- 2. Dans le système de droit germanique on connaissait en revanche un système
opposé.
Le testament était inconnu. La propriété reposait sur l’idée de copropriété familiale. Les biens
d’une personne ne sont pas sa propriété individuelle et exclusive. Ils sont affectés à
l’ensemble de son groupe familial donc à son décès, ils doivent aller à l’ensemble du groupe.
Chaque personne a envers sa famille, le devoir de lui transmettre ses biens à son décès. Dans
ce système, la dévolution des biens est réglée par la loi qui organise la constitution de la
famille. Historiquement, ce système était passé en France dans les pays de coutumes. Le
testament ne s’y est introduit que de façon limitée et il conférait non pas la qualité d’héritier
mais la qualité inférieure de légataire. C’est cette idée qu’exprimait l’adage, « En
France, institution d’héritier n’a lieu ». Toutefois, en même temps que la réserve héréditaire
est devenue un droit de créance, cet adage a beaucoup perdu de sa véracité.
Le droit positif français a réalisé une transaction entre ces deux systèmes.
Depuis 1804, la liberté testamentaire est reconnue mais limitée dans bien des cas par
l’institution de la réserve héréditaire qui correspond à la quotité de la succession qui revient à
certains héritiers du sang : les descendants et à leur défaut, le conjoint survivant.
Depuis la loi du 23 juin 2006 et la mise en oeuvre d’une égalité en valeur, il n’est plus certain
que l’on puisse considérer le statut de légataire comme étant inférieur au statut d’héritier. La
réserve s’analyse en un droit de créance, on l’a vu. On peut même renoncer à l’action en
réduction pour l’atteinte à la réserve au moyen d ‘une « renonciation anticipée à l’action en
réduction pour atteinte à la réserve » (RAAR) dans les conditions des articles 929 et suivants
C.civ.
Inexorablement, le droit successoral français se rapproche d’un système individualiste.
Dans la conception germanique, les règles légales du droit successoral ne pouvaient être mises
en échec que par un testament unilatéral, révocable par le testateur jusqu'à son décès.
Le droit français, lui connaît aussi l’institution contractuelle c’est-à-dire la désignation d’un
successeur irrévocable par contrat. L’institution contractuelle n’est autorisée
qu’exceptionnellement et par contrat de mariage. Toutefois, le caractère irrévocable de
l’institution a perdu de sa superbe depuis la réforme du divorce du 26 mai 2004, on admet que
toutes les libéralités à cause de mort entre époux sont caduques en cas de divorce, en ce
compris l’institution contractuelle issue d’un contrat de mariage.
L’intérêt d’une institution contractuelle faite par contrat de mariage est qu’elle peut profiter
au conjoint et aux enfants. En pratique, cependant on la rencontre très rarement en raison
faible nombre de contrats de mariage et du nombre croissant des divorces.
Ceci exposé, on voit qu’il existe aujourd’hui encore, des limites à la volonté du de cujus sur
la dévolution de ses biens même si elles sont actuellement repoussées par le droit positif.
La loi de 2004 réformant le divorce puis la loi de 2006 réformant les successions
assouplissent les principes directeurs de la succession même si contrairement à certaines
propositions, la loi du 23 juin 2006 n’a pas remis en cause les quotités réservataires au profit
des descendants puisque en présence de 3 enfants et plus, la réserve héréditaire est demeurée
de ¾ de la succession alors que Monsieur le Professeur Pierre Catala avait proposé à
l’occasion de la préparation de la réforme de 2006 une réserve des 2/3 au maximum en
présence de deux enfants et plus.