Chapitre 1 : La naissance de la psychanalyse et ses prolongements La psychanalyse est d’abord issue d’une difficulté rencontrée par le clinicien dans sa pratique. Elle s’élabore tout d’abord dans une critique de l’hypnose, via son intemporalité et son caractère plutôt magique. I- L’apport de la psychanalyse en tant que clinique A. Le cas Anna O. S. Freud se met en quête d’une méthode permettant de retrouver l’histoire du patient, pouvant expliquer ses interprétations, et pouvant abriter la ou les causes du développement des troubles psychiques. Il part d’une technique préexistante, utile et qu’il critiquera par la suite, la technique de l’hypnose, célèbre pour le cas d’Anna O. et les expériences de Breuer et Charcot : Anna O. est une patiente qui souffre de troubles de mobilité oculaire. Sous hypnose, elle révèle une scène au crépuscule de la vie de son père, dans laquelle elle retient ses larmes en contractant douloureusement ses paupières. En sortant de cette séance, les troubles de mobilité oculaire disparaissent. Le succès de l’hypnose est incontestable dans la clinique. Freud va néanmoins la critiquer deux Deux manières, et y répondre par la psychanalyse : Ø Le succès de l’hypnose est incontestable, mais souvent temporaire. Ø Ce procédé possède une efficacité plutôt magique (Charcot parle de méthode cathartique), car on ne peut connaître le processus qu’il met en jeu. Freud retiendra tout de même Deux points de cette technique : Ø Cette méthode en évidence des causalités reliant des phénomènes psychiques aux phénomènes organiques. Ø Même si les effets ne sont que temporaires, son succès tient à la conversion de facteurs inconscients en souvenirs conscients. B. L’importance de la relation thérapeutique C’est à partir de ces situations que Freud va être amené à considérer l’importance de la relation thérapeutique. C’est à partir de là qu’il établit l’un des pivots de la méthode analytique, le Transfert : Le patient projette sur son thérapeute des fragments de sa vie inconsciente passée. Ce transfert est un phénomène affectif, dans lequel le patient revit une part de son passé. Ce phénomène possède dès lors une valeur diagnostique, le transfert se produisant généralement là où le patient résiste à évoquer certains termes de son passé. Au lieu de se remémorer le passé et de le rendre conscient, il le revit avec le thérapeute. Néanmoins, il existe un risque pour le médecin qui ne reconnait pas le transfert comme moyen thérapeutique de répondre par un phénomène de Contre-transfert : Le thérapeute répond au patient par ses propres attitudes affectives (Inquiétude, colère…), ce qui peut mettre en danger la relation de confiance. Tutorat PACES Amiens 1 C. Quels sont les phénomènes psychiques en jeu permettant l’efficacité de l’hypnose ? Même si l’hypnose parait fonctionner, elle ne permet pas de comprendre, ni comment, ni pourquoi, apparait une névrose. Freud tente alors de trouver des réponses en partant de ce que nous savons de la vie psychique afin de découvrir ce que nous ignorons : Ø Sur le plan scientifique, nous connaissons son organe somatique, le cerveau et le système nerveux. Ø Par expérience, nous avons connaissance de nos actes conscients. Il part alors des récits conscients des névrosés : On reconnait au XVIIIe au SN une fonction de régulation de l’ensemble des fonctions, c’est ici que les excitations sont converties en action. Cela s’appuie sur la théorie de la Constance : L’appareil psychique tendrait à maintenir à un niveau aussi constant que possible la quantité d’excitation qu’il contient. Ainsi, on penserait que l’appareil psychique viserait à réduire la quantité d’excitation, afin d’écarter la peine, notamment en passant par une répression de la libido infantile, c'est-à-dire des tendances et des pulsions spontanées. Mais cette libido est différente pour chacun, et l’évocation de cette libido par les patients va conduire Freud à penser que les symptômes par leur histoire. Freud, fort de ces témoignages, tente alors d’expliquer organiquement la génération de la névrose par des troubles de l’affection sexuelle : La névrose devient un conflit entre les tendances pulsionnelles infantiles, considérées comme un danger par l’éducation, et la réalisation de soi conformément au monde extérieur. Il apparait alors dans l’analyse des constats cliniques des patients que c’est en reconstituant avec le patient son histoire, que l’on peut reconstituer l’histoire de sa maladie. D. Les prolongements médicaux de l’approche freudienne En dehors du champ de la névrose, la psychanalyse conduit à réintroduire des éléments mis entre parenthèses dans l’approche de certaines maladies somatiques, notamment la prise en compte de la personne singulière et donc que tout traitement met en jeu une relation thérapeutique (Balint et la fonction apostolique), ainsi que le courant de la psychosomatique : C’est à Groddeck, dirigeant un sanatorium recevant des patients souffrant de troubles organiques, que l’on attribue la paternité du mouvement psychosomatique : Il considère que certains troubles considérés comme purement organiques proviennent à l’initial de troubles psychiques. Certaines maladies organiques sont une manière d’exprimer des conflits intérieurs. C’est une tentative d’expliquer le lien entre causalités psychiques et physiques. La psychosomatique s’élabore alors dans l’héritage de la psychanalyse tout en associant des découvertes contemporaines, telles : Ø L’expérience de Pavlov et des reflexes conditionnés. Ø L’expérience de Canon, et la provocation d’effets physiologiques par les émotions, via une perturbation de l’homéostasie. Certaines maladies auraient donc des causes psychologiques. Notons que le courant de la psychosomatique fut porté par Felix Deutsch (Critique de l’organicisme de la médecine) et Franz Alexander (Critique du Dualisme). Tutorat PACES Amiens 2 Franz Alexander résume alors ce courant en affirmant une identité entre processus physiologique et psychique : « La dualité disparait si nous considérons le phénomène psychique comme un aspect subjectif de certains processus physiologiques. ». Ainsi, la psychosomatique mettra au centre de son travail la notion de Traumatisme : Le dépassement des possibilités d’adaptations psychiques qui va alors se traduire par des processus physiques, à travers des symptômes. Ces diverses exigences de réintroduire un regard à la fois singulier et d’interroger l’histoire du malade trouveront un écho dans l’anthropologie médicale, développé à la même période dans les années 50, afin de réintroduire la question du sens de la maladie, s’attachant aux valeurs culturelles dans la construction du phénomène pathologique. II- L’intervention culturelle dans le regard porté sur la maladie Les facteurs culturels n’interviennent pas seulement dans la manière de regarder la maladie, mais également dans la manière de le nommer et d’éprouver le mal-être dont on souffre, vont alors apparaître dans le vocabulaire médical les Deux notions de distinctes de Douleur : La réponse à un stimulus, et de Souffrance : Une expérience existentielle de mal-être. Zborowski se propose d’analyser les composantes culturelles de l’expérience de la douleur à travers l’analyse de réactions sur Trois groupes de patients : Ø Un groupe d’origine italienne, présentant des plaintes vives qui cessent avec la douleur. Ils décrivent très précisément leurs symptômes. Ø Un groupe d’origine juive, présentant une réaction émotionnelle vive et se préoccupent des conséquences à long terme (Ils continuent à se plaindre). Ils décrivent des symptômes plus diffus. Ø Un groupe d’origine protestante, minimisant la douleur mais se préoccupant largement des conséquences. Ainsi, chaque patient ne se sent pas atteint de la même manière pour un dysfonctionnement semblable, ainsi les différences sont nombreuses, que ce soit dans la description des symptômes que dans le ressenti des atteintes (Le cœur est important en occident, au Japon c’est l’abdomen). Ainsi, ça n’est pas seulement l’expérience de la maladie qui diffère selon les cultures, on rencontrera des pathologies différentes selon les horizons, dans la construction même de leurs processus. On parle alors d’Idiom of Distress : Des syndromes, parfois très sévères retrouvés seulement à l’intérieur d’une culture, et pas ailleurs. Comme le dit B. Good : « Les processus pathologiques se construisent au sein d’un Réseau sémantique : Une représentation constituée de notions, références, symboles, qui permettent de se représenter les expériences d’un individu. ». Dithley rajoutera afin d’accentuer ce phénomène : « Nous expliquons la nature mais nous comprenons l’être homme ». En effet Expliquer permet de rendre compte d’un phénomène à partir de ses causes, en se basant sur le principe du déterminisme ; tandis que Comprendre, c’est accéder au sens, car les comportements humains ne sont pas réductibles à une série de cause, mais mettent en jeu également des intentions, des significations, des interprétations. Ainsi, l’expérience de la pathologie suppose une démarche explicative, mais également une démarche compréhensive qui interrogent le sens de l’expérience. Tutorat PACES Amiens 3 Une troisième démarche sera apportée pendant le XXe siècle par Canguilhem, à travers la notion de normalité : Il dégage les implications de la remise en cause de la médecine expérimentale qui s’élabore dans cette période en faisant référence à Deux cliniciens majeurs : III- Une critique clinique de la médecine expérimentale A. Leriche, un retour à une vision qualitative Leriche : « La santé, c’est la vie dans le silence des organes ». Il explique que la maladie est d’abord ce qui gêne les êtres humains dans l’expérience de leur vie ordinaire. La normalité se définit alors d’abord par la vie que par les symptômes, et la notion de normalité nait avant tout d’une expérience de vie anormale. Néanmoins, derrière les traces de C. Bernard, il pense qu’afin d’expliquer la maladie, il faut déshumaniser le malade : Ce qui signale la maladie, c’est avant tout la douleur, et la douleur est irréductible à un phénomène physiologique normal, simplement en excès. C’est avant tout un état qualitatif différent, et déshumaniser le malade permettra de décrire et expliquer la maladie. B. Goldstein, la place du Psychique dans les phénomènes pathologiques Goldstein est un neurologue qui observe les blessés cérébraux de la 1e guerre mondiale. Il insiste à tenir compte de la transformation complète de la personnalité du malade sous l’effet de la maladie, avec la maladie comme mise en péril de l’existence, c’est une autre manière de vivre. Ainsi, il montre que la lésion d’une fonction ne se traduit pas par la perte d’un contenu, mais par une dédifférenciation de la fonction (Si l’on perd la vision, les autres sensibilités se développent plus pour palier ce manque). Enfin, Goldstein met en évidence la variabilité des manifestations pathologiques, notamment avec l’exemple de l’amputation, et l’apparition d’un membre fantôme : Le patient sait qu’il ne possède plus sont bras, mais continue à le sentir et tenter de l’utiliser. Mais le point important est que cette sensation apparait chez certains et pas chez d’autres, ce qui n’est pas explicable seulement par le fonctionnement des nerfs afférents. Ainsi, l’explication de ce phénomène ne peut passer ni seulement à une explication physiologique, ni seulement à une explication psychologique, et que la superposition de ces deux déterminismes ne suffit pas. La relativisation du modèle expérimental s’effectuera donc à deux niveaux : Ø La pratique conduit à nuancer la position strictement localisationniste. Ø Cela met en évidence l’inscription de la maladie dans une histoire singulière. Ces deux éléments conduisent à réintroduire une approche de la maladie en termes qualitatifs, c'est-à-dire tel un évènement affectant une existence indécomposable. La maladie, c’est l’objet d’une interprétation, et même si les médecins reçoivent la même formation, ils n’élaborent pas les mêmes stratégies face à leurs patients. Tutorat PACES Amiens 4