COMMUNAUTE SAINT-MARTIN Conférence PROCLERO 23 septembre 2014
Abbé Pascal-André DUMONT« Le risque et la prise de risque : un enjeu fondamental du renouveau de l’économie et de la finance »
est allé jusqu’à obéir à Dieu qui lui demande de lui sacrifier son fils Isaac, Dieu dit : « Parce que tu
as fait cela, que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai
ta postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable qui est sur le bord de la mer… »
(Gn 22, 15-17).
Dieu a invité Abraham à prendre un risque : quitter ce qui est connu pour aller vers l’inconnu,
quitter ce qui est sûr pour aller vers quelque chose d’incertain. Qu’est-ce qui pousse Abraham à
prendre ce risque ? Il y a au moins deux éléments qui comptent dans le discernement d’Abraham :
- l’appel vient de Dieu. Pour Abraham, Dieu est fiable, il peut lui faire confiance et peut donc
prendre le risque de suivre cet appel à tout quitter.
- Il y a une promesse : la promesse d’une fécondité inouïe, qui le dépasse, qui dépasse tout
pouvoir humain, qui dépasse même toute imagination : sa postérité sera aussi nombreuse
que les étoiles du ciel et que les grains de sable sur le bord de la mer.
De cela nous pouvons retenir que la prise de risque doit pouvoir reposer sur deux piliers :
- en amont une sécurité : la confiance en quelqu’un de fiable, de solide. Dieu se présente à
l’homme comme le roc solide sur lequel il peut s’appuyer, comme celui en qui l’homme
peut mettre sa confiance. C’est intéressant de constater que Dieu n’établit pas entre lui et
l’homme un rapport de pratique de la Loi ou d’observance de rituels, mais un rapport de foi
et de confiance. Ce rapport de foi et de confiance implique dans sa nature même le risque et
la précarité car faire confiance suppose toujours de se fier à quelqu’un alors que l’on n’a pas
toutes les cartes en main.
- en aval une promesse de fécondité : l’espérance en une promesse qui va se réaliser. D’où la
limite de l’adage qui dit : « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ». En réalité,
il est nécessaire d’espérer pour entreprendre, car l’espérance d’un bien promis est
indispensable à l’esprit d’entreprise. A cet égard Mt 19, 27-30 est très significatif : Pierre
interroge Jésus sur la récompense qu’il y aura pour ceux qui auront tout quitté pour se
mettre à sa suite et Jésus de répondre : « En vérité, je vous le dis, à vous qui m’avez suivi :
dans la régénération, quand le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous siégerez
vous aussi sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Et quiconque aura laissé
maisons, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra bien davantage et
aura en héritage la vie éternelle » (Mt 19, 28-29). Ceux qui ont tout quitté pour le Christ ne
perdent pas tout, puisqu’une récompense plus grande est promise à leur détachement.
Ces deux éléments fondamentaux de la prise de risque sont nécessaires dans tout type de prise de
risque. Le mariage, la procréation, l’amitié sont des prises de risque. Elles nécessitent à chaque fois
une confiance placée en quelqu’un (c’est l’amour, l’amitié) et une espérance (c’est un bien plus
grand, le bonheur, un épanouissement). C’est aussi vrai pour la vie économique et financière.
4.3. Et le Christ invite-t-il aussi à prendre des risques ?
Dans l’Evangile, Jésus se montre infiniment miséricordieux. Il est toujours prêt à tout pardonner.
De Pierre qui le renie à la femme adultère, l’Evangile nous montre sans cesse un Jésus, plein de
bonté et de douceur, en train de pardonner. Et son pardon est sans limite : soixante dix-sept fois sept
fois, c’est-à-dire à l’infini.
Pourtant, il y a une parabole, celle dite des talents (Mt 25, 14-30) qui montre une autre facette de
Jésus. Celui qui a reçu un seul talent et qui, au lieu de le faire fructifier comme le lui a demandé le
maître, l’enfouit dans la terre afin de le préserver, se fait rabrouer par le maître au point de se faire
enlever ce talent pour qu’il soit donné à celui qui a le mieux su faire fructifier les talents qu’il avait
reçus. Manifestement le maître n’accepte pas que celui qui avait reçu un talent n’ait pas pris de
risque, qu’il ait simplement conservé l’acquis sans lui-même contribuer à son augmentation.
Pourquoi cet homme a-t-il eu ce comportement défensif ? L’Evangile nous dit qu’il avait peur du
maître qu’il considérait comme dur : « j’ai appris à te connaître comme un homme âpre au gain : tu
moissonnes où tu n’as point semé, et tu ramasses où tu n’as rien répandu. Aussi pris de peur, je suis
allé enfouir ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien » (Mt 25, 24-25). Cet homme n’a pas pu
prendre un risque car il n’était pas assuré en amont, il était pris par la peur. Il n’avait pas confiance