UN AN D`ACTUALITE DU DROIT DES PRATIQUES

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UN AN D’ACTUALITE DU DROIT DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES
ASPECTS COMMUNAUTAIRES
1 – La plus actuelle des questions d’actualité : le règlement 1/2003. Le développement du
droit communautaire des pratiques anticoncurrentielles s’apparente à la croissance d’un arbre.
C’est un processus d’accroissement, de transformation permanent s’appuyant sur des acquis
consolidés, des racines de plus en plus profondes. L’actualité offre maints exemples de cette
ambivalence. Les décisions ou arrêts Volkswagen, Lysine, Michelin, Van Den Bergh Foods,
Deutsche Telekom, Viandes Bovines Françaises, etc. n’échappent pas à ce mélange de
classicisme et de modernité.
Bien évidemment il ne sera pas question d’évoquer de façon exhaustive toutes les décisions,
tous les arrêts et tous les textes qui forment la luxuriante actualité du droit communautaire des
pratiques anticoncurrentielles. Seul sera traité le règlement n°1/2003 du Conseil du 16
décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et
82 du traité, ainsi que les projets de règlements, de communications et de lignes directrices
qui l’accompagnent 1 . Cette limitation est une nécessité: il est impossible de tout dire dans le
temps qui nous a été imparti. C’est pourquoi figure en annexe un inventaire des questions de
droit processuel ou matériel de l’année qui ne peuvent être directement abordées aujourd’hui.
Tous ceux qui recherchent une mise à jour descriptive et complète de leur connaissance
1
Règlement (CE) n°1/2003 du conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence
prévues aux articles 81 et 82 du traité, (JOCE, L. 1, 4 janvier 2003, p. 1) et communication au titre de l’article 33
du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002 relative à la mise en œuvre des règles de
concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JOCE, C. 243/03, 10 octobre 2003, p. 3) et communication
invitant les tiers à soumettre des observations sur des projets de communications de la Commission, (JOCE, C.
243/04, 10 octobre 2003, p. 10) contenant les projets de textes suivants :
- Règlement de la Commission relatif aux procédures d’application des articles 81 et 82 du traité mises
en œuvre par la Commission ;
- Communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau d’autorités de la
concurrence ;
- Communication de la Commission sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales
pour l’application des articles 81 et 82 CE ;
- Communication de la Commission relative au traitement par la Commission des plaintes déposées au
titre des articles 81 et 82 CE ;
- Communication de la Commission relative à des orientations informelles sur des questions nouvelles
qui se posent dans des affaires individuelles au regard des articles 81 et 82 du traité CE (lettres
d’orientation) ;
- Lignes directrices relatives à la notion d’effet sur le commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité ;
- Lignes directrices concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité.
2
pourront se satisfaire de ce document. De plus on ne peut considérer que la proximité
chronologique d’une décision ou d’un texte suffit à en faire de facto une question intéressante
et il est préférable que le propos se concentre sur les points importants, débattus et novateurs.
Si toutes les questions de l’année écoulée sont actuelles, il faut bien admettre que parmi elles
certaines sont plus actuelles que d’autres. À ce titre l’entrée en vigueur le 1er mai 2004 du
règlement 1/2003 2 est sans nul doute la question qui préoccupe le plus les esprits 3 .
2 – Ambivalence du règlement 1/2003. Si les représentants de l’école et du palais
s’interrogent c’est en raison du caractère ambigu du texte. Pourtant le règlement 1/2003 est le
fruit de réflexions entamées depuis quelques années. Le règlement 17/62 a très vite dû être
complété par la jurisprudence et il fallait à un moment ou un autre procéder à la consolidation
des acquis communautaires. Une réforme du texte s’imposait. Mais, à côté de ces réflexions
techniques, le règlement 17/62 a subi des critiques politiques : le texte est inadapté aux défis
que pose le marché intégré et l’élargissement de la Communauté européenne. Remédier à
l’engorgement de la Commission, renforcer son efficacité, exigeait une rupture avec
l’architecture précédente. C’est parce que les auteurs du texte n’ont pas choisi entre la rupture
et la réforme que le texte ne manque pas de susciter la perplexité. De plus, les nouvelles
dispositions ont de nouveaux objectifs qui peuvent apparaître contradictoires : constituer un
socle sur lequel s’appuie la préservation d’une culture commune de la concurrence tout en
prévoyant à l’avenir son application homogène ; assurer l’efficacité du travail de la
Commission tout en garantissant les droits fondamentaux des entreprises poursuivies. Existet-il une explication à cette ambivalence des diagnostics, remèdes et objectifs constituant la
rationalité du règlement 1/2003 ?
2
Art 45, règlement 1/2003.
P. Arhel, Modernisation des règles communautaires relatives à la mise en œuvre de l’interdiction des ententes
et abus de position dominante, Petites affiches, n° 66, 2 avril 2003 ; L. Idot, Premières vues sur le nouveau
règlement d’application des articles 81 et 82 CE, Europe, février 2003, chron. 2 ; R. Kovar, Le règlement du
Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82
du Traitè CE, D. 2003, 478 ; S. Reifegerste, L’articulation du droit communautaire et du droit national de
concurrence. Le règlement n° 1/2003 du Conseil du 16 décembres 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de
concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité CE, JCP 2003, I, 657 ; J. B. Blaise et L. Idot, Chronique
Concurrence (1er janvier 2003 – 31 mars 2003), Règlement 1/2003 du 16 décembre 2002, RTD eur., avril-juin
2003, p. 287.
3
3
3 - Droit des institutions contentieuses et droit de la matière contentieuse. Une clef de
lecture permet peut être de surmonter toutes ces contradictions. Celle-ci réside dans une
distinction à faire entre différentes règles du droit processuel. Certaines normes du règlement
1/2003 ont pour objet de régir les relations de la Commission avec les institutions
contentieuses nationales. C’est du droit interinstitutionnel s’inscrivant dans le processus
politique de l’approfondissement de la Communauté européenne. D’autres dispositions du
règlement régissent les relations de la Commission avec les entreprises concernées par une
procédure d’application des articles 81 et 82 du traité. Ce sont les règles de procédure stricto
sensu ayant comme objet des questions techniques telles que la plainte, l’enquête, l’ouverture
d’une enquête, le déroulement des décisions, la prise de décision, les droits de la défense, etc.
On comprend que ce sont les anciennes règles interinstitutionnelles qui étaient inadaptées à
l’élargissement de la Communauté européenne et qu’il fallait rompre avec l’ancien système
pour mettre en place une nouvelle organisation contentieuse. On saisit aussi que ce sont les
règles de procédure qu’il fallait réformer afin de prendre en compte les acquis
communautaires et les évolutions du droit du procès.
C’est pourquoi nous démontrerons dans un premier temps que le règlement 1/2003 instaure
une organisation contentieuse intégrée (I) puis dans un second temps qu’il renouvelle une
procédure contentieuse dépassée (II).
I L’INSTAURATION D’UNE ORGANISATION CONTENTIEUSE INTEGREE.
II LE RENOUVELLEMENT D’UNE PROCEDURE CONTENTIEUSE DEPASSEE
4
I L’INSTAURATION D’UNE ORGANISATION CONTENTIEUSE INTEGREE.
4 – Intégration des institutions contentieuses. L’intégration dans un ensemble commun et
cohérent de l’ensemble des institutions contentieuses communautaires et nationales poursuit
l’objectif d’une application harmonieuse des règles communautaires relatives aux pratiques
anticoncurrentielles. L’Union européenne n’étant pas une institution politique fédérale, il était
impossible de fonder cette organisation en instaurant une hiérarchie ouverte entre la
Commission et les institutions contentieuses nationales, c'est-à-dire les autorités nationales de
concurrence et les juridictions nationales 4 . Elle sera donc larvée et à cette fin deux types de
mécanismes sont mis en œuvre : le règlement opère une répartition des compétences
législatives (A) et encadre les institutions contentieuses nationales (B).
A. L’intégration par la répartition des compétences législatives
5 – Champ d’application du droit communautaire. On sait que « l’affectation du
commerce entre Etats membres » est le critère qui permet de déterminer le champ
d’application du droit communautaire. D’ailleurs l’article 3§1 du règlement 1/2003 rappelle
que l’application cumulative par les autorités de la concurrence et les juridictions nationales
du droit communautaire et du droit national ne peut se faire que s’il est établi qu’une entente
ou un abus de position dominante est susceptible d’affecter le commerce entre les Etats
membres. Compte tenu de l’importance de cette notion on ne sera donc pas étonné de
retrouver un projet de « Lignes directrices relatives à la notion d’effet sur le commerce
figurant aux articles 81 et 82 du traité » 5 . Ce texte, qui ne préjuge pas de l’interprétation
4
L’article 35 du règlement 1/2003 prévoit qu’il appartient aux Etats membres de désigner « l’autorité ou les
autorités de concurrence compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 (…). Des juridictions peuvent figurer
parmi les autorités désignées ». Les juridictions qui interviennent en tant qu’autorités de la concurrence (ex : Ca
Paris, Chambre commerciale de la Cour de cassation) ne doivent pas être considérées comme des juridictions
nationales mais comme une autorité nationale de concurrence. Le critère n’est pas organique mais fonctionnel. À
l’inverse, les juridictions nationales sont toutes les juridictions non spécialisées dans l’application du droit de la
concurrence. Faut-il assimiler à ces dernières les juridictions arbitrales ? En l’absence de disposition spécifique il
convient de faire application de la jurisprudence EcoSwiss (CJCE, 1er juin 1999, Rec. P. I-3055, RTD eur. 2000,
p. 741 obs. L. Idot).
5
Communication invitant les tiers à soumettre des observations sur des projets de communications de la
Commission, JOCE, C. 243/04, 10 octobre 2003, p. 45 et s.
5
ultérieure que les juridictions communautaires pourront donner de cette notion, a pour objet
« de présenter la méthodologie pour l’application de la notion d’effet sur le commerce et de
fournir une orientation sur cette application dans des situations qui se produisent
fréquemment » 6 . À cette fin, le texte expose tout d’abord 7 les principes d’ores et déjà élaborés
par les juridictions communautaires et énonce une règle dite de « l’absence d’incidence
sensible sur le commerce » indiquant quand des accords ne sont pas susceptibles d’affecter
sensiblement le commerce entre Etats membres 8 . Cette approche abstraite de la notion est
complétée, ensuite, par des illustrations non exhaustives de son application aux types usuels
d’accords et de pratiques abusives 9 .
Concrètement ce sont les autorités de la concurrence des Etats membres et les juridictions
nationales qui auront besoin de ce texte lorsqu’elles seront confrontées à la question de savoir
si le droit communautaire doit s’appliquer à une espèce 10 . Les institutions contentieuses
nationales sont compétentes pour appliquer le droit communautaire, mais, pour déterminer
son applicabilité, elles devront se référer à ces lignes directrices : le raisonnement est encadré.
Le procédé a une légitimité. Il appartient sans nul doute au droit communautaire de
déterminer lui-même son propre champ d’application dans l’espace, on comprend qu’il
veuille dès lors uniformiser l’interprétation de la notion qui permet cette détermination. En
est-il encore de même lorsqu’il s’attache à la compétence législative des droits nationaux ?
6 – Primauté du droit communautaire sur les droits nationaux. La question de la primauté
du droit communautaire ne se pose, par définition, que dans les hypothèses où les droits
nationaux s’appliquent cumulativement avec les articles 81 et 82 CE. Cette subordination à
l’ordre juridique communautaire se manifeste tant pour les dispositions matérielles que
procédurales.
6
Point 3 du projet de lignes directrices.
Dans une partie dénommée « critère de l’effet sur le commerce » (points 6 à 57 du projet de ligne directrice).
8
Il ne faut pas confondre la question d’une restriction sensible du jeu de la concurrence relevant de la
communication concernant les accords mineurs (règle de minimis) et la capacité d’affecter sensiblement le
commerce entre Etats membres contenue dans ce projet de ligne directrice.
9
Accords et abus couvrant ou mis en œuvre dans plusieurs Etats membres, accords et abus couvrant un seul Etat
membre ou une partie seulement d’un Etat membre, accords et pratiques abusives impliquant des importations et
des exportations avec des entreprises établies dans des pays tiers et accords et pratiques abusives impliquant des
entreprises établies dans des pays tiers, projet de ligne directrice points 58 à 107.
10
L’obligation pour toutes les institutions contentieuses nationales d’appliquer les articles 81 et 82 aux pratiques
anticoncurrentielles qui affectent le commerce entre Etats membres est énoncée à l’article 3 §1 du règlement
1/2003.
7
6
L’article 3 §2 du règlement 1/2003 fournit une solution aux contradictions auxquelles peut
aboutir l’application cumulée du droit communautaire et d’un droit national en matière
d’entente. À partir du 1er mai 2004 les droits nationaux ne pourront plus interdire une entente
licite au regard du droit communautaire et en conséquence les institutions contentieuses
faisant une application cumulée de systèmes juridiques ne pourront interdire une entente que
si elle est interdite par le droit communautaire 11 . C’est la primauté du droit communautaire
qui s’exprime dans la mise en place d’un système de simple barrière. Les droits nationaux
devront s’aligner sur les solutions du droit communautaire, tout du moins dans les affaires où
le commerce entre Etats membres est affecté… Les différences ont vocation à disparaître.
D’autres dispositions de l’article 3 12 semblent quant à elles maintenir un mécanisme de
double barrière. Les Etats membres peuvent adopter et mettre en œuvre sur leur territoire des
lois plus strictes qui interdisent ou sanctionnent un comportement unilatéral d’une entreprise
ou qui visent à titre principal un objectif différent de celui visé par les articles 81 et 82. La
concurrence déloyale, la transparence tarifaire, les pratiques restrictives, l’abus de dépendance
économique, le droit pénal de la concurrence ou les contrôles internes des concentrations,
peuvent prospérer à côté de la prohibition communautaire des abus de position dominante. Il
ne s’agit pas vraiment de régler un conflit né du cumul de dispositions ayant le même objet (le
droit communautaire et les droits nationaux relatifs aux abus de position dominante), mais de
permettre la coexistence de deux groupes de règles distincts et complémentaires. Il reste que,
dans leur formulation, ces dispositions expriment la primauté du droit communautaire. Elles
s’adressent non seulement aux institutions contentieuses nationales mais aussi plus largement
aux « Etats membres » (essentiellement aux législateurs) à qui elles concèdent cette
compétence législative tout en la subordonnant au respect des principes généraux et des autres
dispositions du droit communautaire 13 . Une évolution des droits nationaux sur ces questions
(en ce qu’elles seraient contraires au droit communautaire)est amenée à se produire.
L’article 16, consacrant la jurisprudence antérieure 14 , prévoit que les décisions de la
Commission ont une autorité absolue de la chose décidée et que les institutions contentieuses
nationales statuant sur des faits (accords, décisions ou pratiques relevant des articles 81 et 82
du traité) qui ont déjà fait l’objet d’une décision de la Commission « ne peuvent prendre de
11
« L’application du droit national de la concurrence ne peut entraîner l’interdiction d’accords, de décisions
d’associations d’entreprises ou de pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats
membres, mais qui n’ont pas pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, du
traité, ou qui satisfont aux conditions énoncées à l’article 81, paragraphe 3, du traité ou qui sont couverts par un
règlement ayant pour objet l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité » (article 3 §2)
12
Article 3 §2 in fine et 3 §3.
13
Voir les considérants n° 8 et 9 du règlement.
14
Aff. Bagnasco, Rec., 1999, p. I-135.
7
décisions qui iraient à l’encontre de la décision adoptée par la Commission »15 . Dans le même
esprit le projet de communication sur la coopération entre la Commission et les juridictions
nationales pour l’application des articles 81 et 82 CE 16 , rappelle que les institutions
contentieuses nationales peuvent, lorsqu’elles appliquent le droit communautaire, trouver des
indications dans les décisions de la Commission présentant des éléments d’analogie avec
l’affaire dont elles sont saisies, les communications, les lignes directrices et le rapport annuel
sur la politique de la concurrence. Ce ne sont pas simplement les normes communautaires
(jurisprudence et textes) qui doivent être appliquées par les institutions contentieuses
nationales, mais plus largement l’ordre juridique communautaire tel qu’il est interprété par les
institutions communautaires.
Cette prévalence du droit communautaire se manifeste aussi dans les dispositions
procédurales. La Commission n’ayant pas voulu harmoniser les règles de procédure, en
application du principe de l’autonomie institutionnelle et procédurale, ce sont les droits
nationaux qui fixent le régime procédural de l’application des règles matérielles de
concurrence communautaire par les juridictions nationales et les sanctions qu’elles peuvent
infliger en cas d’infraction à ces règles 17 . Toutefois une juridiction nationale ne peut appliquer
des règles nationales qui sont incompatibles avec les principes généraux du droit
communautaire dégagés par la CJCE 18 ou avec une disposition du règlement 1/2003.
Certaines dispositions nationales (ex : prescriptions, typologie des décisions, sanctions) sont
amenées à changer.
B. L’intégration par l’encadrement des institutions contentieuses nationales
1. La délimitation de la compétence des institutions contentieuses nationales
15
Voir considérant n° 22 du règlement 1/2003.
Point n° 8.
17
Les règles figurant dans la deuxième partie de cette étude ne sont mises en œuvre que par la Commission.
18
Point n° 10 du projet de communication sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales
pour l’application des articles 81 et 82 CE. Les règles procédurales nationales régissant l’application par les
juridictions nationales du droit communautaire doivent prévoir d’une part des sanctions à caractère effectif,
proportionné et dissuasif, et d’autre part la possibilité pour un particulier d’intenter une action en dommagesintérêts devant une juridiction nationale dans l’hypothèse où l’infraction au droit communautaire lui porterait
préjudice. Ces règles ne doivent pas rendre l’application du droit communautaire excessivement difficile ou
impossible et être moins favorables que les règles visant à faire respecter le droit national équivalent.
16
8
7– Un principe : des compétences concurrentes dans l’application des articles 81 et 82.
Le règlement 1/2003 aurait pour objet de poser une compétence pleine et entière des
institutions contentieuses nationales, se développant parallèlement et concurramment à celle
de la Commission. Ainsi l’obligation de notification préalable des ententes afin de les faire
bénéficier de l’article 81 § 3 est supprimée 19 . L’abandon du système d’autorisation préalable
et son remplacement par un système d’exception légale sont l’apport majeur du nouveau
texte. De même, les institutions contentieuses nationales peuvent statuer sur le fondement de
l’article 81 §3 afin d’accorder le bénéfice d’une exemption individuelle 20 . Les autorités
nationales de concurrence peuvent aussi (et non les juridictions nationales), opérer, sur leur
territoire, le retrait du bénéfice d’un règlement d’exemption par catégorie 21 .
Toutefois cette compétence ne pourra s’exprimer pleinement puisque, dans l’application de
l’article 81 §3, les institutions contentieuses nationales devront, avec « bon sens et
souplesse », 22 mettre en œuvre les normes énoncées dans le projet de « Lignes directrices
concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité » 23 . La Commission définit un
cadre d’analyse et une méthodologie d’analyse de l’article 81 §3 24 . Ce cadre général fournit
des orientations sur l’application des quatre conditions pour bénéficier d’une exemption
individuelle 25 . Formellement compétentes les institutions nationales de la concurrence
devront substantiellement emprunter leurs raisonnements à la Commission. Cette
subordination se manifeste aussi plus ouvertement.
8 – Une réalité : la compétence subordonnée des institutions contentieuses nationales.
Une série de mesures limite la compétence des institutions contentieuses nationales. Ces
mesures ont pour objectif de garantir la sécurité juridique des entreprises chargées de s’auto
évaluer. Elles ont pour corollaire de créer une inégalité entre la Commission et les institutions
contentieuses nationales.
19
Article premier du règlement 1/2003 et considérant n° 3 ; point n° 13 du projet de communication sur la
coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles 81 et 82 CE.
20
Chapitre II : article 4, 5 et 6 ; considérant n° 4 et article 29 du règlement 1/2003.
21
Article 29 du règlement.
22
Point n° 5.
23
Communication invitant les tiers à soumettre des observations sur des projets de communications de la
Commission, JOCE, C. 243/04, 10 octobre 2003, p. 62.
24
Points 7 à 33.
25
Points 34 à 104.
9
Le premier mécanisme est celui de la priorité de la compétence de la Commission sur celle
des institutions contentieuses nationales. Les questions de litispendance se résolvent en
appliquant un principe clair et net : le communautaire tient le national en l’état. Cette priorité
se manifeste avec une intensité plus grande pour les autorités de concurrence des Etats
membres que pour les juridictions nationales. Alors que les textes envisagent simplement la
possibilité pour une juridiction nationale de suspendre sa décision jusqu’au jour où la
Commission statue 26 , ils prévoient purement et simplement que l’ouverture par cette dernière
d’une procédure dessaisit de leur compétence les autorités nationales de la concurrence 27 .
Cette intégration plus intense des autorités nationales de la concurrence se traduit aussi par
l’adoption d’une disposition relative au partage des compétences et à la réattribution des
affaires entre les différentes autorités nationales de la concurrence 28 . L’intégration est
verticale et horizontale. On peut se demander si cette intégration n’est pas aussi fonctionnelle.
Ce qui peut le laisser penser c’est le deuxième mécanisme institué rompant l’égalité entre la
Commission et les institutions contentieuses nationales : la faculté pour les entreprises de
demander à la Commission des lettres d’orientation informelles lorsqu’une situation crée une
incertitude réelle parce qu’elle soulève des questions nouvelles et non résolues29 . Même si ces
lettres ne lient ni la Commission ni les institutions contentieuses nationales 30 , elles aboutiront
de facto à une répartition des tâches. À la Commission le pouvoir de statuer sur les questions
nouvelles, non résolues, de lever les incertitudes des entreprises, aux institutions contentieuses
nationales le travail d’application, répétitif, d’un droit préétabli et sans surprise. Ce sentiment
de partage fonctionnel est renforcé par les dispositions prévoyant la possibilité pour les
autorités de la concurrence des Etats membres et les juridictions nationales de demander un
avis à la Commission 31 . L’objectif de la réforme étant de désengorger la Commission et celle26
Article 16 §1 in fine du règlement 1/2003 ; considérant n° 22; voir les points 11, 12, 13 et 14 du projet de
communication sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l’application des
articles 81 et 82 CE
27
Article 11 §6 du règlement 1/2003 ; considérant n° 17 .Voir les points 50 et s. du projet de communication
relative à la coopération au sein du réseau d’autorités de la concurrence.
28
Article 13 du règlement 1/2003 ; considérant n° 18 ; Voir le projet de communication relative à la coopération
au sein du réseau d’autorités de la concurrence.
29
Considérant n° 38 du règlement 1/2003 et projet de communication relative à des orientations informelles sur
des questions nouvelles qui se posent dans des affaires individuelles au regard des articles 81 et 82 du traité CE
(lettre d’orientation).
30
Points 24 et s. du projet de communication relative à des orientations informelles sur des questions nouvelles
qui se posent dans des affaires individuelles au regard des articles 81 et 82 du traité CE (lettre d’orientation).
31
Voir règlement 1/2003 article 11 §5 pour les autorités de concurrence des Etats membres et article 15 §1 pour
les juridictions nationales.
10
ci n’ayant pas vocation à se transformer en établissement pédagogique, il n’y a pas besoin
d’être grand clerc pour prédire que ces avis interviendront principalement dans des
hypothèses où les institutions contentieuses nationales sont confrontées à des questions
nouvelles et difficiles. La Commission sera l’organe de l’élaboration ou de l’élucidation du
droit, alors que les institutions contentieuses nationales seront de simples agents d’application
du droit. C’est l’application, aux opérations de réalisation du droit, du principe de
subsidiarité 32 . Ce dernier n’est pas absent des mécanismes de coopération.
2. La coopération entre les institutions contentieuses nationales et la Commission.
9 – Réseaux d’autorités de la concurrence. Les autorités nationales de la concurrence et la
Commission forment un réseau d’autorités publiques qui agissent dans l’intérêt général et
collaborent étroitement afin de préserver la concurrence. Les mécanismes de règlement des
questions de litispendance, des demandes d’avis et de consultation du comité consultatif 33
sont complétés par des dispositifs d’échange d’informations et d’entraide.
Pour schématiser, l’article 11 du règlement 1/2003 contient des obligations, nombreuses et à
l’intensité variable, énonçant que les autorités de la concurrence des Etats membres 34 et la
Commission 35 doivent s’informer mutuellement des affaires qu’elles traitent. Elles doivent
aussi se fournir mutuellement, spontanément ou sur demande, des copies de pièces et d’autres
documents permettant de porter une appréciation sur les affaires traitées. Ces transmissions
verticales d’informations se doublent de la possibilité, soit pour la Commission, soit pour une
autorité nationale de la concurrence, de les redistribuer à tout ou partie des autres membres du
réseau. Tous ces échanges ont pour but de prévenir et traiter les procédures multiples et
s’assurer que les affaires seront traitées par une autorité de la concurrence « bien placée ». À
cette fin les affaires peuvent être réattribuées. Ces dispositions s’apparentent à des mesures
32
Article 5 du traité CE.
Article 14 du règlement 1/2003 et points 58 et s. du projet de communication de la Commission relative à la
coopération au sein du réseau d’autorités de la concurrence.
34
Article 11 §3 et §4 et projet de communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau
d’autorités de la concurrence.
35
Article 11 §2. et projet de communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau
d’autorités de la concurrence.
33
11
d’administration judiciaire plus qu’a de véritables actes juridictionnels. D’autres échanges
d’informations ont quant à eux une vocation juridictionnelle ; ils sont prévus à l’article 12 du
règlement.
Les membres du réseau ont le pouvoir de se communiquer et d’utiliser comme moyen de
preuve tout élément de fait ou de droit, y compris des informations confidentielles afin
d’appliquer le droit communautaire et un droit national de la concurrence (à la condition pour
ce dernier qu’il soit appliqué dans une même affaire parallèlement au droit communautaire et
qu’ils aboutissent au même résultat) 36 . La commission estime que : « l’article 12 a la primauté
sur toute législation contraire d’un Etat membre » 37 . En conséquence une disposition du droit
national ne peut s’opposer à ce transfert d’informations. Les seules limites qui peuvent être
invoquées proviennent de l’article 12 lui-même (§3). Une information transmise ne peut être
utilisée pour infliger à une personne physique une peine privative de liberté que si l’autorité
émettrice et l’autorité destinataire ont toutes deux le pouvoir d’infliger ce type de sanctions.
Lorsque deux systèmes juridiques prévoient, à l’encontre d’une personne physique, des
sanctions de nature différente (peine privative de liberté pour l’une et un autre type de
sanctions pour l’autre), les informations ne peuvent être utilisées par le destinataire que si son
droit national assure le « même niveau de protection des droits de la défense » que le droit
national applicable à sa collecte.
Le souci probatoire est aussi au cœur des mécanismes d’entraide en matière d’inspection 38 .
Les inspecteurs des autorités de concurrence des Etats membres et ceux de la Commission
s’assistent ou peuvent s’assister mutuellement. Les inspecteurs des autorités de concurrence
des Etats membres peuvent agir pour le compte de la Commission ou d’autres autorités de
concurrence des Etats membres. Les inspecteurs agissent en conformité avec la législation
nationale applicable au territoire sur lequel ils agissent. Les informations recueillies sont
communiquées et utilisées en conformité avec les dispositions de l’article 12. Les autorités de
concurrence des Etats membres ne sont pas les seules à devoir coopérer avec la Commission,
les juridictions nationales aussi sont aussi concernées.
36
Points 26 et s. et projet de communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau
d’autorités de la concurrence.
37
Point 27 et projet de communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau d’autorités
de la concurrence.
38
Article 22 du règlement 1/2003 et Points 29 et 30 du projet de communication de la Commission relative à la
coopération au sein du réseau d’autorités de la concurrence
12
10 – Amicus curiae. Si il est possible de considérer que le règlement 1/2003 opère la mise
sous tutelle des autorités de concurrence des Etats membres, en ce qui concerne les
juridictions nationales, on doit plutôt évoquer, un ton en dessous, la figure de la curatelle 39 .
D’ailleurs, le mot utilisé est identique, la Commission entend assister les juridictions
nationales dans l’application du droit communautaire. A cette fin la Commission s’institue
amicus curiae de toutes les juridictions nationales 40 . Et c’est vrai que l’on peut la considérer
ainsi lorsque le règlement donne la possibilité aux juridictions nationales de demander à la
Commission de leur communiquer des informations qu’elle a en sa possession ou de lui
fournir un avis sur l’application du droit communautaire 41 . Mais quelle amie soupçonneuse
qui demande aux Etats membres qu’ils lui transmettent la copie de tout jugement écrit rendu
par les juridictions nationales statuant sur l’application de l’article 81 et 82 du traité 42 . Cette
disposition a pour finalité de permettre à la Commission d’être informée en temps utile des
affaires au sujet desquelles il peut être opportun de présenter des observations lorsqu’une des
parties forme un recours. Car la Commission peut, agissant d’office, soumettre des
observations écrites aux juridictions et, avec leur autorisation, présenter des observations
verbales 43 . Afin de préparer ces observations, la Commission peut se faire transmettre tout
document nécessaire à l’appréciation de l’affaire 44 . La Commission doit, lorsqu’elle
communique des informations, formule des avis, soumet des observations écrites ou présente
des observations verbales, rester neutre, objective et défendre l’intérêt public. Elle ne doit pas
interférer dans les intérêts privés des parties en cause et doit informer la juridiction des
contacts qu’elle a pu avoir avec l’une d’entre elles.
Au stade ultime de cette amitié curieuse et envahissante le règlement limite, au nom de la
coopération loyale, les pouvoirs des juridictions lorsqu’elles statuent sur une demande
39
Même si le point n° 19 du projet de communication sur la coopération entre la Commission et les juridictions
nationales pour l’application des articles 81 et 82 CE énonce : « Il convient de rappeler que, quelle que soit la
forme de la coopération avec les juridictions nationales, la Commission respectera leur indépendance. Par
conséquent, l’assistance offerte par la Commission ne lie pas la juridiction nationale. »
40
Rappelons que le traité ne prévoit à l’article 234 CE qu’un mécanisme de coopération entre les juridictions
nationales et la Cour de justice qui ne concerne pas la Commission. Toutefois les juridictions communautaires
ont établi que l’article 10 CE, qui fait obligation aux Etats membres de faciliter l’accomplissement de la mission
de la Commission, imposait aux Etats membres un devoir de coopération loyale afin d’atteindre les objectifs du
traité (aff. Zwarteveld, Rec. 1990, p. I-3365 ; aff. Dlimitis, Rec. 1991, p. I-935.)
41
Article 15 §1 règlement 1/2003 ; Projet de communication sur la coopération entre la Commission et les
juridictions nationales pour l’application des articles 81 et 82 CE.
42
Article 15 §2 du règlement; Projet de communication sur la coopération entre la Commission et les juridictions
nationales pour l’application des articles 81 et 82 CE.
43
Sans préjudice de pouvoirs plus étendus par la législation nationale le même pouvoir est accordé aux autorités
de concurrence des Etats membres (article 15 §3 et §4 du règlement 1/2003). En droit français voir les articles
470-5 et 470-6 C. com.
44
Article 15 §3 du règlement et projet de communication sur la coopération entre la Commission et les
juridictions nationales pour l’application des articles 81 et 82 CE.
13
formulée par la Commission d’autorisation de procéder à une inspection 45 . Que cette dernière
ait lieux dans des locaux commerciaux ou non commerciaux la juridiction nationale ne peut
mettre en cause la légalité de la décision de la Commission ni la nécessité de l’inspection ni
encore exiger des informations figurant dans les dossiers de la Commission 46 . De surcroît, la
juridiction doit rendre sa décision dans des délais de nature à permettre à la Commission de
mener à bien son inspection 47 . L’intégration est complète, la coopération sans surprise,
l’autonomie supprimée. À l’heure où le juge national s’émancipe de son rôle traditionnel de
simple bouche de la loi, il a vocation à devenir, par un curieux paradoxe, un simple agent
d’application du droit communautaire.
Dans la mesure où cela est nécessaire les Etats membre doivent adopter ou modifier les règles
de procédure nationales afin de permettre aux juridictions nationales et à la Commission de
faire pleinement usage des possibilités offertes par le règlement 1/2003. Dans l’hypothèse où
une règle nationale existante empêcherait l’application de ces mécanismes de coopération, les
juridictions nationales doivent, en raison de la primauté du droit communautaire, s’abstenir de
les appliquer 48 .
45
Article 20 §8 in fine et 21 §3 al. 2 et projet de communication sur la coopération entre la Commission et les
juridictions nationales pour l’application des articles 81 et 82 CE.
46
Le contrôle de la légalité de la décision de la Commission est réservé à la Cour de justice. Les juridictions
nationales peuvent contrôler que la décision est authentique et que les mesures coercitives envisagées sont
proportionnées. À cette fin, elles peuvent demander à la Commission, directement ou par l’intermédiaire des
autorités nationales de la concurrence, des explications détaillées leur permettant d’apprécier la proportionnalité
des mesures. Article 20 §8 in fine et 21 §3 al. 2 et projet de communication sur la coopération entre la
Commission et les juridictions nationales pour l’application des articles 81 et 82 CE.
47
Point n° 41 du projet de communication sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales
pour l’application des articles 81 et 82 CE.
48
Points n° 9 du projet de communication sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales
pour l’application des articles 81 et 82 CE.
14
II LE RENOUVELLEMENT D’UNE PROCEDURE CONTENTIEUSE DEPASSEE
11.- Réforme d’un texte ancien. Quarante ans d’application du règlement 17 ont mis en
lumière les imperfections du texte. Sans remettre en cause le schéma général du contentieux
communautaire actuel le Règlement 1/2003 tient compte des acquis du droit communautaire
et renouvelle, sur de nombreux points le dispositif antérieur. En apparence, cette construction
semble équilibrée, mais en réalité il n’en est rien. Les plaignants ont obtenu des droits
procéduraux qu’ils exercent à côté des pouvoirs de la Commission dans un sens répressif. (A)
En contrepartie, l’affirmation de droits et de garanties pour les entreprises poursuivies ne
débouche pas sur un équilibre des pouvoirs (B).
A. Une répression renforcée
1 Le renforcement des pouvoirs de la Commission
12. Les enquêtes. La charge de la preuve d’une violation de l’article 81 §1 ou de l’article 82
du traité incombe à la Commission. À cette fin, celle-ci possède – outre les enquêtes générales
par secteur et par type d’accords dont le régime n’a pas été substantiellement modifié 49 - de
trois pouvoirs d’enquête importants.
En premier lieu, la Commission peut demander aux gouvernements et aux autorités de
concurrence des Etats membres tous les renseignements nécessaires à l’accomplissement des
tâches que lui assigne le règlement 1/2003 50 . Cette demande de renseignements peut être aussi
adressée aux entreprises et associations d’entreprises 51 , par simple demande 52 ou par voie de
décision 53 . Elle peut être assortie d’une astreinte 54 . Si les entreprises ne peuvent être
49
Article 17 du règlement 1/2003.
Article 18 §6 du règlement 1/2003.
51
Article 18 § 1 du règlement 1/2003. Les personnes devant fournir les renseignements demandés sont les
propriétaires des entreprises ou leurs représentants. Les avocats peuvent fournir ces renseignements et sont
garants de leurs caractères complets, exacts et non-dénaturés (article 18 § 4 du règlement 1/2003). Les autorités
de la concurrence des Etats membres concernés reçoivent une copie de la simple demande ou de la décision
(article 18 §5 du règlement 1/2003).
52
Article 18 § 2 du règlement 1/2003.
53
Article 18 § 3 du règlement 1/2003.
50
15
contraintes d’admettre qu’elles ont commis une infraction, elles sont obligées de répondre aux
questions factuelles et de produire les documents, même si ces informations peuvent servir à
établir à leur encontre ou à l’encontre d’une autre entreprise l’existence d’une infraction 55 .
Ces solutions sont classiques ; en revanche les interrogatoires sont une nouveauté qui suscite
bien des questions.
La Commission a la faculté, en deuxième lieu, d’interroger toute personne morale ou
physique qui l’accepte 56 par tout moyen de communication (notamment par téléphone ou par
voie électronique). Au début de l’entrevue, la Commission indique la base juridique de celleci et son objectif 57 . Elle peut enregistrer les déclarations des personnes interrogées. La
Commission doit alors les en informer et mettre à leur disposition une copie de
l’enregistrement à laquelle elles pourront apporter des corrections 58 .
Au cas où la personne sollicitée refuserait d’être interrogée, la Commission pourra néanmoins
procéder à un interrogatoire pendant une inspection 59 .
Enfin, la Commission peut procéder à des inspections. Celles-ci présentent par rapport aux
anciennes vérifications un caractère coercitif marqué. Ce caractère se manifeste par la
détermination élargie des lieux où peuvent se dérouler les inspections : tous locaux, terrains,
moyens de transport, y compris au domicile des chefs d’entreprises, des dirigeants et des
autres membres du personnel des entreprises concernées. Le caractère coercitif s’exprime
aussi par le pouvoir assez large des agents de la Commission (des autres personnes les
accompagnant mandatées par la Commission pour procéder à une inspection et les agents de
l’autorité de la concurrence de l’Etat membre sur le territoire duquel l’inspection doit être
effectuée 60 ) puisqu’il peuvent (le cas échéant en recourant à la force publique ou à un pouvoir
de contrainte équivalent 61 ) accéder aux lieux de l’inspection (les locaux, terrains, moyens de
transport, etc.), contrôler les livres ainsi que tous les documents professionnels (quel qu’en
soit le support) et en prendre ou obtenir copie ou extrait 62 . Lorsque les inspections ont lieu
dans les locaux des entreprises, les inspecteurs peuvent de surcroît apposer des scellés et
54
Article 24 du règlement 2003.
Considérant n° 23 du règlement 1/2003.
56
Article 19 §1 du règlement 2003.
57
Lorsque l’entretien est réalisé dans les locaux d’une entreprise, la Commission informe l’autorité de
concurrence de l’Etat membre sur le territoire duquel l’entretien a lieu. Les agents de cette dernière peuvent
prêter assistance à la Commission.(article 19 §2 du règlement 1/2003).
58
Article 3 du projet de règlement relatif aux procédures d’application des articles 81 et 82 du traité CE mises en
œuvre par la Commission.
59
Article 20 § 2 e) du règlement 2003 et Article 4 du projet de règlement relatif aux procédures d’application des
articles 81 et 82 du traité CE mises en œuvre par la Commission.
60
Article 20 §5 ; article 21 §4 du règlement 1/2003.
61
Article 20§6 ; article 21§4 du règlement 1/2003.
62
Article 20 §2 a), b), c) ; article 21 §4 du règlement 1/2003.
55
16
interroger les représentants ou le personnel de l’entreprise 63 . De plus, l’encadrement
procédural des inspections est purement formel puisque le contrôle exercé par les juridictions
nationales sur la décision 64 de la Commission de procéder à l’inspection a été limité 65 .
13.- Les décisions. La Commission peut prendre soit une décision de constatation
d’inapplication des articles 81 et 82 66 soit au contraire ordonner des mesures provisoires 67
et/ou constater une infraction 68 . Lorsqu’elle rentre dans la voie de la prévention la
Commission peut prononcer des sanctions en nature et des sanctions pécuniaires. Dans les
deux cas ses pouvoirs ont été renforcés.
La Commission peut obliger les entreprises à mettre fin à l’infraction constatée en leur
imposant des mesures correctives de nature structurelle ou comportementale 69 . Celles-ci
doivent être proportionnées à l’infraction commise et nécessaires pour la faire cesser. Plus
novateur, le règlement 1/2003 prévoit que la décision peut rendre obligatoires des
engagements que les entreprises concernées ont offert d’exécuter 70 . Toutefois, il semble que
leur négociation sera plus difficile qu’en matière de contrôle des concentrations puisque la
Commission estime qu’il ne sera pas opportun de les octroyer lorsqu’elle entend imposer une
amende 71 .
Les sanctions pécuniaires quant à elles se sont étoffées. Pour toutes les infractions qu’elles
commettent au cours de l’enquête (ex : fourniture de renseignement inexact, incomplet ou
dénaturé, omission de fourniture de renseignement, bris de scellés, etc.) les entreprises
encourent une amende de procédure pouvant s’élever jusqu'à concurrence de 1% de leur
chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent 72 . Lorsqu’une entreprise
commet une infraction aux article 81 et 82 ou ne respecte pas une décision de la Commission
ordonnant des mesures provisoires ou contenant un engagement, l’amende encourue peut être
63
Article 20 §2 d), e) du règlement 1/2003.
Sur le contenu de celle-ci voir articles 20 §4 et 21 §2 du règlement 1/2003.
65
Article 20 §8 ; article 21 §3 du règlement 1/2003 et supra.
66
Article 10 du règlement 1/2003. Cette décision exceptionnelle de nature déclaratoire peut être utile dans des
cas exceptionnels ou lorsque l’intérêt communautaire le requiert et notamment afin de clarifier le droit et d’en
assurer une application cohérente en particulier lorsque la Commission statue sur une question nouvelle
(considérant n° 14 du règlement 1/2003).
67
Article 8 du règlement 1/2003.
68
Article 7 du règlement 1/2003.
69
Article 7 du règlement 1/2003.
70
Article 9 du règlement 1/2003.
71
Considérant n° 13 du règlement 1/2003.
72
Article 23 §1 du règlement 1/2003.
64
17
fixée jusqu’à un montant maximum de 10% du chiffre d’affaires total réalisé au cours de
l’exercice social précédent 73 .
Les astreintes quant à elles ont vu leur montant maximum augmenter. Accessoires à diverses
obligations de faire (mettre fin à une infraction, respecter une décision de mesures provisoires
ou rendant obligatoire des engagements, fournir de manière exacte et complète un
renseignement, se soumettre à une inspection) elles peuvent s’élever jusqu'à 5% du chiffre
d’affaires journalier moyen réalisé au cours de l’exercice social précédent par jour de retard 74 .
Si le fait que la Commission ne puisse prononcer une sanction pécuniaire à l’encontre d’une
infraction prescrite 75 et dispose de cinq ans à compter du jour où la décision est devenue
définitive pour recouvrer une astreinte ou une amende 76 semble plaider en faveur d’une
certaine mansuétude il convient de remarquer, d’une part que la prescription ne concerne
expressément que les sanctions pécuniaires, 77 et d’autre part que le régime de l’interruption et
de la suspension des délais est assez favorable aux poursuites. La logique répressive a repris
le dessus.
2. Le renforcement des droits des plaignants.
14.- Examen de la plainte. Offerte à toutes personnes physiques ou morales qui font valoir
un intérêt légitime et aux Etats membres, la plainte est par nature un acte coercitif 78 . Le
plaignant ne pouvant obtenir de la Commission la nullité d’un contrat ou des dommages
intérêts la seule satisfaction qu’il peut retirer de sa plainte est la sanction qui sera infligée à
l’entreprise poursuivie 79 . Pour la Commission, la plainte est un moyen permettant de lui
communiquer des informations sur des comportements « souvent difficiles à découvrir » 80 . Si
73
Article 23 §2, 3, 4 et 5 du règlement 1/2003.
Article 24 du règlement 1/2003.
75
Article 25 du règlement 1/2003.
76
Article 26 du règlement 1/2003.
77
En se fondant sur l’article 7 §1 in fine la Commission peut prendre une décision de constatation de l’existence
d’une infraction sans l’assortir d’amende.
78
Article 7 §2 du règlement 1/2003. Pour les formalités à respecter voir l’article 5 du projet de règlement relatif
aux procédures d’application des articles 81 et 82 du traité CE mises en œuvre par la Commission et le
formulaire C en annexe.
79
Projet de Communication relative au traitement par la Commission des plaintes déposées au titre des articles
81 et 82
80
L’autre moyen consiste à fournir des informations sur le site Internet créé par la Commission et spécialement
destiné à cette collecte. Point n° 4 du projet de Communication relative au traitement par la Commission des
plaintes déposées au titre des articles 81 et 82. Voir aussi le point n° 82 sur l’anonymat des informateurs.
74
18
la Commission n’est pas obligée d’instruire chacune des plaintes dont elle est saisie, elle a en
revanche le devoir d’étudier attentivement les questions de droit et de fait que le plaignant
porte à son attention afin de déterminer si l’affaire présente un intérêt communautaire
suffisant ou permet de suspecter une infraction 81 . Dans cette procédure, non contradictoire,
d’examen des plaintes, les plaignants possèdent de nombreux droits : droit à un examen de la
plainte dans un délai raisonnable, droit à être informé du traitement de la plainte et droit de
présenter des observations, droit à une décision de rejet de plainte motivée, droit d’accès aux
documents sur lesquels la Commission se fonde pour envisager un rejet de la plainte, droit de
recours contre une décision de rejet de plainte.
15.- Droits dans la procédure. « Les plaignants sont étroitement associés à la procédure » 82
et de ce fait possèdent aussi des droits : droit de recevoir copie de la communication des griefs
et de présenter par écrit leurs observations sur celle-ci, droit d’exprimer leurs points de vue
lors de l’audition des parties destinataires d’une communication de griefs, droit de présenter
des documents, droit d’exercer des recours. 83
Avec ses droits le plaignant apparaît comme un véritable informateur et aiguillon de la
Commission. Il serait dommage pour la garantie des droits de la défense qu’il devienne un
procureur zélé et trop présent. C’est pourquoi il n’est pas considéré comme « une entreprise
concernée » par la procédure pouvant se prévaloir des droits de la défense. Par rapport à cette
dernière, ses droits procéduraux ont subi une capitutio dimunitio 84 .
B. Des droits et des garanties insuffisants.
81
Points 41 et s ; du projet de Communication relative au traitement par la Commission des plaintes déposées au
titre des articles 81 et 82.
82
Article 27 §1 in fine du règlement 1/2003.
83
Article 6 du projet de règlement relatif aux procédures d’application des articles 81 et 82 du traité CE mises en
œuvre par la Commission et points 53 et s. projet de Communication relative au traitement par la Commission
des plaintes déposées au titre des articles 81 et 82.
84
Points n° 59 du projet de Communication relative au traitement par la Commission des plaintes déposées au
titre des articles 81 et 82.
19
16.- Des droits de la défense inutiles et dérisoires. Il faut concéder que les textes 85
consolident aussi les acquis communautaires en matière de droits de la défense, mais face à
tous les renforcements de la répression, les droits des entreprises poursuivies apparaissent
singulièrement inutiles ou dérisoires.
Inutiles parce que l’essentiel des droits reconnus aux entreprises ne l’est qu’une fois qu’une
procédure est ouverte 86 . Au stade de l’enquête, là où l’essentiel des pouvoirs de la
Commission est renforcé, non seulement les droits de la défense sont en sommeil, mais encore
pèsent sur les entreprises des devoirs de collaboration dont l’exécution peut être favorisée par
des astreintes et l’inexécution sanctionnée par des amendes 87 .
Dérisoires parce que les droits que le texte reconnaît à la défense n’ont rien de vraiment
novateur par rapport à l’ancienne procédure. Le droit de faire connaître par écrit ou oralement
son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission 88 , le droit d’accès au dossier 89 ,
le droit a la protection des données confidentielles 90 , le droit d’exercer un recours 91 ont peu
ou prou la physionomie ancienne avec ici et là des adaptations mineures. Il n’y a dans les
textes aucune trace des évolutions que toutes les procédures (et notamment inquisitoriales) ont
subi depuis une trentaine d’années du fait de l’affirmation toujours plus croissante des droits
de l’homme 92 . Cette pudeur s’explique peut être. Les garanties procédurales n’ont pas besoin
d’être formulées expressément et sont contenues virtuellement dans le texte. En tout cas c’est
ce que laisse à penser le considérant n° 31 du règlement 1/2003 : « Le présent règlement
respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus en particulier par la chartre des
droits fondamentaux de l’Union européenne. En conséquence, il doit être interprété et
appliqué dans le respect de ces droits et principes ». On ne peut que regretter que la
consolidation des acquis communautaires se présente sous un jour aussi asymétrique : une
consolidation express pour les pouvoirs de la Commission et des plaignants, une
consolidation tacite pour les droits de la défense. À n’en pas douter les juridictions
85
Articles 27 et 28 du règlement 1/2003 et articles 10 à 17 du projet de règlement relatif aux procédures
d’application des articles 81 et 82 du traité CE mises en œuvre par la Commission.
86
Sur l’ouverture de la procédure article 2 du projet de règlement relatif aux procédures d’application des
articles 81 et 82 du traité CE mises en œuvre par la Commission.
87
Articles 23 et 24 du règlement 1/2003.
88
Article 27 §1 du règlement 1/2003 et articles 10, 11, 12, 14 du projet de règlement relatif aux procédures
d’application des articles 81 et 82 du traité CE mises en œuvre par la Commission.
89
Article 27 §2 du règlement 1/2003 et 15 du projet de règlement relatif aux procédures d’application des
articles 81 et 82 du traité CE mises en œuvre par la Commission.
90
Articles 27 § 4 et 30 du règlement 1/2003 et articles 16 et 17 du projet de règlement relatif aux procédures
d’application des articles 81 et 82 du traité CE mises en œuvre par la Commission.
91
Article 31 du règlement 1/2003.
92
Article 6 du TUE.
20
communautaires auront à l’avenir comme par le passé un rôle important à jouer sur les
questions de droit processuel.
Georges DECOCQ
21
ANNEXE
Un an d'actualité du droit des pratiques anticoncurrentielles
Aspects communautaires
Introduction
Le droit des pratiques anticoncurrentielles qui sera abordé est le droit du Traité CE applicable
aux entreprises, c’est-à-dire les règles des articles 81 à 86 du Traité ainsi que le droit dérivé
s'y rattachant.
En conséquence est exclu le droit des pratiques anticoncurrentielles contenu dans d'autres
supports juridiques :
- les questions relevant du Traité CECA (arrêt International Power plc, du 2 octobre 2003 et
les huit arrêts du 2 octobre 2003 "Producteurs européens de poutrelles").
- les règles adoptées par l'Autorité de surveillance AELE (Lignes directrices 2003/C 10/14,
pour le calcul des amendes infligées en application des règles de concurrence de l'EEE, JOCE
n° C 10, 16 janvier 2003 ; Communication concernant les accords d'importance mineure qui
ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 53, §1 de l'accord
EEE (de minimis), JOCE n° C 67, 20 mars 2003 ; Communication sur l'immunité d'amendes
et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur les ententes, JOCE n° C 10, 16
janvier 2003).
Les questions qui seront évoquées concernent l'actualité.
Sont exclues des décisions publiées officiellement en 2003, mais arrêtées antérieurement
comme la décision du 8 octobre 2002, IFPI "simulcast" (JOCE L. 107, 30 avril 2003, p. 58),
la décision du 11 décembre 2001, Frais bancaires pour la conversion de monnaies de la zone
euro-Allemagne (JOCE, L. 15, 21 janvier 2003), la décision du 21 novembre 2001, Vitamines
(JOCE L. 6, 10 janvier 2003), la décision du 24 juillet 2002, Gaz industriels et médicaux
(JOCE, L. 84, 1 avril 2003), la décision du 14 novembre 2002, TACA révisé (JOCE, L. 26, 31
janvier 2003), les décisions du 13 décembre 2000, Carbonate de soude (JOCE, L. 10, 15
janvier 2003), la décision du 5 décembre 2001, PO/Interbrew et Alken-Maes (JOCE, L. 200, 7
août 2003).
I ACTUALITE DU DROIT PROCESSUEL DE LA CONCURRENCE
(REGLEMENT 17/62)
A. LA COMPETENCE
1. Détermination du droit applicable au litige.
a) Champ d’application des droits nationaux
La primauté du droit communautaire exige que soit laissée inappliquée toute disposition
d'une loi nationale contraire à une règle communautaire qu'elle soit antérieure ou
postérieure à cette dernière. Dès lors, une autorité de la concurrence peut, dans le cadre d'une
enquête sur le comportement d'entreprises, constater qu'une mesure nationale est contraire aux
22
dispositions combinées des articles 10 et 81 ou 82 et en conséquence la laisser inappliquée.
(CJCE, aff C-198/01, Consorzio Industrie Fiammiferi -CIF-, 9 septembre 2003, point n° 45 et
s.).
Les autorités nationales de la concurrence sont compétentes pour appliquer leur droit national
de la concurrence, dans le domaine régi par l'organisation commune du marché du lait et
des produits laitiers à condition de s'abstenir de toute mesure qui serait de nature à déroger ou
à porter atteinte à cette organisation commune (CJCE, aff. C-137/00, Organisation commune
des marchés dans le secteur du lait et produits laitiers, 9 septembre 2003, point n°43 et s.)
b) Champ d’application des droits tiers
Dès lors que la violation du droit américain ne constitue pas, en tant que telle, un vice
susceptible d'entraîner l'illégalité d'une décision adoptée sur le fondement du droit
communautaire, la Commission ne saurait être tenue, dans sa décision, d'expliciter les raisons
pour lesquelles elle s'écarte de la position juridique retenue par le droit américain. Lorsqu'une
entreprise invoque la solution retenue par un droit national, la Commission est tout au plus
tenue, en vertu de l'obligation de motivation, d'expliciter les raisons pour lesquelles elle
réfute les arguments qu'en déduit ce requérant. (TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et Alii, 1387 et s.)
2. Compétence des institutions décisionnelles
La Commission a le droit de prendre position sur une affaire, même si une affaire identique
ou similaire est pendante devant une ou plusieurs juridictions nationales, à condition
notamment que le commerce entre Etats membres soit affecté. (TPI, aff T-65/98, Van de
Bergh Foods Ltd, 23 octobre 2003, point n°197 et s.)
Accord entre la Communauté européenne et le gouvernement du Japon concernant la
coopération en matière de pratiques anticoncurrentielles.(JOCE, L. 183, 22 juillet 2003, p.11)
B. LA PROCEDURE
1. Saisine
Pour valablement interrompre la prescription une demande de renseignements doit être
nécessaire à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction. Ne présentent pas ce caractère de
nécessité les demandes de renseignements de la Commission dont le seul objectif est de
prolonger artificiellement le délai de prescription afin de conserver le pouvoir d'infliger des
amendes. (TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 480)
2. Phase préliminaire
a) Les enquêtes.
23
Le règlement n° 17 doit être interprété comme protégeant la confidentialité de la
correspondance entre avocats et clients pour autant, d'une part, qu'il s'agisse de
correspondance échangée dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client et, d'autre
part, qu'elle émane d'avocats indépendants, c'est à dire d'avocats non liés au client par rapport
d'emploi.
Lorsqu'une entreprise soumise à vérification invoque le droit à la protection de la
confidentialité et refuse de produire la correspondance échangée avec son avocat, il lui
incombe de fournir aux agents mandatés de la Commission, les éléments utiles de nature à
prouver que celle-ci remplit les conditions justifiant la protection légale. Si aucun élément
utile n'est apporté la Commission peut prendre connaissance du document concerné. Si des
éléments utiles sont rapportés les fonctionnaires de la Commission doivent s'abstenir de
consulter, même de façon sommaire, les documents en cause. Ils peuvent placer une copie de
ce document et ce sans l'avoir consulté dans une enveloppe scellée qu'ils emportent, en attente
de la résolution du conflit. Si la Commission ne se satisfait pas des explications fournies, elle
doit prendre une décision ordonnant la production de la correspondance et si besoin est,
infliger une amende ou une astreinte. L'entreprise peut alors exercer à l'encontre de cette
décision une voie de recours. (Ordonnance du Président du TPI, aff Akzo Nobel Chemicals
Ltd, 30 octobre 2003, point n° 93 et s.)
La seule circonstance que la Commission a dressé aux entreprises concernées de nombreuses
demandes de renseignements supplémentaires peu avant et après l'adoption de la
communication des griefs n'est pas de nature à démontrer que la Commission a préjugé dans
celle-ci des résultats définitifs de l'enquête et a violé les principes de bonne administration,
d'objectivité et d'impartialité. ((TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98,
Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 413)
Les demandes de renseignements de la Commission doivent respecter le principe de
proportionnalité et l'obligation imposée à une entreprise de fournir un renseignement ne doit
pas présenter pour cette dernière une charge disproportionnée par rapport aux nécessités de
l'enquête. L'envoi d'un nombre élevé de demandes de renseignements après l'adoption de la
communication des griefs est susceptible d'affecter l'exercice utile, par les entreprises
concernées, de leur droit d'être entendues au sujet des griefs retenus contre elles. La violation
des droits de la défense ne peut entraîner l'annulation de la décision que si, en l'absence de
l'envoi des demandes de renseignements litigieuses, il existait une chance même réduite que
les requérantes eussent pu faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent
((TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et
Alii, point n° 418 et s.)
La Commission a la possibilité de recueillir les preuves sur lesquelles repose sa décision en
opérant une vérification dans les bureaux d’une entreprise qui n’est pas destinataire de
la décision de vérification (TPI, aff. T-66/99, Minoan Lines SA, point n° 16 et s. , TPI, aff.
T-65/99;Strintzis Lines Shipping SA, points 16 et s. ; TPI,aff. T-59/99, Ventouris Group
Eterprises SA, point n° 107 et s.)
b) Lettres de classement.
Si la Commission peut révoquer le bénéfice d'une exemption lorsqu'elle constate que les
accords exemptés n'ont pas apporté les résultats escomptés, elle peut a fortiori revenir sur
une lettre de confort ou un règlement informel du litige. (TPI, aff T-65/98, Van de Bergh
Foods Ltd, 23 octobre 2003, point n°192 et s.).
24
c) Classement de la plainte.
Lorsque la Commission rejette une plainte parce qu'une entité ne peut être considérée comme
une entreprise elle n'est pas obligée d'examiner les autres aspects de la plainte qui deviennent
superfétatoires.
La seule obligation de la Commission, lorsqu'elle n'a pas l'intention de poursuivre
l'instruction d'une plainte, est de permettre à la partie plaignante de présenter des observations
par écrit. L'audition des tiers, dont les parties plaignantes, n'est obligatoire que dans la mesure
où ceux-ci justifient d'un intérêt suffisant, la Commission disposant d'une marge
d'appréciation raisonnable quant à l'intérêt d'un tel entretien pour l'instruction du dossier.
(TPI, aff T-319/99, FENIN, 4 mars 2003, point 49 et s)
Il ne saurait, dès lors, être reproché à la Commission, dans le cadre d'un recours formé contre
une décision de rejet d'une plainte en matière de concurrence, de ne pas avoir pris en
considération un élément qui n'a pas été porté à sa connaissance par le plaignant et dont
elle n'aurait pu découvrir l'existence qu'en engageant une enquête. (TPI, aff T-319/99, FENIN,
4 mars 2003, point 35)
3 Procédure contradictoire
a) Communication des griefs et droits de la défense.
Si la Commission entend utiliser, dans sa décision, un élément à charge transmis de manière
verbale par un plaignant, elle doit le rendre accessible aux entreprises destinataires de la
communication des griefs, le cas échéant en créant à cette fin un document écrit destiné à
figurer dans son dossier. Il ne saurait en effet être admis que le recours à la pratique des
relations verbales avec les tiers porte atteinte aux droits de la défense. (TPI, 30septembre
2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 191)
Sur la violation des droits de la défense sous la forme du droit d'être entendu, du droit
d'accès au dossier et des principes d'impartialité, d'objectivité et de bonne administration.
(TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et
Alii, point n° 91 et s.)
La Commission n’a nulle obligation d'avoir terminé sont enquête préalable avant d'envoyer
une communication des griefs et celle-ci peut, après l'envoi de la communication des griefs,
poursuivre son enquête, notamment par l'envoi de demandes de renseignements
supplémentaires. La Commission peut utiliser des documents obtenus après l'envoi de la
communication des griefs dont elle estime qu'ils soutiennent sa thèse. Toutefois, dans ce cas,
il convient que la Commission donne aux entreprises concernées l'occasion de faire valoir
leurs observations à ce sujet. Il faut aussi que les requérants puissent déduire raisonnablement
des termes de la demande de renseignements ayant conduit à la production des documents ou
du contenu des documents, les conclusions que la Commission entend en tirer à leur encontre
dans la décision. (TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic
Container Line AB et Alii, point n° 159)
Seuls les documents qui ont été cités ou mentionnés dans la communication des griefs
constituent, en principe, des moyens de preuve opposables au destinataire de la
25
communication des griefs. Par ailleurs, en ce qui concerne les documents annexés à la
communication des griefs mais qui n'y sont pas mentionnés, ils ne peuvent, selon la
jurisprudence, être retenus dans la décision contre le destinataire de la communication des
griefs que si celui-ci a pu déduire raisonnablement à partir de la communication des griefs les
conclusions que la Commission entendait en tirer.
La Commission a l'obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées l'ensemble des
documents à charge ou à décharge qu'elle a recueilli au cours de l'enquête, sous réserve des
secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de la Commission et d'autres
informations confidentielles. Pour déterminer la portée exacte de l'obligation de la
Commission et les conséquences juridiques d'une violation de celle-ci, il convient d'effectuer
une distinction entre les éléments à charge et les éléments à décharge. (point n° 334 et s.)
Toutefois, le droit d'accès au dossier n'étant pas une fin en soi, mais visant à assurer la
protection des droits de la défense, la Commission n'a pas l'obligation de communiquer aux
entreprises concernées les éléments à charge qu'elle ne retient pas dans la décision à l'appui
des griefs. (TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container
Line AB et Alii, Point n° 372)
La communication des griefs ne constitue pas un acte susceptible de faire l'objet d'un
recours en annulation. Dès lors, même si la Commission avait manifesté, dans la
communication des griefs, un préjugé à l'encontre des requérantes, un tel préjugé ne serait de
nature à vicier la décision attaquée que s'il avait trouvé une expression dans cette dernière. Si
le préjugé trouve une expression dans la décision attaquée, il ne constitue pas une violation
des droits de la défense susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée mais devra
être examiné dans le cadre du contrôle de l'appréciation des moyens de preuve ou de la
motivation de la décision. (TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98,
Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 409 et s.)
La communication des griefs fournit tous les éléments nécessaires aux entreprises pour
qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n'adopte une
décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que la décision ne met pas à la
charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans l'exposé des griefs et ne
retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer. (TPI, 19 mars
2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 104 et s.)
Le caractère fondamental des droits de la défense, dont le secret professionnel est un
complément nécessaire, a pour conséquence que, dans le cadre de la balance des intérêts, des
considérations d'efficacité administrative et d'allocation des ressources, malgré leur
importance, ne peuvent, en principe prévaloir sur ceux-ci, sauf à ce que la Commission fasse
état de circonstances très spéciales justifiant une telle atteinte. (Ordonnance du Président du
TPI, aff Akzo Nobel Chemicals Ltd, 30 septembre 2003, point n° 151 et s.).
S’agissant de l’application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne
peut constituer un motif d’annulation que dans le cas d’une décision constatant des
infractions, dès lors qu’il a été établi que la violation de ce principe a porté atteinte aux droits
de la défense des entreprises concernées.(TPI, 16 décembre 2003, T-5/00 et T-6/00, FEG et
TU, point n° 74)
b) Comité consultatif.
26
Le comité consultatif n'émet que de simples avis et la Commission ne commet pas une
violation du principe de bonne administration par le simple fait qu'elle s'en écarte. ((TPI, 30
septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et Alii,
point n° 472)
c) Les décisions.
La divulgation à la presse, avant l'adoption d'une décision, de l'un de ses éléments tel que le
montant d'une amende, ne peut entraîner l'annulation de la décision que s'il est établi que, en
l'absence de cette irrégularité, ladite décision aurait eu un contenu différent. Les personnes
intéressées sont fondées à rechercher la responsabilité de l'institution ayant commis
l'irrégularité en raison du préjudice qu'elles estiment avoir subi. (CJCE, aff C-338/00, 18
septembre 2003, Volkswagen AG, point n° 163 et s)
La décision ne doit pas être nécessairement être une copie exacte de la communication des
griefs et une simple différence entre les deux actes ne constitue pas automatiquement une
violation des droits de la défense. Il en va autrement lorsque l'on peut considérer qu'une
nouvelle allégation constitue un grief nouveau au sujet duquel les entreprises en cause n'ont
pas eu l'occasion d'être entendues. Aux fins de déterminer si une nouvelle allégation constitue
ou non un grief nouveau, il convient de distinguer entre les allégations portant sur les
appréciations juridiques contenues dans la décision attaquée et les allégations concernant la
présentation des faits.
Un grief nouveau au sujet duquel les entreprises n'ont pas été entendues, n'entraînera
l'annulation de la décision que si la décision ne peut se fonder sur d'autres éléments contenus
dans la décision et sur lesquels l'entreprise a eu l'occasion de faire valoir son point de vue.
((TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et
Alii, point n° 191)
La Commission peut commencer la rédaction de sa décision finale avant la fin de la
procédure administrative d'enquête et ce afin d'assurer l'adoption de celle-ci dans un délai
raisonnable, eu égard aux circonstances propres de l'affaire et, notamment de son contexte, de
la conduite des parties au cours de la procédure, de l'enjeu de l'affaire pour les différentes
entreprises intéressées et de son degré de complexité. ((TPI, 30 septembre 2003, aff. T191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 436)
La Commission retire une décision antérieure (décision, 13 août 2003, NDC Health/IMS
Health, JOCE, L. 268, 18 octobre 2003, p. 69).
La commission modifie une décision antérieure (décision du 9 avril 2003, Gaz médicaux et
industriels, JOCE, L. 123, p. 49)
Le respect du principe général du droit communautaire garantissant une protection contre les
interventions de la puissance publique dans la sphère d'activité privée de toute personne,
qu'elle soit physique ou morale, implique, notamment, que l'intervention de la puissance
publique ait un fondement légal et soit justifiée par des raisons prévues par la loi. Or, le
règlement n° 17 ne contient aucune disposition sur la possibilité d'effectuer et d'utiliser des
enregistrements secrets, audiovisuels ou sonores. Toutefois il faut établir que la Commission
a utilisé lesdits enregistrements, aux fins de l'adoption de la décision et que celle-ci n'est pas
fondée sur la prise en compte d'autres circonstances. (TPI, aff. T- 224/00, Lysine, 9 juillet
2003).
27
d) Voies de recours.
Pour intervenir dans une procédure de concurrence il faut justifier d'un intérêt à la solution
du litige. Par "solution" du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi,
telle qu'elle serait consacrée dans le dispositif de l'arrêt. Il convient, notamment, de vérifier
que l'intervenant est touché directement par l'acte attaqué et que son intérêt à la solution du
litige est certain. (Ordonnance du Tribunal, aff. T-15/02, BASF, 25 février 2003, point n° 24)
Le droit d'intervenir d'un particulier est soumis à la condition que ce dernier puisse justifier
d'un intérêt à la solution du litige. Est admise l'intervention d'associations représentatives qui
ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de
principe de nature à affecter ces derniers. Les barreaux, qui ont notamment pour fonction de
définir et de sanctionner les règles déontologiques s'appliquant aux avocats, peuvent ainsi
intervenir dans des affaires posant directement des questions de principe relatives à la
confidentialité des correspondances échangées avec des avocats. (Ordonnance du Président du
TPI, aff Akzo Nobel Chemicals Ltd, 30 septembre 2003, point n° 41 et s.).
Les faits fondant l'arrêt du TPI peuvent être différents de ce qui fondent la décision de la
Commission. Le Tribunal peut, dans la même décision, annuler partiellement une décision en
estimant que certains éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas rapportés et confirmer
partiellement cette même décision en se fondant sur le caractère anticoncurrentiel de certaines
pratiques établies. (CJCE, aff C-338/00, 18 septembre 2003, Volkswagen AG, point n° 103 et
s)
Le caractère urgent d'une demande en référé doit s'apprécier par rapport à la nécessité qu'il
y a de statuer provisoirement, afin d'éviter qu'un préjudice grave et irréparable ne soit
occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. (Ordonnance du Président du TPI, aff
Akzo Nobel Chemicals Ltd, 30 septembre 2003, point n° 151 et s.).
Conditions à remplir pour obtenir le sursis à exécution de la décision de la Commission
(CJCE, aff C-233/03, Linea GIG Srl in liquidazione, 24 juillet 2003)
Non-lieu à statuer en raison d'un recours devenu sans objet (TPI, aff. T-224/99, ASBL et
AUTF, 4 juin 2003)
Pourvoi manifestement irrecevable et manifestement non fondé (Ordonnance de la cour, 10
décembre 2003, aff. C-204/02 P, Colin Joynson)
Les personnes physiques ou morales qui demandent à la Commission d'intervenir au titre de
l'article 86 § 3, ne bénéficient pas, en principe, du droit d'introduire un recours contre la
décision de la Commission de ne pas faire usage des prérogatives qu'elle détient au titre de cet
article. Un particulier invoquant des situations exceptionnelles lui conférant qualité pour agir
peut exercer un recours contre une décision de refus de la Commission. Dans cette hypothèse
le contrôle exercé par le Tribunal se limite à la vérification du respect par la Commission de
son devoir d'examen diligent et impartial de la plainte. (TPI, aff T-52/00, Coelerici Logistics
Spa, 17 juin 2003, point n° 85 et s.)
Un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments
qui on été présentés devant le tribunal constitue en réalité une demande visant à obtenir un
28
simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, et ne répond pas aux exigences
de motivation (art 56, 58 du statut CE de la Cour de justice et article 112, §1, al. 1, sou c), du
règlement de procédure de cette dernière) (CJCE, aff C-338/00, 18 septembre 2003,
Volkswagen AG, point n° 44 à 47).
C. LES SANCTIONS
1. La sanction non pécuniaire
La libre circulation des marchandises et le principe de non-discrimination ne s'opposent pas à
ce qu'une autorité de la concurrence interdise à une entreprise de conclure des contrats avec
des entreprises établies dans un autre Etat membre.
(CJCE, aff. C-137/00, Organisation commune des marchés dans le secteur du lait et produits
laitiers, 9 septembre 2003, point n°103 et s.)
La décision de la Commission, d'enjoindre à une entreprise en position dominante de ne pas
inclure une clause d'exclusivité dans les contrats de mise à disposition de congélateurs à
titre gracieux," ne comporte pas de limitation indue à l'exercice du droit de propriété de cette
entreprise sur ses congélateurs. (TPI, aff T-65/98, Van de Bergh Foods Ltd, 23 octobre 2003,
point n°135 et s.)
2. Sanction pécuniaire
a) Généralités
La Commission est en droit d'imposer une amende unique pour une pluralité d'infractions
et n'est pas tenue dans sa décision d'individualiser la manière dont elle a pris en compte
chacun des éléments reprochés. (TPI, T-203/01, aff. Manufacture française des pneumatiques
Michelin, point n° 249 et s.)
Le caractère intentionnel de la faute n'est pas nécessaire au prononcé de l'amende sur le
fondement de l'art 15, paragraphe 2 du règlement 17. (CJCE, aff C-338/00, 18 septembre
2003, Volkswagen AG, point n° 94 et s.);
Sur la violation de l'obligation de transparence et de motivation (TPI, aff. T- 224/00, T220/00, Lysine, 9 juillet 2003 ; TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n°
376 et s.)
b) Lignes directrices
b-1. Première vue
En vue d'assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions la Commission a
adopté des lignes directrices pour le calcul des amendes. La nouvelle méthodologie consiste à
fixer un montant de base auquel s'appliquent des majorations pour tenir compte des
circonstances aggravantes et des diminutions pour tenir compte des circonstances
29
atténuantes. Le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de
l'infraction.
Les lignes directrices prévoient que la Commission doit classer les infractions en trois
catégories (peu graves, graves et très graves) en prenant en considération la nature propre de
l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché
géographique concerné. De plus, il ressort de la jurisprudence que la gravité des infractions
doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que, notamment, les circonstances
particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été
établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en
compte. Elle doit aussi déterminer la durée de l'infraction, inférieure à un an (courte durée),
entre un à cinq ans (moyenne durée) et longue durée (au delà de cinq ans).
La Commission dispose d'une marge d'appréciation dans la fixation du montant des amendes
afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de la
concurrence et de mettre en balance la gravité de l'infraction et les circonstances invoquées
par la requérante. (TPI, aff. T-368/00, General Motors Nederland BV, 21 octobre 2003, point
n° 180 et s.).
Caractère obligatoire des lignes directrices pour la Commission
Dès lors que la Commission décide d'appliquer au cas d'espèce la méthode énoncée dans les
lignes directrices, elle est tenue, eu égard à l'engagement contracté lors de la publication de
celles-ci, de s'y conformer lors du calcul du montant des amendes, sauf à expliciter
spécifiquement les motifs qui justifient, le cas échéant, de s'en écarter sur un point précis. Il
convient dès lors d'examiner si, en l'espèce, la décision attaquée contient une telle motivation.
(TPI, aff. T- 224/00, T-220/00, T-223/00, T-230/00 Lysine, 9 juillet 2003)
b-2.La détermination du montant de base
Gravité de l’infraction
L'évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de
l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché
géographique concerné (point 1 A, premier alinéa). Dans ce cadre, les infractions sont
classées en trois catégories, à savoir les «infractions peu graves», pour lesquelles le montant
des amendes envisageables est compris entre 1 000 et 1 million d'écus, les «infractions
graves», pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 million et
20 millions d'écus et les «infractions très graves» pour lesquelles le montant des amendes
envisageables va au-delà de 20 millions d'écus (point 1 A, premier à troisième tiret). (TPI, 19
mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 243)
Les ententes horizontales en matière de prix ont toujours été considérées comme faisant
partie des infractions les plus graves au droit communautaire de la concurrence c'est dès lors
à juste titre qu'elles sont qualifiées de «très graves» par les lignes directrices. (TPI, 19 mars
2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 261 ; TPI, 16 décembre 2003, T-5/00 et T6/00, FEG et TU ; TPI, aff. T-66/99, Minoan Lines SA, 11 décembre 2003, points n° 265 ;
TPI, aff. T-65/99;Strintzis Lines Shipping SA, points n° 151 et s.)
Constituent une infraction grave les rabais fidélisants accordés par une entreprise en position
dominante (TPI, T-203/01, aff. Manufacture française des pneumatiques Michelin, point n°
249 et s.) ou l’entrave à l’accès au marché de concurrents étrangers (TPI, 16 décembre 2003,
T-5/00 et T-6/00, FEG et TU).
30
La gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels
que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée
dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de
critères devant obligatoirement être pris en compte. Parmi les éléments d'appréciation de la
gravité d'une infraction, peuvent, selon le cas, figurer le volume et la valeur des produits
faisant l'objet de l'infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l'entreprise.
Pour apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise ainsi que l'ampleur de
l'infraction commise par chacune d'entre elles, qui sont des éléments pertinents pour apprécier
la gravité de l'infraction commise par chaque entreprise, la Commission doit se référer au
chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises en cause au cours de la période où
l'infraction a été commise (TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n°
458 ; TPI, aff. T- 224/00, T-220/00, T-230/00, Lysine, 9 juillet 2003 ; TPI, aff. T-66/99,
Minoan Lines SA, 11 décembre 2003, points n° 265 ; TPI, T- 59/99, Ventouris Group
Enterprises SA, 11 décembre 2003, points n°194 et s. ; TPI, aff. T-65/99;Strintzis Lines
Shipping SA, points n° 151 et s.)
Pour déterminer la taille des entreprises concernées, la Commission peut se référer à leur
chiffre d'affaires global plutôt qu'a leur chiffre d'affaires sur le ou les marchés en cause.
(TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et
Alii, point n° 1507 et s.)Voir contra : La commission commet une erreur si, pour évaluer la
taille relative d’une entreprise, elle prend en considération la totalité de son chiffre d’affaires
et non celui réalisé par elle pour le service visé par l’entente sanctionnée (TPI, T- 61/99,
Adriatica di Navigazione SpA, 11 décembre 2003, points n°173 et s.)
Le classement des entreprises en groupes et en sous-groupes à l’intérieur de chacun des
groupes doit respecter le principe de l’égalité de traitement.
(TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 243 ; TPI, 30 septembre 2003,
aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 1507 et s;
TPI, aff. T- 224/00, T-220/00, T-230/00, Lysine, 9 juillet 2003 ; TPI, aff. T-66/99, Minoan
Lines SA, 11 décembre 2003, points n° 265)
Durée de l’infraction
Quant au facteur relatif à la durée, les lignes directrices établissent une distinction entre les
infractions de courte durée (en général, inférieures à un an), pour lesquelles le montant
retenu pour la gravité ne devrait pas être majoré, les infractions de moyenne durée (en
général de un à cinq ans), pour lesquelles ce montant peut subir jusqu'à 50 % de majoration, et
les infractions de longue durée (en général, au-delà de cinq ans), pour lesquelles ce montant
peut être majoré pour chaque année de 10 % (point 1 B, premier alinéa, premier à troisième
tiret). (TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 243)
Le fait que l'infraction soit de courte durée n'affecte en effet en rien sa gravité telle qu'elle
résulte de sa nature propre, à savoir, en l'espèce, une restriction horizontale en matière de prix.
C'est dès lors à juste titre que la Commission a considéré, que la durée très courte de
l'infraction, à savoir une durée inférieure à un an, justifiait uniquement qu'aucun montant
additionnel ne soit imputé au montant déterminé en fonction de la gravité de l'infraction.
(TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 279 ; TPI, aff. T- 224/00, T220/00, Lysine, 9 juillet 2003)
Pour une infraction de « longue durée » (TPI, aff. T-66/99, Minoan Lines SA, 11 décembre
2003, points n° 265)
31
Sur la preuve de la durée (TPI, T- 59/99, Ventouris Group Enterprises SA, 11 décembre
2003, points n° 178 et s. TPI, T- 61/99, Adriatica di Navigazione SpA, 11 décembre 2003,
points n° 199 et s. ; TPI, aff. T-65/99;Strintzis Lines Shipping SA, points n° 175 et s.)
b-3. Circonstances aggravantes et atténuantes
Ensuite, les lignes directrices citent, à titre d'exemple, une liste de circonstances aggravantes
et de circonstances atténuantes qui peuvent être prises en considération pour augmenter ou
diminuer le montant de base puis elles se réfèrent à la communication de la Commission
concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans des affaires
portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la «communication sur la
coopération») (points 2 et 3). (TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n°
243)
Circonstances atténuantes : rôle exclusivement suiviste dans l’infraction, non contestation
des éléments de fait exposés par la Commission dans la communication des griefs, doute
raisonnable de l’entreprise sur le caractère infractionnel du comportement restrictif (TPI, aff.
T-66/99, Minoan Lines SA, 11 décembre 2003, points n° 340 et s. ; TPI, aff. T-65/99;Strintzis
Lines Shipping SA, points n° 182 et s.)
Doivent bénéficier des circonstances atténuantes les entreprises qui notifient leur accord,
dont les pratiques ne sont pas régies de façon évidente par le droit de la concurrence et qui
avaient toutes les raisons de croire que la Commission ne leur infligerait pas d'amende. (TPI,
30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et Alii,
point n°1579 et s.)
Ce faisant, la Commission a pris en compte l'une des raisons qui, aux termes de ses lignes
directrices, justifie une réduction du montant de base des amendes au titre des circonstances
atténuantes, à savoir la «cessation des infractions dès les premières interventions de la
Commission» (point 3, premier alinéa, troisième tiret, des lignes directrices). (TPI, 19 mars
2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 287 ; TPI, aff. T- 224/00, T-220/00, T230/00, Lysine, 9 juillet 2003)
Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la déclaration de principe invoquée par
les requérantes, dès lors qu'elle n'a aucun effet utile (puisqu'il contestaient la matérialité des
faits qui leur étaient reprochés), ne constitue pas un acte de coopération de nature à justifier
une réduction de l'amende. (TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n°
298)
(TPI, aff. T- 224/00, T-230/00 Lysine, 9 juillet 2003)
Même si la Commission n'était pas tenue de réduire le montant des amendes en raison de la
durée considérable de la procédure, il lui était loisible, dans le cadre de son pouvoir
d'appréciation lors de la fixation du montant des amendes, de procéder à une telle réduction
pour des motifs d'équité. (TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 317)
La Commission n'est nullement obligée de tenir compte de la situation déficitaire d'une
entreprise aux fins de la détermination du montant de l'amende, dans la mesure où la
reconnaissance de pareille obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel
32
injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché. (TPI, 19 mars 2003,
aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 351)
La Commission n'est pas tenue, en vue de fixer le montant des amendes, d'établir que
l'infraction a procuré un avantage illicite aux entreprises concernées, ni de prendre en
considération, le cas échéant, l'absence de bénéfice tiré de l'infraction en cause. (TPI, 19
mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 340)
Sur l'incidence des amendes déjà infligées dans un autre pays (TPI, aff. T- 224/00, T-223/00,
Lysine, 9 juillet 2003)
Les circonstances atténuantes ayant été prises en compte par la Commission pour réduire le
niveau de gravité très élevé habituellement accordé à une entente sur les prix, l’entreprise
poursuivie ne peut invoquer les mêmes circonstances pour invoquer une autre réduction du
montant de l’amende. (TPI, T- 59/99, Ventouris Group Enterprises SA, 11 décembre 2003,
points n°204 et s.)
Circonstances aggravantes : rôle d’incitateur de l’entente, tentative de faire obstacle aux
vérifications menées par la Commission (TPI, aff. T-66/99, Minoan Lines SA, 11 décembre
2003, points n° 296 et s.)
b-4. Pouvoir d’appréciation
En tant que remarque générale, les lignes directrices précisent que le résultat final du calcul
du montant de l'amende selon ce schéma (montant de base affecté de pourcentages
d'aggravation et d'atténuation) ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires
mondial des entreprises, conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 [point
5, sous a)]. De plus, les lignes directrices prévoient qu'il convient, selon les circonstances,
après avoir effectué les calculs décrits ci-dessus, de prendre en considération certaines
données objectives telles que le contexte économique spécifique, l'avantage économique ou
financier éventuellement acquis par les auteurs de l'infraction, les caractéristiques propres des
entreprises en cause ainsi que leur capacité contributive réelle dans un contexte social
particulier, pour adapter, in fine, le montant des amendes envisagées [point 5, sous b)]. (TPI,
19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 243)
La pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre
juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement
défini dans le règlement n° 17 et dans les lignes directrices.
Par conséquent, le fait que la Commission ait infligé dans le passé des amendes d'un certain
niveau pour certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau,
dans les limites indiquées dans le règlement n° 17 et dans les lignes directrices, si cela s'avère
nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de la concurrence.
(TPI, T-203/01, aff. Manufacture française des pneumatiques Michelin, point n° 249 et s.) La
solution est identique pour le taux de majoration de l'amende en fonction de la durée de
l'infraction, en raison de la récidive ou de la prise compte de circonstances atténuantes. (TPI,
T-203/01, aff. Manufacture française des pneumatiques Michelin, point n° 249 et s. ; TPI, 19
mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 351)
33
La Commission ne respecte pas le principe de proportionnalité et d’équité lorsqu’elle
sanctionne de la même façon les entreprises ayant pris part à deux infractions et celles n’ayant
participé qu’à l’une d’entre elles. Il importe que les entreprises dont la participation est restée
circonscrite à une seule entente soient condamnées moins sévèrement que les compagnies qui
ont participé à tous les accords litigieux. -TPI, T- 59/99, Ventouris Group Enterprises SA, 11
décembre 2003, points n°214 et s.)
c) TPI
Le Tribunal, lors de l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, n'est, en principe, pas
tenu par la méthode de calcul de l'amende suivie par la Commission. Mais l'exercice de
cette compétence ne saurait entraîner, lors de la détermination de l'amende, une discrimination
entre les entreprises qui ont participé à un accord contraire à l'article 85 § 1. Si le Tribunal
entend s'écarter spécifiquement à l'égard de l'une des entreprises de la méthode de calcul
suivie par la Commission, il est nécessaire qu'il s'en explique dans son arrêt. (CJCE, aff C338/00, 18 septembre 2003, Volkswagen AG, point n°143 et s)
Un manque d'objectivité de la Commission ou de la DG concurrence quant à l'appréciation
du montant des amendes, à supposer qu’il soit établi, n'entraîne pas l'annulation de la
décision mais procède de l'examen opéré dans le cadre du contrôle de l'appréciation du
montant des amendes. ((TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98,
Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 474)
d) Cour de justice
La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours intentés contre
les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende ou une astreinte et elle peut
supprimer, réduire ou majorer l'amende ou l'astreinte infligée, sans que les lignes
directrices ne préjugent de son appréciation. (TPI, aff. T-368/00, General Motors Nederland
BV, 21 octobre 2003, point n° 180 et s.).
Il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre
d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal
statuant, dans l'exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des
entreprises en raison de la violation par celles-ci, du droit communautaire. (CJCE, aff C338/00, 18 septembre 2003, Volkswagen AG, point n°143 et s)
f) Immunité
Les termes d'un texte accordant une immunité sont dérogatoires et doivent faire l'objet d'une
interprétation restrictive, mais pas au point d'exclure son application à des cas
expressément prévus par le texte. (TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T214/98, Atlantic Container Line AB et Alii, point n°1417 et s.)
En application de l'art 15, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 17, les amendes ne peuvent
pas être infligées pour des agissements postérieurs à la notification à la Commission et
antérieurs à la décision par laquelle celle-ci accorde ou refuse l'application de l'article 81 § 3
"pour autant qu'ils restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification". A
contrario, lorsque les agissements dont il s'agit sortent des limites de l'activité notifiée,
34
l'exemption d'amende ne saurait trouver à s'appliquer pour aucun de ces agissements, l'activité
concernée ne correspondant plus à celle décrite dans la notification. (CJCE, aff C-338/00, 18
septembre 2003, Volkswagen AG, point n° 70 et s.)
35
II. ACTUALITE DU DROIT MATERIEL DE LA CONCURRENCE
A. LES QUESTIONS COMMUNES A TOUTES LES PROHIBITIONS
1. L'entreprise
Les opérateurs qui fournissent des prestations d'accès à des réseaux fixes ou des services
sur ces réseaux exercent une activité économique et sont des entreprises auxquelles le droit
de la concurrence est applicable (Décision, 21 mai 2003, Deutsche Telekom AG, JOCE, 14
octobre 2003, point n° 52).
Les agriculteurs et les abatteurs constituent, même en tant que personnes physiques des
entreprises. De même un syndicat professionnel peut constituer une association (ou une
association d'associations) d’entreprises, dès lors que ces organisations sortent des limites de
leur mission (d'information, de conseil et de défense des intérêts professionnels) pour prêter
leur concours à la conclusion et à la mise en oeuvre d'accords méconnaissant les règles de
concurrence. Décision du 2 avril 2003, Viandes bovines françaises, JOCE, L. 209, 19 août
2003, point n° 104 et s)
Les clubs sportifs, les fédérations sportives et l'UEFA sont des entreprises ou des associations
d'entreprises ou des associations d'associations d'entreprises (Décision du 23 juillet 2003,
Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l'UEFA, point n°
105 et s., JOCE, L. 291, 8 novembre 2003)
N'agit pas en tant qu'entreprise, un organisme géré par des ministères, fonctionnant
conformément au principe de la solidarité dans son mode de financement (par des cotisations
sociales et autres contributions étatiques) et fournissant des prestations gratuites de services à
ses affiliés sur la base d'une couverture universelle. (TPI, aff T-319/99, FENIN, 4 mars 2003,
point 35)
Un commis n’agissant sur le marché que comme organe auxiliaire de son commettant et
n’assumant pas les risques financiers de son activité forme une seule et même entité
économique ou entreprise avec le commettant à qui l’on peut imputer les comportements
contraires à l’article 81 (TPI, aff. T-66/99, Minoans Lines SA, 11 décembre 2003, points n°
98 et s.)
2) Le marché
La commission peut se prononcer sur les éléments constitutifs de l'entente sans qu'il soit
nécessaire de procéder à l'analyse des marchés en cause, parce que des circonstances
particulières l'y autorisent (ex : l'existence d'une infraction patente comme un accord entre
concurrents sur la fixation des prix à pratiquer à l'égard de leurs clients suffit à caractériser
une atteinte à la concurrence). De la même façon la définition préalable des marchés en
cause n'est pas toujours nécessaire lorsque la Commission envisage l'octroi d'une exemption
individuelle (TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 201, TPI, aff. T61/99, Adriatica di Navigazione SPA, 11 décembre 2003, points n° 14 et s.)
36
La Commission distingue quatre marchés pertinents de produits afin d'apprécier les effets
d'une vente centralisée des droits commerciaux : le marché des droits de retransmission sur
les chaînes de télévision (d'accès libre, à péage ou paiement à la séance), le marché des
recettes publicitaires, le marché de la diffusion sur l'Internet par UMTS ou par vidéo et le
marché du parrainage, des fournisseurs et des licences (Décision du 23 juillet 2003, Vente
centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l'UEFA, point n° 55 et s.,
JOCE, L. 291, 8 novembre 2003).
La Commission considère que l'étendue géographique des marchés concernés est
essentiellement nationale en raison des facteurs culturels et des préférences du public de
chaque pays (Décision du 23 juillet 2003, Vente centralisée des droits commerciaux sur la
Ligue des champions de l'UEFA, point n° 87 et s., JOCE, L. 291, 8 novembre 2003)
Dans le secteur des télécommunications il convient de distinguer les marchés de gros et les
marchés de détail. Les marchés de gros englobent généralement la fourniture d'un accès aux
réseaux ou à des éléments d'un réseau et de services de réseaux à des opérateurs de réseaux et
des fournisseurs de services. Les marchés de détail consistent dans la fourniture de services de
communication aux utilisateurs finaux. A l'intérieur de ces grandes catégories, il est possible
de définir des marchés plus restreints non seulement sur la base des caractéristiques du service
mais aussi en procédant à une analyse des conditions de concurrence et de la structure de la
demande et de l'offre. Il est évident que les services mobiles et les services fixes appartiennent
à des marchés de services différents. Les principaux marchés d'accès aux réseaux et
marchés de services concernés par la décision sont : le marché des sites et infrastructures de
sites pour les équipements de radiocommunications mobiles numériques (2G), le marché de
l'accès en gros à l'itinérance nationale pour les service de communication 3G (UMTS). Sont
aussi affectés les marchés de l'accès en gros aux services 3G ainsi que les marchés de détail
pour les services 3G. (Décision, 30 avril 2003, O2 UK Limited/T-Mobile UK Limited, point
n° 40 et s.,JOCE, 7 août 2003, p. 59).
En matière de télécommunication (et de téléphonie mobile en particulier) les marchés sont
essentiellement nationaux puisque les licences sont attribuées à l'échelon national et que les
prix de détail et les offres de services sont nationaux. Il existe toutefois un marché émergent
paneuropéen de la fourniture de services de télécommunications, de services de
télécommunications mobiles intégrés proposés à des clients qui se déplacent (Décision, 30
avril 2003, O2 UK Limited/T-Mobile UK Limited, point n° 52, 56 et 60, JOCE, 7 août 2003,
p. 59).
Les marchés de produits et services concernés sont ceux de la fourniture de l'accès aux
réseaux fixes locaux tant pour ce qui est des prestations intermédiaires (prestations
fournies à des concurrents) que des services aux abonnés. En ce qui concerne ce dernier
marché il convient d'opérer une distinction entre l'accès "bande étroite" par lignes de cuivre
analogiques et lignes RNIS et l'accès "large bande" pour la transmission de données à haut
débit. (Décision, 21 mai 2003, Deutsche Telekom AG, point n° 58 et s., JOCE, 14 octobre
2003, p. 9).
Le marché en cause est le marché allemand puisque le réseau des boucles locales s'étend
exclusivement sur le territoire de la RFA (Décision, 21 mai 2003, Deutsche Telekom AG,
point n° 92 et s., JOCE, 14 octobre 2003, p. 9).
Il existe un marché des transports maritimes réguliers par conteneur entre les ports de
l'Europe du Nord et ceux des Etats-Unis et du Canada. Les transport aériens et les transports
maritimes ne constituent pas seuls ou cumulés une demande substituable et les services offerts
37
par les ports de la méditerranée ne représentent pas une solution de rechange raisonnable.
(TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et
Alii, point n° 759 et s.)
Dans le secteur du transport ferroviaire de passagers, il faut distinguer le marché de l’accès
à l’infrastructure, le marché de la traction et celui du transport international de
voyageurs.(Décision du 27 août 2003 relative à une procédure d’application de l’article 82 du
traité CE, JOCE, L. 11, 16 janvier 2004, p. 17)
3) Les régimes spéciaux
En reprenant une jurisprudence constante de la Cour (CJCE, aff Ladbroke Racing, Rec. 1997,
p. I-6225) et du TPI (aff Irish Sugar, Rec. 1999, p. II-296) la Commission affirme que
l'applicabilité des règles de concurrence n'est pas exclue lorsqu'il existe des dispositions
sectorielles telles que celle régissant le secteur des télécommunications, dès lors que ces
dispositions laissent aux entreprises qui y sont soumises la possibilité d'un comportement
autonome susceptible d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence. De plus dans
sa communication relative à l'application des règles de concurrence aux accords d'accès dans
les secteurs des télécommunications (JO, C. 265 du 22 août 1998, p. 2) la Commission a
réservé l'application du droit commun de la concurrence (décision, 21 mai 2003, Deutsche
Telekom AG, JOCE, 14 octobre 2003, point n° 53 et s.).
Il n'est pas exclu que la Commission ait fait une application erronée du règlement 17 en
omettant de préciser dans sa décision pour quels motifs les taxes et surtaxes relatives aux
services annexes au transport maritime ne constitue pas des service de transport maritime
relevant du règlement n° 4056/86. Toutefois cette erreur de base juridique n'a pas privé les
requérantes des garanties procédurales et n'a pas entraîné de conséquence négative sur leur
situation juridique (les taxes et surtaxes auraient fait l'objet d'une appréciation équivalent sur
le fondement du règlement n° 4056/86 et la Commission a, sur le fondement de ce même
texte, le même pouvoir de prononcer des amendes). .(TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA
CGM et Alii, point n° 50).
Les articles 81 CE et 82 CE ne visent que des comportements anticoncurrentiels qui ont été
adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Si un comportement anticoncurrentiel est
imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique
qui lui-même élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, les articles
81 CE et 82 CE ne reçoivent pas application . Dans une telle situation, la restriction de
concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l'implique ces dispositions dans des
comportements autonomes des entreprises. En revanche, les articles 81 CE et 82 CE peuvent
s'appliquer s'il s'avère que la législation nationale laisse subsister la possibilité d'une
concurrence susceptible d'être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements
autonomes des entreprises. (CJCE, aff C-207/01, Altair Chimica Spa, 11 septembre 2003,
point n°30 et s. ; TPI, aff. T-66/99, Minoan Lines SA, point n°152 et s. , TPI, aff. T65/99;Strintzis Lines Shipping SA, points 84 et s.)
Les articles 81 et 82 du traité ne sont pas applicables lorsqu'un comportement
anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée
un cadre juridique éliminant toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part. dans
une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause ainsi que l'implique ces
38
dispositions, dans des comportements autonomes des entreprises. En revanche les articles 81
et 82 peuvent s'appliquer s'il s'avère que la législation nationale laisse subsister la possibilité
d'une concurrence susceptible d'être atteinte par des comportements autonomes d'entreprises.
En conséquence, si une loi nationale se limite à permettre, à inciter ou à faciliter l'adoption par
les entreprises, de comportements concurrentiels autonomes, celles-ci demeurent justiciables
des règles de concurrence du traité. (TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T214/98, Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 1089 et s.)
La primauté du droit communautaire impose à toute juridiction ou autorité et notamment aux
autorités de la concurrence de laisser inappliquée toute disposition d'une loi nationale
contraire à une règle communautaire. Quant à la sanction susceptible d'être prononcée à
l'encontre de l'entreprise qui a adopté un comportement anticoncurrentiel contenu dans la
loi, il convient de faire une distinction.
Dans une première hypothèse on peut considérer que les comportements anticoncurrentiels
ont été imposés par la loi et alors aucun comportement d'entreprises antérieur à la décision
de laisser inappliquée la loi nationale ne peut être sanctionné. Le principe de sécurité
juridique conduit à considérer que le comportement passé de l'entreprise a été conditionné par
la loi, ce qui constitue une cause justificative la soustrayant à la sanction. En revanche, dès
que la décision de l'autorité administrative de laisser inappliquée une loi
anticoncurrentielle est devenue définitive, les entreprises ne peuvent plus prétendre être
contraintes par la loi de violer le droit communautaire de la concurrence et leur
comportement futur devient sanctionnable.
Dans l'hypothèse où la loi se limite à inciter ou à faciliter l'adoption, par les entreprises, de
comportements anticoncurrentiels autonomes, des sanctions peuvent être prononcées à
l'encontre de comportements antérieurs à la décision de laisser inappliquée la loi. Pour ce faire
il sera tenu compte dans la détermination du niveau de la sanction de l'existence de
circonstance atténuante constituée par le cadre législatif nationale. (CJCE, aff C-198/01,
Consorzio Industrie Fiammiferi -CIF-, point n° 40 et s., 9 septembre 2003
B. LES QUESTIONS SPECIFIQUES A CHACUNE DES PROHIBITIONS
1) La prohibition des ententes
a) Définition de l'entente
a-1.La volonté de s’entendre
Echappent à l'application de l'article 81 § 1 les décisions constituant un comportement
unilatéral de l'entreprise.
Toutefois, en raison des circonstances, des mesures adoptées ou imposées de manière
apparemment unilatérale par le fabricant dans le cadre des relations commerciales continues
qu'il entretient avec ses distributeurs ont été considérées comme constitutives d'un accord.
Il ressort de cette jurisprudence qu'il convient de distinguer les hypothèses où une entreprise a
adopté une mesure véritablement unilatérale, et donc sans la participation expresse ou tacite
d'une autre entreprise, de celles où le caractère unilatéral est uniquement apparent.
Pour établir qu'un comportement unilatéral est en réalité un accord, il faut que la Commission
établisse l'existence d'un acquiescement, exprès ou tacite, de la part des autres partenaires, à
l'attitude adoptée par le fabricant.
39
Un concessionnaire qui a signé un contrat de concession conforme au droit de la
concurrence n'est pas censé avoir, lors de et par cette signature, accepté d'avance une
évolution ultérieure illégale de ce contrat. Il faut établir que les concessionnaires ont
effectivement acquiescé aux invitations illégales après qu'elles leur ont été adressées. On peut
considérer que les évolutions légales envisagées par le contrat ou conformes aux usages ou à
la réglementation puissent être acceptées d'avance (par la signature du contrat). En revanche il
en va différemment des évolutions illégales puisque celles-ci ne sont pas prévisibles lorsque
l'on conclut un contrat légal. L'acquiescement ne doit pas être considéré comme acquis par
principe, du simple fait que les concessionnaires sont entrés dans le réseau, mais doit être
recherché notamment en analysant le comportement adopté par le concessionnaire après avoir
reçu l'invitation illégale. Le fait que la circulaire du constructeur soit mise en œuvre sur le
terrain par les distributeurs suffit à établir l'acquiescement. (TPI, aff. T-208/01, 3 décembre
2003, Volkswagen AG, point 30 et s.)
La Cour rappelle la jurisprudence constante selon laquelle constitue un accord au sens de
l'article 81 § 1 une invitation adressée par un constructeur automobile à ses distributeurs sous
contrat lorsqu'elle s'insère dans un ensemble de relations commerciales continues régies par
un accord général préétabli. En acceptant le contrat cadre, les concessionnaires acceptent de
se soumettre aux mesures unilatérales subséquentes. Lorsque le contrat cadre est le moyen
utilisé par le constructeur pour que ces distributeurs mettent en place une politique restrictive
de concurrence ces derniers ne peuvent prétendre qu'il n'ont pas voulu une telle situation.
(CJCE, aff C-338/00, 18 septembre 2003, Volkswagen AG, point n° 60 et s).
Il appartient néanmoins à la Commission de rapporter la preuve précise et concordante de
l'accord en démontrant que la mesure unilatérale restrictive de concurrence émanant du
constructeur a été communiquée aux concessionnaires et qu'elle est entrée dans le champ
des relations contractuelles qui les unissent notamment parce que cette mesure a été
effectivement appliquée ou mise en œuvre. (TPI, aff. T-368/00, General Motors Nederland
BV, 21 octobre 2003, point n° 78 et s.)
Le tribunal exerce un contrôle étendu sur les éléments prouvant l'existence d'un accord tels
par exemple un compte rendu de réunion (TPI, 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM et
Alii, point n° 131)
Les règlements de la Ligue des champions de l'UEFA constituent une décision arrêtée par
une association d'entreprises auxquelles l'article 81 et applicable. L'article 81 s'applique aux
activités de l'association ou de celles des entreprises qui y adhèrent si celles-ci produisent des
effets anticoncurrentiels où si l'association a l'intention de coordonner et coordonne le
comportement de ses membres sur le marché. Le règlement de la ligue des champions est un
cadre réglementaire contraignant pour les entreprises membres (fédérations nationales et
clubs) régissant la vente des droits commerciaux sur la ligue des champions. (Décision du 23
juillet 2003, Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l'UEFA,
point 108 et s. JOCE, L. 291, 8 novembre 2003)
Au sens de l'article 81 un accord n'a pas besoin d'être juridiquement contraignant. Un
accord peut exister dès lors que les parties s'entendent sur un plan qui limite, ou est de nature
à limiter, leur liberté commerciale en déterminant les lignes de leur action ou de leur
abstention réciproque sur le marché. Aucune procédure d'exécution telle que pourrait en
prévoir un contrat civil n'est requise. Il n'est pas nécessaire non plus qu'un tel accord soit
établi par écrit. Un engagement nul notamment pour violence constitue aussi un accord. Une
entreprise partie à un accord ne peut se prévaloir de la contrainte des autres participants et doit
40
plutôt dénoncer les pressions dont elle fait l'objet. Cette circonstance peut être prise en compte
aux fins de la détermination des amendes au titre de l'appréciation de la participation de la
victime à l'infraction (Décision du 2 avril 2003, Viandes bovines françaises, point n° 118,
JOCE, L. 209, 19 août 2003, p. 12 ; TPI, aff. T-66/99, Minoan Lines SA, 11 décembre 2003,
points n°199 et s.)
Dès qu’il est établi qu’une entreprise a participé à des réunions entre entreprises à caractère
manifestement anticoncurrentiel, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature
à établir que sa participation aux dites réunions était dépourvue de tout esprit
anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle a indiqué à ses concurrent qu’elle y participait dans
une optique différente de la leur. En l’absence d’une telle preuve de distanciation, le fait que
cette entreprise ne se conforme pas aux résultats de ces réunions n’est pas de nature à la priver
de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l’entente (TPI, aff. T-61/99, Adriatica
di Navigazione SPA, 11 décembre 2003, points n°54 et s)
Preuve de l’entente (TPI, aff T-56/99 ; Marlines SA, 11 décembre 2003 ; TPI, aff. T-59/99,
Ventouris Group SA, 11 décembre 2003, points n° 17 et s.)
Accord d’importance mineure (TPI, aff. T-59/99, Ventouris Group SA, 11 décembre 2003,
points n°165 et s.)
a-2. Atteinte à la concurrence
En premier lieu l'accord relatif à une exploitation en commun et sur une base exclusive
conférée à l'UEFA des droits commerciaux sur la ligue des champions fait obstacle à une
vente individuelle de ces droits par les clubs. Il empêche toute concurrence entre les clubs et
entre l'UEFA et ces derniers. Les tiers ne peuvent acheter ces droits qu'auprès d'une seule
source et selon les conditions et la procédure d'appel d'offres commune. La vente centralisée
tend donc à uniformiser les prix par rapport à une situation de vente individuelle. En second
lieu, est soumise à restriction l'exploitation par les clubs des droits commerciaux qu'ils n'ont
pas concédés à l'UEFA aux fins de vente centralisée (Décision du 23 juillet 2003, Vente
centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l'UEFA, JOCE, L. 291, 8
novembre 2003)
Constitue une entente l'accord conclu entre des compagnies maritimes de ne pas accorder
aux chargeurs des rabais sur les taxes et les surtaxes qu’elles leur facturent en application
des tarifs publiés qu'elles établissent individuellement. Un tel accord a pour objet de fixer
indirectement les prix et restreint sensiblement la concurrence et cela même si les parties à
l'accord ne se sont pas entendues sur le niveau des taxes et surtaxes (TPI, 19 mars 2003, aff.
T-213/00, CMA CGM et Alii, point n° 171).
Constitue une restriction de la concurrence la mise en place par un constructeur automobile
d'une politique générale visant à empêcher et /ou restreindre toutes les exportations des
Pays-Bas vers d'autres Etats membres en prenant des interdictions et des injonctions en ce
sens adressées aux concessionnaires et acceptées et mises en œuvre par certains d'entre eux,
en limitant en volume les livraisons faites aux concessionnaires identifiés comme
exportateurs, en excluant du système de prime au détail accordé aux concessionnaires les
ventes réalisées à l'exportation (TPI, aff. T-368/00, General Motors Nederland BV, 21 octobre
2003, point n° 43 et s.).
41
Une clause d'exclusivité figurant dans un accord de fourniture de congélateurs conclu entre un
fabricant de glace alimentaire et les détaillants constitue une infraction aux dispositions de
l'article 85 §1. Cette clause d'exclusivité portant sur les congélateurs opère comme une
exclusivité d'approvisionnement imposé à certains points de vente et opère un degré de
cloisonnement contraire à l'article 85 § 1. La détermination de cet effet de fermeture de l'accès
au marché à de nouveaux concurrents suppose de la part de la Commission la mise en place
d'une appréciation cumulative ne faisant l'objet de la part du TPI, comme toutes les
appréciations économiques complexes, que d'un contrôle formel. Celui-ci porte sur le respect
des règles de procédure et de motivation, ainsi que sur l'exactitude matérielle des faits,
l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir (TPI, aff T-65/98,
Van de Bergh Foods Ltd, 23 octobre 2003, point n°75 et s.).
L'accord conclu entre O2 UK Limited et T-Mobile UK Limited prévoit le partage de sites et
l'échange d'informations nécessaires pour permette le partage des sites et l'itinérance
nationale. Malgré le partage de sites les parties conservent le contrôle indépendant de leurs
réseaux et gardent la possibilité de différencier leurs services en aval, de plus compte tenu de
l'absence de pénurie de sites en GB et du cadre réglementaire, l'exclusivité sur les sites
n'entraîne pas l'exclusion des opérateurs tiers. (Décision, 30 avril 2003, O2 UK Limited/TMobile UK Limited, JOCE, 7 août 2003, p. 59).
Constituent une entente les accords conclus entre différents syndicats agricoles représentant
des éleveurs et des représentants d'abatteurs et ayant pour objet de suspendre les
importations en France de viande bovine et de fixer un prix minimal pour l'achat de vaches
de réforme en France. La prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue,
dés lors qu'il a pour objet de porter atteinte à la concurrence, en l'espèce cloisonner les
marchés et fixer les prix. (Décision du 2 avril 2003, Viandes bovines françaises, JOCE, L.
209, 19 août 2003, p. 12).
Mise en place par une association d’entreprises de grossistes d’un régime collectif
d’exclusivité visant à empêcher les livraisons aux entreprises non membres de l’association et
en restreignant directement et indirectement la faculté de ses membres de fixer leurs prix de
vente de manière libre et indépendante. .(TPI, 16 décembre 2003, T-5/00 et T-6/00, FEG et
TU)
b) Justification de l'entente
b-1. Exemption individuelle
L'accord d'itinérance conclu entre 02 UK et T-Mobile UK qui restreint la concurrence peut
bénéficier d'une exemption individuelle parce que les quatre conditions pour bénéficier de
l'article 85 § 3 sont réunies. Il permet notamment aux parties de procéder plus tôt au
lancement commercial de la 3G (UMTS) et de fournir des services dans une zone
géographique plus vaste, pour le plus grand profit des consommateurs. (Décision, 30 avril
2003, O2 UK Limited/T-Mobile UK Limited, point n° 136, JOCE, 7 août 2003, p. 59).
La condition selon laquelle un accord doit "contribuer à améliorer la production ou la
distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique" se
détermine non à partir des avantages que les partenaires retirent de l'accord quant à leur
activité de production ou de distribution, mais à partir des avantages objectif sensibles, de
42
nature à compenser les inconvénients que comporte cet accord au regard de la
concurrence.(TPI, aff T-65/98, Van de Bergh Foods Ltd, 23 octobre 2003, point n°135 et s)
Le règlement de l'UEFA ayant pour objet la vente centralisée des droits commerciaux sur
la ligue des champions bénéficie d'une exemption individuelle à la condition que les clubs
de football puissent vendre leurs droits de retransmission en direct aux chaînes de télévision à
accès libre lorsque aucune chaîne de télévision payante n'a soumis d'offre raisonnable.
(Décision du 23 juillet 2003, Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des
champions de l'UEFA, JOCE, L. 291, 8 novembre 2003).
b-2. Exemption par catégorie
Règlement n° 26 du conseil du 4 avril 1962 portant application de certaines règles de
concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, (Décision du 2 avril
2003, Viandes bovines françaises, point n°135 et s., JOCE, L. 209, 19 août 2003, p. 12)
Règlement n° 123/85 de la Commission du 12 décembre 1984 concernant l'application de
l'article 85 § 3 du traité CEE à des accords de distribution et de service de vente et d'aprèsvente de véhicules automobiles (CJCE, aff C-338/00, 18 septembre 2003, Volkswagen AG,
point n° 48)
Règlement n° 4056/86 déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité
aux transports maritimes (TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98,
Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 559 et s.)
Règlement (CE) n° 358/2003 de la Commission du 27 février 2003, concernant l'application
de l'article 81, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d'accords, de décisions et de
pratiques concertées dans le secteur des assurances, (JOCE, L. 53, 28 février 2003, p. 8.)
Projet de règlement et de lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe
3, du traité à des catégories d'accords de transferts de technologie, (JOCE, C. 235, 1 octobre
2003).
2) La prohibition des abus de position dominante
a) La position dominante
Les membres du TACA possèdent collectivement une position dominante sur le marché des
transports maritimes réguliers par conteneur entre les ports de l'Europe du Nord et ceux des
Etats-Unis et du Canada. (TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98,
Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 1089 et s.)
Les autorités nationales de la concurrence ont la possibilité d'utiliser un prix indicatif
contenu dans un règlement communautaire (prix du lait prévu à l'article 3 §1, du règlement
n° 804/68) aux fins d'examiner le pouvoir sur le marché d'une entreprise agricole, en
comparant les variations des prix réels à celui-ci (CJCE, aff. C-137/00, Organisation
commune des marchés dans le secteur du lait et produits laitiers, 9 septembre 2003, point
n°95 et s.).
43
b) L'exploitation abusive de la position dominante
L'article 86 ne prévoit pas la possibilité de l'octroi d'une exemption et les pratiques abusives
sont interdites quels que soient les avantages auxquels elles donnent éventuellement lieu
pour les auteurs de telles pratiques ou les tiers. Il est toutefois possible à une entreprise
dominante d'invoquer des motifs de nature à justifier les pratiques qu'elle adopte dont l'objet
est de démontrer que lesdites pratiques visent à protéger de manière raisonnable leurs intérêts
commerciaux face aux actions entreprises par certains tiers et qu'elles ne constituent pas des
pratiques abusives. Une entreprise dominante peut accomplir des actes en vue de protéger ses
intérêts commerciaux qui n'ont pas pour effet de renforcer sa position dominante. (TPI, 30
septembre 2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et Alii,
point n° 1089 et s.)
Un comportement ne perd pas son caractère abusif au simple motif qu'il constitue une
pratique généralement suivie dans un secteur déterminé. (TPI, 30 septembre 2003, aff. T191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 1089 et s.)
L'exploitation abusive d'une position dominante n'est pas limitée aux comportements
susceptibles de porter atteinte à la concurrence effective mais s’applique également à celles
susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs. (TPI, 30 septembre
2003, aff. T-191/98, T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 1089
et s.)
Il n'y a pas d'infraction aux règles de concurrence lorsque les entreprises s'échangent des
informations portant sur des données publiques, quand bien même c’est en application d'une
loi étrangère que ces données acquierent ce caractère. (TPI, 30 septembre 2003, aff. T-191/98,
T-212/98, à T-214/98, Atlantic Container Line AB et Alii, point n° 1089 et s.)
Le tarif de DT relatif à la boucle locale produit un effet de ciseau et présente ainsi un
caractère inéquitable. (Décision, 21 mai 2003, Deutsche Telekom AG, point n° 102 et s.
JOCE, 14 octobre 2003, p. 9).
Constitue une exploitation d'une position dominante le fait pour un fabricant de glaces de
proposer gratuitement aux détaillants des congélateurs en contrepartie d'une condition
d'exclusivité (TPI, aff T-65/98, Van de Bergh Foods Ltd, 23 octobre 2003, point n°154 et s.)
Un système de rabais fidélisant les revendeurs de pneumatiques présente un caractère abusif
puisqu'il vise à empêcher le client de s'approvisionner auprès d'autres producteurs. Un
système de ristourne fondé sur aucune prestation économique qui le justifie, tend à enlever
où à restreindre pour l'acheteur son choix dans ses sources d'approvisionnement, barre l'accès
du marché aux concurrents, applique aux partenaires commerciaux des conditions inégales
pour des prestations équivalentes et renforce la position dominante. (TPI, T-203/01, aff.
Manufacture française des pneumatiques Michelin, point n° 61 et s. voir aussi TPI, 17
décembre 2003, T-219/99, British Aiways plc, point 127 et s.)
Un système de prime de service (incitant les revendeurs à améliorer la qualité de leur service
ainsi que l'image de marque du produit Michelin) ayant d'une part un caractère inéquitable et
fidélisant et d'autre part produisant un effet de vente liée a un caractère abusif.
(TPI, T-203/01, aff. Manufacture française des pneumatiques Michelin, point n° 136 et s.).
44
Un "club" composé de revendeurs souhaitant s'engager dans un partenariat plus étroit
avec le fabricant est un abus s'il constitue une barrière à l’entrée pour les concurrents du
fabricant, (TPI, T-203/01, aff. Manufacture française des pneumatiques Michelin, point n°
175 et s.)
L’infrastructure ferroviaire constitue une infrastructure essentielle et restreindre son accès
constitue un abus de position dominante.(Décision du 27 août 2003 relative à une procédure
d’application de l’article 82 du traité CE, JOCE, L. 11, 16 janvier 2004, p. 17)
Constitue un abus le fait pour une entreprise détenant une position dominante sur un marché
donné, de se réserver, sans nécessité objective, une activité auxiliaire qui pourrait être
assurée par une autre entreprise et d’éliminer de ce fait toute concurrence de la part de cette
entreprise. .(Décision du 27 août 2003 relative à une procédure d’application de l’article 82 du
traité CE, JOCE, L. 11, 16 janvier 2004, p. 17).
Le refus d’ouvrir des négociations en vue de la constitution d’un regroupement
international non justifié par des raisons objectives.(Décision du 27 août 2003 relative à une
procédure d’application de l’article 82 du traité CE, JOCE, L. 11, 16 janvier 2004, p. 17)
Un abus de position dominante commis sur le marché sectoriel dominé mais dont les effets se
font sentir sur un marché distinct où l’entreprise concernée ne détient pas de position
dominante peut relever de l’article 82. Ce pour autant que ce marché distinct soit
suffisamment connexe au premier. .(TPI, 17 décembre 2003, T-219/99, British Aiways plc,
point 127 et s.)
3). Article 86
TPI, aff T-52/00, Coelerici Logistics Spa, 17 juin 2003, point n° 70 et s.
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