présentation JMHarribey_121213_V3 modifié par JMH

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Stage « financements publics » SNES du 13 décembre 2012
Présentation Jean-Marie Harribey
(économiste, membre de la fondation Coppernic et d'ATTAC France)
au sujet des financements publics
Mon intervention se fera en 3 parties :
1. le contexte : la crise capitaliste ;
2. les réponses apportées par tous les gouvernements des différents pays, dont le
nôtre ;
3. et enfin, un peu de théorie.
1) La crise globale du capitalisme : une crise économique, sociale et écologique
L' « ajustement structurel » est la réaction des classes dominantes à la crise alors que la
dette publique est une conséquence de la crise et non la cause !
Le TSCG et le MES sont des réponses de « verrouillage » des dépenses publiques.
Or, la crise capitaliste ne se caractérise pas par l'arrêt de la croissance mais par la baisse
de la rentabilité du capital. Le taux de rentabilité du capital s'est inversé aux USA,
dans les pays du G4 ou du G3 dès les années 1960, soit bien avant le choc pétrolier.
Pour rétablir la rentabilité du capital, il y a donc eu financiarisation de l'économie
mondiale et dévalorisation généralisée de la condition salariale.
Le rapport du FMI de 2007, juste avant la crise, a montré que le chômage augmentait et
que la progression des salaires était inférieure à celle de la productivité.
Le rapport COTIS, de l'INSEE, a montré en 2009 que la part des salaires dans la valeur
ajoutée brute des sociétés non financières avait chuté de 10 points en France par
rapport au pic de 1982 et de 5 points par rapport à la moyenne des 30 Glorieuses. Il y
a stabilité depuis 1990 après la baisse rapide de 1982 à 1989.
Le nouveau rapport du BIT, sorti vendredi dernier, montre que la part du gâteau allant
aux riches a augmenté.
La crise des subprimes de 2007 est la conséquence de la triple incapacité de la finance à :
• créer de la valeur
• aller au-delà de la surexploitation de la force de travail ce qui provoque une
suraccumulation. De là impossibilité à écouler les marchandises produites,
avec des salaires qui évoluent moins vite que la production, d'où le recours au
surendettement :
• faire reculer les limites de la planète malgré la tentative de tout marchandiser.
La dette publique ne provient pas d'un trop haut niveau de dépenses publiques.
La dépense publique a certes augmenté, mais sa part dans le PIB est stable depuis le
milieu des années 1990. Il y a eu, en revanche, une légère modification à l'interne,
avec des dépenses de prestations sociales en augmentation tandis que les
investissements ont légèrement baissé.
L'augmentation de la dette publique s'explique par celle du déficit public. Le déficit
annuel étant compensé par l'emprunt sur les marchés financiers, plus le déficit
augmente, plus l'endettement augmente.
L'augmentation du déficit public est due avant tout au recul des recettes publiques.
Le taux marginal d'imposition sur les revenus a baissé dans tous les pays entre 1996
et 2007 : il est passé de 65 % à 40 % en France.
De même, l'impôt sur les sociétés a baissé dans tous les pays : il est passé de 45 à
33,33 % en France. Les grandes entreprises sont celles qui y échappent le plus : ainsi,
celles du CAC 40 ne paient que 8 % d'IS.
Trois rapports récents en France disent la même chose (Champsaur et Cotis, Carrez,
celui de la Cour des Comptes) : le niveau de la dette publique ne serait pas celui que
l'on connaît s'il n'y avait pas eu cette baisse des impôts.
2) Les politiques actuelles
• Le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) ou
« Pacte budgétaire »
L'adoption du TSCG induit l'obligation de ne pas dépasser 0,5 % du déficit public
« structurel » du PIB. La notion de « déficit structurel » vise à ne tenir compte que
des caractéristiques dites « structurelles » du déficit, et non de celles qui sont liées à
la conjoncture. Or, aucun économiste n'est capable, malgré une formule alambiquée,
de définir précisément le thermomètre pour caractériser ce « déficit structurel ».
Les pays sont donc enjoints de baisser leurs dépenses structurelles.
Les budgets nationaux seront désormais soumis à la Commission européenne pour
approbation. Aucun pays ne doit pas avoir un taux de dette publique qui dépasse la
limite imposée de 60 % du PIB. Sinon, il s'expose à des sanctions financières. Il s'agit
d'une austérité perpétuelle, avec impossibilité d'engager une transition écologique et
sociale.
• Le MES
Le mécanisme européen de stabilité a été mis en place à la suite du FESF (fonds
européen de stabilité financière).
Il s'agit d'une institution financière qui n'a pas de statut bancaire.
Les banques peuvent se re-financer auprès de la BCE, mais pas le MES qui devra
emprunter sur les marchés financiers.
• La décision de la BCE du 6 septembre 2012
La BCE a été obligée d'amender un peu les dogmes de Maastricht. Elle n'a toujours
pas le droit de racheter des obligations publiques sur le marché primaire, mais elle
pourra, pour calmer le jeu, racheter sans limite les titres sur le marché secondaire
(marché de l'occasion), c'est-à-dire les racheter aux institutions financières qui les ont
achetées sur le marché primaire.
La monnaie injectée dans ces achats d'obligations publiques sera stérilisée par la
vente des obligations privées qu'elle a dans ses caisses, ce qui signifie qu'il n'y aura
pas d'augmentation de la masse monétaire.
La création monétaire est donc verrouillée, tout comme les budgets publics sont
verrouillés.
La BCE reste une fausse banque centrale européenne.
3) Un peu de théorie en 3 points
• le crédit est nécessaire
• le déficit public n'est pas un drame
• il y a un travail productif dans les services non marchands
A) Le crédit est nécessaire
La création monétaire est le solde des nouveaux crédits bancaires et des
remboursements.
Les banques ordinaires assurent le plus gros de cette création monétaire par un jeu
d'écriture (monnaie dite scripturale). Les banques centrales créent aussi de la monnaie
dite centrale lorsqu’elles refinancent les banques ordinaires, convertissent des devises ou
lorsque qu’elles prêtent aux États, ce que les traités européens interdisent.
La création monétaire peut servir à financer soit une économie productive soit la
spéculation : c'est le choix du financement de la spéculation qui a été fait dans la période
néolibérale au sein de la zone euro.
Tout développement économique, qu'il soit de bonne ou de mauvaise qualité, a besoin de
création monétaire (cf. J.M. Harribey, « Le mystère de la chambre forte » dans Le piège
de la dette publique, http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/monnaie/chambre-forte.pdf)
B) Le déficit public n'est pas un drame car le bon Etat est celui qui est en déficit
La règle comptable du circuit économique est qu'en fin de cycle, il y a trois soldes qui
doivent s'équilibrer :
• le solde des crédits à l'économie privée (F- S) : crédit aux entreprises – épargne
des ménages
• le solde des crédits à l'étranger (X – H) : exportations – importations
• le solde des crédits aux administrations publiques (T – G) : taxes – dépenses
publiques
On a donc l'équation (F - S) + (X – H) + (T – G) = 0
Or, on ne peut pas avoir un excédent commercial éternel (car cela signifierait que
l’étranger finance notre économie en permanence), ni une épargne intérieure nette
éternelle (l’économie nationale financerait l’extérieur) : c'est donc le déficit de l'Etat qui
amorce le circuit.
A l’échelle mondiale, s'il y a déficit public, il y a alors création de la monnaie ; à
l'inverse, s'il y a excédent public, il y a destruction de la monnaie.
La recherche d’excédents extérieurs à tout prix ne peut être réalisée par tous
simultanément. C’est donc une attitude non coopérative.
C) Il y a un travail productif dans les services non marchands
On a coutume de penser que le travail productif correspond uniquement au travail salarié
dans le secteur capitaliste. Or, il y a aussi un travail productif dans le secteur non
marchand.
Les capitalistes anticipent les débouchés pour leurs marchandises et les collectivités
publiques anticipent les besoins collectifs en investissant dans l'emploi public.
Les impôts et les cotisations sociales ne sont pas prélevés sur le seul PIB marchand, mais
sur un PIB déjà augmenté du résultat de l'activité non marchande.
Le prélèvement obligatoire est la résultante d'un prélèvement sur une activité
économique qui a été grossie par les salariés du secteur non marchand.
C'est une grosse erreur de considérer que le secteur non marchand serait « parasitaire ».
Les prélèvements obligatoires sont des suppléments obligatoires pour satisfaire les
besoins collectifs ; les impôts ne « financent » pas les dépenses publiques (au sens où
« financer » signifie « avancer l'argent ») mais il les « paient » (au sens où il s'agit d'un
paiement socialisé).
Il y a trois moments dans l'activité économique :
1.
l'anticipation
2.
la réalisation
3.
la distribution et le paiement (individuel ou collectif)
L’économie non marchande n’est pas parasitaire. Si on a la maîtrise de l’outil monétaire,
l’anticipation de l’avenir est possible. Or, on l’a perdue au sein de la zone euro et on
passe sous les fourches caudines de la finance. D’où l’importance de retrouver
conjointement le contrôle de la monnaie et des budgets publics.
Points en débat :
Faut-il fiscaliser la protection sociale ? Faut-il fusionner IR et CSG ? Quelle
progressivité ? Que recouvre la notion de montant du revenu maximum ? Il faut agir à
tous les niveaux.
Place au débat
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