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LES DENTS MOUSTÉRIENNES DE LA GROTTE BOCCARD,
LIEU-DIT BAS-DE-MORANT
(COMMUNE DE CRÉANCEY, CÔTE-D’OR, BOURGOGNE)
THE MOUSTERIAN TEETH FROM THE BOCCARD CAVE, BAS-DE-MORANT
(MUNICIPALITY OF CRÉANCEY, CÔTE-D’OR, BOURGOGNE)
Bruno MAUREILLE 1, François DJINDJIAN 2, María Dolores GARRALDA 3, 1, Alan MANN 4, Bernard VANDERMEERSCH 1
RÉSUMÉ
La grotte Boccard se situe sur le territoire de la commune de Créancey en Côte-dʼOr. Une stratigraphie assez simple
y a été dé nie avec une couche moustérienne qui a livré trois dents humaines permanentes : une incisive latérale supérieure
gauche, une deuxième prémolaire supérieure droite et une deuxième molaire inférieure droite. Les études morphologique
et métrique, descriptive et comparative de ces vestiges nous permettent de les intégrer dans la variabilité des dents
néandertaliennes et de les exclure de celle des Homo sapiens sapiens récents. Ces dents sont saines, de dimensions
moyennes. On ne note aucun trait particulier, si ce nʼest pour la molaire inférieure qui présenterait, peut-être, une importante
calci cation de la pulpe dentaire.
Mot-clés : Paléolithique, Moustérien, Néandertalien, dent, molaire, prémolaire, incisive.
ABSTRACT
The Boccard cave is located in the Créancey municipality of the Côte-d’Or. A clear stratigraphy has been de ned
with a Mousterian layer in which three human permanent teeth were discovered: a lateral upper left incisor, an upper
second right premolar and a lower second right molar. The metrical and morphological, descriptive and comparative
studies of these remains enable us to integrate them within the variability of Neanderthal teeth and to exclude them from
the variability of recent Homo sapiens sapiens. The Boccard cave teeth have no evidence of pathology, their dimensions
are average and they present no special characteristics, except perhaps the lower molar, which may present a voluminous
calci cation of its pulp.
Keywords: Palaeolithic, Mousterian, Neanderthal, tooth, molar, premolar, incisor.
1. UMR 5199, PACEA, Laboratoire d’Anthropologie des Populations du Passé, Université Bordeaux 1, avenue des Facultés, 33405 Talence CEDEX,
France, e-mail : [email protected]
2. Université Paris I-Panthéon Sorbonne, 3 rue Michelet, 75005 Paris et UMR 7041-ArScAn, Maison René Ginouvés, 21 allée de l’Université,
92023 Nanterre CEDEX, France.
3. UD de Antropología Física, Facultad de Biología, Universidad Complutense de Madrid, Ciudad Universitaria, 28040 Madrid, España.
4. Department of Anthropology, Princeton University, NJ 08544 USA.
Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, n.s., t. 20, 2008, 1-2, p. 59-78
Manuscrit reçu le 30 mai 2005, accepté le 5 novembre 2008
60 b. maureille, f. djindjian, m.d. garralda, a. mann, b. VandermeersCH
Elle s’ouvre dans une falaise de calcaire bajocien à
environ 500 mètres d’altitude et s’élève à une quarantaine
de mètres au-dessus de la rive droite d’un vallon où coule
encore un ruisseau traversant le hameau de Baume-les-
Créancey, en direction de la vallée de l’Armançon. Le site
est situé sur la ligne de partage des eaux entre la vallée de
l’Armançon (bassin de la Seine) et la vallée de l’Ouche
(Bassin de la Saône), non loin du tunnel du canal de
Bourgogne.
La grotte est profonde d’une douzaine de mètres,
large de deux à quatre mètres, ouverte sur sept mètres de
hauteur avec une orientation plein sud.
Elle fait partie d’un réseau karstique complexe
du massif bajocien qui s’ouvre sur la falaise sur trois
étages. Au niveau le plus élevé, se trouve une ligne
d’abris et de grottes sans remplissage visible, dont l’une
a toutefois livré une sépulture protohistorique sous un
éboulis cryoclastique. Au niveau intermédiaire, la grotte
Boccard est unique, avec un remplissage d’environ
deux mètres de puissance, en partie d’origine cryoclastique
et endokarstique, en partie arrivé via le réseau karstique
par solifluxion. Au niveau inférieur, en pied de falaise,
des ouvertures sont encore actives aux périodes de forte
humidité.
La grotte Boccard a été découverte à la fin des
années soixante par le docteur Boccard, médecin à Dijon,
qui y a effectué des fouilles paléontologiques jusqu’en
1973 (Thévenot 1978). La découverte de quelques pièces
d’industrie lithique dans la collection du docteur Boccard
par le directeur de la circonscription archéologique de
l’époque, J.-P. Thévenot, l’a amené à prendre la décision
d’y effectuer des fouilles programmées, qu’il a placées
sous la responsabilité de l’un de nous (F.D.). Le site
a fait l’objet de fouilles programmées de 1974 à 1980.
Fig. 1 - Localisation géographique de la grotte Boccard.
Fig. 1—Location of the Boccard cave.
PRÉSENTATION DU GISEMENT
Les coordonnées de la grotte Boccard à Créancey
(Côte-d’Or ; fig. 1), selon le système ED50 ou UTM
(méridien de Greenwich), sont X (longitude) = 04°35’12"
et Y (latitude) = 47°14’52" (carte IGN 25 000e : 2923E,
Pouilly-en-Auxois).
les dents moustériennes de la grotte boCCard, lieu-dit bas-de-morant 61
Il avait également fait auparavant l’objet de fouilles
clandestines, dont le matériel a été heureusement restitué.
Mais, avant 1974, plus des trois quarts du remplissage
avait été « fouillé » à l’intérieur de la grotte. Les fouilles
programmées ont concerné moins de 4 m2 à l’intérieur de
la grotte, sur la totalité du remplissage, et 10 m2 sur la
terrasse, sur un remplissage en grande partie vidangé. Le
site a été protégé et clôturé.
Le remplissage de deux mètres de puissance, se
mêlent des sédiments d’origine karstique, cryoclastiques et
éoliens (?), est lacunaire et évènementiel. La stratigraphie
relevée sur une coupe transversale présente la séquence
suivante (fig. 2) :
1/2/3 Humus cendreux. Vestiges de faune domestique
et d’industries mésolithiques, protohistoriques et
historiques ;
Fig. 2 - Vue du remplissage sédimentologique
de la grotte Boccard.
Fig. 2—View of the stratigraphy of the Boccard cave.
4A/4B Plancher d’effondrement : gros blocs anguleux
aux arêtes émoussées ;
4C/4’ Limon jaune clair très caillouteux avec galets
arrondis et corrodés et fragments de calcite sans
blocs ;
51 Limon brun avec galets arrondis et corrodés.
Rares blocs. Gravettien ;
52 Limon brun foncé avec galets arrondis et
corrodés. Rares blocs. Gravettien ;
5’ Plancher d’effondrement ;
53 Limon loessique brun jaune vert avec plaquettes
anguleuses aux arêtes émoussées. Sédiment
friable. Loess ?
61 Argile limoneuse brun rouge. Sédiment
grumeleux et plastique. Blocs rares. Plaquettes
anguleuses aux arêtes émoussées ;
62 Lentille jaune clair de limon sableux avec petits
galets très corrodés et recouverts de manganèse.
Fragment de pierre gravée ;
64 Argile limoneuse brun rouge. Sédiment
grumeleux et plastique. Blocs rares. Plaquettes
anguleuses aux arêtes émoussées ;
63 Plancher calcitique en partie bouleversé avec
blocs de stalagmite ;
6’ Plancher d’effondrement ;
65 Argile limoneuse rouge brique. Sédiment
homogène, plastique, avec inclusions de nodules
argileux jaune clair, traces de ferromanganèse
et plaquettes peu anguleuses aux arêtes
émoussées. Moustérien.
Le niveau moustérien, enrobé dans la couche 65,
témoigne d’une occupation installée sur le plancher de
la grotte, à l’intérieur et sur la terrasse surplombant le
vallon. L’industrie du niveau moustérien est caractérisée
par de rares outils en chaille et en silex, principalement
des racloirs et des pointes obtenues par débitage Levallois.
On note une absence totale de vestiges de débitage mais la
présence d’esquilles de façonnage, dues au seul ravivage
des outils. La présence de nombreuses esquilles d’os brûlés
témoigne de l’existence de foyers, qui ont été lessivés.
La faune de la série collectée par le docteur Boccard
sans repérage stratigraphique a été déterminée par
F. Poplin. Elle a livré les espèces suivantes : Elephas
primigenius (mammouth), Equus caballus (cheval),
Rangifer tarandus (renne), Bison priscus/Bos primigenius
(bovidé), Ursus spelaeus (ours des cavernes), Crocuta
spelaea (hyène des cavernes), Canis lupus (loup),
Alopex lagopus (renard polaire), Marmota marmota
62 b. maureille, f. djindjian, m.d. garralda, a. mann, b. VandermeersCH
(marmotte), Lupus sp. (lièvre), Mustella sp. (hermine).
Les fouilles Djindjian de 1974 à 1980 ont livré dans le
niveau moustérien les espèces dominantes suivantes :
cheval, lièvre et renne, sans la présence de faune des
cavernes.
Les trois dents ont été découvertes en 1977 et 1978
dans les vestiges du niveau moustérien piégé dans les
cuvettes du plancher de la terrasse (fig. 3 et cf. infra).
La détermination des micro-mammifères a été
effectuée par J.-C. Marquet. La couche moustérienne 65 a
livré les espèces suivantes : Lemmus lemmus, Discrotonyx
torquatus, Microtus malei, Arvicola terrestris, témoignant
d’un climat froid et sec pour le niveau moustérien.
L’analyse palynologique, réalisée par J. Argant, n’a
pas livré suffisamment de pollens pour permettre une
diagnose statistique du paléoclimat.
Fig. 3 - Vue de la terrasse où ont été trouvées les dents
néandertaliennes (zone hachurée).
Fig. 3—View of the terrace where the Neanderthal
teeth were found (hatched area).
LE CONTEXTE DE DÉCOUVERTE
DES DENTS HUMAINES
Quand, en 1974, la décision fut prise d’effectuer
des fouilles archéologiques programmées dans la grotte
Boccard, il ne subsistait déjà plus à l’intérieur de la grotte
que deux témoins du remplissage. C’est pour cette raison
que, de 1974 à 1977, les travaux ont concerné l’étude
de ces deux derniers témoins subsistants pour tenter de
reconstituer une stratigraphie et les différentes occupations
de la cavité. La terrasse d’accès à la grotte était constituée
d’un éboulis récent tombé de la falaise et recouvert des
déblais des terrassements effectués par le docteur Boccard,
laissant peu de certitudes à l’éventualité de l’existence
de couches en place. Avant de clore le chantier, à la fin
de la campagne d’été 1977, il fut néanmoins décidé
d’effectuer un sondage à l’entrée de la grotte, sur la
terrasse, pour vérifier cette hypothèse. C’est à la base
de ce sondage, dans un lambeau de niveau moustérien et
dans les derniers jours de la fouille, que fut trouvée et
reconnue la première dent humaine par l’un d’entre nous
(F.D.) : une deuxième prémolaire supérieure.
En accord avec le directeur de la circonscription, les
fouilles archéologiques furent prolongées d’une année,
en 1978, pour fouiller l’ensemble de la terrasse sur une
surface de 10 m2 environ, jusqu’au plancher rocheux,
ce qui permit de clôturer proprement le site l’année
suivante. Les niveaux archéologiques avaient été
lessivés, mais il restait quelques lambeaux du niveau
moustérien, piégés dans des cuvettes et scellés par des
blocs d’effondrement. C’est dans ces lambeaux du niveau
archéologique moustérien qu’ont été découvertes en
1978 deux autres dents humaines. Les trois vestiges ont
donc été trouvés groupés sur une surface d’environ 2 m2.
Aucune autre pièce archéologique du niveau 65 n’a pu
être déterminée comme humaine à l’intérieur de la grotte
ou sur la terrasse.
Trois dents humaines ont donc été mises au jour. Il
s’agit de dents permanentes, fonctionnelles.
GB 77 C13 C65 3 est une deuxième prémolaire
supérieure droite. Elle a été découverte le 4 août 1977
au fond du sondage B13/C13 dans le carré C13, dans
la couche 65 scellée dans les blocs du plancher de la
terrasse.
GB 78 B14 C5 26 est une incisive latérale supérieure
gauche. Elle a été découverte le 29 juillet 1978 dans le
carré B14, couche 5ccm, coordonnées x = 51, y = 64,
z = 173. La couche 5ccm est la base de la couche 5,
au contact direct de la couche 65 dont le sommet est à
l’altitude moyenne de 170 cm. La pièce appartient donc
beaucoup plus vraisemblablement à la partie supérieure
du niveau 65.
GB 78 B13 C65 66 est une deuxième molaire
inférieure droite. Elle a été mise au jour le 7 août 1978
dans le carré B13, couche 65, coordonnées x = 77, y = 35,
z = 177.
Après leur étude et leur publication, les restes
humains seront déposés au musée de Dijon (Côte-d’Or).
ÉTAT DE CONSERVATION
Les dents sont en bon état de conservation avec de
petites pertes de matière, probablement post mortem.
les dents moustériennes de la grotte boCCard, lieu-dit bas-de-morant 63
– GB 77 C13 C65 3, la P4 d, présente un manque
de 3,5 × 1,5 × 1 mm sur la moitié distale de la face
vestibulaire au niveau du collet qui entame légèrement
la couronne (fig. 4). Nous pensons qu’il s’agit d’une
perte récente. La dent est fendue à différents endroits,
verticalement au niveau des racines, verticalement et
horizontalement au niveau de la couronne.
– GB 78 B14 C5ccm 26, la I2 g, montre un manque
de 4,4 × 2,3 mm sur la face distale de la couronne (fig. 5).
C’est selon nous un manque récent, les bords cassés de
l’émail ne montrant aucun poli. De plus, une fente partage
en deux la couronne en son milieu dans un plan mésio-
distal. À nouveau cette fracture nous paraît récente,
probablement la conséquence de la mise au jour du
vestige, comme cela se présente souvent même si toutes
les précautions nécessaires sont prises pour faire sécher
la dent le plus lentement possible. Le diamètre vestibulo-
lingual sera ainsi légèrement surestimé. La fente se
poursuit ensuite sur presque toute la hauteur de la racine
en s’orientant dans un plan plus oblique au plan vestibulo-
lingual.
Fig. 4 - GB 77 C13 C65 3 (P4 d), 1 : face mésiale, 2 : face linguale, 3 : face distale,
4 : face vestibulaire, 5 : face occlusale, 6 : radiographie selon la face distale.
Fig. 4—GB 77 C13 C65 3, (right P4), 1: mesial view, 2: lingual view, 3: distal view,
4: buccal view, 5: occlusal view, 6: X-ray of the tooth through the distal surface.
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