FRANÇAIS 3/4 / PRINTEMPS ‘10 PROF. D. MERRILL L’ETRANGER – GUIDE D’ETUDE Personnages principaux: Meursault – personnage central, protagoniste, narrateur à la première personne Maman – mère décédée de Meursault (on ne la connaît qu’à travers le narrateur) Marie Cardona – ancienne collègue de bureau devenu maîtresse de Meursault Raymond Sintès – voisin de palier de Meursault qui se dit "magasinier" / est maquereau Personnages secondaires: Thomas Perez – ami de Maman le patron de Meursault le directeur de l’asile des vieillards l’infirmière de l’asile le concierge de l’asile Emmanuel – collègue et copain de Meursault Céleste – propriétaire d’un restaurant que Meursault fréquente souvent la petite femme bizarre qu’il observe chez Céleste Salamano – voisin de palier qui maltraite son chien constamment et qui le perd Masson – ami de Raymond Sintès la femme parisienne de Masson le juge d’instruction l’avocat de Meursault le journaliste l’aumônier L’absurde: la philosophie basée sur la croyance que l’homme vit dans un univers irrationnel, dépourvu de sens en dehors de sa propre existence. Absurde = ridicule, sans raison, irrationnel, dépourvu de sens La voix narrative, le ton et le langage: En tant que narrateur, Meursault parle à la première personne. Ainsi, les pensées d’aucun autre personnage ne sont révélées sauf par l’interpretation de leurs paroles et leurs actes. Le ton du récit est plutôt plat et catégorique. Il mentionne surtout ce qu’il a fait et dit, et quelquefois, ce qu’il a pensé au moment d’agir. Mais, il ne parle que rarement de ce qu’il ressentait pendant qu’il faisait ces actions ou ce qui l’a provoqué à les faire. Il raconte aussi des moments de plaisir ou de peine, mais ces expériences sont causées exclusivement par des forces extérieures telles que la lumière, la température et l’immersion dans l’eau. Il est rare que Meursault réagisse émotionnellement envers les autres. Quelques exceptions à cela sont ses réactions négatives envers les vieillards de l’asile lors de la veillée pour Maman (pp. 18-19) et, bien sûr, quand il craque à la fin et attaque l’aumônier (p. 182). Dans l’ensemble, le ton dépourvu d’émotion dans la narration de Meursault est bien expliqué dans le texte et reflète son optique psychologique et philosophique. (voir “Meursault sur Meursault” ci-dessous) Le langage de Meursault est pour la plupart simple et direct, ce qui va avec sa narration droite et franche et le ton terre à terre. Bien qu’il ait une perspective philosophique marquée, il ne s’exprime pas comme un philosophe- son vocabulaire n’est pas élevé et il ne fait aucune référence à la littérature ni à la philosophie. Ainsi, il se présente comme un être comme tout le monde au lieu d’un intellectuel. Aussi, utilise-t-il peu de langage au sens figuré, avec deux exceptions: les pages finales des deux parties du livre. Dans sa description du meurtre de l’Arabe, l’usage soudain de langage figuré souligne le désarroi et la confusion mentale de Meursault à ce moment donné. On ne dirait pas que c’est lui qui parle. Il ne se ressemble plus (p. 95). Dans la scène finale du livre, l’usage de métaphores dans l’avant-dernier paragraphe (pp. 182-184) accentue ce qu’il révèle concernant ses croyances, ce qui rend ses pensées encore plus fortes et plus effrayantes (un souffle obscur, etc.) Et dans le paragraphe final du roman, l’usage de métaphores rend plus poétique son amour pour la vie et le monde sensuel. Meursault sur Meursault: p. 69 [sur sa vie] “En y réfléchissant bien, je n’étais pas malheureux. Quand j’étais étudiant, j’avais beaucoup d’ambition de ce genre. Mais quand j’ai dû abandonner mes études, j’ai très vite compris que tout cela était sans importance réelle.” p. 95 [sur le meurtre de l’Arabe] “J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage où j’avais été heureux. Alors, j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.” * Remarquez qu’il exprime souvent sont contentement par les plaisirs sensuels de la vie. ** Ce que Meursault ne fait pas c’est d’analyser ou expliquer ses émotions: Pourquoi tire-t-il encore? Que ressent-il? Nous devons l’interpréter. Meursault répète souvent qu’il ne sait pas pourquoi il dit ou fait quelque chose, tel que quand “quelque chose a crevé en moi” et il attaque l’aumônier; mais il constate que de telles questions n’ont aucun sens, puisque rien n’a de valeur. p. 102 [répondant à son avocat] “J’a répondu cependant que j’avais un peu perdu l’habitude de m’interroger et qu’il m’était difficile de le renseigner. Sans doute, j’aimais bien maman mais cela ne voulait rien dire.” p. 102 [toujours à son avocat] “Cependant, je lui ai expliqué que j’avais une nature telle que mes besoins physiques dérangeaient souvent mes sentiments. Le jour où j’avais enterré maman, j’étais très fatigué, et j’avais sommeil. De sorte que ne me suis pas rendu compte de ce qui se passait. Ce que je pouvais dire à coup sûr, c’est que j’aurais préféré que maman ne mourût pas.” * * * [p. 182-184] “...Je l’avais pris par le collet de sa soutane. Je déversais sur lui tout le fond de mon coeur avec des bondissements mêlés de joie et de colère. (1) Il avait l’air si certain, n’est-ce pas? Pourtant, aucune de ses certitudes ne valait un cheveu de femme. (2) Il n’était même pas sûr d’être en vie puisqu’il vivait comme un mort. (3) Moi, j’avais l’air d’avoir les mains vides. Mais j’étais sûr de ma vie et de cette mort qui allait venir. Oui, je n’avais que cela. Mais du moins, je tenais cette vérité autant qu’elle me tenait. J’avais eu raison, j’avais encore raison, j’avais toujours raison. (4) J’avais vécu de telle façon et j’aurais pu vivre de telle autre. J’avais fait ceci et je n’avais pas fait cela. Je n’avais pas fait telle chose alors que j’avais fait cette autre. Et après? C’était comme si j’avais attendu pendant tout le temps cette minute et cette petite aube où je serais justifié. Rien, rien n’avait d’importance et je savais bien pourquoi. Lui aussi savait pourquoi. Du fond de mon avenir, pendant toute cette vie absurde que j’avais menée, un souffle obscur remontait vers moi à travers des années qui n’étaient pas encore venues et ce souffle égalisait sur son passage tout ce qu’on me proposait alors dans les années pas plus réelles que je vivais. (5) Que m’importaient la mort des autres, l’amour d’une mère, (6) que m’importaient son Dieu, les vies qu’on choisit, les destins qu’on élit, puisqu’un seul destin devait m’élire moi-même (7) et avec moi des milliards de priviligiés qui, comme lui, se disaient mes frères. (8) Comprenait-il, comprenait-il donc? Tout le monde était priviligié. Il n’y avait que des priviligiés. (9) Les autres aussi, on les condamnerait un jour. Lui aussi, on le condamnerait. Qu’importait si, accusé de meurtre, il était exécuté pour n’avoir pas pleuré à l’enterrement de sa mère? “ (10) 1. Notez la passion de Meursault, un jaillissment à la fois de rage et de bonheur (parce qu’il est convaincu que la vérité est de son côté, convaincu de la justesse de ses convictions). 2. La certitude de l’aumônier concernant Dieu et la vie après la mort ne valent rien parce que, Meursault affirme, ils sont faux. Personne ne peut être certain de ces choses et l’incertitude les rends insignifiants. 3. “...il vivait comme un mort”= l’aumônier ne vit pas sa vie complètement, ne profite pas des plaisirs sensuels que Meursault se permet. Plutôt, l’aumônier ignore le sensuel tout en attendant de manière solennelle un paradis qui n’existe (peut-être) pas. 4. Meursault a raison au sujet de l’insignifiance de la vie, étant donné l’incertitude de l’existence de Dieu – le juge ultime des actions des hommes – et d’une suite de la vie de plaisir après la mort, qui selon l’Église doit être méritée. 5. Tous les choix sont insignifiants et rien n’importe vraiment dans la vie puisque rien ne changera le résultat (la mort inévitable et donc, la seule certitude) . Alors, Meursault dépeint la mort par métaphore comme un “souffle obscur” qui “égalisait sur son passage tout ce qu’on me proposait”.-i.e., la conscience de la mort a tout détruit pour lui; son ambition, ses sentiments à long termes pour les autres, etc. Tout ce dont il peut profiter, semblerait-il, sont des plaisirs sensuels éphémères, tout comme la vie est éphémère. Il refuse ou nie les sentiments profonds de relations sérieuses telles que l’amour familiale et le mariage parce que leur permanence apparente n’est qu’une illusion. 6. Puisque tout le monde meurt, la prise de consciende de l’inévitabilité de la mort rend absurde (dépourvu de sens) la tristesse normale que les gens éprouve à la mort d’un bien-aimé. “L’amour d’une mère” – i.e., un amour profond et durable – n’a aucun sens parce que rien ne dure et parce que cet amour n’est quand même pas assez fort pour empêcher la mort de Meursault, alors à quoi sert-il vraiment? Sa préoccupation avec la mort rend Meursault profondément égoïste, puisque “la vie n’a aucun sens en dehors de sa propre existence” [celle de Meursault]. 7. Les gens “choisissent” leur vie, et ils peuvent croire qu’ils exercent un certain contrôle sur leur destin. Mais la vérité est que tout le monde a le même destin – i.e., la mort. 8. Encore une fois, le ton de Meursault indique qu’il n’aime pas être traité de “frère”, tout comme il s’est offensé quand le prêtre aux obsèques de Maman et l’aumônier de la prison l’ont appelé “mon fils” ou quand l’aumônier voulait que Meursault l’appelle “mon père”. Ces faits soulignent l’isolement de Meursault puisque les autres ne partagent pas ses opinions. Ses croyances le condamne aux yeux de la société. 9. La vie est un privilège telle qu’elle est. Aucune vie après la mort n’est nécessaire pour que Meursault l’apprécie. 10. Puisque nous allons tous mourir, et puisque nous ne savons pas si notre moralité est jugée par qui que ce soit, quand et comment on meurt et des questions telles que le péché (sin) et la réputation n’ont aucune signification. [p. 185-186] “Des bruits de campagne montaient jusqu’à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée. (1) A ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m’était à jamais indifférent. (2) Pour la première fois depuis bien longtemps, j’ai pensé à maman. Il m’a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d’une vie elle avait pris un “fiancé”, pourquoi elle avait joué à recommencer. (3)...Si près de la mort, maman devait s’y sentir libérée et prête à tout revivre. (4) Personne, personne n’avait le droit de pleurer sur elle. (5) Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. (7) De l’éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j’ai senti que j’avais était heureux, et que je l’étais encore. (9) Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine.” (1) Ces phrases soulignent encore le plaisir sensuel que Meursault éprouve d’être vivant. Son usage poétique de métaphores accentue ce plaisir. (2) Les sirènes viennent apparamment de la prison et annoncent les exécutions. Quand il dit que les gens qui meurent partaient “pour un monde qui maintenant m’était à jamais indifférent, Meursault affirme que même si en fait la vie existe après la mort, il refuse de lui attribuer une valeur à cause de l’incertitude qu’il a envers elle. (3) Le mot clé ici est “joué”. Maman est capable de “jouer” à recommencer parce que maintenant que la mort est proche elle peut se détendre et l’ignorer joyeusement. Par contre, Meursault a été torturé par la prise de conscience de la mort et donc incapable de “jouer” et de profiter de plus que des plaisir éphémères. (4) Maman est libérée par sa proximité à la mort; la vie devient plus agréable, soudain elle vaut la peine d’être vécue, ce que Meursault n’a pas encore ressenti dans sa vie. La vie pour lui paraissait un fardeau, empoisonnée par “un souffle obscur”. (5) C’est phrase est difficile à comprendre. Peut-être Camus veut-il dire que “personne n’avait le droit de pleurer sur maman” parce qu’elle était finalement heureuse. Et que la mort en elle-même est peut-être un soulagement de la prise de conscience de sa mortalité et de l’angoisse que cela peut provoquer. Meursault semble par ailleurs vexé que les autres puissent pleurer alors que lui, son fils sait qu’il ne doit pas pleurer. Ils n’avait pas “le droit” parce qu’ils avaient tort de le faire; c’est présomptueux. (6) La “grande colère” dont il parle était visée à l’aumônier. Maintenant qu’il a enfin parlé de la vérité de la mort qui a hanté toute sa vie, il se sent purgé. Il ajoute aussi que cela l’avait “vidé d’espoir”, ce qui indique que, malgré tout ce que Meursault a déclaré au sujet de sa conscience d’une mort inévitable, il s’accrochait quant même à un espoir futile qu’il serait peut-être épargné (sauvé). (7) Les “signes et les étoiles” dans le ciel du soir font peut-être partie de la “tendresse” du monde, puisqu’ils sont beaux et poétiques, créant pour l’humanité l’illusion de l’espoir. Meusault affirme, cependant, que le monde est après tout “indifférent” aux destins, problèmes et comportement des êtres humains: Personne ne veille sur nous. La seule véritable destinée c’est la mort. Entretemps, quand Meursault dit qu’il “s’ouvrait”ceci accentue que sa contrariété l’avait empêcher de ressentir. Il s’était gardé enfermé dans sa coquille, isolé du monde et des autres. (8) L‘indifférence ultime du monde envers les êtres humains reflète l’indifférence que Meursault manifeste envers les autres tout au long du roman. Donc, détaché de la société et isolé quand l’aumônier et le prêtre l’appellent “mon fils”, il ressent un lien avec le monde de la nature, dans lequel il retrouve des plaisirs sensuels et il accepte ce monde “comme un frère”. (9) Meursault reconnaît le plaisir qu’il a ressenti à vivre, malgré le fardeau de sa prise de conscience de la mort. Maintenant, proche à la mort et certain qu’il n’y a aucun espoir de sursis (chose avec laquelle tout le monde doit vivre, d’ailleurs) comme maman vers la fin de sa vie, il sent disparaître le poids de ce fardeau-il se sent enfin heureux et libre. (10) Cette dernière phrase du roman souligne à la fois la terrible solitude de Meursault et son détachement de la société.