qu’il faut acquérir pour bien vivre une relation
d’amour dans la société, et d’offrir aux conjoints les
outils de communications nécessaires à une bonne
gestion de leur vie affective. Car, dans ces ouvrages
sur le couple existe une illusion majeure : celle de
la toute-puissance libératrice de la communication.
Celle-ci s’articule autour de deux croyances. L’une
arguant que le seul fait de communiquer serait
suffisant pour créer un rapport harmonieux entre les
conjoints, et l’autre supposant que « l’épanouisse-
ment de soi » passe par l’accès aux techniques rela-
tionnelles. « Parlez, apprenez à communiquer et
tout ira mieux » est devenu le leitmotiv de toute cette
littérature de développement personnel destiné au
couple. La communication – et ses techniques – se
constitue de fait comme un recours majeur à tous
les dysfonctionnements de la société et elle est
aujourd’hui utilisée de plus en plus systématique-
ment dans le discours social comme un recours
universel, sinon comme le seul recours (Breton,
1997).
La question de la communication entre les hommes
et les femmes apparaît aujourd’hui à bien des
égards comme la condition nécessaire et suffisante
pour réussir son couple. Trouver la bonne approche
de soi et du rapport à l’autre en apprenant à
communiquer est considéré comme une condition
suffisante pour résoudre toutes les difficultés. Mais
tant que les hommes et les femmes ne sauront pas
et n’admettront pas que la parole est une qualité
injustement distribuée, qui remplit des fonctions
différentes selon les sexes, ils iront forcément vers
de grandes déceptions, ces disparités étant à l’origine
de bien des conflits : « Hommes et femmes nous ne
parlons pas la même langue, mais nous ne le savons
pas (…). Comment vivre ensemble quand on ne
parle pas la même langue ? Il faut inventer des
registres communs, s’entendre sur les mots impor-
tants pour l’autre, comprendre la valeur différente
de ces mots importants » (Brenot, 2001, p. 206).
Dans le couple, selon ces ouvrages, les hommes
ont avant tout besoin de confiance, d’acceptation,
d’appréciation, d’admiration, d’approbation et
d’encouragement. Les femmes, quant à elles, ont
besoin d’attention, de compréhension, de respect,
de dévotion, que l’on avalise leurs sentiments et
qu’on les rassure : « La femme a besoin de se sentir
aimée et comprise, d’être écoutée par un homme
qui ne s’impatientera pas et ne se fâchera pas en
l’écoutant exposer ses sentiments » (Gray, 1997,
p. 172) ou encore : « Dans le pacte amoureux
inconscient, la femme recherche une relation équi-
librée avec un homme susceptible de la sécuriser et
de protéger le couple. En échange de quoi l’homme
demande à sa compagne qu’elle soit ouverte à son
égard et développe ses facultés d’écoute émo-
tionnelle » (Turchet, 2001, p. 57). Là où les hommes
veulent le pouvoir, les femmes souhaitent des relations
de coopération (les garçons aiment gagner, les
filles aiment jouer) ; là où les hommes aiment les
choses ou les objets, les femmes aiment les gens et
les relations ; là où les hommes sont en concur-
rence, les femmes coopèrent (l’homme marche à la
domination, la femme à l’émotion). Les hommes se
définissent par le « faire » et les femmes par « l’être » :
l’homme cherche à bien faire, la femme à être bien.
Pour l’ensemble des auteurs, tant que les hommes
et les femmes ne sauront pas et n’admettront pas
que la parole est une qualité injustement distribuée,
qui remplit des fonctions différentes selon les sexes,
ils iront forcément vers de grandes déceptions, ces
disparités étant à l’origine de bien des conflits. L’idée
centrale qui traverse les explications concernant les
difficultés actuelles des couples est bien celle que
les hommes et les femmes, supposés égaux, sont
différents biologiquement et/ou psychologique-
ment. Ces différences décident en grande partie de
leurs priorités, de leurs centres d’intérêt et de leur
mode de communication : « Car l’homme et la
femme sont différents. Égaux, mais désespérément
différents. Et pour toujours. Et là, forcément, ce
n’est pas de l’appareil génital et de la silhouette en
général que je parle. Mais de tout le reste. Je dis
bien tout le reste : le cerveau, les hormones, les
perceptions, les aptitudes, les comportements… »
(Willer, 2001, p. 9). Le nouveau défi à relever par
les hommes et les femmes serait alors d’assurer la
mise en place d’une bonne communication « inter-
culturelle » qui leur permette de s’entendre au-delà
de leurs « langues » et de leurs visions du monde
différentes. On assiste ainsi à une tentative de restau-
ration assidue de la communication qui s’opère sur
deux registres : une explication scientifique des
différences « naturelles » entre les hommes et les
femmes, en ce qui concerne les causes des malen-
tendus, et nous allons le voir, l’assignation d’une
place spécifique des femmes vis-à-vis de leurs
conjoints pour ce qui touche aux remèdes.
Le renforcement de la hiérarchisation
des rôles masculins et féminins
Si les femmes sont bavardes, diront les « experts »
de la psychologie évolutionniste, c’est d’abord
parce qu’elles sont mieux équipées pour le faire et
que, au niveau cervical, elles disposent de capa-
cités très supérieures aux hommes sur le plan de
la parole : « Ce qu’on fait bien, on aime le faire.
Alors les femmes, tout naturellement, se sont
mises à bavarder. Bavarder, c’est jeter un pont
vers les autres, c’est échanger des idées ou de
bonnes adresses. C’est remplir le vide entre les
autres et nous, c’est maintenir le contact » (Willer,
2001). Cette opinion communément admise que
les femmes parlent plus que les hommes est l’un
des stéréotypes le plus répandu. Or plusieurs études
Recherches et Prévisions n° 89 - septembre 2007
24 Conflits de couples et maintien du lien parental