09-a-Leger_Mise en page 1 22/01/15 16:09 Page41 Soumission de Houellebecq : le droit à l’irresponsabilité ? Nicolas Léger* L A TRAGÉDIE qui s’est invitée à la sortie du dernier roman de Michel Houellebecq, Soumission1, nous oblige à cerner la polémique dont il est l’objet sous un jour différent. D’ailleurs, l’écrivain luimême, face aux circonstances et surtout à la perte de son ami Bernard Maris, a fait le choix d’interrompre sa tournée promotionnelle. C’est dans ce climat inquiet et stupéfait que Soumission est actuellement en tête des ventes. Roman d’anticipation, politiquefiction, satire, récit cynique, drôle ou désespérant selon les lecteurs, Soumission a été l’objet du scandale, jusqu’à ce que les événements coupent court à la polémique. L’islam, artefact littéraire Le narrateur est un antihéros, subjectivité houellebecquienne désormais familière depuis Extension du domaine de la lutte2 : François, 44 ans, à la vie sentimentale morne, universitaire spécialiste de Huysmans, doit se convertir à l’islam s’il veut conserver son poste dans une France où un politique talentueux, Mohammed Ben Abbes, dirigeant d’un parti musulman, accède au pouvoir en 2022. Les constantes du récit houellebecquien sont au rendez-vous : le * Nicolas Léger enseigne la philosophie au lycée français de Florence. Il a récemment publié dans Esprit « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? L’illusion d’un consensus » (juin 2014). 1. Michel Houellebecq, Soumission, Paris, Flammarion, 2015. 2. Id., Extension du domaine de la lutte [1994], Paris, J’ai lu, 2010. 41 Février 2015