Repères économiques Vue d’ensemble pour les investisseurs NUMÉRO 13 • FÉVRIER 2012 POINTS SAILLANTS › Des données convaincantes indiquent que la croissance économique des pays développés restera léthargique dans les prochaines années en raison d’un climat persistant de réduction de l’endettement et d’austérité budgétaire. Eric Lascelles Économiste en chef RBC Gestion mondiale d’actifs Inc. › Il a également été démontré que la disparition des vents arrière qui propulsaient auparavant l’économie et la levée de nouveaux vents contraires pourraient faire en sorte que la croissance à long terme soit inférieure à celle des décennies précédentes. › La présente analyse se veut un cadre de référence visant à faciliter la compréhension et la quantification de ces deux thèmes, à rectifier certaines idées fausses et à souligner d’importants faits nouveaux. PORTRAIT D’UNE ÉCONOMIE EN RECUL Figure 1 : Les économies sont conçues pour la croissance L'économie était techniquement plus faible, mais elle était sur une lancée 51 PIB par habitant en $ US – 2010 Notre bien-être matériel est fortement tributaire d’une croissance économique perpétuelle. Dès que se manifeste le moindre signe de stagnation ou de recul, les rouages de l’économie se mettent à grincer. Les engrenages se démontent, les chaînes se brisent et les fusibles sautent. Prenons la récession qui a touché les États-Unis en 2009. Même si, cette année-là, la production économique par habitant s’est classée parmi les six meilleures jamais enregistrées aux États-Unis et qu’elle ait atteint un niveau supérieur à tous les résultats obtenus avant 2004 (figure 1), l’année a été purement et simplement désastreuse. Les taux de chômage ont grimpé, les marchés financiers ont dégringolé et un climat de morosité s’est installé. Les choses ne se sont pas encore complètement replacées. 50 49 48 47 L'économie était techniquement plus forte, mais elle avait mauvaise mine 46 45 44 2000 2002 2004 2006 2008 2010 Sources : Haver Analytics, RBC GMA À tort ou à raison, on accorde à la croissance économique une importance capitale : plus elle s’accentue, mieux c’est. Aussi, comme nous l’expliquerons dans la présente analyse, le fait que la future croissance économique puisse être un peu moins dynamique que par le passé est très lourd de conséquences, du fait que les rouages de l’économie ne recevront pas leur dose habituelle de lubrifiant. Il en résulte de fâcheuses conséquences qui se concrétisent notamment par la stagnation des niveaux de vie, une plus grande précarité des finances publiques et une éventuelle diminution des rendements des placements. Quatre facteurs clés nous semblent avoir contribué à cet assombrissement des perspectives économiques. Le premier est lié à une perte permanente de production DES lendemains de la Grande Récession. Le deuxième est attribuable à une Figure 2 : Sources de ralentissement de la croissance Baisse Ralentissement permanente temporaire de la de la production croissance Perte initiale de 1 à 2 points de pourcentage du PIB Source : RBC GMA Perte ~ 1 point de pourcent. par an durant la reprise Ralentissement permanent de la croissance La norme antérieure n’était pas durable Le futur pose de nouveaux défis Perte ~ 0,5 point de pourcent. par an après la reprise Perte suppl. de ~ 0,75 point de pourcent. par an après la reprise RBC Gestion mondiale d’actifs Figure 3 : Sombrer sous les vagues PÉRIODE DE CRISE PÉRIODE DE DÉSENDETTEMENT A LONG TERME B Énorme perte de ÉCONOMIE production Baisse permanente de la production Ralentissement temporaire de la croissance TEMPS C Ralentissement permanent de la croissance D Figure 3 : L’activité normalisée dans le secteur du logement aux États-Unis a atteint un creux Source : RBC GMA Perte permanente de production Au plus fort d’une crise financière, la production économique chute brusquement. C’est exactement ce qui s’est passé en 2008 et en 2009. Mais le terrain perdu finit par être regagné. Certaines pertes persistantes ne se résorbent cependant pas et l’économie suit une trajectoire parallèle, à un palier inférieur (comme l’illustre l’écart entre la ligne A et la ligne B sur la figure 3). Différents facteurs expliquent pourquoi, généralement, la production ne remonte pas à son niveau initial. Le stock de capital subit souvent une forte diminution au cours d’une période d’investissement et d’entretien inadéquats. Aujourd’hui, les stocks de matériel et d’outillage ont perdu au moins 10 % du volume qu’ils auraient atteint sans la crise, et 2 | Repères économiques Figure 4 : États-Unis : le taux de chômage est toujours extrêmement élevé, mais stable 18 Taux de chômage global Taux de chômage officiel 14 % croissance temporairement léthargique pendant que les pays se remettent de l’épreuve qu’ils ont subie. Le troisième s’explique par une croissance à long terme moindre en raison de la disparition des vents arrière qui dynamisaient auparavant l’économie. Le quatrième prend la forme d’une croissance à long terme ralentie par la levée de quelques nouveaux vents contraires. Tous ces facteurs se conjuguent pour créer un climat économique plus morose (figure 2). Divers phénomènes positifs pourraient encore permettre à l’économie d’échapper à cette torpeur, mais les risques de baisse sont aussi nombreux. 10 6 2 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 Sources : Bureau of Labour Statistics, RBC GMA cela représente la base manquante sur laquelle la croissance économique aurait pu être érigée. Mais, ce qui est encore plus pertinent, c’est le fait que les crises financières provoquent un tort irréparable au marché du travail. La crise a initialement doublé le taux de chômage aux ÉtatsUnis, qui a augmenté de 5 points de pourcentage pour se situer à 10 %. Ces données sous-estiment, en fait, la véritable ampleur de la détérioration, car le taux de chômage a connu une hausse de 8 points de pourcentage au sens de sa définition la plus large (figure 4). RBC Gestion mondiale d’actifs Deuxièmement, la présente phase de difficulté économique s’est prolongée si longtemps que la durée moyenne des périodes de chômage est passée de 16 semaines, avant la crise, à une consternante période de 40 semaines (figure 5). Plus le chômage dure longtemps, plus s’accentue la perte des compétences acquises et plus l’apprentissage des techniques de pointe est reporté. Les perspectives de retour au travail s’amoindrissent et le lien avec le marché du travail s’estompe. Si un nouvel emploi est trouvé, il est souvent moins satisfaisant que le précédent. Un travailleur qui revient sur le marché du travail après plusieurs années de chômage verra son rendement diminué de 14 % en moyenne, soit plus de deux fois la perte de productivité résultant d’une absence plus courte (figure 6)1. Troisièmement, les États-Unis sont aux prises avec une extrême inadéquation des compétences. Les chômeurs ont, dans une proportion excessive, une formation dans les domaines de la construction et de la fabrication, des secteurs peu susceptibles de connaître une reprise complète (figure 7). Comme il y avait une bulle de l’emploi dans la construction avant la crise, même un improbable retour à des niveaux normaux d’activité dans ce secteur laisserait plus d’un million de travailleurs de la construction en chômage permanent. Depuis nombre d’années, le secteur de la fabrication subit les effets d’une tendance baissière à long terme. Même si le climat concurrentiel commence à être clément en Amérique, il est peu probable que soient entièrement retrouvés les 1,9 million d’emplois du secteur de la fabrication perdus depuis 2008 (et encore moins les 5,4 millions d’emplois perdus depuis le tournant du millénaire). Ces travailleurs peuvent certainement changer de secteur, mais ils ne seront pas aussi employables, productifs et bien payés. Quatrièmement, la mobilité de la main-d’œuvre est singulièrement faible. Les études empiriques réalisées Chômage de longue durée (g.) 45 7 Durée de chômage (dr.) 40 6 35 5 30 4 25 3 20 2 15 1 0 1990 Durée moyenne de chômage (semaines) Nombre de civils au chômage (millions) 8 10 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 Nota : Chômage de longue durée = 27 semaines et plus Sources : Haver Analytics, RBC GMA Figure 6 : La détérioration des compétences apparaît Diminution de la productivité d'un travailleur Premièrement, toute période de chômage involontaire fait subir une perte au travailleur et, par conséquent, à l’économie. Cette perte est celle du revenu précédent, mais elle prend aussi la forme d’une diminution moyenne de 6 % de la rétribution du nouvel emploi par rapport au précédent, même si la période de chômage a été courte. Figure 5 : Le chômage de longue durée aux États-Unis crée des problèmes économiques 0,1 0,05 0 -0,05 6% -0,1 -0,15 14 % -0,2 Courte période de chômage Période de chômage de plusieurs années Nota : Comme en témoigne la diminution du salaire entre l’ancien emploi et le nouvel emploi. Source : Arulanpalan, Wiji., « Is Unemployment Really Scarring? », 2000. Figure 7 : L’emploi dans le secteur de la construction et de la fabrication demeure particulièrement faible Nombre de chômeurs pour chaque ouverture de poste Ces mesures de l’emploi ont depuis regagné une partie du terrain perdu, et d’autres améliorations sont probables. Toutefois, elles restent à un niveau très supérieur à la norme historique, de sorte que le taux de chômage pourrait difficilement descendre durablement en deçà d’un taux approximatif de 6,5 % dans un avenir prévisible, et ce, pour plusieurs raisons. 16 De 2000 à 2006 14 14 De 2007 à ce jour 12 10 8 6 6 5 4 3 4 2 2 0 Construction Fabrication Type d'industrie Toutes les autres industries SourceS : Haver Analytics, RBC GMA Repères économiques | 3 RBC Gestion mondiale d’actifs Figure 8 : Le taux de roulement de personnel demeure faible 800 Variation nette de l'emploi (g.) Total brut des nouveaux employés (dr.) 5500 400 5000 0 La création d'emploi mensuelle semble normale -400 4500 Le taux mensuel de roulement du personnel ne l'est pas -800 -1200 2000 6000 2002 2004 2006 2008 4000 JOLTS : Total brut des nouveaux employés (milliers) Variation nette de l'emploi (milliers) à ce sujet ne sont pas unanimes, mais elles démontrent généralement (tout comme la théorie, certainement) que de nombreux propriétaires aux prises avec une hypothèque dont la valeur excède celle de leur logement arrivent difficilement à vendre cette propriété pour déménager là où les marchés de l’emploi sont plus vigoureux. Pire, les marchés du logement les plus atrophiés correspondent, naturellement, à certains des marchés du travail les plus déprimés, ce qui rend la fuite particulièrement improbable pour ceux qui en bénéficieraient le plus. Soit dit en passant, l’apparition depuis quelques décennies de familles à deux revenus a encore davantage réduit la capacité des familles de se déraciner sans heurt et de déménager pour des raisons économiques, car l’un des conjoints peut encore avoir un emploi rémunéré. 3500 2010 Sources : Haver Analytics, RBC GMA Nous nous risquons à estimer que, globalement, les États-Unis essuient presque en permanence une perte d’environ un à deux points de pourcentage de production économique en raison d’un sous-investissement en stock de capital et d’un disfonctionnement du marché du travail. Ce phénomène est observable mais à un degré moins extrême dans d’autres pays2. Ralentissement temporaire de la croissance Hélas, la faible croissance économique des dernières années se poursuivra probablement pendant plusieurs années encore. La figure 3 le montre : le passage de la ligne B à la ligne C représente un autre glissement par rapport à la trajectoire de croissance initiale. Deux principaux facteurs expliquent ce phénomène. D’abord, la croissance a tendance à ralentir après une crise financière. Ensuite, un contexte de difficultés 4 | Repères économiques Figure 9 : Le gouvernement américain doit diminuer son niveau d’endettement Encours de la dette en % du PIB GDP Cinquièmement, même si la création d’emplois commence à afficher une tendance plus normale, le roulement du personnel qui la sous-tend reste faible. Lorsque le Bureau of Labor Statistics annonce la création de 200 000 nouveaux emplois en un mois, il s’agit en fait d’un chiffre net et non pas d’un chiffre brut. En fait, il y a sans doute eu environ 4 millions de nouveaux emplois de créés et près de 3,8 millions de détruits. Ce roulement, lorsque les travailleurs s’y prêtent de bon gré, peut, en fait, être très avantageux pour l’économie, car il en résulte souvent une meilleure harmonisation entre les compétences et les emplois disponibles. En moyenne, chaque déplacement volontaire de travailleurs d’une société à une autre s’accompagne d’une hausse du salaire (et sans doute de la productivité) de 9 %. Mais le roulement du personnel reste anormalement faible (figure 8). Dans un climat d’incertitude, les travailleurs estiment que ce qu’ils connaissent déjà est un moindre mal. Et cela fait perdre des gains d’efficacité. 95 Encours de la dette publique générale 80 65 La dette publique doit diminuer 50 35 20 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 Sources : Haver Analytics, RBC GMA budgétaires entrave généralement la croissance. Ces deux facteurs sont présents dans la situation actuelle. Les lendemains d’une crise financière En théorie, la croissance économique devrait être plus lente après une crise financière. Les dettes excessives doivent être ramenées à des niveaux soutenables compte tenu du revenu et des actifs. Dans leurs efforts en vue d’atteindre cet objectif, les ménages, tout comme les entreprises, dépensent moins et épargnent davantage. Les banques réduisent leurs leviers d’endettement. Les gouvernements prennent normalement plus de temps à adopter un tel comportement – ils s’efforcent normalement de sauver d’abord les autres secteurs de l’économie – mais ils finissent par céder aux pressions des marchés et à adopter leur propre programme d’austérité (figure 9). RBC Gestion mondiale d’actifs Des preuves empiriques À tous points de vue, la théorie annonce nettement un ralentissement de la croissance économique. Qu’en est-il de la preuve empirique ? Ratio dette/revenu des ménages (%) Une autre conséquence des crises financières est la perte d’appétit pour le risque. Peu de ménages, d’entreprises, de banques ou de gouvernements sont disposés à prendre de grands risques ou à investir massivement dans l’avenir. Cela s’avère d’autant plus dans un contexte réglementaire extrêmement incertain. La popularité des obligations d’État à très faible revenu illustre ce phénomène. Mais il n’y a pas de rendement sans risque, et les économies évoluent plus lentement lorsque tout le monde pèche par excès de prudence. Figure 10 :Le ratio dette/revenu des ménages américains indique un désendettement 170 160 150 140 130 120 110 100 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 Sources : Haver Analytics, RBC GMA Figure 11 : Les banques commerciales américaines réduisent leur endettement et l’accessibilité aux prêts 95 Ratio des dépôts sur prêts nets et crédits bails Ce processus est déjà amorcé. Le ratio d’endettement des ménages américains a commencé à diminuer (figure 10) et il baissera sans doute davantage. Les banques continuent à réduire leur endettement aux États-Unis (figure 11) et elles font finalement des progrès en Europe. Le resserrement prochain de la réglementation obligera la plupart d’entre elles à redoubler d’efforts à cet égard. Le FMI estime que l’observation d’exigences internationales plus rigoureuses en matière de fonds propres pourrait à elle seule retrancher près d’un demipoint de pourcentage du niveau de production économique des pays développés3. 90 85 80 75 70 On pense généralement que les crises financières ne se produisent qu’une seule fois en plusieurs décennies et que cela rend difficile l’évaluation systématique de leurs caractéristiques communes. Mais c’est faux. Il existe en réalité un inventaire détaillé de plus d’une centaine de crises financières survenues à l’époque moderne dans diverses régions du monde. En quête d’indices, un nombre croissant d’auteurs de travaux de recherche ont commencé à sonder cet inventaire. Des résultats de recherches universitaires dévoilés en grande pompe ont d’abord donné à entendre que la croissance économique est normalement plus lente dans la décennie qui suit une crise financière que dans la décennie précédente. La théorie corrobore cette affirmation et c’est ce que persistent à prétendre la presse et nombre d’experts. Mais depuis peu, les observations deviennent plus nuancées. Si le consensus se maintient quant au fait que la croissance économique est véritablement plus lente – d’environ un point de pourcentage par année – dans la décennie qui suit une crise financière par rapport à la décennie précédente, il est possible que cette indication induise en erreur autant qu’elle informe. 65 2002 2004 2006 2008 2010 Source : Federal Deposit Insurance Corporation Un examen plus attentif des données révèle notamment que la croissance a tendance à être très faible immédiatement après une crise, mais qu’ensuite, peu après, une accélération se produit souvent, de sorte que la moyenne sur dix ans est peu représentative des deux phases de la période. Puisque nous commençons à présent la quatrième année de la reprise, nous nous soucions moins de ce qui se passe immédiatement après une crise et davantage de ce qui se produit ensuite. Encore une fois, les faits indiquent que le taux de croissance moyen de la quatrième à la neuvième année suivant une crise a tendance à être inférieur à la normale. Mais l’ampleur de l’effet de freinage a considérablement diminué – des quatre cinquièmes environ – et près de la moitié des pays observés avaient retrouvé une croissance normale à ce stade. Il est donc tout à fait possible que les pays développés soient sur le point de sortir du purgatoire du point de vue de la Repères économiques | 5 RBC Gestion mondiale d’actifs Les finances chancelantes du gouvernement constituent un autre irritant qui entrave la croissance économique à court terme de deux façons. Plus directement, les mesures d’austérité budgétaire ralentissent mathématiquement l’économie. Il faudra s’attaquer à des déficits structurels équivalant à 6 % du PIB aux États-Unis et à 5 % dans l’ensemble des pays développés au cours des prochaines années (figure 12). Après tout, les gouvernements ne peuvent pas indéfiniment dépenser plus que leurs recettes. Cependant, il est rare que les mesures d’austérité budgétaire n’aient pas un coût économique4. Il est réaliste de s’attendre à ce que le fardeau budgétaire représente une ponction moyenne de 0,5 % à 0,75 % sur la croissance annualisée du PIB au cours des prochaines années5. Mais ce n’est là que l’aspect dynamique du fardeau budgétaire. Il comporte aussi un aspect statique. Les faits donnent à penser que les pays ayant un lourd fardeau de la dette connaissent une croissance économique plus lente. Cet effet n’est pas linéaire et il ne se manifeste nettement que lorsque les ratios de la dette publique sur le PIB dépassent de 80 à 90 %6. Or, c’est précisément l’impasse dans lequel les pays développés s’engagent actuellement (figure 13). L’ampleur du ralentissement économique qui en résulte fait l’objet d’une controverse, et nous pensons que sa véritable envergure se situera, tout au plus, dans la tranche inférieure de la fourchette de 0,5 à 2 points de pourcentage mentionnée dans les diverses analyses7. C’est toutefois là une autre raison de prévoir une croissance économique lente pendant la période d’après-crise. Conclusion quant aux perspectives à court terme La plupart des données permettent de conclure que la croissance économique devrait, de fait, se poursuivre à un rythme inférieur à la normale pendant plusieurs années en 6 | Repères économiques 2 Déficit public structurel (en % du PIB) Fardeau budgétaire Figure 12 : Des mesures d’austérité budgétaires sont nécessaires, et celles-ci seront difficiles États-Unis Économies avancées 0 Nécessité de combler cet écart -2 -4 -6 -8 2001 2003 2005 2007 2009 2011 Source: IMF, RBC GAM Figure 13 :La dette publique atteint des niveaux problématiques Dette publique générale (en % du PIB) croissance. Nous estimons, néanmoins, que c’est peu probable. Les crises financières accompagnées d’un effondrement du marché du logement – comme la crise actuelle – ont tendance à suivre une trajectoire de reprise plus difficile. La profondeur et l’envergure mondiale de cette crise financière (comparativement à la plupart des crises financières survenues dans le passé, qui étaient légères ou isolées) plaident en faveur d’un dénouement moins favorable. Plus concrètement, le désendettement et l’aversion pour le risque sont loin d’être chose du passé et ils continuent à affaiblir la croissance. 140 Prévisions du FMI pour 2012 120 100 80 Seuil pour une croissance économique au ralenti 60 40 Royaume-Uni France Allemagne États-Unis 20 0 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 Nota : Pour le R.-U., il s’agit de la dette publique générale, alors que pour les autres pays, il s’agit de la dette publique générale brute. Sources : FMI, RBC GMA raison des conséquences persistantes de la crise financière et des graves difficultés budgétaires. La description de l’effet précis de ces facteurs hétéroclites est cependant davantage un art qu’une science. D’abord, il n’existe pas d’analyse scientifique fiable quantifiant l’effet de tous les freinages. Ensuite, il y a un risque de double comptage, ce qui est plus inquiétant. Par exemple, de nombreux pays aux prises avec une crise financière connaissent une augmentation rapide de leur dette souveraine. Ainsi, le fait que la croissance soit lente dans les pays traversant une période d’après-crise et dans les pays très endettés peut, en réalité, représenter un seul et même effet. Il y a également lieu de douter de l’efficacité thérapeutique des stimulants compensatoires injectés par les banques centrales, RBC Gestion mondiale d’actifs qui veulent à juste titre éviter que se concrétise cette prévision de ralentissement de la croissance. Elles ont certainement desserré tous les freins au cours du cycle actuel. Elles ont aussi fait tout leur possible durant les crises financières précédentes, mais elles ont rarement réussi à en neutraliser entièrement les effets pervers. Nous ne prévoyons pas une autre récession (sauf dans la zone euro). Cependant, les pays traversent très souvent, dans la décennie qui suit une crise financière, une seconde phase de contraction habituellement attribuée à une autre cause, mais la régularité de sa manifestation incite fortement à croire qu’elle est vraiment liée à la crise initiale. C’est là un phénomène à surveiller. Cela étant dit, nous estimons que la croissance économique des pays développés devrait être inférieure à la normale d’environ un point de pourcentage par année pendant la présente période de désendettement, ce qui correspond à une croissance réelle annualisée d’environ 2 % aux États-Unis et au Canada. Si le passé peut nous servir d’indicateur, cette situation ne changera pas pendant encore plusieurs années. Une croissance durablement plus lente Nous avons expliqué qu’au cours des prochaines années, la croissance économique sera sans doute plus lente que la normale, pendant que se dissipent les conséquences de la crise financière sur l’économie. Heureusement, cette détérioration ne durera pas toujours. Toutefois, il se peut qu’apparaissent d’autres entraves plus persistantes attribuables à deux facteurs principaux : la disparition des anciens vents arrière et la levée de nouveaux vents contraires. L’écart entre la ligne C et la ligne D sur la figure 3 illustre ce phénomène. D’anciens vents arrière Depuis des temps lointains, la définition d’une croissance économique « normale » est remarquablement aléatoire. Elle dépend énormément de la durée de la période prise en compte (figure 14). Devrions-nous remonter dans le temps aussi loin que nous le pouvons ? Certains historiens économistes ont évalué quel était le revenu individuel il y a des milliers d’années. Le PIB réel par habitant a reculé pendant une longue période, soit de l’an 800 av. J.-C. à l’an 1000 apr. J.-C., pour ensuite « augmenter » à un faible taux de 0,05 % par année de l’an 1000 jusqu’en 1820. Figure 14 :Qu’est-ce qui constitue une croissance économique « normale » ? Années Coissance annuelle du PIB réel par habitant Croissance annuelle du PIB réel De 800 av. J.‑C. à 1000 après J.-C. -0,01 % De 1000 à 1820 0,05 % De 1820 à 1870 1,3 % De 1870 à 1979 1,9 % De 1980 à 1999 2,0 % 3,2 % De 2000 à 2007 1,4 % 2,4 % De 2008 à 2011 -0,7 % 0,2 % Nota : Le PIB par habitant est un meilleur paramètre pour effectuer une comparaison sur de longues périodes. Sources : RBC GMA, FMI, Maddison et Angus : « Historical Statistics for the World Economy », données de Kremer. Pendant la durée de vie de toute personne, ce pourcentage est indéniablement synonyme de stagnation. Espérons que nous ne sommes pas destinés à revenir à de telles périodes de morosité. Dans la réalité, d’aucuns nous conseilleront de commencer en 1820, soit à l’époque où la révolution industrielle a vraiment commencé à porter des fruits. Aux États-Unis, la croissance économique a commencé à accélérer à ce moment-là, d’abord à un rythme moyen jusqu’en 1870, puis ensuite, au rythme plus soutenu que nous connaissons. Mais la « normalité » de cette période est aussi contestée. Plusieurs grandes migrations ont eu lieu pendant ce laps de temps, et elles ont sans doute favorisé la croissance 8.Les périodes qui ont immédiatement suivi les guerres mondiales ont été gavées de progrès technologiques et enrichies du butin que constituait le retour de millions de soldats à la vie civile. Plus tard, la génération du baby-boom a soutenu la croissance avec l’aide d’une myriade de vents arrière temporaires que nous décrirons sous peu. En réalité, il n’existe rien de tel qu’une croissance vraiment normale. Les conditions changent constamment. Il nous faut, malgré tout, un cadre de référence et, pour plusieurs, les années 1980 et 1990 restent le modèle de croissance « normale », marqué par une expansion de l’économie américaine à un taux annualisé de 3,2 % par année. Malheureusement, plusieurs vents arrière mal connus ont soufflé en bourrasque pendant cette période, et ces vents sont tombés depuis. Ce sont notamment les fausses innovations financières, le recours excessif à l’effet de levier, l’entrée du Repères économiques | 7 RBC Gestion mondiale d’actifs Les prix des produits de base sont restés bas et, pour la plupart, stables pendant toutes les années 1980 et 1990, alors qu’ils ont par la suite grimpé (figure 15). Le trio inflation, taux d’intérêt (figure 16) et taux d’imposition (figure 17) a aussi beaucoup reculé pendant cette période, ce qui a procuré à la croissance un stimulant qui ne lui sera vraisemblablement pas administré de nouveau de nos jours (quoique l’inflation et les taux d’intérêt devraient rester bas et favoriser au moins un peu la croissance). Bref, la période de 1980 à 1990 a été, en quelque sorte, un conte de fées. À long terme, la croissance future devrait être un peu plus lente tout simplement parce que minuit a sonné à l’horloge et que le carrosse s’est transformé en citrouille. La magie pourrait opérer de nouveau, mais elle ne se manifeste pas encore. De nouveaux vents contraires Au moment où les anciens vents arrière ont cessé de souffler, de nouveaux vents contraires se sont levés. Mais surtout, les paramètres démographiques deviennent beaucoup moins favorables à la croissance économique. Le niveau de scolarité pourrait aussi commencer à plafonner. D’aucuns craignent que les progrès technologiques se mettent à ralentir et que des 8 | Repères économiques Indice des marchandises S&P de Goldman Sachs 800 700 Indice 600 L'indice était au même niveau après deux 500 400 300 Un frein à la croissance économique 200 100 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Sources : Haver Analytics, RBC GMA Figure 16 : La baisse de l’inflation et du coût d’emprunt aux États-Unis ont stimulé la croissance Rendement nominal des obligations de 10 ans 14 12 Indice des prix à la consommation (année après année) 10 8 6 4 2 0 -2 1953 1961 1969 1977 1985 1993 2001 2009 Sources : Haver Analytics, RBC GMA Figure 17 :La baisse des taux d’imposition a artificiellement stimulé la croissance Taux moyen d’imposition du revenu des particuliers (g.) 14 50 Taux d'imposition des sociétés le plus élevé (dr.) 12 46 10 42 8 38 6 34 4 2 30 1980 1989 1998 Sources : Haver Analytics, Tax Policy Center, RBC GMA 2007 Taux d'imposition des sociétés le plus élevé (%) Lorsque le mur voilant l’économie de l’Europe de l’Est et de la Chine est tombé au début des années 1990, près de deux milliards de nouveaux consommateurs ont soudainement été poussés dans l’économie mondiale et une nouvelle main-d’œuvre à bon marché composée de deux milliards de personnes est apparue. Ce vent arrière continue à souffler sur l’économie, mais avec une force moindre, et il est peu probable que se produise une autre libéralisation des échanges commerciaux de cette ampleur dans un avenir prévisible. 900 % En rétrospective, les années 1980 et 1990 ont profité d’une source inépuisable de produits financiers nouveaux et finalement éphémères qui ont élargi l’accès au crédit de même que le fossé entre emprunteur et prêteur. Les ménages et les banques ont été capables de maintenir des taux excessifs de croissance des dépenses et des prêts en ayant recours à l’effet de levier. Toutefois, ces innovations financières sont devenues suspectes en raison des terribles dégâts qu’elles ont provoqués pendant la crise du marché immobilier. Bon nombre d’entre elles ont maintenant été mises aux oubliettes et l’endettement s’est résorbé. Ce vent arrière est devenu un vent contraire. Figure 15 :Les marchandises ne soutiennent plus la croissance Taux d'imposition moyen pour une famille de quatre ayant une revenu médian (%) bloc soviétique et de la Chine dans l’économie mondiale, des prix bas et stables pour les produits de base et un recul de l’inflation, des taux d’intérêt et des taux d’imposition. RBC Gestion mondiale d’actifs Le vent contraire le plus puissant, et de loin, est la détérioration des paramètres démographiques. Alors que la génération du baby-boom était à l’apogée de ses pouvoirs économique et productif durant les années 1980 et 1990, cette génération arrivera à l’âge de la retraite et de la vieillesse dans les prochaines décennies. Les taux de dépendance devraient monter considérablement, ce qui signifie que la proportion de personnes non actives par rapport aux personnes en âge de travailler devrait exploser (figure 18). Les ponctions dans les coffres de l’État s’en trouveront accrues. À cet égard, le taux d’augmentation de la population en âge de travailler – qui contribue directement à la croissance économique – devrait diminuer d’environ 0,6 point de pourcentage par année aux États-Unis, de 1,0 point de pourcentage au Canada et dans des proportions comparables dans les autres pays développés (figure 19). La scolarité Le taux d’augmentation de la scolarité pourrait aussi être sur le point de ralentir. Dans les pays développés, les taux d’obtention de diplômes d’études collégiales ont plafonné il y a quelques décennies. Les taux d’obtention de diplômes universitaires continuent à monter, mais ils sont peut-être en voie de se stabiliser. Un ralentissement de la croissance de la scolarisation pourrait affaiblir un facteur clé d’augmentation de la productivité. Autrement dit, dans 50 ans, tout le monde ne détiendra pas un doctorat, et il ne doit pas en être ainsi. Plus les études sont longues, moins elles laissent de temps à passer sur le marché du travail et une telle diminution du revenu viager pourrait devenir un sujet de préoccupation. En attendant, la scolarité tire une grande partie de sa valeur du fait qu’elle indique quelles sont les personnes les plus brillantes (ou les plus acharnées au travail), simplement parce qu’elles comptent parmi les rares qui ont su composer avec les rigueurs des études avancées. Plus les gens sont nombreux à obtenir un diplôme d’études supérieures, plus la qualité d’indicateur de ces diplômes s’estompe. Taux de dépendance (pour chaque tranche de 100 personnes) Les paramètres démographiques Figure 18 :Le taux de dépendance économique augmentera dans les pays développés 90 75 60 45 30 15 Prévisions des Nations Unies 0 1950 1966 1982 1998 2014 2030 2046 2062 2078 2094 Nota : LeHaver taux de dépendance est le ratio de la population âgée de 0 à 14 ans et Source: Analytics, RBC GAM de 65 ans et + par tranche de 100 personnes âgées de 15 à 64 ans. Sources : Nations Unies, Haver Analytics, RBC GMA Figure 19 :La croissance de la population en âge de travailler ralentit Variation du taux annualisé de croissance de la population en âge de travailler (%) sur 30 ans contraintes sur l’utilisation des terres commencent à faire mal. Les deux premiers freins mentionnés nous tracassent, mais nous sommes moins convaincus de l’importance des deux derniers. 1,5 1,02 1,15 1981-2011 1,0 0,5 2012-2042 0,36 0,42 0,17 0,0 0,14 0,14 0,06 -0,5 -0,81 -1,0 -0,94 -1,5 É.-U. Canada R.-U. Allemagne Japon Sources : Haver Analytics, RBC GMA Les technologies Les changements technologiques représentent sans doute le sujet le plus controversé de tous. Ils contribuent largement à la croissance de la productivité, qui, elle, est un préalable à l’expansion économique. De prime abord, il pourrait être tentant de se laisser séduire par la thèse voulant que le progrès technologique commence à ralentir. Le trajet de Londres à New York prend autant de temps qu’il y a trente ans et peut-être même davantage, étant donné que les avions supersoniques de transport de passagers ne sont plus utilisés. En comparaison de l’énorme progrès que constitue le passage du voilier au bateau à vapeur puis à l’avion Repères économiques | 9 RBC Gestion mondiale d’actifs (ou, sur terre, de la calèche au train puis à l’auto) – la première moitié du 20e siècle a vu l’invention du climatiseur, de la radio, de la télévision, de l’aéronef, de l’ordinateur, du plastique, des antibiotiques et de la pénicilline – on aurait de la difficulté à repérer autant de symboles de progrès dans les réalisations des dernières années. Bon nombre des innovations actuelles n’ont vraiment pas le prestige de celles de l’époque précédente. Mais elles voient le jour, quoique discrètement. Des véhicules autopropulsés circulent déjà dans nos rues, bien qu’ils ne soient pas encore dans nos entrées de garage9. Le transport aérien n’est peutêtre pas plus rapide qu’il y a plusieurs décennies, mais il est certainement plus efficace. La consommation de carburant a diminué, le nombre de passagers et la distance parcourue par avion ont augmenté, la disponibilité des vols s’est accrue et les tarifs ont beaucoup baissé. Reconnaissons également que les déplacements visent principalement à communiquer les uns avec les autres. À cet égard, il y a eu de grands progrès qui réduisent le besoin de déplacements physiques. Le télégraphe a été remplacé par le téléphone, puis sont apparus les téléconférences, la livraison le lendemain, le courrier électronique et les vidéoconférences. Si le corps ne peut pas se transporter à Londres en un clin d’œil, l’esprit, lui, le peut ; nous pouvons avoir des conversations avec des Londoniens, regarder la télévision londonienne par satellite, lire les journaux de Londres et acheter des actions au London Stock Exchange. Les nouveaux appareils révolutionnaires ne sont pas nombreux à entrer dans nos maisons, mais nous assistons à une révolution de l’information dans nos ordinateurs et de plus en plus dans la paume de la main. Grâce à l’Internet, il est maintenant possible de faire des achats plus éclairés d’habitations, d’autos, de vols et de produits de consommation, ce qui augmente l’offre et fait baisser les prix. Les sociétés ne peuvent plus miser uniquement sur la proximité géographique et l’ignorance du consommateur – seules les meilleures survivent, et la gagnante remporte la cagnotte10. Il est possible de se renseigner en ligne sur à peu près n’importe quel sujet, de sa santé à son patrimoine. Les entreprises ont de la difficulté à monnayer ce phénomène, mais il représente néanmoins un avantage pour la société. Indéniablement, les choses ont changé. General Motors n’embauche plus des centaines de milliers de travailleurs pour construire des autos rutilantes. Avec un effectif réduit à sa plus simple expression de 3 000 personnes, Facebook permet à plus de 10 % de la population mondiale de s’« aimer ». L’automobile 10 | Repères économiques est-elle plus ou moins importante qu’une amélioration des relations sociales avec la famille, les amis et les collègues ? La réponse n’est pas évidente. Ce qui est évident, c’est qu’il est dangereux de faire de grandes déclarations quant à la durabilité d’une croissance plus lente ou plus rapide de la productivité. Il suffit de se rappeler qu’au milieu des années 1990, Alan Greenspan avait annoncé une ère d’accélération de la croissance de la productivité analogue aux périodes de prospérité qui ont suivi les guerres mondiales. À présent, le monde craint un ralentissement de la croissance de la productivité. C’est le retour du balancier. La vérité se trouve quelque part au milieu. En d’autres termes, les avancées technologiques ne sont évidentes qu’en rétrospective. Dans bien des domaines, tels que les communications, l’information, l’informatique, la robotique, l’intelligence artificielle, les nanotechnologies et la pharmacologie, il se prépare de grandes découvertes. Toute tentative de prédire la forme qu’elles prendront ou la vitesse de leur implantation ne serait que pure folie. Autres facteurs D’aucuns prétendent que la disponibilité des terres commence à diminuer et que cela entravera la croissance. Nous ne sommes pas tout à fait d’accord. Le libre accès à de vastes terres peut avoir contribué à l’essor économique du Canada et des États-Unis au 19e et au 20e siècle. Toutefois, la valeur de cette terre a sans doute été exagérée étant donné qu’elle était initialement en friche, que les techniques de défrichement existant à l’époque étaient rudimentaires et qu’il n’y avait pas d’infrastructures de transport. Par ailleurs, du point de vue de la densité de population, les États-Unis sont encore assez peu peuplés comparativement au Japon (moins d’un dixième de sa densité de population) et la superficie par personne y est cinq fois plus étendue que dans toute l’Asie. Le monde n’a pas été frappé par une pandémie d’envergure vraiment mondiale depuis des décennies. Il y a lieu de se demander si cela s’explique par les progrès de la médecine et de l’hygiène ou si c’est une simple question de chance. L’augmentation de la densité de population, l’intensification de l’élevage et le nombre croissant de personnes qui voyagent et de biens en transit dans le monde donnent à entendre que les risques pourraient s’accentuer plutôt que de diminuer. La vérité est que nous ne le savons tout simplement pas. Les changements climatiques restent un sujet délicat. Qu’il suffise de dire que, dans l’ensemble, la communauté RBC Gestion mondiale d’actifs Ce qui est peut-être encourageant d’un point de vue plus général en matière d’environnement, c’est que, mis à part l’augmentation des niveaux de carbone atmosphérique, la plupart des autres mesures de la qualité de l’environnement se sont améliorées au cours des dernières décennies. Il a aussi été démontré que les pays les plus riches jouissent d’un environnement plus sain que les pays les plus pauvres. Plus la pauvreté s’estompera dans le monde, plus nous pourrons nous attendre à d’autres améliorations. Conclusion quant aux perspectives à long terme À la lumière de ces facteurs hétéroclites, nous estimons pouvoir conclure que la disparition des anciens vents arrière pourrait se traduire par une diminution de la croissance économique de 0,5 point de pourcentage et que les nouveaux vents contraires pourraient exercer une autre ponction de 0,75 point de pourcentage. Ensemble, ces reculs représentent un ralentissement de la croissance économique d’environ 1,25 point de pourcentage, de sorte qu’elle serait d’environ 2 % par année par rapport à une norme de 3,25 % pour la période de 1980 à 1999. Ces estimations sont, certes, loin d’être exactes, et il faut reconnaître que la précision des prévisions diminue à mesure que l’horizon prévisionnel s’allonge. Les bonnes nouvelles Maintenant qu’ont été décrits les facteurs susceptibles de ralentir la croissance économique, reconnaissons que cette rhétorique n’est pas inattaquable. En général, il est vrai que la croissance économique semble être plus lente après une crise financière ou un effondrement du marché du logement et lorsqu’elle est entravée par de lourds déficits et des dettes excessives. Normalement, un ralentissement de la croissance démographique se traduit également par une économie plus léthargique. Il existe cependant des exemples de pays qui ont su contrer ces tendances. La Suède et la Finlande sont rapidement revenues à une courbe de croissance normale après les difficultés Figure 20 : Le bien-être humain augmente pour tous les groupes Indice de développement humain des Nation Unies scientifique semble confirmer qu’ils se produisent. Il serait donc prudent de les percevoir, pour le moins, comme un risque pour la croissance économique, sinon une réalité. Ils sont néfastes, que l’on choisisse de les combattre (ce qui représente un coût estimatif annuel d’environ 0,2 % de la production mondiale) ou de les laisser se produire, ce qui pourrait donner lieu à des migrations massives perturbant l’économie et à des pertes de rendements agricoles. Pays ayant un faible IDH Pays ayant un IDH moyen Pays ayant un IDH élevé Pays ayant un IDH très élevé 1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Source PNUD Analytics, RBC GAM Source:: Haver qu’elles ont connues au début des années 1990. Le Canada a traversé une période d’austérité budgétaire étonnamment sereine au milieu des années 1990. L’histoire fournit des preuves peu orthodoxes que les périodes de faible croissance démographique correspondent à des phases d’augmentation accélérée de la productivité qui en atténuent partiellement l’effet. En outre, la cohorte grandissante des personnes âgées ne cessera pas de dépenser du fait qu’elle n’est plus sur le marché du travail. Nous devrions également éviter de succomber à la tentation de jeter un œil myope sur le désastre et de croire que nous resterons toujours embourbés dans les difficultés simplement parce que cela reflète une réalité immédiate. Le monde a connu bien des épisodes de difficultés économiques au moins aussi graves que celui-ci – guerres mondiales, pandémies et Grande Crise – et il finit toujours par s’en remettre. Nous avons peut-être exagéré les influences négatives de ces difficultés et leurs éventuelles conséquences. Elles pourraient plutôt receler de belles surprises telles que l’acquisition de l’indépendance énergétique par les États-Unis et la réalisation de la prévision antérieure d’un essor technologique durable. La Maison-Blanche s’attend à ce que les échanges commerciaux des États-Unis augmentent du double en l’espace de cinq ans et ils sont en bonne voie d’atteindre cet objectif. Cela pourrait considérablement transformer l’isolationnisme économique qu’ont manifesté les États-Unis jusqu’à maintenant et libérer un potentiel de croissance insoupçonné. L’immigration pourrait encore monter en flèche (quoiqu’à l’échelle mondiale elle ne représente pas beaucoup plus qu’un jeu à somme nulle). Dans le monde, l’arrivée à maturité des marchés émergents pourrait commencer à atténuer certaines iniquités par rapport aux pays Repères économiques | 11 RBC Gestion mondiale d’actifs 10 5 0 1965-1970 1975-1980 1985-1990 1995-2000 2005-2010 Source Nations Unies, Département Source::Haver Analytics, RBC GAM des affaires économiques et sociales Figure 22 : Perspectives de croissance moindre ÉCONOMIQU CE E N A +3.25 % par année CONOMIQ EÉ U NC +2 % par année TURE FU 12 | Repères économiques 15 E Compte tenu des fluctuations du cycle économique, la croissance économique réelle des États-Unis pourrait se situer, en moyenne, à l’intérieur d’une fourchette de 2 % par année, plutôt que d’atteindre les 3 % et plus que nous avons connus à la fin du 20e siècle (figure 22). Ce recul peut sembler léger, mais il représente une croissance atrophiée du tiers et il signifie que l’économie mettra 35 ans à doubler au lieu de 22. 20 ÉE SS PA En somme, il existe des preuves convaincantes que la croissance économique des pays développés restera léthargique pendant les prochaines années, car le désendettement se poursuit et les mesures d’austérité budgétaire font sentir leur effet. À long terme, la croissance pourrait aussi ralentir puisque les vents arrière qui propulsaient auparavant l’économie ont été remplacés par de nouveaux vents contraires, comme le ralentissement de la croissance démographique. Ce n’est évidemment pas le climat idéal, car il provoque une érosion du rempart naturel contre la récession et un ralentissement de la hausse des niveaux de vie ; il représente également un fardeau énorme pour les gouvernements et il pourrait gruger le rendement des placements. États-Unis Canada Europe de l'Ouest 25 CROIS SA Conclusion Taux de mortalité infantile : Nombre de décès infantiles pour 1000 naissances vivantes D’un point de vue plus général, bien qu’on ait l’impression du contraire, la qualité de vie continue à s’améliorer sur notre planète. L’indice de développement humain des Nations Unies (IDH) révèle qu’à tous les paliers de prospérité, les niveaux de vie ont augmenté constamment pendant nombre d’années (figure 20). L’état de santé s’améliore (figure 21), les niveaux de scolarité s’élèvent, les technologies se répandent, les crimes violents diminuent, les préjugés se résorbent tranquillement et les possibilités de divertissement augmentent. Il y a des exceptions, mais elles sont rares. Nous devons rester sceptiques quant aux prophéties apocalyptiques, que ce soit celles des Mayas sur l’an 2012 ou, plus généralement, celles qui concernent l’économie mondiale. Figure 21 : Les taux de mortalité infantile ont beaucoup diminué CRO IS S développés et dans les pays développés. L’Afrique pourrait finalement réaliser son potentiel économique. Source :Haver RBC GMA Source: Analytics, RBC GAM Au Canada, le glissement pourrait être un peu plus léger à court terme, car les mesures d’austérité budgétaire ont été moins rigoureuses et la crise financière a eu un effet moins direct, mais à long terme, il pourrait être plus profond en raison de données démographiques plus défavorables. Bien sûr, la seule constante dans le monde est le changement, et plusieurs événements imprévus pourraient encore faire mentir les hypothèses apparemment raisonnables énoncées dans cet article. Seul le temps le dira. RBC Gestion mondiale d’actifs Notes 1 D’après une évaluation approximative du niveau des salaires. Pour un certain nombre de raisons, les pertes d’emplois n’ont pas été aussi importantes dans la plupart des autres pays développés. Comme le marché du travail est moins souple dans la plupart des autres pays, les sociétés n’ont pas mis à pied autant de travailleurs au pire de la crise. Ailleurs, la durée du chômage ne s’est pas prolongée autant, et le nombre de travailleurs de la construction n’était pas aussi excessif. Par conséquent, la perte permanente de production a généralement été moins élevée. 2 Une autre recherche conclut au contraire que des normes de fonds propres plus rigoureuses devraient empêcher de futures crises financières et représenter un net avantage pour l’économie. C’est bien possible, mais cela ne stimulera pas la croissance à court terme. 3 Jusqu’à récemment, les auteurs de certaines études jugées crédibles ont soutenu que les mesures d’austérité budgétaire pourraient même avoir un effet expansionniste en raison d’un meilleur climat de confiance sur le marché et de paiements d’intérêt réduits. Toutefois, une nouvelle série d’études jette un regard plus attentif sur ces données historiques et conclut que de véritables mesures d’austérité budgétaire – appliquées activement en raison d’un endettement excessif, et non pas une réduction fortuite des déficits attribuable à des facteurs économiques indépendants – entravent réellement la croissance économique. 4 Résultat fondé sur l’hypothèse que la moitié du déficit structurel sera éliminée au cours des trois prochaines années, compte tenu d’un multiplicateur budgétaire de 0,67. 5 6 Certaines recherches mentionnent un seuil d’aussi peu que 70 % ou allant jusqu’à 100 % pour le ratio de la dette publique sur le PIB. Il y a inévitablement divers facteurs d’incertitude entourant les coûts économiques des dettes importantes. Certains sont presque certainement attribuables aux mesures d’austérité budgétaire nécessaires pour assainir les finances publiques. Nous avons déjà pris ces coûts en compte. D’autres prennent la forme de la perte d’une grande partie de la production économique au titre du service de la dette et, par conséquent, nuisent à la compétitivité sur les marchés internationaux. Cette tendance n’a pas encore commencé à se manifester dans des pays comme les États-Unis, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, qui continuent à profiter de coûts d’emprunt très faibles, du moins pour le moment. La réticence des entreprises à prendre des risques dans un pays lourdement endetté est un autre facteur à prendre en compte. Un facteur de causalité joue également, car les économies à croissance lente sont plus susceptibles d’accumuler d’importantes dettes en essayant de se donner le même niveau de vie que leurs voisins plus prospères. 7 Un exemple évident de migration provenant de l’extérieur est la hausse de l’immigration aux États-Unis, d’abord dans les années 1880 puis au début du 20e siècle. Aujourd’hui, le flux de nouveaux immigrants se compare à celui de ces périodes, mais parce qu’il représente une moindre proportion de la population, son effet est beaucoup moins important. Les États-Unis ont aussi été la scène de nombreuses grandes migrations internes. La première a été un mouvement des populations des régions agricoles vers la ville (de 1890 à 1960). Puis, s’est produite la migration des Afro-Américains du sud au nord (de 1910 à 1970). Les années 1950 ont été marquées par le début d’un déplacement de la population urbaine vers la banlieue. Dans les années 1970, en raison du déclin de l’industrie manufacturière, la population de la Rust Belt (ceinture de la rouille) s’est déplacée vers la côte, mais aussi du nord au sud, la climatisation étant devenue abordable. Chacune de ces migrations a stimulé la demande de nouvelles infrastructures et soutenu de nouvelles activités industrielles, ce qui a dynamisé la croissance économique des États-Unis. À l’heure actuelle, les migrations internes apparentes sont moins nombreuses. 8 L’usage à grande échelle de véhicules autopropulsés pourrait avoir d’énormes conséquences et se traduire par une augmentation du temps de loisirs, une réduction du coût et de la dimension des véhicules, une diminution de la circulation et une réorganisation des villes. 9 10 Bien sûr, il en résulte toute une série de problèmes, y compris des inégalités. Repères économiques | 13 RBC Gestion mondiale d’actifs Le présent rapport a été préparé par RBC Gestion mondiale d’actifs Inc. (RBC GMA) à titre d’information seulement et ne doit pas être reproduit, distribué ou publié sans le consentement écrit préalable de RBC GMA. Les renseignements y figurant ne constituent pas des conseils juridiques, comptables, fiscaux, financiers, ni des conseils de placement ou autres, et ne devraient pas être considérés comme tels. RBC GMA prend des mesures raisonnables pour fournir des renseignements à jour, exacts et fiables, et croit qu’ils le sont au moment de leur impression. En raison de la possibilité que survienne une erreur humaine ou mécanique ainsi que d’autres facteurs, notamment des inexactitudes techniques et des erreurs ou omissions typographiques, RBC GMA décline toute responsabilité à l’égard des erreurs ou des omissions que pourrait contenir le présent document. RBC GMA se réserve le droit, à tout moment et sans préavis, de corriger ou de modifier les renseignements, ou de cesser de les publier. Tout renseignement prospectif sur les placements ou l’économie contenu dans le présent rapport a été obtenu par RBC GMA auprès de plusieurs sources. Les renseignements obtenus de tiers sont jugés fiables, mais ni RBC GMA ni ses sociétés affiliées ni aucune autre personne n’en garantissent explicitement ou implicitement l’exactitude, l’intégralité ou la pertinence. 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L’emploi des modes conditionnel ou futur et des termes « pouvoir », « se pouvoir », « devoir », « s’attendre à », « soupçonner », « prévoir », « croire », « planifier », « anticiper », « évaluer », « avoir l’intention de », « objectif » ou d’expressions similaires permet de repérer les déclarations prospectives. Les déclarations prospectives ne garantissent pas le rendement futur. Les déclarations prospectives comportent des incertitudes et des risques inhérents quant aux facteurs économiques généraux, de sorte qu’il se peut que les prédictions, les prévisions, les projections et les autres déclarations prospectives ne se réalisent pas. Nous vous recommandons de ne pas vous fier indûment à ces déclarations, puisqu’un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent considérablement de ceux qui sont mentionnés, explicitement ou implicitement, dans les déclarations prospectives. Ces facteurs comprennent notamment les facteurs généraux d’ordre économique et politique ou liés au marché du Canada, des États-Unis et du monde entier, les taux d’intérêt et les taux de change, les marchés mondiaux des actions et des capitaux, la concurrence, les évolutions technologiques, les changements législatifs et réglementaires, les décisions judiciaires et administratives, les actions en justice et les catastrophes. La liste de facteurs essentiels ci-dessus, qui peut avoir une incidence sur les résultats futurs, n’est pas exhaustive. Avant de prendre une décision de placement, nous vous invitons à prendre en compte attentivement ces facteurs et les autres facteurs pertinents. Toutes les opinions contenues dans les déclarations prospectives sont sujettes à changement sans préavis et sont fournies de bonne foi, mais sans responsabilité légale. ® / MC Marque(s) de commerce de la Banque Royale du Canada, utilisée(s) sous licence. © RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., 2012.