Discours de Son Excellence Mme Ameenah Gurib-Fakim, G.C.S.K., C.S.K., PhD., DSc, Présidente de la République de Maurice au Petit-déjeuner du Club Choiseul Africa Mardi 29 mars 2016 à 08h00 Paris - France Distingués Invités Mesdames et Messieurs Je voudrais commencer par vous adresser mes sincères remerciements pour le chaleureux accueil que vous m’avez réservé en arrivant ici ce matin, et aussi pour tout l’intérêt que vous portez à mon pays, la République de Maurice que je m’apprête à vous faire découvrir à travers cette présentation, en ma qualité de Présidente de la République. Certes, pour beaucoup de Français, comme pour beaucoup d’étrangers venus de représente avant tout chaque une coin du destination monde, Maurice essentiellement touristique. Il est vrai que c’est le cas, puisque c’est une destination très prisée et très appréciée par les voyageurs en quête de sérénité sous un ciel bleu paradisiaque qu’offre l’île Maurice. Pour s’en rendre compte, il suffit de consulter les statistiques qui indiquent une nette progression du nombre de touristes qui viennent à Maurice chaque année. Cependant, au-delà de cette image carte postale d’une île ensoleillée avec ses paysages verdoyants, ses plages et ses cocotiers, il y a des choses bien plus intéressantes à découvrir dans cette petite île perdue au milieu de l’océan Indien. 2 Mesdames et messieurs, je voudrais aujourd’hui vous présenter cette île Maurice, vue sous un autre angle – sans doute moins attrayant du point de vue des loisirs mais plus prometteur du point de vue économique. L’île Maurice, comme on le dit souvent, est le microcosme du monde. Avec sa superficie de 1 865 km² et une population de 1,26 million d’habitants, elle réunit en son sein des gens venus d’horizons différents qui cohabitent dans la paix et l’harmonie culturelle et sociale. Comme nous le montre l’Histoire, c’est une île qui a été visitée successivement par les Arabes et les Portugais avant que n’arrivent les colons hollandais qui ont été ses premiers habitants. Elle a été par la suite colonisée par les Français de 1715 à 1810, d’où son nom d’autrefois, « Ile de France ». Et, en 1814, le Traité de Paris fit d’elle une colonie anglaise et elle le restera jusqu’au 12 mars 1968, date à laquelle elle devient un Etat indépendant. Depuis, l’île Maurice est un pays souverain, doté d’un système parlementaire de type britannique et faisant partie du Commonwealth. Elle abrite également des sièges régionaux comme la COI (Commission de l’Océan Indien – dont la France est membre) et le secrétariat général de l’IORA (Association des pays riverains de l’océan Indien). 3 Depuis le Ve sommet de 1993, Maurice est devenu membre de l’OIF (l’Organisation Internationale de la Francophonie). Grâce à ses excellentes relations diplomatiques avec la France, Maurice compte, au 31 décembre 2014, quelques 10 000 Français vivant à Maurice dont plus de 5 000 sont binationaux. A l’inverse, la communauté mauricienne vivant en France est de l’ordre de 50 000 personnes. Sur le plan démographique et social, Maurice est un pays peuplé de gens venus de plusieurs continents tels l’Afrique, l’Inde, l’Asie, l’Europe et Madagascar et, au fil du temps, il s’est produit un formidable métissage culturel qui constitue aujourd’hui la spécificité mauricienne de ce peuple qui parle à la fois l’anglais, le français et le créole mauricien. A l’heure actuelle, cela va de soi, qu’on ne déambule pas dans les rues mauriciennes sans croiser au hasard un Mauricien issu de la communauté, soit hindoue, soit musulmane, ou créole, ou encore chinoise ou blanche ! Mais au sein de cette grande diversité ethnique et culturelle où cohabitent les principales religions du monde, l’hindouisme, l’islam, le christianisme et le bouddhisme, chacun d’entre nous adopte avec fierté un savoir-vivre unique où l’interculturalité n’est pas un vain mot. Et tout ça n’est pas sans rebondissements dans les différents secteurs qui contribuent au développement du pays. 4 Ainsi, dans le secteur du tourisme, qui a fait de Maurice une destination prisée, le bilan statistique de la saison touristique de 2015 indique une augmentation de plus de 11% d’arrivées. A l’origine d’un tel succès se retrouvent en convergence deux paramètres incontournables : un effort de communication et une stratégie de diversification – auxquels se rajoutent la beauté naturelle des paysages mauriciens et les services de haute prestation offerts par le secteur de l’hôtellerie qui a su bénéficier d’un développement spectaculaire ces dernières années. Le tourisme génère un revenu si considérable que ce secteur occupe jalousement la place du troisième pilier dans l’économie mauricienne. Si le foisonnement de ce secteur repose de toute évidence sur la stabilité économique, sociale et politique, l’hospitalité mauricienne comme élément contributeur n’est pas à écarter. Et, dans les années à venir, l’industrie touristique est pressentie pour jouer un rôle des plus importants dans le développement de l’économie mauricienne. On notera, au passage, que, sur un million de touristes en visite à Maurice en 2015, près de 400 000 étaient des Français. Dans le secteur agricole, la diversification reste le maître-mot. Pendant longtemps, l’économie mauricienne était centrée sur la culture de la canne à sucre et du thé. Mais ce temps est largement révolu. 5 L’accent est à présent mis sur l’exploitation de nouveaux leviers de croissance favorisant la diversité. Même le secteur sucrier se tourne vers la diversification de ses activités. Ainsi, la bagasse, un résidu de production sucrière, autrefois négligée, est aujourd’hui exploitée dans la production d’énergie. Cependant, la diversification agricole n’a jamais signifié un abandon de la canne à sucre. Aujourd’hui, Maurice continue à exporter son sucre mais principalement vers les pays de l’Union européenne, et cela grâce aux accords spéciaux du Protocole Sucre de la Convention de Lomé dont Maurice est bénéficiaire. Les sociétés sucrières elles-mêmes n’ont rien perdu de leur savoir-faire et expertise dans le domaine agricole. Elles les mettent à profit dans la région où elles ont délocalisé leurs activités en rachetant des usines sucrières dans d’autres pays membres de la SADC (la communauté économique regroupant des pays de l’Afrique australe). En parallèle, et pour les besoins de la modernisation, ceux œuvrant dans l’horticulture, dans la production de fruits et de légumes et dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture sont encouragés à utiliser les nouvelles technologies. 6 Le gouvernement met beaucoup l’accent sur la formation des ressources humaines, à la fois pour relancer les activités dans ces secteurs, améliorer la qualité des produits de l’agriculture et pour protéger les ressources marines tout en se tournant davantage vers l’éco-marine. Conscient des problèmes liés à l’environnement, le gouvernement mauricien reste en vigilance permanente quant aux facteurs affectant la qualité de l’environnement naturel et œuvre en faveur de sa protection. Grâce à sa détermination, le pays est aujourd’hui classé parmi les pays à très faible émission de gaz à effet de serre (0.015% des émissions globales). Conscient également de la vulnérabilité du pays devant les impacts du changement climatique, le gouvernement demeure très actif au sein de l’AOSIS « l’Alliance des petits Etats insulaires en développement ». Le secteur manufacturier mauricien, bénéficiant largement des investissements venus d’Europe et de Hong Kong, met sur le marché de l’exportation toute une variété des produits allant de l’habillement à l’électronique légère en passant par les jouets. L'industrie du textile mauricien a su se tailler une réputation mondiale au milieu de grandes marques en valorisant le label « Made in Mauritius ». Aujourd’hui, la Zone Franche exportations mauriciennes. réalise environ 2/3 des 7 En somme, depuis l’Indépendance, le développement de notre petite île s’est fait à une vitesse fulgurante dans tous les domaines, qu’il s’agisse de la culture, de l’éducation, des sciences et de l’infrastructure, entre autres. Ainsi, Maurice a revu ses infrastructures portuaires en se dotant d’un port franc moderne, devenu aujourd’hui incontournable pour les activités maritimes de l’océan Indien. Par ailleurs, il existe à l’heure actuelle plus de 9,000 sociétés offshores dont la majorité se consacre au commerce en Inde et en Afrique du Sud. Parmi tous les secteurs clés de l’économie mauricienne, c’est sans doute le secteur des services qui est le plus apte à continuer la modernisation du pays si on songe, par exemple, qu’il y a, à l’heure actuelle, plus d’une trentaine de centres d'appel à vocation internationale implantés à Maurice. Mais le gouvernement, étant visionnaire, insiste beaucoup sur la recherche d’autres créneaux porteurs comme la biotechnologie, les essais cliniques et précliniques, les énergies renouvelables, l’océanographie et les technologies de l’information et de la communication, entre autres. C’est ainsi que le pays a procédé avec succès à la diversification en développant d’autres secteurs comme le textile, le tourisme et les services financiers en investissant massivement dans la construction d’une Cyber-cité pour promouvoir les communication informatisées. technologies ainsi que de le l’information traitement des et de la données 8 Il est évident que l’île Maurice est inscrite dans une dynamique qui bouge vers une diversification et elle est passée d’un pays en voie de développement au statut de pays industrialisé. De manière générale, au cours de ces dernières années, le pays a apporté des développements structuraux lui permettant de se préparer aux conditions d’une économie moderne car ce constant développement a renforcé les assises économiques. Si on considère le PIB, on notera que les principaux secteurs d’activités sont constitués de 5,5 % pour le secteur primaire (agriculture), de 25,3 % pour le secteur secondaire (industrie) et de 69,2 % pour le secteur tertiaire (services). L'économie, pour ainsi dire, repose dorénavant sur un secteur industriel et financier en pleine croissance dont le résultat est visible non seulement dans le développement des infrastructures mais aussi dans le PIB par habitant qui a atteint, en 2014, 9 630 $ – un des taux les plus élevés en Afrique Subsaharienne. Le taux de croissance en 2015 était de l’ordre de 3,4 % et le FMI a prévu 4 % pour l’année 2016. Selon l’indice de développement humain du PNUD 2015, sur le plan mondial, l’île Maurice est classée au 63ème rang sur 188 pays et, sur le plan africain, elle se trouve au premier rang parmi les pays africains. Il n’est pas étonnant que le secteur bancaire ait réalisé plus d'un milliard de dollars d'investissements permettant au pays de passer d'un pays au statut de bas revenus à un pays au 9 statut de revenus intermédiaires attirant par la même occasion des investissements importants. Cela a conduit à une performance économique remarquable qui a su résister à la récente crise financière mondiale. Pour avoir pu réaliser cette diversification économique sans ressources minières, le pays s’est donné les moyens en investissant massivement dans l’éducation (15% PIB), dans le capital humain (à travers l’éducation et le transport gratuits aux élèves du pré-primaire jusqu’au tertiaire), en protégeant les plus démunis (28% PIB), en leur offrant une couverture sociale, en rendant l’accès à la santé gratuit (10% PIB) et en leur offrant une couverture sous forme de pensions, entre autres. Aujourd’hui, l’île Maurice est entrée dans une nouvelle ère économique avec, à l’horizon, un nouveau défi qui se dresse devant les bâtisseurs de l’avenir. Mais cela ne nous empêche pas de nous donner comme ambition une image d’excellence en matière de fiscalité, d’investissements et de finances. De par son vaste potentiel et sa diversité, l’économie mauricienne nous indique combien elle renferme en elle toute une série d’opportunités d’ordre « géo-économiques » qui restent cependant à découvrir et à être exploitées. Et nous pensons que la mise en œuvre des relations économiques avec des partenaires idéaux pourra réaliser notre ambition. 10 Nous faisons donc tout le nécessaire pour maintenir des relations privilégiées avec tous nos pays-partenaires, que ce soit en Europe, en Inde, en Chine, en Afrique ou à Madagascar. Nous soignons davantage nos échanges avec nos partenaires régionaux à travers des organisations comme la SADC (Communauté du développement d’Afrique australe) et la COMESA (le Marché commun pour l’Afrique de l’est et du sud) et nous conservons des relations très fortes avec l’Europe et le Royaume Uni, les principaux destinataires de nos exportations. En somme, nous œuvrons en faveur d’un nouvel ordre économique mondial au sein duquel la République de Maurice pourra se frayer une place bien méritée. C’est pourquoi, le gouvernement mauricien, tout en misant sur la position géographique de l’île, favorise aujourd’hui une stratégie de développement axée sur les investissements étrangers. Nous faisons tout pour mettre en place un environnement économique stable et établir un cadre propice au monde des affaires afin de favoriser les échanges et garantir un accroissement des investissements étrangers dont la relance est une de nos priorités. Il prédomine à Maurice un climat des affaires attractif et il existe un optimisme ancré dans les esprits qui démontre une confiance générale dans l’avenir. 11 Les secteurs qui peuvent accueillir les investisseurs étrangers sont multiples, allant des secteurs de l’eau potable et de l’assainissement, de l’énergie, des infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, des activités maritimes et de la construction des « smart cities » entre autres. Grâce à l’image de sa politique extérieure et de son modèle économique, l’île Maurice offre tout un éventail de perspectives économiques à exploiter. Puisque l’objectif de l’Institut Choiseul est de « favoriser la performance et le rayonnement des institutions publiques et des entreprises françaises sur la scène internationale », nous sommes d’avis qu’on peut d’ores et déjà faire de cette rencontre un espace de dialogue et entamer une réflexion stratégique afin de développer entre nos deux Républiques un partenariat économique fructifiant. C’est dans un commun accord que nos deux pays pourront canaliser les compétences existantes, en produire des nouvelles et réunir les expertises nécessaires pour faire émerger ces opportunités. Au carrefour du monde de l’économie, on se doit d’être conscient des réalités du monde et de ses problèmes économiques afin de s’offrir de nouvelles perspectives de réflexion et d’action. Mais la politique économique de Maurice obéissant à une logique institutionnelle et républicaine, est fondamentalement guidée par des réflexions et des actions qui se veulent concrètes sans être pour autant moins ambitieuses. 12 Nous y croyons fermement et nous sommes plus que jamais déterminés à prendre des risques nécessaires et calculés parce que nous sommes visionnaires et nous croyons dans l’avenir collectif de nos deux Républiques. Maurice, en tant que Petit Etat insulaire en Developpement (PEID), et Pays Africain, mais aussi passerelle entre l’Afrique et l’Asie, doit assurer un processus de développement durable et en même temps, préserver la biodiversité précieuse du pays. Le plus grand défi auquel tous les pays africains, y compris les PEID, sont maintenant confrontés, est de parvenir à une innovation rapide vers l'énergie verte et la sécurité alimentaire durable dans une ère de bouleversements climatiques continue. En tant que Présidente de Maurice et Scientifique, j’ai tenu à apporter mon soutien à l’organisation, en Juin prochain, d’un Women’s Forum à Maurice, qui pendant deux jours, les 20 et 21 juin, réunira des experts, décideurs et chefs d’entreprises, autour des problématiques liées au changement climatique. Ce Forum, qui représente une application pratique de la COP 21, réunira plus de 400 participants, autour de nombreuses conférences et ateliers qui traiteront de l’impact du changement climatique sur l’agriculture, l’environnement et la biodiversité, avec notamment la présence de Nicolas Hulot, et Laurent Ballesta qui interviendront sur ces domaines, mais aussi la santé, avec le soutien de Sanofi, et l’énergie, avec la participation de Total. 13 Nous aborderons également les avancées technologiques dans ces domaines et l’économie frugale verte, tout en mettant en lumière la voix des femmes sur ces principaux enjeux économiques et sociaux. Le leadership, la vision et l'ingéniosité des femmes sont essentielles si nous devions mieux protéger la biodiversité et l'avance de l'action climatique dans le monde. Le Women’s Forum Mauritius mettra en vedette des femmes qui sont à l'avant-garde des mouvements du climat et de la biodiversité, avec leurs homologues masculins, lors de cette réunion unique, qui renforcera, je l’espère, les capacités et l'autonomisation des participants. Nous avons besoin de soutien pour organiser cet évènement, et nous comptons sur votre aide financière, mais aussi sur votre participation, afin de faire de cette manifestation un succès. D’autant plus que c’est la première fois qu’elle aura lieu dans un état insulaire et aussi en Afrique. Jacqueline Franjou, CEO du Women’s Forum que je vois dans la salle, ne manquera pas de vous renseigner sur ce sujet si vous le souhaitez. Le programme est disponible à la sortie, n’hésitez pas à vous en procurer. Sur ce, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre aimable attention.