Les transplantations de développement récent chez l`enfant :

Les transplantations de développemen
t
récent chez l'enfant
:
foie, coeur, poumon
s
Jean KACHANE
R
Les transplantations d'organes comme le foie, le coeur et les poumons ne son
t
pas récentes
. C'est leur développement qui connait de nos jours un essor considérabl
e
sous l'effet conjugué d'un facteur médical, l'introduction de la ciclosporine dans le
s
protocoles de traitement anti-rejet, et d'un facteur socio-culturel, la formidable pressio
n
exercée par les
medias
sur le public d'abord, le monde médical ensuite, dans un
e
chronologie et avec une efficacité qui en dit long sur leur pouvoir . Un point de grand
e
importance est commun à ces trois types de transplantations
: il s'agit d'intervention
s
terminales qui ne donnent pas droit à l'erreur puisqu'en l'absence de thérapeutiques d
e
substitution comme c'est le cas pour d'autres greffes d'organes comme le rein, l'intestin
,
le pancréas endocrine, l'échec signifie la mort du transplanté
. Ainsi, pour les équipe
s
médicales en charge de ces méthodes, l'obligation de réussir d'un coup grève leu
r
problématique d'un «bruit de fond» original mais pesant
.
-
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-
J
.
KACHANE
R
Il sera beaucoup question ici des problèmes techniques que soulèvent ce
s
transplantations chez l'enfant, c'est-à-dire, en clair, de dépose et repose, de pièces et main
-
d'oeuvre, de service après-vente . Mais notre véritable propos est de les éclairer sous le
s
incidences, nombreuses et souvent graves, qui interpellent la responsabilité des scien-
tifiques que nous sommes dans leur traitement
.
La pièc
e
Pour greffer il faut un greffon et il faut que ce greffon convienne
. Il faut e
n
d'autres termes qu'un foie, un coeur, des poumons, artificiellement maintenus en fonctio
n
chez un individu mort, satisfassent à un ensemble d'exigences impératives pour pouvoi
r
être prélevés et transplantés
.
La première de ces contraintes est d'ordre immunologique et concerne toute
s
les greffes, à tous les âges et dans toutes les espèces
. La réussite de la transplantatio
n
de l'organe d'un individu dans l'organisme d'un autre individu suscite chez ce dernie
r
une réaction immédiate visant à détruire le transplant
: c'est le rejet
. Une greffe ne peu
t
donc réussir que si donneur et receveur ont, sinon une identité, du moins une analogi
e
génique aussi grande que possible
. En pratique, cette contrainte est impossible à satisfair
e
car la rencontre du donneur et du receveur n'obéit pas aux lois de cette nécessité mai
s
uniquement à celles du hasard et il faut bien se contenter d'un minimum
. Ce minimu
m
est la compatibilité dans le système A
.B
.O
. des groupes sanguins, comme pour une banal
e
transfusion de sang et sans tenir compte des autres sous-groupes
. Contrairement à ce qu
i
se passe pour d'autres greffes (rein, moelle osseuse) où l'on exige de plus quelques identité
s
dans le système HLA
. des groupes tissulaires, il n'en est pas tenu compte dans le
s
transplantations de foie, de coeur et de poumons, non que ces organes soient sensiblemen
t
moins antigéniques que les autres, mais parce que la pénurie de greffons implique d
e
se satisfaire de peu, en confiant aux traitements anti-rejet le soin de gérer le risque de
s
transgressions immunologiques fondamentales . Il arrive, du reste,
qu'un
rejet «suraigu
»
altère en quelques heures et quoi qu'on fasse la fonction d'un organe qui vient d'êtr
e
transplanté sans problème particulier
.
Une autre contrainte est spécifique de l'enfant et concerne le gabarit du greffon
,
c'est-à-dire du donneur
. Peut-on imaginer d'insérer dans le corps d'un enfant de 18 moi
s
le foie, le coeur ou les poumons d'un adulte dans la force de l'âge ? On peut triche
r
pour le foie en opérant des «réductions» avant transplantation, dans la mesure où l
a
recoupe d'une moitié de l'organe n'altère en rien sa valeur fonctionnelle
. Cette solutio
n
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-
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9
ne s'applique évidemment pas au coeur, et encore moins aux poumons
. On peut triche
r
encore un peu quand il s'agit d'une greffe de coeur chez un enfant de plus de 4 à 5 an
s
atteint en règle d'une maladie cardiaque très grave qui a beaucoup dilaté son coeur e
t
ses vaisseaux et qui pourra sans doute accepter le coeur normal d'un enfant de 10
à
12 ans, mais cette règle ne peut s'appliquer aux nourrissons et aux nouveaux-nés qu
i
requièrent des donneurs quasi-identiques en poids et taille, donc en âge
. Enfin, l
a
contrainte est stricte en matière de poumons ou de coeur-poumons
: le receveur ne saurai
t
accepter un organe qui serait plus petit ou plus gros que le sien et c'est pourquoi le
s
caractéristiques anthropométriques de son thorax sont soigneusement répertoriées sur l
a
liste d'attente
. C'est surtout ce qui explique les difficultés à recruter des donneurs d
e
poumons chez l'enfant et l'insupportable longueur des délais d'attente
.
L'exigence suivante est la qualité fonctionnelle du greffon
. Et là encore il y
a
problème car cette qualité dépend des conditions de la mort du donneur
. Il importe e
n
effet que l'organisme de ce dernier n'ait pas subi de dégâts tels que l'organe à greffe
r
se trouve irrémédiablement altéré . Un traumatisme hépatique grave, un massage cardiaqu
e
externe prolongé, une inhalation de liquide gastrique ou une contamination bronchiqu
e
liées aux méthodes de ventilation artificielle disqualifient souvent un foie, un coeur, u
n
poumon
. Il importe encore qu'au moment du prélèvement, l'organe satisfasse à de
s
critères médicaux assez stricts qui prouvent que sa fonction est bonne dans des condition
s
artificielles certes, mais non maximales
. Il importe surtout de savoir refuser un organ
e
dont la fonction est simplement douteuse
: ce n'est pas rien quand on vit la pénurie de
s
greffons mais on apprend vite à respecter cette contrainte quand on a essuyé un éche
c
de greffe par dysfonction majeure du greffon lié à une qualité incertaine
.
Une autre contrainte est de nature géographique
. Pour beaucoup de raisons
,
éthiques et médicales, le donneur n'est jamais transporté auprès du receveur . L'équip
e
en charge de la greffe se déplace auprès du donneur et prélève le greffon, selon u
n
protocole qui est le plus souvent aujourd'hui un prélèvement multi-organes
. Dès que so
n
pédicule nourricier est clampé, le greffon est en situation d'ischémie, c'est-à-dire priv
é
d'oxygène et de nutriments
. D'où une souffrance cellulaire immédiate qui aboutirait A
.
des altérations graves et à la mort de l'organe si on n'intervenait pas
. Cette interventio
n
de préservation se fait par des moyens chimiques (perfusion de liquides spéciaux) e
t
physiques (immersion et transport dans un milieu réfrigéré à 4°) réduisant au maximu
m
les besoins métaboliques de l'organe et réduisant ainsi les risques de souffrance cellulaire
.
Ces méthodes ne dispensent pas de réaliser très vite la greffe après le prélèvement
. L
e
délai d'ischémie toléré pour les organes dont nous parlons est beaucoup plus réduit qu
e
pour le rein
: 8 heures pour un foie, 5 heures pour un coeur, 3 heures pour des poumons
.
-
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J
.
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R
D'où la nécessité d'une organisation de transport très sophistiquée et, de toutes façons
,
une contrainte de proximité entre donneur et receveur, le point fixe étant la salle d'opé-
rations où se trouve le receveur
.
Restent les contraintes socio-culturelles
. Elles ont déjà été largement développée
s
par le Pr
. Alagille dans sa conférence inaugurale et il n
'
est pas nécessaire d'y reveni
r
longuement
. Mais elles pèsent dans ce pays d
'
un poids considérable, tout spécialemen
t
quand le donneur est un enfant. Il ne saurait à cet âge être question de loi Caillavet e
t
l'autorisation de parents, meurtris dans ce qu'ils avaient de plus précieux et à de
s
années-lumière d'avoir à prendre une décision aussi grave, est indispensable au prélè-
vement d'organes
. La fréquence des refus n'est pas pour étonner dans un pays de cultur
e
latine
. Refus de parents, non préparés et pétrifiés dans des tabous et des fantasmes qu'i
l
est difficile de dissiper en situation de drame
; il est intéressant ici de voir que des campagne
s
médiatiques non dénuées d'intelligence commencent à modifier le comportement d
u
grand public face à la mort de l'enfant dans un sens favorable aux transplantations
. Refu
s
plus ou moins formulé des équipes médicales qui ont en charge les candidats donneur
s
et qui peuvent hésiter à engager une procédure administrative, technique et logistiqu
e
longue et compliquée pour promouvoir un protocole dont il faut reconnaître que la fac
e
ensoleillée leur échappe bien souvent. Ne faut-il pas un certain courage pour organise
r
dans des conditions difficiles que ne récompense pas la gratitude universelle un prélè-
vement multi-organes chez un enfant qui vient de mourir malgré les soins intensifs qu'o
n
lui a dispensés
?
La main-d'oeuvr
e
Les difficultés chirurgicales proprement dites des greffes de foie, coeur, poumon
s
chez l'enfant sont très variables et dépendent de l'organisme à greffer
.
La greffe de coeur est reconnue simple par tous
. Elle se passe à l'intérieur d
u
péricarde, sans dissections compliquées, sans risque hémorragique particulier
. Elle consist
e
en fait en quelques sutures simples sur les oreillettes, l'aorte et l'artère pulmonaire
. Tou
s
les jours les chirurgiens spécialisés dans le traitement des malformations cardiovasculaire
s
congénitales font des interventions beaucoup plus complexes et délicates
. Ainsi, le risqu
e
opératoire de la transplantation cardiaque isolée est faible et il y a consensus pour dir
e
que la greffe du coeur n'est pas un problème chirurgical, c'est avant tout un problèm
e
de maintenance post-opératoire
. Nous y reviendrons
.
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La greffe de foie est autrement plus complexe
. D'abord parce que le temp
s
d'exerese du foie malade à remplacer est souvent difficile, hémorragique
. La mise e
n
place du greffon est, elle aussi, assez complexe, surtout quand il a fallu lui faire subi
r
une réduction
. Les sutures vasculaires sont nombreuses et délicates
. En définitive, il es
t
banal que l'équipe chirurgicale passe 12 à 18 heures en salle d'opérations pour transplante
r
le foie d'un enfant, et il est clair que le talent du chirurgien joue ici un rôle important
.
Nous verrons plus loin que les suites immédiates sont aussi beaucoup plus lourdes, longue
s
et orageuses qu'après transplantation cardiaque isolée
.
La greffe de poumons est en fait le plus souvent cardio-pulmonaire, et, ici encore
,
les difficultés sont considérables dès la salle d'opérations. Comme pour le foie, l'organ
e
à remplacer est souvent très adhérent aux parois thoraciques auxquelles l'unissent d
e
nombreux vaisseaux sanguins, surtout, et c'est fréquent, quand des interventions préalable
s
ont déjà été faites
. D'où un risque hémorragique qui, à lui seul, peut être cause d'échec
.
Il faut de plus préserver jalousement de nombreux nerfs dont la blessure conduirait
à
de graves complications post-opératoires
. Il faut surtout apporter un soin particulier
à
la suture non seulement des vaisseaux comme pour le coeur isolé, mais surtout de l
a
trachée
. La pauvreté de la vascularisation trachéale explique sans doute pourquoi l
a
cicatrice anastomotique qu'elle porte après la greffe soit si fragile, susceptible de se rompre
,
ce qui est en règle générale fatal au patient, ou de donner lieu à une prolifération fibreus
e
conduisant à un rétrécissement et des troubles respiratoires graves et difficiles à maîtriser
.
La maintenanc
e
Problèmes commun
s
Nous l'avons dit en préambule, toutes les greffes impliquent qu'on administr
e
au receveur un traitement qui lui permette de tolérer l'organe étranger
. C'est ce qu'o
n
appelle l'immunosuppression et il y a longtemps qu'on en connaît les moyens
. Les dérivé
s
de la cortisone, ou corticostéroides, ou corticoïdes, ont été les premiers à être utilisé
s
avec succès et il ne fait pas de doute qu'ils ont permis l'éclosion des transplantation
s
d'organes
. Quelques décennies plus tard, ils restent au centre de presque tous le
s
protocoles et, dès les premiers jours suivant la greffe, les enfants en reçoivent des dose
s
massives par voie intra-veineuse
. On leur associe des substances, préparées chez de
s
animaux, et destinées à détruire les lymphocytes du receveur, vaste catégorie de globule
s
blancs chargés de la plupart des fonctions immunitaires
: ce sont des globulines anti-
thymocytes, généralement de lapin, encore appelées sérum anti-lymphocytaire
. Depui
s
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