Lecture analytique 2. CAMUS. L'Etranger. « Demande en mariage »
Problématique : Quelles oppositions structurent cette scène ?
I. Les caractéristiques de ce dialogue
17 phrases selon schéma : Marie parle/Meursault répond.
a) Rôle actif de Marie
- 10 phrases pour Marie : 5 sont des questions
- Deux affirmations fortes : « Elle a observé » (l.11), « elle a réfléchi » (l.24). : ces deux verbes
introducteurs insistent sur la gravité et l’importance de ses paroles.
- Quand silence, c’est elle qui le rompt (l.14, 19)
- Fait des gestes pour accompagner ses propos (« pris le bras »)
- Paroles de Marie au discours indirect et direct : marque chez elle la curiosité, la spontanéité
- Verbe le plus répété est significatif chez Marie = « vouloir » : « elle a voulu savoir » l.4, « voulait
simplement savoir » l.14-15, « voulait se marier » l.24 + repris par Meursault : « si elle le voulait » (l.3-4),
« dès qu’elle le voudrait » l.25-26
- A y associer, le verbe « désirer » : « si elle le désirait » l.9
- Bref : Marie pose les questions, soulève les problèmes, expose ses points de vue et sa volonté : ce rôle
résolument actif contraste fortement avec l’attitude de Meursault.
b) Rôle passif de Meursault
- Se contente de répondre : « j’ai dit » (l.2, 17), « j’ai répondu » (l.5, 12, 25). Aucune initiative
- Réponse souvent laconique « Non » (l.12), « naturellement » (l.17), « je me contentais de dire oui » l.10-
11 + renforcée par discours direct. Méfiance à l’égard des mots et notamment des « grands mots » : pour
lui, aimer ne signifie rien et il répugne à utiliser le verbe « se marier » (une seule fois l.9) qu’il remplace
par des termes neutre : « cela », « le faire » (l.3), « cela » l.5, « le » l.9, « le ferions » l.25. + silences
répétés
- Reprend les propos de Marie : « m’a demandé si je le voulais » (l.1-2) / « si elle le voulait » (l.3-4) ou
« elle a déclaré qu’elle voulait » (l.24)/ »dès qu’elle le voudrait » (l.25-26).
- Platitude des paroles de Meursault. avec discours indirect répétitif (distance prise, absence d'affectivité,
pas de prise de position) et discours indirect libre 1.10 : indifférence par rapport à Marie, Discours
narrativisé l.23 : ne s'étend pas.
- Des réponses qui se répètent les unes les autres, en chiasme : « si elle le désirait, nous pouvions »
(l.9)/ « nous pourrions…si elle le voulait » l.3-4
- Meursault apparaît donc ici non seulement comme passif mais aussi déroutant : Malgré la présence d'un
narrateur personnage, on n'observe pas de précisions sur les pensées ou sentiments, pas d'explications:
impression de récit sans conscience. On constate un personnage secret, solitaire, asocial. Pas d'analyse
psycho. poussée = typique du personnage du XXème. Il est« étranger» à sa vie, à tout ce qui l'entoure.
Personnage médiocre = anti-héros dans une certaine mesure.
- - Donc, un dialogue déconcertant, qui ressemble à un dialogue de sourd, en totale opposition. Les pronoms
les plus utilisés sont le « elle » et le « il » qui oppose les deux personnages et non le « nous ». On peut se
demander ce qui peut les rapprocher…
II. L’amour et le mariage selon Marie et selon Meursault : deux conceptions opposées
a) La conception de Marie :
Le mariage est une question essentielle qui engage l’individu sur le plan psychologique et social. La
position de Marie à ce sujet est très cohérente. Pour elle, « mariage est une chose grave » (l.11-12) et
réfléchie (verbe « observer » l.11)
- Un raisonnement cohérent. Mariage = sentiments (« si je l’aimais » l.4)
- Un raisonnement traditionnel sur l’amour et cohérent : elle croit au mariage, à l’amour, et souhaite être
aimée de celui qu’elle aime. Mais en face, elle n’obtient aucune réponse concordante. Se pose alors le
problème de sa réaction.
b) La conception de Meursault :
- Indifférence vis-à-vis du mariage : expressions «cela m'était égal» 1.3, «cela ne signifiait rien» 1.6, «cela
n'avait aucune importance» 1.8+ pronom péjoratif « cela» pour désigner le mariage !
- Insistance sur la réversibilité des situations: «cela m’était égal» l.3, «la même proposition venant d'une
autre femme» 1.15-16 : les êtres, les choses sont interchangeables. Perte de confiance et de repères dans le
monde.
- Le mariage est vécu comme une simple formalité, non comme un ancrage social (si c'était un ancrage
social, il aurait pour but de signifier quelque chose à la société) : Beaucoup de négations pour appuyer cela