
conjoncture se dégrade de peur de les perdre et de les mettre à la disposition de la concurrence. En
outre, dans le cadre de la théorie insiders/outsiders, on peut aussi mesurer le pouvoir qu’ont les
insiders sur la fixation des salaires. Si l’embauche se traduit nécessairement par un coût, ce coût est
accentué par les insiders qui craignent la concurrence des outsiders, prêts à être moins bien payés.
Ainsi, une baisse du coût du travail destinée à lutter contre le chômage des jeunes, par exemple,
verra les vieux insiders réagir de façon à accroitre les coûts d’entrée et donc désinciter à l’embauche.
C’est cependant à travers l’analyse keynésienne du chômage qu’on trouve la critique la plus forte
des mesures de déréglementation.
Pour Keynes, le chômage est volontaire et il n’existe pas de marché du travail dans la mesure
où le salaire est fixé dans le cadre de négociations collectives. Les entreprises déterminent en outre
leur niveau de production indépendamment du nombre d’emplois à distribuer : la production
dépend de la demande effective et non pas du niveau des salaires. Que les salaires soient élevés ou
pas, si les entreprises ont des anticipations pessimistes sur le niveau de la demande future, elles ne
relanceront pas leur production. Keynes met ainsi en avant le rôle de la demande et du revenu. Le
salaire est un revenu nourrissant une demande et non un simple coût. Pour relancer l’activité et
donc l’emploi, il s’agit donc de relancer la demande ce qui ne peut passer par une baisse des salaires.
La diminution du salaire minimum ne fait qu’aggraver la situation et ôte du pouvoir d’achat à une
population possédant une forte propension marginale à consommer. Keynes s’oppose ainsi à Rueff,
Pigou et autres néoclassiques dans son analyse de la crise de 1929. Les keynésiens avancent comme
argument empirique le fait que pendant les 30 glorieuses le plein emploi existait parallèlement à une
forte réglementation. Plus récemment, dans le cadre de la théorie du déséquilibre, Malinvaud et
Benassy affirment l’existence d’un chômage classique lié à des contraintes pesant sur l’offre et d’un
chômage keynésien lié à une insuffisance de la demande et contre lequel la déréglementation ne
peut rien. La déréglementation n’aura pas non plus d’effet sur le chômage d’inadéquation du à des
qualifications obsolètes ou inadaptées, ni sur le chômage d’hystérèse.
La déréglementation constitue-t-elle alors une fausse solution ? Les études économétriques
sont en effet partagées sur la question. Une étude menée aux Etats-Unis sur les effets d’une
diminution du salaire minimum sur l’emploi a ainsi étonné par ses résultats allant à l’encontre de la
logique libérale : on a alors parlé du paradoxe des fast-foods. Parallèlement, si le taux de chômage
anglais a pu être inferieur à certaines périodes au taux de chômage français ou allemand, il faut
souligner les effets pervers de la politique de déréglementation menée par M. Thatcher. Avec une
baisse des bas salaires, elle a aussi désincité à la substitution capital/travail menant à une réduction
de l’investissement, obérant à long terme la compétitivité et la croissance. Une forte précarité et
des salaires faibles n’incitent pas les salaires à des efforts de productivité. De même, aux Etats-Unis,
de nombreux emplois restent précaires, mal payés comme l’atteste l’importance des working poors
et du double emploi. Et si les Etats-Unis ont vu leur taux de chômage baisser pendant les années
1980, la politique budgétaire expansionniste y a joué un rôle important.
Tout autant que des rigidités du marché du travail, le niveau de l’emploi dépend du couple
croissance/productivité (relation d’Okun). Ainsi, il s’agit, au-delà de la flexibilité quantitative externe,
de développer une flexibilité qualitative exploitant les ressources des travailleurs. Sur le long terme,
il faut construire une compétitivité qui doit s’attacher à la qualité et pas seulement au coût.