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NOVEMBRE 2014
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QUÉBEC PHARMACIE
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mine oxydase (IMAO) et le bupropion ne sont
pas recommandés pour le traitement de l’ano-
rexie mentale (voir deuxième partie de l’article,
section « Antidépresseurs »)3.
Les individus souffrant d’anorexie mentale
peuvent être particulièrement sensibles aux
effets indésirables de la médication. Plusieurs
patients ont une fonction cardiovasculaire com-
promise et le risque d’arythmie cardiaque secon-
daire à la prolongation de l’intervalle QTc par un
médicament ne doit pas être sous-estimé, sur-
tout en présence d’autres facteurs de risque (p.
ex., déplétion électrolytique, bradycardie).
Conséquemment, une surveillance de l’ECG
devrait être eectuée lors de l’introduction d’un
agent susceptible d’allonger l’intervalle QTc20,46.
De plus, la pharmacocinétique de certains médi-
caments peut être altérée chez les patients dénu-
tris. En eet, le volume de distribution des médi-
caments liposolubles est diminué en raison du
gras corporel réduit, augmentant les niveaux
plasmatiques à l’équilibre. La médication devrait
ainsi être débutée à faible dose et titrée lentement
selon l’ecacité et la tolérance14,16,34,47.
Antipsychotiques
La distorsion de l’image corporelle et les obses-
sions envers le poids et la silhouette des personnes
anorexiques ont été considérées par certains
comme étant analogues aux pensées délirantes
présentes dans les désordres psychotiques. Cette
prémisse a en partie mené aux premières études
sur l’antipsychotique chlorpromazine auprès de
ces patients dans les années 196037,38,48,49. En raison
du manque de preuves de leurs bénéces cliniques
et de leurs effets indésirables substantiels, les
antipsychotiques classiques ne sont néanmoins
pas recommandés pour le traitement de l’ano-
rexie mentale49,50. La venue des antipsychotiques
atypiques ayant un prol d’eets indésirables plus
favorable a ravivé l’intérêt envers cette classe de
médicaments43,49. Le gain de poids est eective-
ment un eet indésirable bien connu de ces agents
et ceux-ci permettent de réduire l’agitation et l’an-
xiété, qui entravent fréquemment la réalimenta-
tion48. Ils agiraient en ciblant les dysfonctionne-
ments dopaminergiques et sérotoninergiques4,39.
L’olanzapine est l’agent qui a été le plus exten-
sivement étudié. Cet antipsychotique a démon-
tré des eets positifs sur le gain de poids et/ou
les symptômes psychologiques dans quelques
études ouvertes ou rétrospectives et dans plu-
sieurs rapports ou séries de cas, le plus souvent
portant sur des patients sourant d’anorexie
chronique réfractaire à d’autres traitements48,50.
Au total, quatre études randomisées et contrô-
lées par placébo, dont une eectuée chez des
adolescents, ont toutefois produit des résultats
variables. Une étude a démontré la supériorité
de l’olanzapine pour l’amélioration de paramè-
tres psychologiques spécifiques (dépression,
agressivité, etc.), et une diminution des symp-
tômes obsessifs a été observée dans une autre
étude effectuée chez un petit nombre de
patients, alors que la différence n’était pas
signicative dans les deux autres. De plus, lors-
que comparée à la chlorpromazine, l’olanza-
pine a permis une réduction des ruminations
anorexiques43,50,51. L’olanzapine a produit un
gain de poids statistiquement signicatif, quoi-
que modeste, dans trois de ces études, mais
seulement chez le sous-type boulimique/pur-
gatif pour l’une d’elles27,44.
En ce qui concerne les autres antipsychoti-
ques, la quétiapine a permis de réduire la psy-
chopathologie dans deux études ouvertes de
petite taille et une étude ouverte, randomisée et
contrôlée, mais un gain de poids signicatif n’a
pas été établi dans toutes ces études4,48. Plus
récemment, une étude randomisée, à double
insu et contrôlée, n’a trouvé aucune diérence
d’issue entre le groupe quétiapine et le groupe
placébo44. Des rapports de cas ont montré des
résultats positifs pour l’aripiprazole et la rispé-
ridone, mais l’étude de ce dernier agent auprès
de 40 adolescents atteints d’anorexie mentale
n’a pu établir aucun bénéce4,44.
Alors que les données préliminaires sur les
antipsychotiques atypiques, particulièrement
l’olanzapine, semblaient prometteuses, deux
revues systématiques et méta-analyses récentes
n’ont pu conclure à un eet signicatif sur la
psychopathologie associée à l’anorexie mentale
ou sur le poids52,53. Il est possible que l’augmen-
tation de l’appétit induite par les antipsychoti-
ques ne soit pas susante pour surmonter la
poursuite acharnée de la minceur qui accom-
pagne ce trouble alimentaire53, ce qui ne fait
qu’augmenter la souffrance du patient sans
changer les comportements restrictifs53. Ainsi,
les études disponibles à ce jour, qui, encore une
fois, comprennent des limites méthodologi-
ques, ne permettent pas de formuler des lignes
directrices claires ou de recommander une uti-
lisation généralisée des antipsychotiques chez
cette clientèle48,53. Les opinions sur leur valeur
dans le traitement aigu de l’anorexie mentale
restent partagées, mais en pratique ils sont
prescrits notamment pour réduire l’anxiété
comorbide, les pensées obsessionnelles, les
cognitions anorexiques, l’agitation associée à la
réalimentation et la résistance sévère au gain de
poids27,48. Dans la majorité des publications, on
a utilisé des doses dans la moitié inférieure de
l’intervalle posologique (p. ex., olanzapine 2,5-
10 mg/jour), mais la durée de traitement opti-
male ne peut être dénie34,39,48. Les eets indési-
rables des antipsychotiques sont bien connus
(effets extrapyramidaux, sédation, hypoten-
sion orthostatique, prolongation de l’intervalle
QT, etc.) et doivent être pris en considération,
même si très peu d’entre eux ont été rapportés
dans ces études. Les eets métaboliques à long
terme n’ont pas encore été bien documentés
pour cette population48,52,53. Enn, bien que le
risque ne semble pas cliniquement pertinent
dans cette population, la crainte d’un gain de
poids excessif pourrait être anxiogène pour les
patients et entraîner le refus ou la non-adhé-
sion au traitement48,53.
Benzodiazépines
De faibles doses de benzodiazépines à courte
durée d’action (p. ex., 0,25 mg d’alprazolam ou
0,5 mg de lorazépam) administrées avant les
repas sont utiles lorsqu’une anxiété anticipatoire
sévère limite la prise alimentaire, mais cela n’a
fait l’objet d’aucune étude. Les benzodiazépines
doivent être utilisées avec circonspection puis-
que certains patients sourant d’un trouble ali-
mentaire peuvent avoir une propension plus éle-
vée à développer une dépendance3,14,34.
Agents procinétiques
Des ballonnements et des douleurs abdominales
postprandiales, ainsi que des sensations de plé-
nitude et de satiété précoce surviennent fré-
quemment au début du retour à une alimenta-
tion normale. Les agents procinétiques, tels que
la dompéridone et le métoclopramide, accélè-
rent la vidange gastrique et peuvent être utiles
pour soulager certains de ces symptômes, mais
ils ne sont pas clairement associés à un gain de
poids et doivent être utilisés avec précaution
puisqu’ils peuvent allonger l’intervalle QTc3,4,43.
À moins que le traitement ne requière les pro-
priétés antinauséeuses du métoclopramide, la
dompéridone est préférable puisqu’elle occa-
sionne moins d’eets extrapyramidaux54.
Autres
Une décience en zinc peut entraîner une perte de
poids, la dépression, l’aménorrhée et des modi-
cations de l’appétit et du goût43,49. Il a donc été pro-
posé que les carences nutritionnelles en zinc
puissent contribuer à exacerber le tableau clinique
de l’anorexie mentale. L’utilisation de la supplé-
mentation orale de zinc, en adjuvant aux traite-
ments traditionnels, est appuyée par des études
ouvertes et des études de cas, mais elle a produit
des eets partagés sur le gain de poids et sur les
symptômes de dépression et d’anxiété dans trois
études à double insu et contrôlées par placébo,
réalisées il y a plusieurs années38,49,55. Les auteurs
d’une étude publiée en 2006 ont néanmoins
conclu que tous les patients anorexiques devraient
recevoir, de routine, un supplément oral de 14 mg/
jour de zinc élémentaire pendant deux mois.
Cette étude a démontré que le zinc permettait
d’obtenir un taux d’augmentation de l’IMC deux
fois plus élevé, ainsi que la correction de certaines
anomalies des neurotransmetteurs, se traduisant
par d’éventuels bénéces cliniques4,55. Le rôle du
zinc demeure controversé, mais son coût peu
élevé, son innocuité favorable et les quelques
preuves de son ecacité incitent certains clini-
ciens à en recommander l’utilisation comme trai-
tement adjuvant de l’anorexie mentale3,4,38.
Il a été noté que la cyproheptadine, un antihista-
minique ayant également un effet antagoniste
sérotoninergique central, pouvait occasionner un
gain de poids lorsqu’utilisée dans le traitement du
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