tÀI
idées
originale!
d'I ïowarâ
Becker
pour
enseigner
la
sociologie
besoin
d'un contact
avec
les
jeunes
générations
et la transmission
«expériences.
C'est
ce que je
pressentais
quand je lui demandai l'au-
torisation
d'assister
pendant un
semestre
à l'un de ses cours.
J'avais
obtenu une bourse
Fulbright,
en 1983,
pour
suivre la vie
du département
de
Northwestern
University à Evanston (banlieue
résid«muelle
du
nord
de Chicago), ce qui me conduisit à participer aux
réunions pédagogiques,
à suivre certains cours ou
séminaires,
à
écou-
ter des
conférences
internes. Je fus donc un observateur silencieux du
cours
d'Howard
Becker sur
Yieldwork
methods,
de niveau
licence-maîtri-
se,
qui avait
lieu
pendant deux
heures
tous les mardis et jeudis matins.
Ce-cours
s'adressait
à une vingtaine
d'étudiants,
en enseignement
Optionnel.
Je raconterai cette
expérience
avec
mon
interprétation
personnelle
car nous n'avons
jamais
discuté
de ses intentions. Ce
sera
M:'$B»
contribution en
forme
d'hommage à quelqu'un qui a mis à la
disposition
de la
communauté
des sociologues un ensemble de
réfle-
xions
et de propositions
pour
l'enseignement, non seulement
auprès
de quelques
thésards
ou
jeunes
chercheurs mais
dans
les cours
adres-
sés
aux
étudiants
de
DEUG
ou de
deuxième
cycle.
OBSERVATION
D'UN
COURS
DE II.
S.
BECKER
arrive,
ponctuel, à
neuf
heures, de son pas nonchalant, bavardant
r«juelque étudiant rencontré
par hasard à la sortie du
métro
et qui
'Comme
lui du centre de Chicago. Blouson de sport, chemise à
aux,
jeans
avec
ceinturon,
un
livre
à la main :
tout
cela
ne
fait
pas
ji,0m
classique
et. de
fait,
il n'a pas le style des professeurs et des
cadres
rejoignait
la fac au
même
moment, en costume-cravate et l'atta-
*e. Mais son allure
décontractée
ne l'assimile pas non plus à
l'in-
ijffteeruel
de
gauche,
vitupérant
ou pensif, ni au
maître entouré.
Sa
,41M-
de cours est surprenante.
I!
a refuse
d'enseigner
dans
une
salle
^^Hjhttnelle
avec
pupitres ou tables.
Il
a choisi une
salle
obscure
dans
Ut
soussoi
du
bâtiment
universitaire, une
salle
dans
une
cave,
que
m"
personne ne revendique. Cette
pièce
obscure,
avec
juste un soupn-ail
.en
guise
de
fenêtre,
sans
bureau ni
chaise,
sans
table ni
bibliothèque
dont
la porte donne sui un
couloir
qui ne
dessert
que le
débarras
du
matériel
pour
le personnel d'entretien, est sa
salle
préférée.
Elle
est
bizarrement
meublée
de
sièges dépareillés achetés
à la brocante,
avec
un
ou deux vieux fauteuils, un
canapé
ainsi qu'un tableau au mur.
Chacun
prend place
dans
une disposition plus ou moins circulaire1
Des
étudiants préfèrent
s'asseoir
à terre, dos contre le mur. Par la
porte
restée
ouverte, on
voit
passer
des ouvriers qui viennent chercher
seaux
et balais,
habitués
à ce professeur
étrange,
enseignant
sans
solennité.
De temps à autre, un
étudiant
se
lève
et va chercher une
boisson
chaude au distributeur
dans
le
couloir,
quelques
apartés
à
voix
basse
ont
lieu
mais l'ambiance est
plutôt
à
l'attention.
Le
cours est
l'opposé
de la
conférence
magistrale, il se rappro-
che
plutôt
d'une discussion ouverte entre pairs. Les
étudiants
inter-
viennent,
échangent.
Le travail de
préparation n'apparaît
pas mais ce
serait trompeur de crou-e le cours
improvisé.
A chaque
séance,
Becker
a un
dième
en
tête
: un
livre,
un
événement
social,
l'actualité
nationa-
le ou locale, une
péripétie
de la vie universitaire, une
thèse
ou un
•
travail
d'étudiant
qu'il
vient
de
lire,
il centre la discussion sur un sujet
inattendu
tiré
du monde social mais
connu
de l'auditoire. Le but du
cours est de transformer les observations courantes de la vie
quoti-
dienne ou les
réflexions
ordinaires sur les comportements en
vérita-
bles
problèmes
sociologiques. Quelle
interprétation
tirer
du
fait
'évoqué
? Comment
analyser
les
réactions
des acteurs, des journalistes
qui
reportent, des
témoins
d'une
péripétie
?
Il
parle
sans
note, rappel-
le les faits, lance des
pistes
et ouvre la discussion. Parfois il abandon-
ne le cours et
laisse
les
étudiants échanger
seuls
; il se
lève
pour
boire
fleuri Mentiras dans ie souvenir de son passage à Chicago
décrit
un
décor
simi-
laire
:
«
Chez
Uoyd Warner, le
séminaire
se tenait dans une sorte de salon où,
affalés
dans des sofas profonds, nous discutions les premiers
résultats
de
Yankee-City.
»
Comment
devenir
sociologue
?« Actes Sud », 1995, p. 46.
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