LE MODELE PRESTO
Un nouvel outil de projections macroéconomiques et financières
pour la Caisse Française de Développement
par Gérald COLLANGE et Eric JOURCIN1
PRESTO est un modèle de projections macroéconomiques et financières conçu en
1993 à la Caisse Française de Développement (CFD), par la Division de l'Ajustement et de la Macro-
économie, pour le cadrage macroéconomique des pays relevant de son champ d'intervention. La
construction et la gestion de ce modèle, qui requièrent un nombre limité d'informations, a permis
d'étendre le suivi macroéconomique de la CFD à de nombreux pays2.
PRESTO est écrit sur EXCEL (version 4.0) qui est le tableur standard de la CFD.
C'est un outil particulièrement convivial qui tient en une seule feuille de calcul et utilise moins de 0,5
méga de mémoire. Sa résolution est très rapide, soit une minute environ pour simuler 5 années de
projection. Des boîtes de dialogue à choix multiples, exprimées dans un langage courant, guident
l'utilisateur lors de sa session de travail, quelle que soit la tâche qu'il souhaite accomplir : réalisation
d'une simulation, choix d'un scénario central et de variantes, visualisation ou impression des résultats,
sorties graphiques.... La simplicité de ce modèle et sa gestion peu coûteuse facilitent son utilisation
par des non-spécialistes.
I - LA STRUCTURE GENERALE DU MODELE PRESTO
PRESTO un modèle de type keynésien simple : le PIB marchand est déterminé à
partir des différentes composantes de la demande. Ce modèle, qui intègre un certain nombre de
relations de comportement, repose sur un découpage de l'économie en deux secteurs : un secteur
marchand qui produit un seul bien composite destiné à la consommation, à l'investissement et à
l'exportation ; un secteur non-marchand (administration). Pour certains pays, caractérisés par une
activité dominante, par exemple le pétrole au Gabon, le découpage de l'économie peut
éventuellement isoler un troisième secteur.
Les prix internationaux des importations et des exportations sont exogènes en
devises. On considère que les pays sont "price-taker", c'est-à-dire que le prix du marché mondial
s'impose à eux. Leur valeur sur le marché intérieur et en monnaie locale varie en fonction du taux de
1 Gérald COLLANGE et Eric JOURCIN sont économistes à la Caisse Française de Développement.
2 Le modèle TABLO, également utilisé par la CFD, est un modèle multisectoriel basé sur un TES. De ce fait, il ne peut
être appliqué que sur un nombre limité de pays disposant de comptes nationaux suffisamment élaborés. En outre, la
gestion de cette génération de modèles, qui nécessite de longs travaux, n'a pas permis d'étendre son utilisation au-
delà de quelques pays.
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change et des taux de taxation. Le prix des biens produits localement dépend du coût des facteurs
primaires (consommations intermédiaires et salaires).
La plupart des recettes fiscales de l'Etat sont endogènes. Elles sont données par
application d'un taux de taxation exogène sur les assiettes correspondantes aux différents impôts ou
sur des agrégats de substitution. Les dépenses courantes sont traitées comme des variables de
politique économique : elles sont exogènes en valeur. Les intérêts versés à l'extérieur sont calculés
par le modèle et varient en fonction de l'évolution des taux de change. Le besoin de financement de
l'Etat est couvert par des emprunts intérieurs et extérieurs.
Au niveau des comptes extérieurs, le modèle calcule le solde de la balance des biens
et services non facteurs, de la balance courante et de la balance globale. Le service de la dette
acquise (amortissement + intérêts) est ajusté automatiquement par le modèle en fonction des
hypothèses sur l'évolution des taux de change des principales devises de règlement. Le service de la
dette nouvelle résulte des hypothèses sur le taux d'intérêt, le montant et la répartition en devises des
nouveaux emprunts. Le bouclage des comptes extérieurs s'effectue sur la variation des avoirs
extérieurs nets.
Le système bancaire agrège les banques commerciales et la banque centrale
(situation monétaire). Son comportement est très simplifié. La distribution des crédits au secteur
public est exogène et la variation des avoirs extérieurs nets provient de la situation extérieure. La
demande de monnaie est liée au revenu nominal à travers la vitesse de circulation de la monnaie. La
contrainte monétaire est par conséquent soldée sur les crédits à l'économie.
II - LES PRINCIPALES RELATIONS DU MODELE PRESTO
II.1. L'équilibre ressources-emplois
Le PIB au prix du marché, en volume, est déterminé par la somme de la
consommation privée (CP) et publique (CG), de l'investissement privé (IP) et public (IG), des
exportations (EX) moins les importations (IM)3:
vol
PIB TI CP CG IP IG EX IM+=++++
Le PIB en valeur s'obtient bien évidemment en multipliant chaque composante par le
prix correspondant. Le déflateur du PIB résulte alors du rapport du PIB en valeur sur le PIB en
volume.
La consommation privée en volume est liée à la consommation retardée et au revenu
disponible YD déflaté par l'indice des prix à la consommation (PC) :
tt
t
t
CM fCM YD
PC
=
1,
Le revenu disponible des ménages en valeur est égal au revenu brut moins l'impôt sur
le revenu. Le revenu brut des ménages (Y) en valeur est constitué par la somme des revenus de
l'agriculture vivrière et d'exportation, des revenus du travail urbain privé et public, des transferts nets
versés par l'Etat et l'extérieur. Les revenus sont projetés de manière relativement sommaire : ceux de
l'agriculture vivrière et d'exportation progressent au rythme de croissance des productions4 et des prix
3 Les variables surmontées d'un tiret sont exogènes. Le symbole $ désigne les variables exprimées en devises.
4 La production des cultures de rente peut être projetée de manière exogène ou à partir d'une fonction d'offre
agricole de type Nerlove, qui fait dépendre la production du prix réel aux producteurs.
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aux producteurs (exogènes) ; les revenus du travail privé sont liés, avec des effets d'inertie, aux
évolutions du PIB marchand et du taux de salaire ; la masse salariale de la fonction publique est égale
au produit des effectifs par le taux de salaire (variables de politique économique). Les transferts sont
exogènes.
Les dépenses de consommation publique (CG) correspondent aux dépenses
primaires (hors investissement et intérêts) de l'Etat. L'investissement public (IG) est exogène.
L'investissement privé (IP) est projeté en volume : soit de manière exogène, pour les
pays où sa part dans l'économie est marginale ; soit de manière endogène, par exemple en relation
avec le volume de l'investissement public (IG), en supposant que ce dernier, lorsqu'il est notamment
destiné à l'entretien des infrastructures, favorise l'investissement privé5.
Les exportations sont ventilées en deux grandes catégories :
- les exportations primaires qui comprennent généralement plusieurs produits dont
le nombre peut varier selon les pays6. Elles sont projetées en volume de manière
exogène ;
- les autres exportations de biens et services non facteurs qui sont liées au PIB en
volume et au ratio du prix des exportations en monnaie nationale (PE) sur le prix
des biens fabriqués localement et destinés au marché intérieur (PD). Toute
élévation de ce ratio se traduit par une hausse du volume des exportations. Cette
formulation correspond à l'hypothèse d'un petit producteur "price-taker".
t
t
t
EX f PIB, PE
PD
=
Les importations de biens sont agrégées et modélisées à partir de fonctions
traditionnelles qui lient le volume des importations au PIB (effet revenu) et au rapport des prix
extérieurs en monnaie nationale sur les prix intérieurs (effet compétitivité)7 :
t
IM ft
PIB ,t
PM
t
PD
=
avec PM qui symbolise le prix des importations sur le marché intérieur et PD le prix des biens
fabriqués localement et vendus sur le marché intérieur. Une hausse du prix des importations
relativement à celui des biens intérieurs se traduit par une augmentation de la consommation de
produits locaux au détriment des biens d'importation. Les valeurs des élasticités-prix et volume sont
estimées pour chaque pays à partir d'une analyse économétrique8.
II.2. Les prix et les salaires
Les prix sont normalisés et exprimés sous forme d'indice base 1 à l'année de base
(voir encadré 1). Le prix, hors taxes, des biens produits localement et vendus sur le marché intérieur
dépend du coût des facteurs de production (consommations intermédiaires et salaires) auxquels
5 Les études économétriques les plus récentes tendent en effet à confirmer la thèse de la complémentarité entre
l'investissement privé et public. Se reporter à SERVEN L. et SOLIMANO A., "Private Investment and Macroeconomic
Adjustment, an overview", WPS 339, The World Bank, december 1989 ; GREEN J. et VILLANUEVA D., "Private Investment
in Developing Countries", IMF Staff Paper, 38, 1991 et BLEANEY M. et GREENAWAY D., "Adjustment to External
Imbalance and Investment Slumps in Developing Countries", European Economic Review, 37, 1993.
6 Par exemple, le modèle sur la Centrafrique distingue 5 produits primaires : café, coton, tabac, bois et diamants.
7En ajoutant l'hypothèse d'un ajustement partiel du volume d'importations effectif à celui des importations désirées.
8 Les importations des pays hors zone franc sont déterminées sur la base de fonctions à pénurie de devises.
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s'ajoute un taux de marge (mu)9. Le prix à la consommation (PC) est calculé à partir d'une moyenne
pondérée du prix des biens importés (PM), des biens vivriers (PV), des tarifs publics (PSP) et des
autres biens produits localement (PD). Le prix des consommations intermédiaires et des biens
d'investissement (PI) est une moyenne pondérée du prix des biens d'importation (PM) et des biens
produits localement (PD).
Les prix mondiaux des importations et des exportations sont exogènes en devises
(hypothèse de "price taker"). Le prix des importations sur le marché intérieur est lié au prix mondial en
devises (PWM$), au taux de change effectif nominal (ENM) qui correspond à une moyenne pondérée
des taux de change bilatéraux du dollar et du franc français et au taux des droits de douane (tm). En
fixant le prix PM par le biais du taux de change et (ou) des droits de douane, on peut influer sur le
système des prix relatifs et donc sur le niveau des importations. Le prix des exportations sur le
marché intérieur est lié au prix international en devises ( PWE$), au taux de change effectif nominal
(ENX) pondéré sur la base de la destination géographique des exportations, et aux taux des taxes
(te).
Les salaires sont également exprimés en indices. On distingue les salaires privé et
public qui peuvent être, selon le choix de l'utilisateur, indexés sur l'indice des prix à la consommation
ou déterminés de manière exogène.
II.3. Les comptes de l'Etat
Les ressources de l'Etat sont constituées par les recettes fiscales (RF), les recettes
non fiscales (RNF) et les transferts extérieurs sans contrepartie (TSCP) (voir encadré 2).
La plupart des recettes fiscales (RF) sont endogènes. Elles sont calculées en
appliquant un taux d'imposition apparent sur l'assiette correspondante, soit : les salaires publics et
privés pour l'impôt sur le revenu des ménages, le PIB de l'année précédente en valeur pour l'impôt sur
les sociétés, la consommation des ménages en valeur pour les taxes indirectes, la valeur CAF des
importations de biens et services pour les taxes sur les importations, la valeur des exportations pour
les taxes sur les exportations. Les autres recettes fiscales et les recettes non fiscales (RNF) qui se
prêtent mal à la modélisation et les transferts extérieurs sans contreparties (TSCP) sont projetés de
manière exogène.
Les dépenses courantes de l'Etat comprennent : les salaires (SALG) qui résultent de
l'évolution des effectifs (variable de politique économique) et du taux de salaire moyen (qui peut être
exogène ou indexé sur l'indice des prix à la consommation) ; les dépenses de matériels (DEPG), les
transferts et subventions (TG) et les autres dépenses courantes (ADEPG) qui sont exogènes en
valeur ; les intérêts à payer (INTG), correspondant à la somme des intérêts dûs sur la dette extérieure
et intérieure, sont calculés par le modèle.
9 Cette représentation constitue une simplification de la réalité. Seule l'inflation par les coûts est prise en compte.
Pour tenir compte de l'inflation par la demande, il conviendrait d'endogénéiser le taux de mark-up, par exemple en
liant celui-ci au taux d'utilisation des capacités de production.
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ENCADRE 1
Les prix dans le modèle PRESTO
Prix des biens vendus sur le marché intérieur
ttt
PDHT PCI w mu=++
12
1
αα
...()
α1, α2 = part des consommations intermédiaires et des salaires dans la production
Prix à la consommation
tt t t t
P
C
PV PM PSP PD
=+ + +
12 3 123
1
θθ θ θθθ
.. .( ).
avec ttt
PD PDHT ti
=
+
.1
θi = part des produits vivriers, des biens importés et des services publics dans la consommation
ti = taux des taxes indirectes.
Prix des consommations intermédiaires
tt t
PCI PM PD
=+
.().1 χ = part des biens importée
Prix de l'investissement
tt t
P
I
PM PD
=+
γ
γ
.().1 γ = part des biens d'investissement importée
Prix des importations sur le marché intérieur
tt
PM PWM ENM tm
=+
$..( )1 tm = taux de taxation des importations
Prix des exportations sur le marché intérieur
t
t
PE ENX PWE
te
=+
.$
1 te = taux de taxation des exportations
Taux de change effectifs nominaux
tt
m
t
fm
ENM E E
=
$.
αα
1 αm = part des importations libellée en dollars
tt
X
t
fX
ENX E E
=
$.
αα
1 αx = part des exportations libellée en dollars
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