir des opportunités susceptibles de conduire à des gains en coût complet, après juste expression des besoins, mutualisation et mise en commun des achats, parangonnage, meilleur achat au-delà du moindre volume d’achats, maîtrise des conditions d’exécution des marchés. La première vague de détermination de leviers d’économie a concerné 10 segments d’achats en 2009, représentant une dépense de 2,6 milliards d’euros, relevant des domaines des logiciels, consommables informatiques, impression, réseaux, serveurs, assurances, aménagement de locaux, gardiennage, formation. Ces secteurs présentent une économie potentielle de 13%. En 2010, la seconde vague de recherche d’opportunités d’économies avec une ambition de gains d’au moins 15%, concerne les segments des matériels informatiques, les télécommunications, les dépenses immobilières de 3 régions, les prestations intellectuelles, le mobilier, les déplacements et voyages, les transports et déménagements, l’énergie. La prise en compte des objectifs de développement durable dans les achats de l’État L’achat public durable intègre les exigences, spécifications et critères en faveur de la © Institut Des Finances Basil Fuleihan protection et de la mise en valeur de l'environnement, du progrès social et favorisant This document was downloaded from the website of Institut Des Finances Basil Fuleihan and is copyrighted work. le développement économique, notamment par la recherche de l'efficacité, de l'amélioration de la qualité des prestations et de l'optimisation complète des coûts immédiats et différés. Cette définition, rappelée dans le cadre de la RGPP et par la circulaire du Premier ministre du 3 décembre 2008 sur l'État exemplaire, est en droite ligne avec les missions dévolues à la réforme des achats de l’État. À cet effet, l’acheteur formule son besoin aussi bien dans sa dimension respectueuse de l’environnement par les labels et les normes françaises et européennes à sa disposition, que dans sa dimension sociale à travers des achats éthiques et équitables pour respecter et faire progresser les droits sociaux fondamentaux, ainsi que solidaires, pour favoriser l’insertion des personnes handicapées ou éloignées de l’emploi. Parmi les réussites mises en œuvre par l’État socio ou éco-responsable, on peut citer : - en matière environnementale, les clauses du marché de mobilier et sièges de bureau ; - en matière sociale, la dimension de développement durable du marché de prestations de déménagement, où une clause sociale stipule que les candidats s’engagent à réserver un volume horaire de travail en faveur de personnes rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles particulières ; - en matière d’aide par le travail des publics prioritaires, le marché de destruction et recyclage des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) permet de fournir du travail à des personnes handicapées en passant par une entreprise adaptée ou un établissement et structure d'aide par le travail. Des plans d’action élaborés en commun © Institut Des Finances Basil Fuleihan This document was downloaded from the website of Institut Des Finances Basil Fuleihan and is copyrighted work. La nouvelle approche des relations entre les différents acteurs de l’achat nécessite un dialogue mutuel entre l’acheteur et le prescripteur, en veillant à ce que le prescripteur, tout en restant maître de son besoin, bénéficie de la valeur ajoutée qu’apporte l’acheteur, en termes de structuration de la réflexion commune, de cartographie des dépenses et de conseil général à toutes les étapes d’élaboration des plans d’action achats, constitués des phases suivantes : - la cartographie préalable des dépenses, fixant le périmètre de l’action à mener, consiste à distinguer les dépenses sur lesquelles un impact peut être escompté, - l’identification des segments prioritaires à étudier, associée à celle des échéances contraintes pour fixer le calendrier prévisionnel de l’action, précise le périmètre de la réflexion, - la délimitation du potentiel de gains en coûts complets pouvant être anticipés par une action achat - la mesure du rapport de l’effort à déployer et de l’enjeu considéré, - la fixation in fine des projets à lancer et de leur calendrier. Les leviers de performance à employer pour parvenir au résultat économique recherché, se déclinent en plusieurs axes : - la détermination du bon niveau de massification des contrats peut faire l’objet de consultations lancées à l’échelle interministérielle, de plaques de plusieurs bénéficiaires, ou bien être déconcentré au niveau régional, par le chargé de mission régionale achats ; - l’application de bonnes pratiques d’achats est requise. Il est ainsi indispensable de mener un dialogue amont avec les prescripteurs afin de rationnaliser leurs besoins, d’élaborer une base de connaissance des prix du secteur professionnel de l’achat, et autant que possible, d’être à même de mener la négociation avec les opérateurs économiques. © Institut Des Finances Basil Fuleihan This document was downloaded from the website of Institut Des Finances Basil Fuleihan and is copyrighted work. Dores et déjà, 500 millions d’euros d’économies potentielles ont été identifiées, fruits d’un travail interministériel consistant à profiter des opportunités d’économies simples à réaliser, tandis que le SAE vient de fêter son premier anniversaire. Une exploration menée par des pionniers de l’achat public modernisé En bâtissant et en pilotant leurs plans d’action par segments d’achat à fort enjeu, les différents acteurs de la réforme des achats de l’État mettent en œuvre une importante mutation de l’environnement de la commande publique. Ils s’affirment comme des acteurs majeurs du progrès continu nécessaire à assurer l’atteinte de l’objectif de réalisation de 1 milliard d’euros d’économies sur les achats non spécifiques de l’État d’ici à 2012. © Institut Des Finances Basil Fuleihan This document was downloaded from the website of Institut Des Finances Basil Fuleihan and is copyrighted work.