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d'un bref aperçu des circonstances historiques auxquelles elles se réfèrent
ainsi que d'un résumé de la propagande officielle (encycliques, sermons
etc.) de l'époque considérée ici. Pour chaque texte, Schöber donne des
renseignements sur les manuscrits, les éditions, la littérature secondaire,
l'auteur et la date, ainsi que sur la langue et la versification. Puis,
elle donne le texte même, qu'elle fait suivre d'une analyse. Comme les deux
premières croisades ne sont représentées que par un seul poème, elle étudie
également les chansons latines et occitanes liées à ces deux expéditions,
ceci afin de combler cette lacune.
Les analyses sont suivies d'une étude du contexte socio-culturel des
chansons. A l'exception de Hugues de Berzé, les poètes se révèlent être
originaires du Nord de la France. En plus, leur prestige social et le fait
qu'ils ont eux-mêmes pris la croix ont sans doute contribué a l'efficacité
de leurs chansons. D'après Schöber, la discussion du conflit entre amour et
devoir qu'on trouve dans les chansons de départie a sans doute également
joué un rôle dans la propagande pour la croisade.
Bien que fortement inspirées par les sources curiales, les chansons
de croisade se distinguent par leur traitement de la matière qui leur est
offerte. Les idées plutôt théologiques de la propagande officielle ont été
traduites dans un vocabulaire laïque, et les poètes discutent également les
bienfaits sur lesquels le croisé peut compter dans le monde d'ici-bas.
Dans leur totalité, les chansons de croisade témoignent d'une
évolution spirituelle qui se serait produite depuis les temps de la
première croisade, quand les laïcs ont vu l'occasion de bénéficier d'avan-
tages réservés jusque-là au clergé. Ancrées ainsi dans la réalité extra-
textuelle de l'époque, les chansons de croisade seraient plus qu'un jeu
littéraire.
Dorothea C. Martin, The Crusade Lyrics: Old Provençal, Old French and
Middle High German, 1100 - 1280, Michigan, 1984.
Martin étudie la lyrique de croisade depuis ses origines (les hymnes
de pèlerinage) jusqu'à son déclin provoqué par l'érosion de l'esprit de
croisade.
L'étude est divisée en trois sections, dont la première vise à
démontrer que les Aufrufslieder doivent être vus comme des représentations
poétiques de la doctrine ecclésiastique. La deuxième est réservée à l'étude
de la fonction de l'amour dans les chansons de croisade. Exploitant le
conflit entre le service d'Amour et le service de Dieu, cette thématique
est souvent utilisée pour introduire l'expression des sentiments ambiva-
lents qu'ont manifestés les poètes vis-à-vis des expéditions en Orient. Au
XIIIe siècle ces textes, où la déception causée par les nombreuses défaites
trouve sa place, évoluent — et voilà le sujet de la dernière section — vers
un certain réalisme, voire vers une certaine ironie.
Afin de justifier l'intégration de chansons si diverses dans un même
corpus, Martin opte pour une définition très large basée sur des critères
assez vagues. Pour elle, une chanson de croisade est a poem which has the
crusade as its subject and the tenets of crusade doctrine as its conceptual
framework. Malheureusement, l'auteur ne spécifie pas quels textes obéissent
à cette définition, de sorte que le lecteur n'a aucune idée de l'ampleur du
corpus.
Les Aufrufslieder sont étudiés à partir de trois prémisses:
1. Les chansons ont tendance à exploiter les conceptions, les thèmes et les
motifs apportés par les sermons.
2. Les sermons en question traduisent presque exclusivement la doctrine
formulée et codifiée par Bernard de Clairvaux.
3. A toutes les époques, les Aufrufslieder font preuve d'une grande unité