Repères économiques: Portrait d`une économie en recul

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Repères économiques
Vue d’ensemble pour les investisseurs
NUMÉRO 13 • FÉVRIER 2012
POINTS SAILLANTS
› Des données convaincantes indiquent que la croissance économique des pays
développés restera léthargique dans les prochaines années en raison d’un climat
persistant de réduction de l’endettement et d’austérité budgétaire.
Eric Lascelles
Économiste en chef
RBC Gestion mondiale d’actifs Inc.
› Il a également été démontré que la disparition des vents arrière qui propulsaient
auparavant l’économie et la levée de nouveaux vents contraires pourraient faire
en sorte que la croissance à long terme soit inférieure à celle des décennies
précédentes.
› La présente analyse se veut un cadre de référence visant à faciliter la
compréhension et la quantification de ces deux thèmes, à rectifier certaines idées
fausses et à souligner d’importants faits nouveaux.
PORTRAIT D’UNE ÉCONOMIE EN RECUL
Figure 1 : Les économies sont conçues pour la croissance
L'économie était
techniquement plus
faible, mais elle était
sur une lancée
51
PIB par habitant en $ US – 2010
Notre bien-être matériel est fortement tributaire d’une
croissance économique perpétuelle. Dès que se manifeste
le moindre signe de stagnation ou de recul, les rouages de
l’économie se mettent à grincer. Les engrenages se démontent,
les chaînes se brisent et les fusibles sautent. Prenons la
récession qui a touché les États-Unis en 2009. Même si, cette
année-là, la production économique par habitant s’est classée
parmi les six meilleures jamais enregistrées aux États-Unis
et qu’elle ait atteint un niveau supérieur à tous les résultats
obtenus avant 2004 (figure 1), l’année a été purement et
simplement désastreuse. Les taux de chômage ont grimpé,
les marchés financiers ont dégringolé et un climat de
morosité s’est installé. Les choses ne se sont pas encore
complètement replacées.
50
49
48
47
L'économie était
techniquement
plus forte, mais
elle avait mauvaise mine
46
45
44
2000
2002
2004
2006
2008
2010
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
À tort ou à raison, on accorde à la croissance économique une
importance capitale : plus elle s’accentue, mieux c’est. Aussi,
comme nous l’expliquerons dans la présente analyse, le fait
que la future croissance économique puisse être un peu moins
dynamique que par le passé est très lourd de conséquences,
du fait que les rouages de l’économie ne recevront pas leur
dose habituelle de lubrifiant. Il en résulte de fâcheuses
conséquences qui se concrétisent notamment par la
stagnation des niveaux de vie, une plus grande précarité
des finances publiques et une éventuelle diminution des
rendements des placements.
Quatre facteurs clés nous semblent avoir contribué à cet
assombrissement des perspectives économiques. Le premier
est lié à une perte permanente de production DES lendemains
de la Grande Récession. Le deuxième est attribuable à une
Figure 2 : Sources de ralentissement de la croissance
Baisse
Ralentissement
permanente
temporaire de la
de la production
croissance
Perte initiale
de 1 à 2 points
de pourcentage
du PIB
Source : RBC GMA
Perte ~ 1 point
de pourcent.
par an durant la
reprise
Ralentissement
permanent de la
croissance
La norme
antérieure
n’était pas
durable
Le futur
pose de
nouveaux
défis
Perte ~ 0,5 point
de pourcent.
par an après la
reprise
Perte suppl. de
~ 0,75 point de
pourcent. par an
après la reprise
RBC Gestion mondiale d’actifs
Figure 3 : Sombrer sous les vagues
PÉRIODE DE CRISE
PÉRIODE DE DÉSENDETTEMENT
A
LONG TERME
B
Énorme perte de
ÉCONOMIE
production
Baisse
permanente de la
production
Ralentissement
temporaire de la
croissance
TEMPS
C
Ralentissement
permanent de la
croissance
D
Figure 3 : L’activité normalisée dans le secteur du logement
aux États-Unis a atteint un creux
Source : RBC GMA
Perte permanente de production
Au plus fort d’une crise financière, la production économique
chute brusquement. C’est exactement ce qui s’est passé en
2008 et en 2009. Mais le terrain perdu finit par être regagné.
Certaines pertes persistantes ne se résorbent cependant pas
et l’économie suit une trajectoire parallèle, à un palier inférieur
(comme l’illustre l’écart entre la ligne A et la ligne B sur la
figure 3).
Différents facteurs expliquent pourquoi, généralement, la
production ne remonte pas à son niveau initial.
Le stock de capital subit souvent une forte diminution au cours
d’une période d’investissement et d’entretien inadéquats.
Aujourd’hui, les stocks de matériel et d’outillage ont perdu au
moins 10 % du volume qu’ils auraient atteint sans la crise, et
2 | Repères économiques
Figure 4 : États-Unis : le taux de chômage est toujours
extrêmement élevé, mais stable
18
Taux de chômage global
Taux de chômage officiel
14
%
croissance temporairement léthargique pendant que les
pays se remettent de l’épreuve qu’ils ont subie. Le troisième
s’explique par une croissance à long terme moindre en raison
de la disparition des vents arrière qui dynamisaient auparavant
l’économie. Le quatrième prend la forme d’une croissance à
long terme ralentie par la levée de quelques nouveaux vents
contraires. Tous ces facteurs se conjuguent pour créer un climat
économique plus morose (figure 2). Divers phénomènes positifs
pourraient encore permettre à l’économie d’échapper à cette
torpeur, mais les risques de baisse sont aussi nombreux.
10
6
2
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
Sources : Bureau of Labour Statistics, RBC GMA
cela représente la base manquante sur laquelle la croissance
économique aurait pu être érigée.
Mais, ce qui est encore plus pertinent, c’est le fait que les crises
financières provoquent un tort irréparable au marché du travail.
La crise a initialement doublé le taux de chômage aux ÉtatsUnis, qui a augmenté de 5 points de pourcentage pour se situer
à 10 %. Ces données sous-estiment, en fait, la véritable ampleur
de la détérioration, car le taux de chômage a connu une hausse
de 8 points de pourcentage au sens de sa définition la plus
large (figure 4).
RBC Gestion mondiale d’actifs
Deuxièmement, la présente phase de difficulté économique
s’est prolongée si longtemps que la durée moyenne des
périodes de chômage est passée de 16 semaines, avant la
crise, à une consternante période de 40 semaines (figure 5).
Plus le chômage dure longtemps, plus s’accentue la perte des
compétences acquises et plus l’apprentissage des techniques
de pointe est reporté. Les perspectives de retour au travail
s’amoindrissent et le lien avec le marché du travail s’estompe.
Si un nouvel emploi est trouvé, il est souvent moins satisfaisant
que le précédent. Un travailleur qui revient sur le marché du
travail après plusieurs années de chômage verra son rendement
diminué de 14 % en moyenne, soit plus de deux fois la perte de
productivité résultant d’une absence plus courte (figure 6)1.
Troisièmement, les États-Unis sont aux prises avec une extrême
inadéquation des compétences. Les chômeurs ont, dans une
proportion excessive, une formation dans les domaines de la
construction et de la fabrication, des secteurs peu susceptibles
de connaître une reprise complète (figure 7). Comme il y avait
une bulle de l’emploi dans la construction avant la crise, même
un improbable retour à des niveaux normaux d’activité dans
ce secteur laisserait plus d’un million de travailleurs de la
construction en chômage permanent. Depuis nombre d’années,
le secteur de la fabrication subit les effets d’une tendance
baissière à long terme. Même si le climat concurrentiel
commence à être clément en Amérique, il est peu probable
que soient entièrement retrouvés les 1,9 million d’emplois
du secteur de la fabrication perdus depuis 2008 (et encore
moins les 5,4 millions d’emplois perdus depuis le tournant du
millénaire). Ces travailleurs peuvent certainement changer de
secteur, mais ils ne seront pas aussi employables, productifs et
bien payés.
Quatrièmement, la mobilité de la main-d’œuvre est
singulièrement faible. Les études empiriques réalisées
Chômage de longue durée (g.)
45
7
Durée de chômage (dr.)
40
6
35
5
30
4
25
3
20
2
15
1
0
1990
Durée moyenne de chômage
(semaines)
Nombre de civils au chômage (millions)
8
10
1993
1996
1999
2002
2005
2008
2011
Nota : Chômage de longue durée = 27 semaines et plus
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 6 : La détérioration des compétences apparaît
Diminution de la productivité d'un
travailleur
Premièrement, toute période de chômage involontaire fait subir
une perte au travailleur et, par conséquent, à l’économie. Cette
perte est celle du revenu précédent, mais elle prend aussi la
forme d’une diminution moyenne de 6 % de la rétribution du
nouvel emploi par rapport au précédent, même si la période de
chômage a été courte.
Figure 5 : Le chômage de longue durée aux États-Unis crée des
problèmes économiques
0,1
0,05
0
-0,05
6%
-0,1
-0,15
14 %
-0,2
Courte période
de chômage
Période de chômage
de plusieurs années
Nota : Comme en témoigne la diminution du salaire entre l’ancien emploi et le
nouvel emploi.
Source : Arulanpalan, Wiji., « Is Unemployment Really Scarring? », 2000.
Figure 7 : L’emploi dans le secteur de la construction et de la
fabrication demeure particulièrement faible
Nombre de chômeurs pour chaque
ouverture de poste
Ces mesures de l’emploi ont depuis regagné une partie du
terrain perdu, et d’autres améliorations sont probables.
Toutefois, elles restent à un niveau très supérieur à la
norme historique, de sorte que le taux de chômage pourrait
difficilement descendre durablement en deçà d’un taux
approximatif de 6,5 % dans un avenir prévisible, et ce, pour
plusieurs raisons.
16
De 2000 à 2006
14
14
De 2007 à ce jour
12
10
8
6
6
5
4
3
4
2
2
0
Construction
Fabrication
Type d'industrie
Toutes les autres
industries
SourceS : Haver Analytics, RBC GMA
Repères économiques | 3
RBC Gestion mondiale d’actifs
Figure 8 : Le taux de roulement de personnel demeure faible
800
Variation nette de l'emploi (g.)
Total brut des nouveaux employés (dr.)
5500
400
5000
0
La création
d'emploi mensuelle
semble normale
-400
4500
Le taux mensuel
de roulement du
personnel ne l'est pas
-800
-1200
2000
6000
2002
2004
2006
2008
4000
JOLTS : Total brut des nouveaux
employés (milliers)
Variation nette de l'emploi (milliers)
à ce sujet ne sont pas unanimes, mais elles démontrent
généralement (tout comme la théorie, certainement) que de
nombreux propriétaires aux prises avec une hypothèque dont
la valeur excède celle de leur logement arrivent difficilement à
vendre cette propriété pour déménager là où les marchés de
l’emploi sont plus vigoureux. Pire, les marchés du logement
les plus atrophiés correspondent, naturellement, à certains
des marchés du travail les plus déprimés, ce qui rend la fuite
particulièrement improbable pour ceux qui en bénéficieraient
le plus. Soit dit en passant, l’apparition depuis quelques
décennies de familles à deux revenus a encore davantage
réduit la capacité des familles de se déraciner sans heurt et
de déménager pour des raisons économiques, car l’un des
conjoints peut encore avoir un emploi rémunéré.
3500
2010
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Nous nous risquons à estimer que, globalement, les
États-Unis essuient presque en permanence une perte d’environ
un à deux points de pourcentage de production économique
en raison d’un sous-investissement en stock de capital et d’un
disfonctionnement du marché du travail. Ce phénomène est
observable mais à un degré moins extrême dans d’autres pays2.
Ralentissement temporaire de la croissance
Hélas, la faible croissance économique des dernières années
se poursuivra probablement pendant plusieurs années encore.
La figure 3 le montre : le passage de la ligne B à la ligne C
représente un autre glissement par rapport à la trajectoire
de croissance initiale. Deux principaux facteurs expliquent
ce phénomène. D’abord, la croissance a tendance à ralentir
après une crise financière. Ensuite, un contexte de difficultés
4 | Repères économiques
Figure 9 : Le gouvernement américain doit diminuer son
niveau d’endettement
Encours de la dette en % du PIB GDP
Cinquièmement, même si la création d’emplois commence à
afficher une tendance plus normale, le roulement du personnel
qui la sous-tend reste faible. Lorsque le Bureau of Labor
Statistics annonce la création de 200 000 nouveaux emplois
en un mois, il s’agit en fait d’un chiffre net et non pas d’un
chiffre brut. En fait, il y a sans doute eu environ 4 millions de
nouveaux emplois de créés et près de 3,8 millions de détruits.
Ce roulement, lorsque les travailleurs s’y prêtent de bon
gré, peut, en fait, être très avantageux pour l’économie, car
il en résulte souvent une meilleure harmonisation entre les
compétences et les emplois disponibles. En moyenne, chaque
déplacement volontaire de travailleurs d’une société à une
autre s’accompagne d’une hausse du salaire (et sans doute de
la productivité) de 9 %. Mais le roulement du personnel reste
anormalement faible (figure 8). Dans un climat d’incertitude,
les travailleurs estiment que ce qu’ils connaissent déjà est un
moindre mal. Et cela fait perdre des gains d’efficacité.
95
Encours de la dette publique
générale
80
65
La dette
publique
doit
diminuer
50
35
20
1950
1960
1970
1980
1990
2000
2010
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
budgétaires entrave généralement la croissance. Ces deux
facteurs sont présents dans la situation actuelle.
Les lendemains d’une crise financière
En théorie, la croissance économique devrait être plus lente
après une crise financière. Les dettes excessives doivent être
ramenées à des niveaux soutenables compte tenu du revenu
et des actifs. Dans leurs efforts en vue d’atteindre cet objectif,
les ménages, tout comme les entreprises, dépensent moins
et épargnent davantage. Les banques réduisent leurs leviers
d’endettement. Les gouvernements prennent normalement
plus de temps à adopter un tel comportement – ils s’efforcent
normalement de sauver d’abord les autres secteurs de
l’économie – mais ils finissent par céder aux pressions des
marchés et à adopter leur propre programme d’austérité
(figure 9).
RBC Gestion mondiale d’actifs
Des preuves empiriques
À tous points de vue, la théorie annonce nettement un
ralentissement de la croissance économique. Qu’en est-il de la
preuve empirique ?
Ratio dette/revenu des ménages (%)
Une autre conséquence des crises financières est la perte
d’appétit pour le risque. Peu de ménages, d’entreprises,
de banques ou de gouvernements sont disposés à prendre
de grands risques ou à investir massivement dans l’avenir.
Cela s’avère d’autant plus dans un contexte réglementaire
extrêmement incertain. La popularité des obligations d’État
à très faible revenu illustre ce phénomène. Mais il n’y a pas
de rendement sans risque, et les économies évoluent plus
lentement lorsque tout le monde pèche par excès de prudence.
Figure 10 :Le ratio dette/revenu des ménages américains
indique un désendettement
170
160
150
140
130
120
110
100
1990
1993
1996
1999
2002
2005
2008
2011
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 11 : Les banques commerciales américaines réduisent
leur endettement et l’accessibilité aux prêts
95
Ratio des dépôts sur prêts nets et crédits
bails
Ce processus est déjà amorcé. Le ratio d’endettement des
ménages américains a commencé à diminuer (figure 10) et
il baissera sans doute davantage. Les banques continuent à
réduire leur endettement aux États-Unis (figure 11) et elles
font finalement des progrès en Europe. Le resserrement
prochain de la réglementation obligera la plupart d’entre elles à
redoubler d’efforts à cet égard. Le FMI estime que l’observation
d’exigences internationales plus rigoureuses en matière de
fonds propres pourrait à elle seule retrancher près d’un demipoint de pourcentage du niveau de production économique des
pays développés3.
90
85
80
75
70
On pense généralement que les crises financières ne se
produisent qu’une seule fois en plusieurs décennies et que cela
rend difficile l’évaluation systématique de leurs caractéristiques
communes. Mais c’est faux. Il existe en réalité un inventaire
détaillé de plus d’une centaine de crises financières survenues
à l’époque moderne dans diverses régions du monde. En
quête d’indices, un nombre croissant d’auteurs de travaux de
recherche ont commencé à sonder cet inventaire.
Des résultats de recherches universitaires dévoilés en grande
pompe ont d’abord donné à entendre que la croissance
économique est normalement plus lente dans la décennie qui
suit une crise financière que dans la décennie précédente. La
théorie corrobore cette affirmation et c’est ce que persistent à
prétendre la presse et nombre d’experts.
Mais depuis peu, les observations deviennent plus nuancées.
Si le consensus se maintient quant au fait que la croissance
économique est véritablement plus lente – d’environ un point
de pourcentage par année – dans la décennie qui suit une crise
financière par rapport à la décennie précédente, il est possible
que cette indication induise en erreur autant qu’elle informe.
65
2002
2004
2006
2008
2010
Source : Federal Deposit Insurance Corporation
Un examen plus attentif des données révèle notamment que la
croissance a tendance à être très faible immédiatement après
une crise, mais qu’ensuite, peu après, une accélération se
produit souvent, de sorte que la moyenne sur dix ans est peu
représentative des deux phases de la période.
Puisque nous commençons à présent la quatrième année
de la reprise, nous nous soucions moins de ce qui se passe
immédiatement après une crise et davantage de ce qui se
produit ensuite. Encore une fois, les faits indiquent que le taux
de croissance moyen de la quatrième à la neuvième année
suivant une crise a tendance à être inférieur à la normale. Mais
l’ampleur de l’effet de freinage a considérablement diminué –
des quatre cinquièmes environ – et près de la moitié des pays
observés avaient retrouvé une croissance normale à ce stade.
Il est donc tout à fait possible que les pays développés soient
sur le point de sortir du purgatoire du point de vue de la
Repères économiques | 5
RBC Gestion mondiale d’actifs
Les finances chancelantes du gouvernement constituent un
autre irritant qui entrave la croissance économique à court
terme de deux façons.
Plus directement, les mesures d’austérité budgétaire
ralentissent mathématiquement l’économie. Il faudra s’attaquer
à des déficits structurels équivalant à 6 % du PIB aux États-Unis
et à 5 % dans l’ensemble des pays développés au cours des
prochaines années (figure 12). Après tout, les gouvernements
ne peuvent pas indéfiniment dépenser plus que leurs recettes.
Cependant, il est rare que les mesures d’austérité budgétaire
n’aient pas un coût économique4. Il est réaliste de s’attendre à
ce que le fardeau budgétaire représente une ponction moyenne
de 0,5 % à 0,75 % sur la croissance annualisée du PIB au cours
des prochaines années5.
Mais ce n’est là que l’aspect dynamique du fardeau budgétaire.
Il comporte aussi un aspect statique. Les faits donnent
à penser que les pays ayant un lourd fardeau de la dette
connaissent une croissance économique plus lente. Cet effet
n’est pas linéaire et il ne se manifeste nettement que lorsque
les ratios de la dette publique sur le PIB dépassent de 80 à
90 %6. Or, c’est précisément l’impasse dans lequel les pays
développés s’engagent actuellement (figure 13). L’ampleur du
ralentissement économique qui en résulte fait l’objet d’une
controverse, et nous pensons que sa véritable envergure se
situera, tout au plus, dans la tranche inférieure de la fourchette
de 0,5 à 2 points de pourcentage mentionnée dans les diverses
analyses7. C’est toutefois là une autre raison de prévoir une
croissance économique lente pendant la période d’après-crise.
Conclusion quant aux perspectives à court terme
La plupart des données permettent de conclure que la
croissance économique devrait, de fait, se poursuivre à un
rythme inférieur à la normale pendant plusieurs années en
6 | Repères économiques
2
Déficit public structurel (en % du PIB)
Fardeau budgétaire
Figure 12 : Des mesures d’austérité budgétaires sont
nécessaires, et celles-ci seront difficiles
États-Unis
Économies avancées
0
Nécessité de
combler cet
écart
-2
-4
-6
-8
2001
2003
2005
2007
2009
2011
Source: IMF, RBC GAM
Figure 13 :La dette publique atteint des niveaux
problématiques
Dette publique générale (en % du PIB)
croissance. Nous estimons, néanmoins, que c’est peu probable.
Les crises financières accompagnées d’un effondrement du
marché du logement – comme la crise actuelle – ont tendance à
suivre une trajectoire de reprise plus difficile. La profondeur et
l’envergure mondiale de cette crise financière (comparativement
à la plupart des crises financières survenues dans le passé, qui
étaient légères ou isolées) plaident en faveur d’un dénouement
moins favorable. Plus concrètement, le désendettement et
l’aversion pour le risque sont loin d’être chose du passé et ils
continuent à affaiblir la croissance.
140
Prévisions
du FMI pour
2012
120
100
80
Seuil pour une croissance
économique au ralenti
60
40
Royaume-Uni
France
Allemagne
États-Unis
20
0
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
Nota : Pour le R.-U., il s’agit de la dette publique générale, alors que pour les autres
pays, il s’agit de la dette publique générale brute. Sources : FMI, RBC GMA
raison des conséquences persistantes de la crise financière et
des graves difficultés budgétaires.
La description de l’effet précis de ces facteurs hétéroclites est
cependant davantage un art qu’une science. D’abord, il n’existe
pas d’analyse scientifique fiable quantifiant l’effet de tous les
freinages. Ensuite, il y a un risque de double comptage, ce qui
est plus inquiétant. Par exemple, de nombreux pays aux prises
avec une crise financière connaissent une augmentation rapide
de leur dette souveraine. Ainsi, le fait que la croissance soit
lente dans les pays traversant une période d’après-crise et dans
les pays très endettés peut, en réalité, représenter un seul et
même effet.
Il y a également lieu de douter de l’efficacité thérapeutique des
stimulants compensatoires injectés par les banques centrales,
RBC Gestion mondiale d’actifs
qui veulent à juste titre éviter que se concrétise cette prévision
de ralentissement de la croissance. Elles ont certainement
desserré tous les freins au cours du cycle actuel. Elles ont aussi
fait tout leur possible durant les crises financières précédentes,
mais elles ont rarement réussi à en neutraliser entièrement les
effets pervers.
Nous ne prévoyons pas une autre récession (sauf dans la zone
euro). Cependant, les pays traversent très souvent, dans la
décennie qui suit une crise financière, une seconde phase de
contraction habituellement attribuée à une autre cause, mais
la régularité de sa manifestation incite fortement à croire qu’elle
est vraiment liée à la crise initiale. C’est là un phénomène
à surveiller.
Cela étant dit, nous estimons que la croissance économique des
pays développés devrait être inférieure à la normale d’environ
un point de pourcentage par année pendant la présente période
de désendettement, ce qui correspond à une croissance réelle
annualisée d’environ 2 % aux États-Unis et au Canada. Si le
passé peut nous servir d’indicateur, cette situation ne changera
pas pendant encore plusieurs années.
Une croissance durablement plus lente
Nous avons expliqué qu’au cours des prochaines années,
la croissance économique sera sans doute plus lente que la
normale, pendant que se dissipent les conséquences de la crise
financière sur l’économie. Heureusement, cette détérioration ne
durera pas toujours.
Toutefois, il se peut qu’apparaissent d’autres entraves plus
persistantes attribuables à deux facteurs principaux : la
disparition des anciens vents arrière et la levée de nouveaux
vents contraires. L’écart entre la ligne C et la ligne D sur la
figure 3 illustre ce phénomène.
D’anciens vents arrière
Depuis des temps lointains, la définition d’une croissance
économique « normale » est remarquablement aléatoire. Elle
dépend énormément de la durée de la période prise en compte
(figure 14).
Devrions-nous remonter dans le temps aussi loin que nous le
pouvons ? Certains historiens économistes ont évalué quel était
le revenu individuel il y a des milliers d’années. Le PIB réel par
habitant a reculé pendant une longue période, soit de l’an 800
av. J.-C. à l’an 1000 apr. J.-C., pour ensuite « augmenter » à un
faible taux de 0,05 % par année de l’an 1000 jusqu’en 1820.
Figure 14 :Qu’est-ce qui constitue une croissance économique
« normale » ?
Années
Coissance annuelle
du PIB réel par
habitant
Croissance annuelle
du PIB réel
De 800 av. J.‑C. à
1000 après J.-C.
-0,01 %
De 1000 à 1820
0,05 %
De 1820 à 1870
1,3 %
De 1870 à 1979
1,9 %
De 1980 à 1999
2,0 %
3,2 %
De 2000 à 2007
1,4 %
2,4 %
De 2008 à 2011
-0,7 %
0,2 %
Nota : Le PIB par habitant est un meilleur paramètre pour effectuer une comparaison
sur de longues périodes.
Sources : RBC GMA, FMI, Maddison et Angus : « Historical Statistics for the World
Economy », données de Kremer.
Pendant la durée de vie de toute personne, ce pourcentage est
indéniablement synonyme de stagnation. Espérons que nous ne
sommes pas destinés à revenir à de telles périodes de morosité.
Dans la réalité, d’aucuns nous conseilleront de commencer en
1820, soit à l’époque où la révolution industrielle a vraiment
commencé à porter des fruits. Aux États-Unis, la croissance
économique a commencé à accélérer à ce moment-là, d’abord
à un rythme moyen jusqu’en 1870, puis ensuite, au rythme
plus soutenu que nous connaissons. Mais la « normalité » de
cette période est aussi contestée. Plusieurs grandes migrations
ont eu lieu pendant ce laps de temps, et elles ont sans doute
favorisé la croissance 8.Les périodes qui ont immédiatement
suivi les guerres mondiales ont été gavées de progrès
technologiques et enrichies du butin que constituait le retour
de millions de soldats à la vie civile. Plus tard, la génération du
baby-boom a soutenu la croissance avec l’aide d’une myriade
de vents arrière temporaires que nous décrirons sous peu.
En réalité, il n’existe rien de tel qu’une croissance vraiment
normale. Les conditions changent constamment. Il nous faut,
malgré tout, un cadre de référence et, pour plusieurs, les années
1980 et 1990 restent le modèle de croissance « normale »,
marqué par une expansion de l’économie américaine à un taux
annualisé de 3,2 % par année.
Malheureusement, plusieurs vents arrière mal connus ont
soufflé en bourrasque pendant cette période, et ces vents sont
tombés depuis. Ce sont notamment les fausses innovations
financières, le recours excessif à l’effet de levier, l’entrée du
Repères économiques | 7
RBC Gestion mondiale d’actifs
Les prix des produits de base sont restés bas et, pour la plupart,
stables pendant toutes les années 1980 et 1990, alors qu’ils
ont par la suite grimpé (figure 15). Le trio inflation, taux d’intérêt
(figure 16) et taux d’imposition (figure 17) a aussi beaucoup
reculé pendant cette période, ce qui a procuré à la croissance
un stimulant qui ne lui sera vraisemblablement pas administré
de nouveau de nos jours (quoique l’inflation et les taux d’intérêt
devraient rester bas et favoriser au moins un peu la croissance).
Bref, la période de 1980 à 1990 a été, en quelque sorte, un
conte de fées. À long terme, la croissance future devrait être
un peu plus lente tout simplement parce que minuit a sonné
à l’horloge et que le carrosse s’est transformé en citrouille. La
magie pourrait opérer de nouveau, mais elle ne se manifeste
pas encore.
De nouveaux vents contraires
Au moment où les anciens vents arrière ont cessé de souffler,
de nouveaux vents contraires se sont levés. Mais surtout, les
paramètres démographiques deviennent beaucoup moins
favorables à la croissance économique. Le niveau de scolarité
pourrait aussi commencer à plafonner. D’aucuns craignent que
les progrès technologiques se mettent à ralentir et que des
8 | Repères économiques
Indice des marchandises
S&P de Goldman Sachs
800
700
Indice
600
L'indice était au
même niveau
après deux
500
400
300
Un frein à la
croissance
économique
200
100
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2010
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 16 : La baisse de l’inflation et du coût d’emprunt aux
États-Unis ont stimulé la croissance
Rendement nominal des
obligations de 10 ans
14
12
Indice des prix à la
consommation
(année après
année)
10
8
6
4
2
0
-2
1953
1961
1969
1977
1985
1993
2001
2009
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 17 :La baisse des taux d’imposition a artificiellement
stimulé la croissance
Taux moyen d’imposition du revenu
des particuliers (g.)
14
50
Taux d'imposition des sociétés le
plus élevé (dr.)
12
46
10
42
8
38
6
34
4
2
30
1980
1989
1998
Sources : Haver Analytics, Tax Policy Center, RBC GMA
2007
Taux d'imposition des sociétés le
plus élevé (%)
Lorsque le mur voilant l’économie de l’Europe de l’Est et de
la Chine est tombé au début des années 1990, près de deux
milliards de nouveaux consommateurs ont soudainement
été poussés dans l’économie mondiale et une nouvelle
main-d’œuvre à bon marché composée de deux milliards de
personnes est apparue. Ce vent arrière continue à souffler
sur l’économie, mais avec une force moindre, et il est peu
probable que se produise une autre libéralisation des échanges
commerciaux de cette ampleur dans un avenir prévisible.
900
%
En rétrospective, les années 1980 et 1990 ont profité d’une
source inépuisable de produits financiers nouveaux et
finalement éphémères qui ont élargi l’accès au crédit de même
que le fossé entre emprunteur et prêteur. Les ménages et les
banques ont été capables de maintenir des taux excessifs de
croissance des dépenses et des prêts en ayant recours à l’effet
de levier. Toutefois, ces innovations financières sont devenues
suspectes en raison des terribles dégâts qu’elles ont provoqués
pendant la crise du marché immobilier. Bon nombre d’entre
elles ont maintenant été mises aux oubliettes et l’endettement
s’est résorbé. Ce vent arrière est devenu un vent contraire.
Figure 15 :Les marchandises ne soutiennent plus la croissance
Taux d'imposition moyen pour une
famille de quatre ayant une revenu
médian (%)
bloc soviétique et de la Chine dans l’économie mondiale, des
prix bas et stables pour les produits de base et un recul de
l’inflation, des taux d’intérêt et des taux d’imposition.
RBC Gestion mondiale d’actifs
Le vent contraire le plus puissant, et de loin, est la détérioration
des paramètres démographiques. Alors que la génération du
baby-boom était à l’apogée de ses pouvoirs économique et
productif durant les années 1980 et 1990, cette génération
arrivera à l’âge de la retraite et de la vieillesse dans les
prochaines décennies. Les taux de dépendance devraient
monter considérablement, ce qui signifie que la proportion de
personnes non actives par rapport aux personnes en âge de
travailler devrait exploser (figure 18). Les ponctions dans les
coffres de l’État s’en trouveront accrues.
À cet égard, le taux d’augmentation de la population en âge
de travailler – qui contribue directement à la croissance
économique – devrait diminuer d’environ 0,6 point de
pourcentage par année aux États-Unis, de 1,0 point de
pourcentage au Canada et dans des proportions comparables
dans les autres pays développés (figure 19).
La scolarité
Le taux d’augmentation de la scolarité pourrait aussi être
sur le point de ralentir. Dans les pays développés, les taux
d’obtention de diplômes d’études collégiales ont plafonné
il y a quelques décennies. Les taux d’obtention de diplômes
universitaires continuent à monter, mais ils sont peut-être en
voie de se stabiliser. Un ralentissement de la croissance de la
scolarisation pourrait affaiblir un facteur clé d’augmentation de
la productivité.
Autrement dit, dans 50 ans, tout le monde ne détiendra pas
un doctorat, et il ne doit pas en être ainsi. Plus les études sont
longues, moins elles laissent de temps à passer sur le marché
du travail et une telle diminution du revenu viager pourrait
devenir un sujet de préoccupation. En attendant, la scolarité tire
une grande partie de sa valeur du fait qu’elle indique quelles
sont les personnes les plus brillantes (ou les plus acharnées au
travail), simplement parce qu’elles comptent parmi les rares qui
ont su composer avec les rigueurs des études avancées. Plus les
gens sont nombreux à obtenir un diplôme d’études supérieures,
plus la qualité d’indicateur de ces diplômes s’estompe.
Taux de dépendance (pour chaque
tranche de 100 personnes)
Les paramètres démographiques
Figure 18 :Le taux de dépendance économique augmentera dans
les pays développés
90
75
60
45
30
15
Prévisions des
Nations Unies
0
1950 1966 1982 1998 2014 2030 2046 2062 2078 2094
Nota : LeHaver
taux de
dépendance
est le ratio de la population âgée de 0 à 14 ans et
Source:
Analytics,
RBC GAM
de 65 ans et + par tranche de 100 personnes âgées de 15 à 64 ans.
Sources : Nations Unies, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 19 :La croissance de la population en âge de travailler
ralentit
Variation du taux annualisé de croissance
de la population en âge de travailler
(%) sur 30 ans
contraintes sur l’utilisation des terres commencent à faire mal.
Les deux premiers freins mentionnés nous tracassent, mais
nous sommes moins convaincus de l’importance des
deux derniers.
1,5
1,02
1,15
1981-2011
1,0
0,5
2012-2042
0,36
0,42
0,17
0,0
0,14
0,14
0,06
-0,5
-0,81
-1,0
-0,94
-1,5
É.-U.
Canada
R.-U.
Allemagne
Japon
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Les technologies
Les changements technologiques représentent sans doute le
sujet le plus controversé de tous. Ils contribuent largement à
la croissance de la productivité, qui, elle, est un préalable à
l’expansion économique.
De prime abord, il pourrait être tentant de se laisser séduire
par la thèse voulant que le progrès technologique commence à
ralentir. Le trajet de Londres à New York prend autant de temps
qu’il y a trente ans et peut-être même davantage, étant donné
que les avions supersoniques de transport de passagers ne
sont plus utilisés. En comparaison de l’énorme progrès que
constitue le passage du voilier au bateau à vapeur puis à l’avion
Repères économiques | 9
RBC Gestion mondiale d’actifs
(ou, sur terre, de la calèche au train puis à l’auto) – la première
moitié du 20e siècle a vu l’invention du climatiseur, de la radio,
de la télévision, de l’aéronef, de l’ordinateur, du plastique, des
antibiotiques et de la pénicilline – on aurait de la difficulté à
repérer autant de symboles de progrès dans les réalisations des
dernières années.
Bon nombre des innovations actuelles n’ont vraiment pas le
prestige de celles de l’époque précédente. Mais elles voient
le jour, quoique discrètement. Des véhicules autopropulsés
circulent déjà dans nos rues, bien qu’ils ne soient pas encore
dans nos entrées de garage9. Le transport aérien n’est peutêtre pas plus rapide qu’il y a plusieurs décennies, mais il est
certainement plus efficace. La consommation de carburant a
diminué, le nombre de passagers et la distance parcourue par
avion ont augmenté, la disponibilité des vols s’est accrue et les
tarifs ont beaucoup baissé.
Reconnaissons également que les déplacements visent
principalement à communiquer les uns avec les autres. À cet
égard, il y a eu de grands progrès qui réduisent le besoin de
déplacements physiques. Le télégraphe a été remplacé par le
téléphone, puis sont apparus les téléconférences, la livraison le
lendemain, le courrier électronique et les vidéoconférences. Si
le corps ne peut pas se transporter à Londres en un clin d’œil,
l’esprit, lui, le peut ; nous pouvons avoir des conversations
avec des Londoniens, regarder la télévision londonienne par
satellite, lire les journaux de Londres et acheter des actions au
London Stock Exchange.
Les nouveaux appareils révolutionnaires ne sont pas
nombreux à entrer dans nos maisons, mais nous assistons
à une révolution de l’information dans nos ordinateurs et de
plus en plus dans la paume de la main. Grâce à l’Internet,
il est maintenant possible de faire des achats plus éclairés
d’habitations, d’autos, de vols et de produits de consommation,
ce qui augmente l’offre et fait baisser les prix. Les sociétés ne
peuvent plus miser uniquement sur la proximité géographique
et l’ignorance du consommateur – seules les meilleures
survivent, et la gagnante remporte la cagnotte10. Il est possible
de se renseigner en ligne sur à peu près n’importe quel sujet,
de sa santé à son patrimoine. Les entreprises ont de la difficulté
à monnayer ce phénomène, mais il représente néanmoins un
avantage pour la société.
Indéniablement, les choses ont changé. General Motors
n’embauche plus des centaines de milliers de travailleurs pour
construire des autos rutilantes. Avec un effectif réduit à sa plus
simple expression de 3 000 personnes, Facebook permet à plus
de 10 % de la population mondiale de s’« aimer ». L’automobile
10 | Repères économiques
est-elle plus ou moins importante qu’une amélioration des
relations sociales avec la famille, les amis et les collègues ? La
réponse n’est pas évidente.
Ce qui est évident, c’est qu’il est dangereux de faire de grandes
déclarations quant à la durabilité d’une croissance plus lente
ou plus rapide de la productivité. Il suffit de se rappeler qu’au
milieu des années 1990, Alan Greenspan avait annoncé une ère
d’accélération de la croissance de la productivité analogue aux
périodes de prospérité qui ont suivi les guerres mondiales. À
présent, le monde craint un ralentissement de la croissance de
la productivité. C’est le retour du balancier. La vérité se trouve
quelque part au milieu.
En d’autres termes, les avancées technologiques ne sont
évidentes qu’en rétrospective. Dans bien des domaines, tels
que les communications, l’information, l’informatique, la
robotique, l’intelligence artificielle, les nanotechnologies et la
pharmacologie, il se prépare de grandes découvertes. Toute
tentative de prédire la forme qu’elles prendront ou la vitesse de
leur implantation ne serait que pure folie.
Autres facteurs
D’aucuns prétendent que la disponibilité des terres commence
à diminuer et que cela entravera la croissance. Nous ne
sommes pas tout à fait d’accord. Le libre accès à de vastes
terres peut avoir contribué à l’essor économique du Canada et
des États-Unis au 19e et au 20e siècle. Toutefois, la valeur de
cette terre a sans doute été exagérée étant donné qu’elle était
initialement en friche, que les techniques de défrichement
existant à l’époque étaient rudimentaires et qu’il n’y avait pas
d’infrastructures de transport. Par ailleurs, du point de vue de
la densité de population, les États-Unis sont encore assez peu
peuplés comparativement au Japon (moins d’un dixième de sa
densité de population) et la superficie par personne y est cinq
fois plus étendue que dans toute l’Asie.
Le monde n’a pas été frappé par une pandémie d’envergure
vraiment mondiale depuis des décennies. Il y a lieu de se
demander si cela s’explique par les progrès de la médecine
et de l’hygiène ou si c’est une simple question de chance.
L’augmentation de la densité de population, l’intensification de
l’élevage et le nombre croissant de personnes qui voyagent et
de biens en transit dans le monde donnent à entendre que les
risques pourraient s’accentuer plutôt que de diminuer. La vérité
est que nous ne le savons tout simplement pas.
Les changements climatiques restent un sujet délicat.
Qu’il suffise de dire que, dans l’ensemble, la communauté
RBC Gestion mondiale d’actifs
Ce qui est peut-être encourageant d’un point de vue plus
général en matière d’environnement, c’est que, mis à part
l’augmentation des niveaux de carbone atmosphérique, la
plupart des autres mesures de la qualité de l’environnement
se sont améliorées au cours des dernières décennies. Il a
aussi été démontré que les pays les plus riches jouissent d’un
environnement plus sain que les pays les plus pauvres. Plus la
pauvreté s’estompera dans le monde, plus nous pourrons nous
attendre à d’autres améliorations.
Conclusion quant aux perspectives à long terme
À la lumière de ces facteurs hétéroclites, nous estimons pouvoir
conclure que la disparition des anciens vents arrière pourrait
se traduire par une diminution de la croissance économique de
0,5 point de pourcentage et que les nouveaux vents contraires
pourraient exercer une autre ponction de 0,75 point de
pourcentage. Ensemble, ces reculs représentent un
ralentissement de la croissance économique d’environ
1,25 point de pourcentage, de sorte qu’elle serait d’environ 2 %
par année par rapport à une norme de 3,25 % pour la période
de 1980 à 1999. Ces estimations sont, certes, loin d’être
exactes, et il faut reconnaître que la précision des prévisions
diminue à mesure que l’horizon prévisionnel s’allonge.
Les bonnes nouvelles
Maintenant qu’ont été décrits les facteurs susceptibles de
ralentir la croissance économique, reconnaissons que cette
rhétorique n’est pas inattaquable. En général, il est vrai que
la croissance économique semble être plus lente après une
crise financière ou un effondrement du marché du logement
et lorsqu’elle est entravée par de lourds déficits et des dettes
excessives. Normalement, un ralentissement de la croissance
démographique se traduit également par une économie
plus léthargique.
Il existe cependant des exemples de pays qui ont su contrer ces
tendances. La Suède et la Finlande sont rapidement revenues
à une courbe de croissance normale après les difficultés
Figure 20 : Le bien-être humain augmente pour tous les groupes
Indice de développement humain des
Nation Unies
scientifique semble confirmer qu’ils se produisent. Il serait donc
prudent de les percevoir, pour le moins, comme un risque pour
la croissance économique, sinon une réalité. Ils sont néfastes,
que l’on choisisse de les combattre (ce qui représente un coût
estimatif annuel d’environ 0,2 % de la production mondiale)
ou de les laisser se produire, ce qui pourrait donner lieu à des
migrations massives perturbant l’économie et à des pertes de
rendements agricoles.
Pays ayant un faible IDH
Pays ayant un IDH moyen
Pays ayant un IDH élevé
Pays ayant un IDH très élevé
1,0
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2010
Source
PNUD Analytics, RBC GAM
Source:: Haver
qu’elles ont connues au début des années 1990. Le Canada
a traversé une période d’austérité budgétaire étonnamment
sereine au milieu des années 1990. L’histoire fournit des
preuves peu orthodoxes que les périodes de faible croissance
démographique correspondent à des phases d’augmentation
accélérée de la productivité qui en atténuent partiellement
l’effet. En outre, la cohorte grandissante des personnes âgées
ne cessera pas de dépenser du fait qu’elle n’est plus sur le
marché du travail.
Nous devrions également éviter de succomber à la tentation
de jeter un œil myope sur le désastre et de croire que nous
resterons toujours embourbés dans les difficultés simplement
parce que cela reflète une réalité immédiate. Le monde a connu
bien des épisodes de difficultés économiques au moins aussi
graves que celui-ci – guerres mondiales, pandémies et Grande
Crise – et il finit toujours par s’en remettre.
Nous avons peut-être exagéré les influences négatives de ces
difficultés et leurs éventuelles conséquences. Elles pourraient
plutôt receler de belles surprises telles que l’acquisition de
l’indépendance énergétique par les États-Unis et la réalisation
de la prévision antérieure d’un essor technologique durable. La
Maison-Blanche s’attend à ce que les échanges commerciaux
des États-Unis augmentent du double en l’espace de cinq ans
et ils sont en bonne voie d’atteindre cet objectif. Cela pourrait
considérablement transformer l’isolationnisme économique
qu’ont manifesté les États-Unis jusqu’à maintenant et libérer
un potentiel de croissance insoupçonné. L’immigration pourrait
encore monter en flèche (quoiqu’à l’échelle mondiale elle ne
représente pas beaucoup plus qu’un jeu à somme nulle). Dans
le monde, l’arrivée à maturité des marchés émergents pourrait
commencer à atténuer certaines iniquités par rapport aux pays
Repères économiques | 11
RBC Gestion mondiale d’actifs
10
5
0
1965-1970
1975-1980
1985-1990
1995-2000
2005-2010
Source
Nations
Unies, Département
Source::Haver
Analytics,
RBC GAM des affaires économiques et sociales
Figure 22 : Perspectives de croissance moindre
ÉCONOMIQU
CE
E
N
A
+3.25 %
par année
CONOMIQ
EÉ
U
NC
+2 %
par année
TURE
FU
12 | Repères économiques
15
E
Compte tenu des fluctuations du cycle économique, la
croissance économique réelle des États-Unis pourrait se situer,
en moyenne, à l’intérieur d’une fourchette de 2 % par année,
plutôt que d’atteindre les 3 % et plus que nous avons connus à
la fin du 20e siècle (figure 22). Ce recul peut sembler léger, mais
il représente une croissance atrophiée du tiers et il signifie que
l’économie mettra 35 ans à doubler au lieu de 22.
20
ÉE
SS
PA
En somme, il existe des preuves convaincantes que la
croissance économique des pays développés restera
léthargique pendant les prochaines années, car le
désendettement se poursuit et les mesures d’austérité
budgétaire font sentir leur effet. À long terme, la croissance
pourrait aussi ralentir puisque les vents arrière qui propulsaient
auparavant l’économie ont été remplacés par de nouveaux
vents contraires, comme le ralentissement de la croissance
démographique. Ce n’est évidemment pas le climat idéal,
car il provoque une érosion du rempart naturel contre la
récession et un ralentissement de la hausse des niveaux de
vie ; il représente également un fardeau énorme pour les
gouvernements et il pourrait gruger le rendement
des placements.
États-Unis
Canada
Europe de l'Ouest
25
CROIS
SA
Conclusion
Taux de mortalité infantile : Nombre de
décès infantiles pour 1000 naissances
vivantes
D’un point de vue plus général, bien qu’on ait l’impression
du contraire, la qualité de vie continue à s’améliorer sur notre
planète. L’indice de développement humain des Nations Unies
(IDH) révèle qu’à tous les paliers de prospérité, les niveaux
de vie ont augmenté constamment pendant nombre d’années
(figure 20). L’état de santé s’améliore (figure 21), les niveaux
de scolarité s’élèvent, les technologies se répandent, les crimes
violents diminuent, les préjugés se résorbent tranquillement
et les possibilités de divertissement augmentent. Il y a
des exceptions, mais elles sont rares. Nous devons rester
sceptiques quant aux prophéties apocalyptiques, que ce soit
celles des Mayas sur l’an 2012 ou, plus généralement, celles
qui concernent l’économie mondiale.
Figure 21 : Les taux de mortalité infantile ont beaucoup diminué
CRO
IS
S
développés et dans les pays développés. L’Afrique pourrait
finalement réaliser son potentiel économique.
Source :Haver
RBC GMA
Source:
Analytics, RBC GAM
Au Canada, le glissement pourrait être un peu plus léger à court
terme, car les mesures d’austérité budgétaire ont été moins
rigoureuses et la crise financière a eu un effet moins direct, mais
à long terme, il pourrait être plus profond en raison de données
démographiques plus défavorables.
Bien sûr, la seule constante dans le monde est le changement,
et plusieurs événements imprévus pourraient encore faire
mentir les hypothèses apparemment raisonnables énoncées
dans cet article. Seul le temps le dira.
RBC Gestion mondiale d’actifs
Notes
1
D’après une évaluation approximative du niveau des salaires.
Pour un certain nombre de raisons, les pertes d’emplois n’ont pas été aussi importantes dans la plupart des autres pays développés.
Comme le marché du travail est moins souple dans la plupart des autres pays, les sociétés n’ont pas mis à pied autant de travailleurs au
pire de la crise. Ailleurs, la durée du chômage ne s’est pas prolongée autant, et le nombre de travailleurs de la construction n’était pas
aussi excessif. Par conséquent, la perte permanente de production a généralement été moins élevée.
2
Une autre recherche conclut au contraire que des normes de fonds propres plus rigoureuses devraient empêcher de futures crises
financières et représenter un net avantage pour l’économie. C’est bien possible, mais cela ne stimulera pas la croissance à court terme.
3
Jusqu’à récemment, les auteurs de certaines études jugées crédibles ont soutenu que les mesures d’austérité budgétaire pourraient
même avoir un effet expansionniste en raison d’un meilleur climat de confiance sur le marché et de paiements d’intérêt réduits.
Toutefois, une nouvelle série d’études jette un regard plus attentif sur ces données historiques et conclut que de véritables mesures
d’austérité budgétaire – appliquées activement en raison d’un endettement excessif, et non pas une réduction fortuite des déficits
attribuable à des facteurs économiques indépendants – entravent réellement la croissance économique.
4
Résultat fondé sur l’hypothèse que la moitié du déficit structurel sera éliminée au cours des trois prochaines années, compte tenu d’un
multiplicateur budgétaire de 0,67.
5
6
Certaines recherches mentionnent un seuil d’aussi peu que 70 % ou allant jusqu’à 100 % pour le ratio de la dette publique sur le PIB.
Il y a inévitablement divers facteurs d’incertitude entourant les coûts économiques des dettes importantes. Certains sont presque
certainement attribuables aux mesures d’austérité budgétaire nécessaires pour assainir les finances publiques. Nous avons déjà pris
ces coûts en compte. D’autres prennent la forme de la perte d’une grande partie de la production économique au titre du service de
la dette et, par conséquent, nuisent à la compétitivité sur les marchés internationaux. Cette tendance n’a pas encore commencé à se
manifester dans des pays comme les États-Unis, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, qui continuent à profiter de coûts d’emprunt
très faibles, du moins pour le moment. La réticence des entreprises à prendre des risques dans un pays lourdement endetté est un
autre facteur à prendre en compte. Un facteur de causalité joue également, car les économies à croissance lente sont plus susceptibles
d’accumuler d’importantes dettes en essayant de se donner le même niveau de vie que leurs voisins plus prospères.
7
Un exemple évident de migration provenant de l’extérieur est la hausse de l’immigration aux États-Unis, d’abord dans les
années 1880 puis au début du 20e siècle. Aujourd’hui, le flux de nouveaux immigrants se compare à celui de ces périodes, mais parce
qu’il représente une moindre proportion de la population, son effet est beaucoup moins important. Les États-Unis ont aussi été la
scène de nombreuses grandes migrations internes. La première a été un mouvement des populations des régions agricoles vers la
ville (de 1890 à 1960). Puis, s’est produite la migration des Afro-Américains du sud au nord (de 1910 à 1970). Les années 1950 ont
été marquées par le début d’un déplacement de la population urbaine vers la banlieue. Dans les années 1970, en raison du déclin de
l’industrie manufacturière, la population de la Rust Belt (ceinture de la rouille) s’est déplacée vers la côte, mais aussi du nord au sud,
la climatisation étant devenue abordable. Chacune de ces migrations a stimulé la demande de nouvelles infrastructures et soutenu de
nouvelles activités industrielles, ce qui a dynamisé la croissance économique des États-Unis. À l’heure actuelle, les migrations internes
apparentes sont moins nombreuses.
8
L’usage à grande échelle de véhicules autopropulsés pourrait avoir d’énormes conséquences et se traduire par une augmentation
du temps de loisirs, une réduction du coût et de la dimension des véhicules, une diminution de la circulation et une réorganisation
des villes.
9
10
Bien sûr, il en résulte toute une série de problèmes, y compris des inégalités.
Repères économiques | 13
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