196 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 4 - avril 2012
Résumé
La majorité des cancers colorectaux est favorisée par les facteurs environnementaux. Ces facteurs agiraient
par l’intermédiaire des bactéries présentes dans le côlon. Très vraisemblablement, les fonctions métaboliques
sont ainsi contrôlées par des bactéries néfastes favorisant la carcinogenèse.
Mots-clés
Microbiote
Cancer colorectal
Carcinogenèse
Facteur de risque
Keywords
Microbiote
Colorectal cancer
Carcinogenesis
Risk factor
ayant le même phénotype (“maladie” versus “sans
maladie”). Ainsi, l’étude du microbiote est devenue
une approche scientifi que rendant possible l’ana-
lyse du rôle d’un ou de plusieurs de ces facteurs
de l’environnement, et en particulier des facteurs
alimentaires, dans la genèse des maladies telles que
l’obésité, le diabète, la MICI
(8-12)
.
Des approches fondées sur les séquences nucléo-
tidiques d’ADN bactérien ont été mises au point pour
l’étude du microbiote et de ses fonctions en santé
humaine. Globalement, le noyau phylogénétique
bactérien du microbiote intestinal est maintenant
caractérisé chez les individus sains
(13),
et une
comparaison avec les autres groupes individuels
est devenue possible. L’analyse du rôle du microbiote
dans le cancer du côlon a été initiée au cours d’un
travail pilote soutenu par le Cancéropôle Île-de-
France et la SNFGE
(14)
. Cette étude a montré que
le noyau phylogénétique du microbiote intestinal
des patients atteints d’un CRC était différent de
celui des sujets du même âge et du même sexe avec
coloscopie normale. Cette modifi cation concerne la
diversité bactérienne et est associée à la présence,
à l’échelle microscopique, d’un infi ltrat infl ammatoire
de type TH17 dans la muqueuse colique
(14, 15)
.
En effet, la quantifi cation des bactéries de princi-
paux groupes dominants et sous-dominants a permis
d’identifi er une surreprésentation du groupe des
Bacteroides
. Il est probable que les liens entre l’acti-
vation de cellules T régulatrices, la surexpression des
cellules TH17 dans la muqueuse colique ainsi que la
surexpression du groupe de
Bacteroides
adhérentes
à la muqueuse conditionnent le pronostic plus péjo-
ratif dans l’évolution du cancer du côlon
(16-18)
.
Le rôle de l’alimentation semble de plus en plus
divers, passant par la stimulation de la prolifération
intestinale, l’augmentation du rendement de la récu-
pération énergétique et la régulation de l’immunité
intestinale. Ces effets font intervenir des mécanismes
cellulaires et systémiques variés qui dépendent
des hormones peptidiques régulatrices de la prise
alimentaire. De nombreuses données plaident
aujourd’hui en faveur du rôle de la fl ore colique dans
ce complexe de régulation. En effet, le noyau phylo-
génétique tel qu’il est identifi é dans les selles est
différent chez les patients atteints d’un CRC et chez
les sujets sans tumeurs coliques. Aujourd’hui, l’étude
structurale
(19)
et fonctionnelle
(20)
du microbiote
fondée sur le séquençage du génome entier des
bactéries coliques pourrait permettre d’approcher
l’identifi cation des bactéries spécifi ques dans le CRC,
et l’approche de la carcinogenèse colique ne peut
ignorer l’impact de l’immunité ni celui du rendement
énergétique alimentaire
(21-26)
. Les tumeurs à haut
niveau d’instabilité microsatellitaire (MSI) pourraient
constituer une entité privilégiée dans cette optique
d’étude
(16)
. Le transfert du microbiote intestinal des
patients atteints d’un CRC vers la souris axénique
induit en 6 semaines des lésions précancéreuses
coliques chez ces animaux
(27)
.
Ainsi, les bactéries coliques pourraient moduler
le curseur du spectre de la carcinogenèse, avec
2 extrêmes : d’un côté, les anomalies géniques
constitutionnelles et, de l’autre, un polymorphisme
conditionnant la réponse immune, le rendement de
la récupération énergétique, ou encore l’apoptose ou
la prolifération cellulaire face aux facteurs de l’envi-
ronnement. Au-delà de l’impact cognitif de cette
implication, la conception de nouveaux marqueurs
du diagnostic et du pronostic se dessine. ■
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