Recherche Coopérative sur
Programme no25
PIERRE CARTIER
Analyse non standard : nouvelles méthodes infinitésimales en
analyse. Application à la géométrie et aux probabilités
Les rencontres physiciens-mathématiciens de Strasbourg - RCP25, 1985, tome 35
« Conférences de : P. Cartier, A. Guichardet et G.A. Viano », exp. no1, p. 1-21
<http://www.numdam.org/item?id=RCP25_1985__35__1_0>
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ANALYSE
NON
STANDARD
:
NOUVELLES METTHODES
INFINITESIMAJ.ES
EN
ANALYSE
.
APPLICATION
A LA
G^OMETPIC
ET
AUX
PROBABILITES
par Pierre CARTIER (Ecole Polytechnique)
1. Historique des infinitésimaux
e
e
De Cavalieri
f au 17
siècle
f a
Cauchy ,
au 19
siècle
,
les mathématiciens
firent
un
grand usage des infiniment petits
et
des infiniment grands
On
définit
une i n-
tegrale comme une scmme d'un nombre infiniment grand
de
quantités infiniment petites
f
une tangente
a
une courbe est
la
droite qui joint deux points
infiniment voisins de
1*li-
te courbe , une fonction est continue
si un
accroissement infiniment petit
de la
variable
produit
un
accroissement infiniment petit
de la
fonction . Les propriétés qui nous sont
bien familières
,
concernant les fonctions
ou
les figures géométriques
f
s'établissent
en général
de
manière simple
et
relativement intuitive . Malheureusement
, on ne
peut
e'i
ter certains paradoxes
;
comme
le
remarque avec vivacité l'évoque Berkeley
f la
principale
difficulté est qu'une quantité infiniment petite (dite aussi infinitésimale) sera considé-
e selon les cas comme nulle
, ou
comme non nulle
Prenons par exemple
le
calcul
de la
2
p
dérivée
de la
fonction
x de la
variable
x
(je devrais dire
de la
fonction
x|—£s
x
);
2
on
a
donc
y = x , et si
l'on donne
un
accroissement infiniment petit
dx a x , on
2
2 ^
trouve
y + dy = (x +
dx)
= x +
2x.dx
+
(dx)^
, d'où dy =
(2x
+
dx).dx
et
fina-
lement Ì3L
- 2x + dx = 2x
dx
Le résultat dy/dx
= 2x
est bien conforme
i
l'orthodoxie , mais
le
paradoxe est
que
l'on doit supposer
dx
non nul pour faire
la
division
f
alors qu'on doit
le
supposer nul
pour écrire l'égalité finale
2x + dx = 2x .La
difficulté était double
:
quelle est
la
nature des infinitésimaux
?
comment codifier avec précision les règles
de
calcul
et de
raisonnement sur
ces
objets
?
A
la
première question
f
Leibniz répond qu'il
s'agit
de
nombres idéaux , que
l'on
adjoint aux nombres "réels"
. On
peut donc concevoir qu'après les extensions multiples
de
la notion
de
nombre qui ont conduit des entiers positifs aux nombres complexes
en
pas-
sant par les nombres fractionnaires
,
les nombres négatifs
,
les nombres irrationnels
,
puis imaginaires
il
faille une étape supplémentaire Ces nombres seront manipulée :-e~
-
2 -
Ion
le» règles usuelles f et toutes les identités valables pour les nombres
usuels
sont
encore
valables pour ces nombres généralisés Selon la terminologie algébrique contera-
poraine , les nombres réels généralisés forment un corps commutatif totalement ordonné
Mais
les infinitésimaux ne sont que des inte^édxai res de démonstration ; s ' i"\s
«:>nt
gitimes
dans
les étapes intermédiaires , ils doivent disparaître du
résultat
final <
La
réponse la plus complète à la seconde question est
celle
de Lazare C*-rnot *
dans
un ouvrage qui fut fameux en son temps
"Réflexions
sur la métaphysi
q>~
du calcul
infinitésimal"
ex dont la seconda édition
parut
en 1797 t en pleine révolu-
tionnaire t alors que Lazare Carnet occupe des fonctions politiques éf>o--lentes- il ?v-'
troduit la distinction capitale entre les équations imparfaites , où les deux ne.^bres
diffèrent
d'un infiniment petit , et les équations parfaites . Autrement dit , i coté
de
l'égalité absolue des nombres 9 notée hier et aujourd'hui a ~ b f il faut cons
:-Je:*
une égalité approchée , notée «aujourd'hui a Ci/- b et qui
signifie
que a - b est
infi
ment petit .
Mais
il note encore a = b cette nouvelle relation f et il se peut que ce
manque de notation autonome ait empêché la diffusion et l'acceptation de son système
Quoi
qu'il en soit , on ne put jamais f au 186 et au 19e siècle f élaborer
un système quit conérent , complet et commode . Déjà 9 d'Alerabert avait affirmé que
le
concept fondamental était celui de limite , et que toutes les
autres
notion?; du
Cal-
cul Infinitésimal peuvent s'y ramener Cette notion de limite
n'est
pas non plus aisée
à
définir ,. et il fallut attendre Weierstrass pour la clarifier complètement Aussi 9
malgré
l'effort
de Lazare Carnot pour élucider la
nature
des raisonnements sur les in-
finitésimaux 9 malgré la répugnance de Cauchy lui-même à abandonner les infiniment pe-
tits
9 le point de vue
d'Abel
9 Dirichlet 9 Weierstrass et Kronecker finit par s'impo-
ser . Toutes les notions sont subordonnées à
celle
de limite , et cette dernière est
remplacée
définie par une manipulation assez sophistiquée d'inégalités : les
e
et les *b qui sont aujourd'hui bien familiers
dans
les cours de Mathématiques ,
Sur le plan de la rigueur f 11 n'y a rien a reprocher à ces méthodes "nouvelles" (en
1850)
; elles se sont bien incorporées aux idées de Cantor , et elles se trouvent au
coeur de la
Topologie
Générale ou de l'Analyse Fonctionnelle qui forment la version
moderne du Calcul différentiel et Intégral
dans
une Mathématique entièrement remodelée
dans
le cadre de la Théorie des Ensembles .
2.
Mathématique non-arçhimédienne
A
1» fin du 19* siècle 9 Veronese
dans
une suite de travaux d'accès
difficile
tente de dépasser les mathématiques archiraédiennes . On les connaît
surtout
par 1*
ver™-
-
3 -
sion
simplifiée
qu'en donne Hilbert
dan»
ses "Grundlagen der Géométrie" » Dans ce
de
re-
nier ouvrage , Hilbert donne un système
axi
orna tique
aussi
complet que possible pour 1;J
géométrie
euclidienne , indépendamment de l'idée cartésienne des coordonnées ,
dans
.
ligne
de la tradition d'Euclide . Il examine soigneusement l'indépendance les divers
axiomes
9 et les
géométrie»
plus ou moins inhabituelles que l'on obtient en supprimant
ou
en affaiblissant tel ou tel axiome . Dans l'étude de
l'Axiome
d'Archimède 9 il intro-
duit des modèles de la géométrie , où les coordonnées d'un point de 1'espace seraient
prises
dans
un système aon archiraédien . Il s'agit d'élargir l'ensemble des nombres
réels
R en un corps totalement ordonné (commutatif) K .Si K est distinct de R ,
l'axiome
d'Arcliimède
est
violé
et il existe des éléments x de K tels que l'on ait
x
> n pour tout entier n ; de tels éléments seront appelés "infiniment grands" (peu-
tifs)
et l'on peut , par changement de signe , introduire des nombres négatifs
infini:
"vr
grands . Un nombre e
sera
infiniment petit si l'on a e = 0 ou si e est l'inverse
d'un nombre infiniment grand . On peut
aussi
dire que l'élément L de K est infiniment
petit si l'on a |c| < x pour tout nombre réel x > 0 ; il s'agit là
d'une
version )
contradictoire de la fameuse définition
d'Abel
:
"On
appelle infiniment petite toute quantité qui est plus petite que toute quantit'
assignable" .
Bien
entendu , on n'échappe à la contradiction qu'en distinguant soigneusement deux do-
maines emboîtés R et K , et en interprétant "quantité assignable" comme les éléments
du plus petit domaine Jt^,
Dans ce cadre t on justifie facilement une partie des règles de calcul de Lazare
Carnot . Ecrivons a £i b pour signifier que a - b 1 est infiniment petit . 3i un
élé-
ment a de K
n'est
pas infiniment grand
(positif
ou
négatif)
, il existe un unique
élément
a° de R tel que tkd a° ; autrement dit f a est la somme a° 4 t: d'un
nombre réel a et d'un nombre infiniment petit e . Si a et b sont deux nombres
non infiniment grands , l'égalité approchée i^f b équivaut à l'égalité vraie a°
=
b° .
Le
calcul donné plus
haut
et qui de y ~ x déduit la dérivée dy/dx = 2x
s'inter-
2
prête comme
suit
: soit x un nombre réel et soit y = x ; choisissons un nombre x'
2
(dans K ) infiniment
voisin
de x f et posons y' = x*
"
; les accroissements
dx
=
x'
- x 9 dy = y' - y
sont infiniment petits f et l'on a
4^-
- 2x + dx Ci 2x , soit encore &*)° = 2x .
dx
dx
On
doit donc interpréter la dérivée comme la partie
finie
du quotient de l'accroisse-
-
4 -
ment de la fonction par l'accroissement de la variable .
Pour éviter
tout
malentendu , précisons que rien de
tout
ce qui précède ne se
trouve chez Hilbert ; il se contente de donner un exemple explicite d'extension non ar~
chimédienne du corps des nombres réels Ce
n'e.^t
que vers 1930 que les algébristes et
les logiciens Artin , Schreier ,
Nikodym
, Tarski - feront l'étude systématique
des corps ordonnés . La conception des dérivées que
nous
avons décrite
plus
liant est e
sentiellement
celle
qui se trouve
dans
le manuel d'Analyse de J. Keisler ,
3. Théorie des modèles
Les
idées voisines de dérivée f de vitesse ou ne tangente J une
murhe
,
«ont
sez faciles à formuler de manière algébrique -
T)esc»rt*s
lui-même
d<Mu?*
^n<* 1
d<rfi-
nition des tangentes à une courbe algébrique f qui est encore acceptée
«njouri"
hui.
. L*
conception des indivisibles de Cavalier! où une aire est conçue coma* la sonne d'un
nombre infiniment grand de rectangles infiniment fins -
oblige
à considérer et
nsni
pu-
1er des entiers infiniment grands . La
situation
de l'axiome d*Archimède est particuliè-
rement subtile : on ne nie pas que
tout
nombre réel
(positif)
puisse
être majoré par un
nombre entier , mais l'on admet deux sortes de nombres entiers , les finis et les
j.nfin
' *
.
Leibniz
postule que ces nombres obéissent aux mêmes règles de calcul que les entiers finis
ordinaires , et Euler étend à ces entiers les règles de calcul sur les sommes , et les
polynômes
Il y
aura
ainsi des polynômes de degré infini , tels que le polynôme
(l + x/Û) - 1 + x, + -L(i - l/a)x + ... +
X^VJO.!
2
introduit par Buler pour définir l'exponentielle . Mais
1*utilisation
sans
frein de tel-
les sommes à un nombre infiniment grand de termes conduit a des paradoxes ; en
voici
deux
d'ailleurs
apparentés
Considérons la somme
-1 -2
-(^-1)
A -n
3^=2+2+
+ 2 v ; + 2 - E 2 ;
n^l
si l'on admet les règles usuelles de manipulation des sommes , on est conduit à lui
attri-
-Í1-1
buer
la somme 1-2 1 . Quelle valeur faut-il
attribuer
a la sorie infinie
0~1 0-2 -3 -N
3 = 2 +2 +2 + 4-2 + 9
On
a évidemment 3 3^ # donc S < 1 , et
pourtant
, on a S > 3^ = 1 - ? pour ton
t
entier fini N La valeur S = 1 f qui est couramment admise, est la seule possible , et
pourtant
elle
contredit l'inégalité 3^t
*
1 . De manière analogue , la somme
E
- 1 + 1 + 1+ + 1 +
satisfait à
1
' inégalité N- E < pour
tout
entier fini N et
tout
enti er infini .O. ;
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