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uotidien
Le
des Journées Francophones de Radiologie
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L’IRM du parenchyme pulmonaire : une option aujourd’hui réaliste
François Laurent, Gaël Dournes
Service de radiologie diagnostique et thérapeutique, groupe hospitalier Sud, CHU de Bordeaux. Université de Bordeaux, Centre de
Recherche Cardio-Thoracique, INSERM 1045.
L’IRM pulmonaire a fait l’objet d’intenses recherches ces dernières décennies mais n’a jusqu’ici pas convaincu les imageurs de son
utilité pratique, face à l’excellente imagerie morphologique possible en scanner. Les progrès techniques et le besoin de diminuer les
irradiations répétées peuvent conduire à un changement de paradigme du « tout scanner » en imagerie pulmonaire. Parce que la
résolution spatiale submillimétrique est possible, la richesse des contrastes offerte par l’IRM pourra montrer tout son intérêt. Il n’est
pas surprenant que les applications les plus convaincantes soient celles qui concernent les sujets jeunes souffrant de maladies chro-
niques, au premier rang desquelles la mucoviscidose.
L’IRM est une technique peu utilisée aujourd’hui en routine clinique pour
l’exploration des affections du parenchyme pulmonaire, alors que ses
indications en imagerie oncologique et pour l’exploration des vaisseaux
pulmonaires sont routinières. Les besoins en imagerie augmentent
pourtant de façon constante dans les maladies chroniques pulmonaires
pour lesquelles l’irradiation répétée en scanner pose de très sérieuses
questions d’innocuité, malgré les progrès réalisés en économie de
dose. Du fait de sa structure, le poumon est en effet particulièrement
peu adapté à l’IRM : sa densité protonique est très faible (0,1 g/ml) et
les innombrables micro-interfaces entre l’air et les parois alvéolaires
sont à l’origine d’une importante hétérogénéité locale de champ magné-
tique (ou effets de susceptibilité magnétique), et donc d’un signal du
parenchyme pulmonaire extrêmement faible avec les séquences d’IRM
classiques. La faible teneur en proton du parenchyme aéré, la faible
résolution spatiale et les artefacts des mouvements cardiaques et respi-
ratoires ont donc été les principaux obstacles à l’utilisation de l’IRM dans
les maladies broncho-pulmonaires chroniques.
Pourtant, l’IRM est une technique particulièrement séduisante parce
qu’elle est non irradiante, qu’elle permet une analyse globale des struc-
tures thoraciques, et enn parce que le contraste de l’image n’est pas
monoparamétrique comme en scanner, mais peut être pondéré par les
temps de relaxation, la densité de proton, la diffusion des molécules
d’eau, la perfusion tissulaire, la ventilation etc. Ces contrastes permet-
tant d’appréhender les phénomènes de perfusion, de ventilation, de
diffusion et d’envisager un rôle à l’IRM qui soit complémentaire à celui
du scanner, comme par exemple différencier inammation et brose.
Des techniques spéciques d’IRM fonctionnelle ont été développées au
niveau du poumon avant que ne soit décrite une méthode sufsamment
robuste pour permettre l’acquisition d’images morphologiques, et ce fut
un obstacle à leur utilisation. Avec l’apparition des séquences à temps
d’écho ultracourt, l’IRM devient enn une technique morphologique plus
performante, encore inférieure au scanner en termes de robustesse et
de résolution spatiale, mais néanmoins de qualité diagnostique suf-
sante, permettant de percevoir les anomalies structurales pulmonaires
et bronchiques et de les superposer aux modications de perfusion, de
ventilation, de diffusion, etc. Ces progrès dans l’imagerie morphologique
ouvrent le champ très large des capacités de l’IRM fonctionnelle.
Ces progrès sont permis parce que de nouvelles séquences à temps
d’écho ultracourt sont proposées pour pallier la décroissance très rapide
du signal pulmonaire. Elles permettent d’accélérer la vitesse d’enco-
dage, de s’affranchir des artefacts habituels de cette imagerie pulmo-
naire à TE ultracourts et d’obtenir une résolution submillimétrique qui
permet de visualiser les parois bronchiques et de détecter la présence
de signal au sein du parenchyme pulmonaire.
L’intérêt du suivi par l’IRM dans la mucoviscidose est logiquement la
meilleure indication actuelle compte tenu de l’intérêt de l’imagerie dans
le suivi de ces sujets jeunes et des nouvelles perspectives thérapeu-
tiques qui vont encore augmenter la durée de vie de ces patients dans
les prochaines années. La visualisation des bronches, qui sont des
structures de petite taille, dans un environnement pauvre en protons et
riche en interfaces air-tissu générateurs de microchamps magnétiques
et de déphasage, ne permettait pas jusqu’ici d’obtenir ne serait-ce
qu’une visualisation sufsante de ces structures, et donc une analyse
qualitative et quantitative des lumières, épaisseurs, du signal, etc.
La comparaison d’une série de patients enfants et adultes porteurs
d’une mucoviscidose a conrmé qu’une technique de temps d’écho
ultracourt pouvait remplacer le scanner dans cette indication en appor-
tant les mêmes informations structurales sur les bronches et leurs ano-
malies, avec des performances égales au scanner pour déterminer le
score de Helbich-Bhalla (1).
La BPCO et l’asthme sont des problèmes majeurs de santé publique
dont les deux composantes pathologiques principales, emphysème
et remodelage bronchique, bénécient de plus en plus du dévelop-
pement de thérapeutiques ciblées. La quantication de l’emphysème
est fondamentale pour le phénotypage et pour le suivi sous traitement
des patients. Cette quantication est aujourd’hui bien standardisée en
tomodensitométrie, au prix cependant d’une irradiation non négligeable,
croissante avec la répétition des examens. La plupart des études utili-
sant l’IRM étaient donc basées sur l’étude de
la perfusion et de la ventilation pulmonaire,
de réalisation complexe. Le développement
récent des séquences à temps d’écho ultra-
court (UTE) permet d’échantillonner le signal
très tôt avant sa décroissance, limitant ainsi
les effets de susceptibilité magnétique. Des
résultats prometteurs en IRM UTE ont déjà
été publiés chez le petit animal et sont à
l’étude chez l’homme dans ces indications.
L’utilité de l’IRM a été démontrée avec les
séquences classiques dans le diagnostic de
bronchocèle. Aux critères morphologiques
identiques à ceux du scanner (aspect en V
ou Y), s’ajoutent les critères d’intensité du
signal : un bronchocèle apparaît hyperintense
en T2 et hypointense en T1 en raison de son
contenu muqueux très riche en eau. Dans
le cas particulier de l’ABPA, les bronchocèles
présentent un hyposignal T2, analogue mais
plus sensible que l’hyperdensité observée en
scanner. Une communication présentée par la
SIT au cours de ces JFR montre l’intérêt de sa
détection spécique et précoce par l’IRM dans
le cadre de la mucoviscidose (Fig. 1).
Le scanner thoracique joue actuellement un rôle fondamental dans la
prise en charge des patients atteints de pneumonies inltrantes diffuses
(PID), en particulier de la brose pulmonaire idiopathique, pour laquelle il
est un des piliers de la stratégie diagnostique initiale, dans la mesure où
le diagnostic peut être porté sur les seules anomalies décrites au TDM.
Actuellement, l’IRM utilisant des séquences adaptées et principalement
les séquences à TE ultracourt permet de décrire les principaux patterns
identiés en scanner dans les PID, avec une résolution plus faible et
sans que la robustesse de la méthode et sa reproductibilité aient été
conrmées. Il n’est pas surprenant que l’IRM ait été d’abord proposée
pour explorer les PID de l’enfant. Grâce à ces nouvelles séquences per-
mettant une analyse morphologique ne, toutes les données fournies
par l’étude des contrastes (perfusion, diffusion, ventilation, inamma-
tion) seront analysables et corrélables aux données morphologiques.
Ces études pourraient permettre de mieux appréhender la physiopatho-
logie des différentes PID et peut-être de dénir des prols de patients «
exacerbateurs » ou « répondeurs au traitement ».
La possibilité d’explorer par l’IRM dans le même temps la plèvre, la paroi
et le médiastin est certainement, comme un scanner, un avantage de
la technique. L’exploration morphologique et fonctionnelle du cœur en
constitue un autre, l’étude combinée du cœur et poumon étant à l’évi-
dence instructive dans les maladies de système et la BPCO. L’IRM pul-
monaire a donc probablement une place importante dans l’exploration
morphologique du poumon, que les recherches à venir préciseront.
Référence
1 - Dournes G, Menut F, Macey J, et al. Lung morphology assessment of cystic brosis using
MRI with ultra-short echo time at submillimeter spatial resolution. European Radiology
2016.
En savoir
Séance scientique
Nouveautés techniques
et sémiologiques
du parenchyme et des
vaisseaux pulmonaires
17h30 - 18h45
Salle 251
Fig. 1. IRM (A, B) et TDM (C, D) pulmonaire réalisée chez une enfant de 9 ans avec une mucovis-
cidose connue et réalisée au décours d’une exacerbation. L’IRM morphologique, à l’aide d’une sé-
quence 3D-UTE (A), montre un inltrat radiologique sans bronchogramme aérien. Un complément
de caractérisation à l’aide d’une séquence pondérée en T2 (B) révèle la présence de bronchocèles
au sein de l’inltrat, en hyposignal T2 homogène et marqué, tandis que la condensation adjacente
est en hypersignal T2 liquidien. On note une bonne concordance sur l’aspect morphologique entre
IRM UTE et TDM en fenêtre parenchymateuse (C), tandis que l’hyposignal T2 des bronchocèles
est concordant avec des hyperdensités en TDM en fenêtre médiastinale (D). Les dosages immu-
nologiques ont démontré la présence d’une aspergillose pulmonaire broncho-allergique avec une
culture positive pour Aspergillus fumigatus.