13-a-Molino:Mise en page 1 23/09/10 15:32 Page 99 Sortir du regard européen À propos de la Prospérité du vice de Daniel Cohen Jean Molino* No man is an island, entire of itself. John Donne LE dernier livre de Daniel Cohen, la Prospérité du vice. Une intro1 duction (inquiète) à l’économie , offre une grande fresque, aussi claire et brillante que ses précédents ouvrages et qu’on lit toujours avec le même intérêt et le même plaisir. De quoi s’agit-il ? De rien moins que d’une brève histoire économique de l’humanité, des chasseurscueilleurs à la crise économique et financière d’aujourd’hui et aux défis qui attendent la planète. Pourtant, malgré ses grandes qualités ou précisément à cause d’elles, l’ouvrage laisse insatisfait. Résumons en une formule ce qui peut gêner un « citoyen du monde » : l’Occident y apparaît comme le seul sujet de l’histoire, l’histoire du monde n’est plus que le monologue intérieur de l’Europe. L’Occident, seul sujet de l’histoire ? Dans son ouvrage The Wealth and Poverty of Nations, David Landes proposait, pour symboliser l’opposition entre riches et pauvres, de substituer à l’ancien couple Nord-Sud2 l’opposition de l’Ouest au « Reste » (du monde), qui offrait l’avantage d’avoir, outre sa force de slogan rimé, une portée non seulement géographique mais surtout * Professeur honoraire à l’université de Lausanne. Voir son précédent article dans Esprit : « Les métamorphoses de l’Europe culturelle », juillet 2000. 1. Daniel Cohen, la Prospérité du vice. Une introduction (inquiète) à l’économie, Paris, Albin Michel, 2009. 2. David Landes, The Wealth and Poverty of Nations, Londres, Little, Brown and Company, 1998 (“The West and the Rest”, p. xx-xxi). 99 Octobre 2010