La sociologie de la connaissance
Association Française de Sociologie
RT 10 Sociologie de la connaissance
Nous proposons dans cet appel à communications de rechercher ensemble cet aspect
contre-nature du construit social d’une part, et de la société comme représentation d’autre
part. La société comme univers symbolique et symbolisé, tel qu’elle apparaît dans les œuvres
de nombreux sociologues, celles des fondateurs ou celles des sociologues de la modernité. La
société construit ses propres catégories de la connaissance, comme le relèvent déjà Emile
Durkheim et Marcel Mauss dans leurs œuvres majeures. D’autres vont chercher leurs outils
d’analyse dans les phénomènes naturels, dans des séquences de comportements (rappelons
que la discipline appartient aux sciences du comportement dans le monde anglophone). Les
sociologues initiés par Howard Hughes, ce dernier à l’écoute de Robert E. Park, vont chercher
dans l’empirie les sources de leurs concepts, telle la grounded theory.
1. Les classifications indigènes
Ce sont celles de l’identification de peuples, que les Allemands désignaient par Natür l-
ker, à certains animaux qui, comme le rappellent Marcel Mauss et Emile Durkheim dans De
quelques formes primitives de classification, créent des classifications qu’ils pensent être
simples, car elles sont souvent binaires. Or, chez les Fang du Gabon, les hommes, les gorilles
et les chimpanzés appartiennent au même groupe ; on peut donc dire que la comparaison et
l’identification à un animal ne portent pas, comme l’évoquent les fondateurs de la sociologie,
à un changement d’essence, puisqu’hommes et grands singes se trouvent dans les mêmes ca-
tégories, mais à l’appartenance à une même catégorie fondée sur l’observation et la comparai-
son. Nous n’allons pas évoquer les catégories élémentaires de la parenté, mais nous interroger
sur les classements, et la mise en relation d’une chose, d’un groupe avec d’autres éléments
recueillis.
Vertement tanpar son directeur de recherches, le philosophe Wilhelm Windelband, Ro-
bert E. Park a retenu de cette douloureuse leçon lors de la soutenance de sa thèse, le soin qu’il
aurait fallu mettre à rapporter les données à un concept et à relier ces concepts entre eux. Son
écologie, qui reflète les cours de géographie qu’il avait suivis à Straßburg (Strasbourg) et à
Heidelberg, cherche, comme il le fit pour l’étude de l’épidémie de diphtérie sur laquelle il
avait travaillé en tant que journaliste, à tracer le topos de l’invasion, de la contagion, concepts
à la fois d’urbanisme, d’écologie et de communication.
Les concepts de la sociologie américaine vont devenir, comme le relate Everett
Hughes dans son journal rédigé à Francfort en 1948, nos drôles de concepts. Ils vont con-
naître une nouvelle fortune avec les étudiants de W. F. Whyte à The University of Chicago :
Becker, Strauss, Glaser. La catégorisation de la sociologie va relever de l’étude de cas, d’un
cas exemplaire ou d’une théorie élaborée grâce à l’empirie.
Il n’y a pas si loin entre les formes considérées comme élémentaires de la classification, et
celles élaborées par une construction logique d’un cas particulièrement bien étudié et qui de-
vient un type, une construction sociale.
2. Le point de vue constructiviste
Le point de vue constructiviste est aujourd’hui le mieux partagé en France en sociologie,
jusqu’à devenir presque un lieu commun. L’ouvrage de Berger et Luckmann est le best seller
de la sociologie française, il sert d’outil à l’analyse du modernisme, à l’évocation de la rela-
tion interindividuelle, au regard phénoménologique sur le social.
Tous les thèmes et concepts de la sociologie reflètent la construction sociale ; on pourrait
penser en langage gurvitchien qu’ils portent la trace des cadres sociaux de la connaissance qui
les a vues naître, des écoles de pensée dont ils émanent : ils ont traversé l’espace et le temps.
Berger et Luckmann n’échappent pas non plus à l’historicité de leurs concepts : issus des
œuvres de G. H. Mead, de Cooley, de W. James, ils sont aussi le reflet d’un mode assez par-
kien, l’on définit un espace social en le délimitant en tant qu’objet sociologique par des
interactions réciproques entre des entités institutionnelles et sociales. Ils opèrent une synthèse
originale entre la philosophie allemande de la fin du XI siècle et du XX° siècle et
l’expérience du journaliste en quête de news, c’est-à-dire en quête d’une histoire comme il
l’exprime lui-même.
3. la société comme représentation
Dans l’ouvrage Comment parler de la société (2009), Howard Becker nous rappelle que de
nombreux supports peuvent nous aider à l’évoquer, à la montrer sous un aspect ou un autre :
œuvres de fiction, films, romans, œuvres picturales. Howard Becker voit la société dans les
diagrammes présentés par Everett Hughes sur les ateliers de travail cohabitent les mondes
noirs et les mondes blancs, ou dans une communauté urbaine québécoise entre le gradient de
la direction d’entreprises anglophone, et la qualité d’employé des francophones. Chez
W .F. Whyte, la description graphique du circuit pour obtenir la clôture du terrain de base-ball
du North End de Boston montre les réseaux d’influence des gangs, des représentants au Sénat
régional et de la police. En somme, le fait minuscule ainsi que la représentation majestueuse
de la société contribuent à mettre en scène la société en mouvement par l’intermédiaire des
processus sociaux. Les représentations artistiques peuvent devenir le repère d’un moment,
souvent dramatique, elles peuvent aussi faire société : ainsi, la société immigrée italienne lor-
raine retrouve en partie ses racines italiennes dans les œuvres de fiction du cinéma italien à
Villerupt (Moselle) lors du festival annuel du cinéma italien (Leveratto, 2010).
Plus souvent, les sociologues font usage de métaphores par analogie pour désigner la so-
ciété et lui trouver un sens spécifique, une connotation voire quelquefois une construction, qui
sous une forme abrégée traduisent un système qu’ils ont élaboré et qui devient pour eux une
typification. La société liquide de Zygmunt Baumann serait l’expression de la modernité et de
la labilité des liens sociaux, alors que pour Jan Spurk la société serait au contraire un bâti-
ment, une façade et des habitants qui montrent la diversité des points de vue. Pour Jacob Mo-
reno, l’inventeur de la thérapie de groupe, le théâtre était le lieu de la représentation de la so-
ciabilité, celui des processus d’interactions joués et vécus, celui de l’expression du mal-être,
en somme, celui d'un champ cathartique, dont il espérait qu’il se transforme en instrument de
guérison.
Nombre d’auteurs filent la métaphore en tant que moyen pédagogique, en tant que figure
de style de l’espace et du temps social, de l’intérieur et de l’extérieur de la société ou comme
représentation de la condition humaine. Selon Wolf Lepenies, ce serait la troisième culture de
la sociologie, celle qui allie les arts, la littérature et la science. Aux États-Unis, à Chicago,
Robert E. Park, ne faisait-il pas lire aux futurs sociologues Emile Zola, une littérature natura-
liste devenue le parangon de la sociologie ?
Nous nous interrogerons ensemble sur les usages, les rôles, les fonctions sociales, les rap-
ports avec le sens commun et l’empirie des classifications, des constructions sociales et des
représentations de notre discipline.
Les propositions de communication sont à envoyer à Antigone Mouchtouris, Jean-Marc
Leveratto (Université de Lorraine), ou à Francis Farrugia (Université de Franche-Comté).
Date limite : le 30 janvier 2015.
Nous attendons un titre, un résumé d’une dizaine de lignes et vos coordonnées person-
nelles, y compris celles du laboratoire d’accueil, ainsi que votre statut (jeune chercheur, en-
seignant-chercheur ou chercheur CNRS).
Antigone Mouchtouris ([email protected])
Jean-Marc Leveratto ([email protected])
Francis Farrugia ([email protected])
UFR SHS UFR SLHS
Université de Metz-Lorraine Université de Franche-Comté
Île du Saulcy CS 60228 30 rue Mégevand
57045 Metz Cedex 1 25030 Besançon Cedex
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