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La place du marché
dans l’économie belge
La nouvelle
gouvernance d’Internet
Enjeux et conséquences
Taux de marge
Focus sur l’économie belge :
Indicateurs clés
Secteur du commerce de détail
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la place Du marché
Dans léconomie belge
la plaCe du marChé
dans léConomie belge
The plaCe of markeT in belgian eConomy
Auteur : Bruno Kestemont
Statistics Belgium 1
résumé
La loi du 14 mars 2014 prévoit «le calcul
d’une série d’indicateurs complémen-
taires en vue de mesurer la qualité de
vie, le développement humain, le pro-
grès social et la durabilité de notre éco-
nomie, ainsi que leur intégration dans
les publications existantes reprenant
les indicateurs économiques tradition-
nel». Comme contribution à cette pro-
blématique, nous donnons une estima-
tion grossière de l’importance des flux
totaux de biens et de services, monéta-
risés ou non, présents ou non dans le
calcul du PIB. L’échange comptabilisé
représenterait en Belgique moins du
septième des flux de biens et services.
Le PIB en recenserait moins du tiers. On
est loin de ce que l’on pourrait attendre
d’une «économie de marché». Dans le
contexte du développement durable et
du paradigme de la décroissance, une
définition plus large de l’économie se-
rait donc plus pertinente au regard de
l’importance des flux concernés.
Mots clé: marché, réciprocité, nature,
flux des biens et services, décroissance
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la place Du marché
Dans léconomie belge
absTraCT
As a contribution to the «beyond GDP»
debate, we give a rough estimate of the
importance of total flows of goods and
services, monetized or not. The market
covers in Belgium under the seventh
of the flows of goods and services.
The GDP identifies less than a third
of these flow. A broader definition of
economics should more relevant to
the importance of these flows, in the
context of sustainable development
and the “de-growth” paradigm.
Keywords: market, reciprocity, nature,
flows of goods and services, de-growth
définiTion de léConomie des biens eT serviCes
Le SPF Economie s’est donné pour
mission de «créer les conditions d’un
fonctionnement compétitif, durable et
équilibré du marché des biens et ser-
vices en Belgique ». Nous nous pro-
posons ici d’interroger la notion de
«marché de biens et services» face
à des interrogations de type «au-de-
là du PIB» (Stiglitz, Sen et al. 2009).
Dans quelle mesure la crise écolo-
gique, sociale et économique est-elle
liée ou non à ce marché?
Une vaste littérature suggère que
l’échange ne reprend qu’une partie des
flux de biens et services (Mauss 1924;
Polanyi 1944; Temple and Chabal 1995;
Gudeman 2001; Gudeman 2008). Dans
la mesure où les autres flux ont des
impacts tant sur la qualité de vie que
sur l’environnement, un nombre crois-
sant d’auteurs, par exemple issus des
courants de l’économie écologique ou
de l’économie institutionnelle, ont ten-
dance à les inclure dans une définition
plus large de l’économie.
La production (de biens ou de services),
par exemple, peut être marchande ou
non marchande. Cette dernière inclut:
les services publics;
l’autoproduction;
la réciprocité.
Cet article explore la mesure dans
laquelle une définition plus large de
l’économie est pertinente au regard de
l’importance des flux considérés. Dans
le cadre du débat sur la croissance et
la décroissance (du PIB), ce nouvel
éclairage vise à remettre les pendules
à l’heure.
Si l’économie représente tous les flux
de biens et services entre humains ou
entre humains et assimilés (nature, so-
ciété, etc.), on peut commencer une ty-
pologie en deux dimensions (tableau 1).
La première dimension (première co-
lonne) différencie la forme ou l’inten-
tion de ces flux. On distingue ainsi
l’échange de la réciprocité. «Dans au-
cune civilisation, on ne confond un don
et un achat» (Temple and Chabal 1995).
L’ échange «indifférent» ou mécanique
(«loi» de l’offre et de la demande), est
idéalement détaché du phénomène
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la place Du marché
Dans léconomie belge
social et objectivé (Godbout 1992; Gu-
deman 2008). L’échange peut être mo-
nétarisé ou non. L’échange non moné-
tarisé est le troc. Notons encore que
l’échange peut être formel ou informel
(non représenté dans le tableau). On
peut encore distinguer dans l’échange
formel, l’économie «réelle» des biens
et services de l’économie virtuelle ou
«casino» (échanges boursiers et fi-
nanciers non repris directement dans
le calcul du PIB, et que nous n’avons
pas non plus représentés dans ce ta-
bleau). L’échange «idéal» ou pur ne
découlerait que de lois d’un marché
parfait (offre et demande) avec des ac-
teurs parfaitement utilitaristes agis-
sant comme des robots. L’échange
n’est cependant en pratique jamais
pur puisqu’il implique au minimum
une normalisation sociale (respec-
ter certaines règles de préséance du
prix affiché, de la possibilité de mar-
chander ou non). De même la récipro-
cité n’est jamais totalement désinté-
ressée. Les deux formes d’économie
(échange et réciprocité) sont en réalité
presque toujours imbriquées (Gude-
man 2008). L’intérêt de notre typologie
est cependant d’inclure explicitement
dans l’économie les formes de flux de
biens et services qui n’interviennent
pas dans le marché de libre échange,
en particulier le don et les relations
avec la nature. Le don en particulier,
au-delà de son aspect économique,
est toujours porteur de sens, de lien
social. Les relations avec la nature
peuvent être de type « neutre » (dé-
nuée de sens ou de lien) et relever de
l’échange à prix nul (« gratuité de la
nature»), mais nous n’avons pas vou-
lu alourdir le tableau en ajoutant cette
ligne qui mènera de toute façon à une
estimation de valeur nulle dans la suite
de l’exercice.
L’univers du don (la réciprocité) im-
plique une dimension sociale (Mauss
1924). Il peut être monétaire ou non
Tableau 1: Typologie de l’économie au sens large
Biens et services Maux et disservices*
Echange
Monétarisé
(marchand ou non
marchand)
Marché des biens et
services
Marché des maux et
disservices
Non monétarisé Troc Loi du talion**
Réciprocité
Entre humains Don Réciprocité négative
Avec la nature Ressources
naturelles
Calamités,
déprédations
*Disservice: l’inverse d’un service (p.ex. faire des ennuis à quelqu’un)
** Loi du talion: juste réciprocité du crime et de la peine.
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la place Du marché
Dans léconomie belge
monétaire, et il peut comporter ses
propres monnaies. Il ouvre la porte
vers des dimensions non matérielles
(«fait social total»). Il peut impliquer
une réciprocité généralisée (obligation
universelle de donner, de recevoir et de
rendre, suivant Mauss).
Il existe différentes structures de réci-
procité dont quelques-unes sont sché-
matisées dans la figure 1. La forme bi-
naire symétrique (don, contre-don de
nature ou valeur équivalente) ou asy-
métrique (en fonction du statut) est la
plus intuitive et déjà identifiée par Aris-
tote dans son Ethique de Nicomaque.
Aristote avait remarqué que le «prix»
des objets échangés dépendait entre
autres du statut des partenaires. Il dé-
nigrait par ailleurs le commerce dont le
prix résulterait de toute autre structure
(p.ex. offre et demande) et qu’il réser-
vait à des étrangers sans relation. Dans
la forme ternaire de la réciprocité, l’on
retrouve par exemple la forme « che-
min» qui se retrouve notamment dans
la filiation (la mère donne à la fille qui
donne à sa fille, etc.). La réciprocité
centralisée (redistribution) se retrouve
dans la plupart des institutions, tandis
que la réciprocité ternaire générali-
Figure 1
Différentes structures de réciprocité
Binaire
Ternaire
sée (entraide) trouve un exemple dans
l’Open Source et l’internet en général
(tout le monde aide tout le monde).
La réciprocité concerne directement
les êtres humains mais elle peut égale-
ment inclure des êtres moins charnels
comme des ancêtres auxquels on fait
des sacrifices, ou des «esprits» de la
nature. Même en l’absence de sacralité
explicite, et quelle que soit la civilisa-
tion, des «échanges» avec la nature
ont lieu (Caillé et al., 2013). Ce sont les
dons de la nature (ressources natu-
relles), et des «offrandes» ou autres
éléments de protection des ressources
naturelles. On pourrait placer la nature
en dehors de la réciprocité, mais cela
ne changerait pas grand chose à notre
démonstration.
BA
BA C
Source: d’après Temple, 1997
BA B C
CRA D
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B C
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