
procèdent souvent selon des méthodes rassises, sinon très
rationnelles9. Mais si l'origine du chant est présentée comme
une voix extérieure à l'aède, il est nécessaire d'étudier
comment, et à quel point, l'être humain assimile cette parole
qui lui est communiquée.
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La figure de l'aède inspiré
Les méthodes comparatistes permettent de percevoir les
similitudes qui, à l'origine, ont été établies entre la fonction
d'interprète religieux et celle de chantre inspiré, dans diverses
traditions indo-européennes. Dans les hymnes védiques, en
effet, la déesse Vâc, la Voix, se glorifie d'accorder sa faveur à
deux types de médiateurs que G. Dumézil définit ainsi: « ce
sont les hommes sacrés comme elle-même, les prêtres. Au
cours de longues études en effet, elle leur donne puissance
d'action (ugrám) et puissance de pensée (sumedhram). Elle en
distingue deux types: le brahmán et le rsi l'un plus lié aux
formules et aux gestes immuables du culte, l'autre ouvert à la
création poétique, à peu près “l'officiant” et le “voyant” (ou
“l'inspiré”) ».10 Vac patronne donc les deux catégories de
Toute une tendance de la critique minimise la part d'irrationalité qui
marque toute expérience divinatoire chez les Grecs. Ainsi, P. Amandry
a-t-il
tenté de montrer que le délire de la Pythie était sans doute plus atténué qu'il ne
paraît (Cf. La mantique apollinienne à Delphes. Essai sur le fonctionnement de
l'oracle, Paris, de Boccard, 1950, p. 23, 47, 66-77; contra R. Flacelière,
Devins et oracles grecs, Paris, 1965, P. U. F., p. 71). De son côté, M. Casevitz
évoque "la divination grecque traditionnelle, pleine de sens" (Les devins
des tragiques, CGITA, 4, 1988, p. 129. Cf. aussi p. 115: "Considérant les
premières attestations du mot μάντις, chez Homère et chez les poètes
archaïques, on a pu voir que le devin μάντις apparaissait comme un homme de
savoir, (...) sans pour autant apparaître en transes" et Mantis: le vrai
sens,
R. E. G., 105, Janvier- Juin 1992, p.
1-18).
Voir aussi sa bibliographie
sur la question, qui est ici annexe.
Apollon sonore et autres essais. Esquisse de mythologie, Paris,
Gallimard, 1982, p. 18. Cf. RV X 125, 5: "C'est moi, de moi-même, qui
prononce ce qui est goûté des dieux et des hommes. Celui que
j'aime,
celui-là,
112 Noésis n°l
9 Toute une tendance de la critique minimise la part d'irrationalité qui
marque toute expérience divinatoire chez les Grecs. Ainsi, P. Amandry
a-t-il
tenté de montrer que le délire de la Pythie était sans doute plus atténué qu'il ne
paraît (Cf. La mantique apollinienne à Delphes. Essai sur le fonctionnement de
l'oracle, Paris, de Boccard, 1950, p. 23, 47, 66-77; contra R. Flacelière,
Devins et oracles grecs, Paris, 1965, P. U. F., p. 71). De son côté, M. Casevitz
évoque "la divination grecque traditionnelle, pleine de sens" (Les devins
des tragiques, CGITA, 4, 1988, p. 129. Cf. aussi p. 115: "Considérant les
premières attestations du mot
μαντις,
chez Homère et chez les poètes
archaïques, on a pu voir que le devin uctvriç apparaissait comme un homme de
savoir, (...) sans pour autant apparaître en transes" et Mantis: le vrai
sens,
R. E. G., 105, Janvier- Juin 1992, p.
1-18).
Voir aussi sa bibliographie
sur la question, qui est ici annexe.
10 Apollon sonore et autres essais. Esquisse de mythologie, Paris,
Gallimard, 1982, p. 18. Cf. RV X 125, 5: "C'est moi, de moi-même, qui
prononce ce qui est goûté des dieux et des hommes. Celui que
j'aime,
celui-là,
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