journal des travaux de la Société historique

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CAMPAGNE DE J. CÉSAR EN AFRIQUE
(46-47
avant
J.-C.)
f Suite J
IV
de
que César tenterait
Scipion avait dû supposer
débarquer, comme l'avait fait Curion en 49, sur les côtes
du golfe de Carlhage, aux environs d'Utica, la capitale
et le centre de la résistance des Pomde la province
péiens. C'est pour cela, sans doute, qu'il avait concentré
sur ce point la plus grande partie de sa flotte et qu'il
au débarquement
des troupes
n'avait pu s'opposer
adverses.
Il est probable qu'il n'en eut connaissance
que deux
jours après, c'est-à-dire le 5 novembre, par les courriers
Ils lui
que Considius ne manqua pas de lui envoyer.
dans
difficile
en même temps, la situation
apprirent,
laquelle se trouvait César, qui n'était arrivé qu'avec un
petit nombre de navires et seulement 3,000 hommes.
Il mit aussitôt ses légions en mouvement,
les faisant
précéder par la cavalerie sous les ordres da Labienus,
de Petreius et des deux Pacidius.
Le 8 novembre au matin, cette cavalerie, qui venait de
se dirigeait vers Ruspina. Avec
dépasser Hadrumetum,
habituelle
sa présomption
que les événements de Pharsale n'avaient même pas' entamée, Labienus se faisait
fort d'infliger bientôt à César un désastre au moins aussi
*46
retentissant
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
sur les bords
du
que celui de Curion
la tactique
Bagrada. Il avait enseigné à ses escadrons
de fantassins
numide, les faisant combattre entremêlés
à pied. Il se promettait,
légers et d'archers
grâce à la
supériorité
que cette façon de se présenter au combat
devait leur assurer, de détruire en détail tous les détachements que l'ennemi
ne manquerait
pas d'envoyer
aux fourrages et aux vivres.
Or, ce même jour, César était sorti de son camp, vers
9 heures du matin, à la tête de trente cohortes,
10 à
11,000 hommes, pour battre le pays. La crainte de tomber dans des embuscades Pavait décidé à emmener plus
de monde qu'on n'en emploie d'ordinaire
à ce genre
et bien lui en avait pris, comme nous
d'opérations,
allons le voir.
La colonne, éclairée par un détachement
de cavalerie,
se dirigeait vers le sud, dans la direction
des villages
de Bembla,
modernes
et Damous.
Mnarès, Mesdour
Elle avait déjà parcouru trois milles (4 kilom. 500) envisur la droite une
ron, quand les éclaireurs signalèrent
grande poussière, soulevée évidemment
par la marche
d'une nombreuse cavalerie.
On se trouvait alors dans cette vaste plaine sans végétation, dont nous avons déjà parlé et qui s'étend, du
nord au sud, depuis le rivage de la mer jusqu'au
delà
des petites villes de Djemmal et de Mennzel-Kamel.Dans
sa partie nord, elle est presque horizontale
et n'est couà peine
pée, dans son milieu, que par une dépression
sensible où coule, après les pluies, POued-el-Melah. Les
Arabes lui donnent le nom de Sebkha-el-Melah
parce
elle est souvent inondée par les
que, pendant l'hiver,
de l'oued. Mais, à cette époque de
eaux débordées
l'année, elle était encore partout praticable.
Dès que l'ennemi fut signalé, César fit porter au camp
l'ordre de lui envoyer toute la cavalerie disponible et les
archers. 11fit déployer les cohortes, leur prescrivant
de
s'avancer lentement el prit les devants avec une faible
CAMPAGNE
DE .T. CÉSAR
147
EN AFRIQUE
il fit
Du plus loin qu'il aperçut l'ennemi,
in campo jubet
le casque en tête — milites
au combat.
se prépara
escorte.
galeari
mettre
— et
à faire une légère
m'entraîne
expression
galeari
Elle pourrait
faire supposer
digression.
que les Romains
de César
les campagnes
au temps
qui firent
d'Afrique
en
étaient
coiffés
de la g aléa, c'est-à-dire
du casque
cuir, plus léger que le casque d'airain,
qui était, à cette
Cette
époque,
romaine.
la
coiffure
dans
d'ordonnance
les légionnaires
Autrefois,
caserne de cuir, galea, et la cuirasse
lorica.
Au ive siècle
avant
notre
toute
avaient
l'armée
porté
de même
le
matière,
dictateur
ère, le
M. Furius
Camillus
leur avait substitué
le casque et la
cuirasse
d'airain.
On avait reconnu
que le cuir, que sa
avait fait préférer
tout d'abord
légèreté
pour les armes
il avait
devenait
très lourd
défensives,
quand
reçu la
pluie et qu'une fois mouillé,
cissait au soleil.
Le casque
il se durcissait
et se rétré-
d'airain
portait
continuèrent
le nom
de
à désigner
cassis;
malgré cela, les soldats
couramment
du nom de galea toute
espèce de casque,
d'où l'expresau lieu d'employer
le terme réglementaire,
sion
l'action
galeari
pour indiquer
en tête au moment
de combattre.
elle conserva
Le
nom
son ancien
moderne
de
nom
cuirasse
de mettre
Quant
de lorica,
a,
le casque
à la
cuirasse,
de lorum,
cuir.
d'ailleurs,
la même
étymologie.
Dès
que
les
renforts
l'eurent
avait
du camps
qu'il
appelés
se trouva
de 30 cohordisposer
César
rejoint,
et 150 archers.
tes, 1,400 chevaux
L'armée
de Labienus
était forte
montés
sur
des chevaux
sans
de 12,000 Numides,
des 1,600 cavaliers
bride,
ramenés
de Thessalie,
de
et gaulois qu'il avait
germains
en partie
6,000 hommes
d'infanterie,
— leois armaturoe
— et,
humidas
armés
enfin,
à la légère
d'un
grand
148
CAMPAGNE
nombre de frondeurs
autres à cheval.
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
et d'archers,
les uns
à pied, les
Beaucoup de nos cavaliers modernes se demanderont,
sans doute, ce que pouvait valoir cette cavalerie montée
sur des chevaux sans bride. Les Numides étaient cependant des cavaliers habiles et vigoureux ; ils se servaient,
leurs
d'une baguette
avec
diriger
pour
montures,
laquelle ils indiquaient,
par de légers coups sur les
à prendre :
oreilles, la direction
Hic passim exsultant Nomades, gens inscia freni
ludum mobilis aures
Quis inler geminasper
Quadripedem
ftectit non cedens virga lupalis.
(Sil.
Ital.,
de Bel. pun.
sec. lib.
;
i, v. 215 et s.).
Je possède une médaille de Bocchus II, qui régnait en
entre 80 et 50 avant J.-C, médaille
contemMaurétanie
de l'époque qui nous occupe.
poraine, par conséquent,
Au revers, le roi est représenté sur son cheval au galop
qu'il conduit sans frein, avec une baguette qu'il tient de
la main droite et armé d'une courte lance qu'il porte au
bras gauche. Cette manière de conduire le cheval n'était
aux cavaliers numides ; elle était
donc pas particulière
par tous les peuples du nord de l'Afrique,
employée
Ch. Tissot raconte qu'il a vu des cavaliers
appartenant
de l'Atlas marocain,
monter
des
aux tribus
amazigh
chevaux sans bride et les diriger, comme les Numidoe
à l'aide d'une simple baguette et de l'action des
infreni,
jambes (t. i, p. 359).
Labienus rangea ses troupes en bataille sur une ligne
très étendue, mais dans un ordre tellement
compact
que, de loin, on croyait n'avoir devant soi que de l'infanterie — ut proc.ul Coesariani pédestres copias arbilrade cavarentur
(De B. A., xiu). De forts détachements
les deux ailes.
lerie appuyaient
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
149
En présence de cette armée si supérieure en nombre,
de disposer ses cohorCésar se trouva dans l'obligation
tes sur une seule ligne, en laissant entre elles de larges
Il dispersa ses archers en avant du front et
intervalles.
de
chacune cle ses ailes par un détachement
couvrit
deux
700 cavaliers. Sa ligne avait une étendue d'environ
le dos à la mer et sa gauche
kilomètres
; elle tournait
aux flancs du plateau de Ruspina. Croyant
s'appuyait
à
il recommanda
avoir à faire surtout à de l'infanterie,
cle ne pas se laisser déborder et envelopses cavaliers
per par la cavalerie adverse.
En raison
On resta ainsi quelque temps en position.
de son infériorité
César ne pouvait songer à
numérique,
entamer l'action.
Enfin, Labienus se décida à porter en
avant la cavalerie qui couvrait ses deux ailes. Pendant
droit à la cavalerie de César, le
qu'une partie marchait
reste se déployant à gauche dans la plaine, à droite sur
dessinait
nettement
les pentes du plateau de Ruspina,
un mouvement tournant sur les deux flancs de l'ennemi.
La cavalerie de César, qui s'était ébranlée aussitôt, ne
put résister au choc. La voyant prête à se débander,
Labienus
ordonna une attaque générale. Son infanterie
se porta au devant des cohortes de César qui s'ébranlaient à leur tour, et les couvrit d'une grêle de traits. Les
150 archers romains ne purent tenir sous cette masse
des
de projectiles
et se réfugièrent
dans les intervalles
cohortes.
se lançaient
à la
Quand les légionnaires
cavaliers et
charge, le pilum à la main, les Numides,
Les fantassins
s'arrêfaisaient demi-tour.
fantassins,
leur
tant à une courte distance de leurs adversaires
lançaient une telle quantité de traits qu'ils les forçaient
à s'arrêter,
se reformait
en
pendant que la cavalerie
arrière
pour revenir à la charge. Le combat continuait
de la sorte, les Numides
évitant toujours
le choc et
harceler les cohortes.
revenant, aussitôt reformés,
Cette tactique
était de nature
à étonner
tout au moins
150
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
les soldats romains plus habiles à se servir
des armes
de main et qui ne pouvaient en arriver au combat corps
à corps dans lequel ils étaient généralement
irrésistibles. Napoléon Ier fait remarquer
que Labienus imita, en
cette circonstance,
la manière de combattre
des Parthes
détruisirent
les légions de Crassus sur les
lorsqu'ils
bords du Balissus
les
(le Bélik) le 8 juin 53. « Attaquer
légions, non avec des armes de main, genre de combat
où elles étaient invincibles,
mais avec une grande quantité d'armes de jet; adroits,
dispos, aussi braves qu'insachant se soustraire
à la poursuite du soldat
telligents,
l'accabler
aussitôt
pesamment
armé, mais retournant
qu'il avait repris son rang dans la légion » (Précis des
guer. de J. César, en. xiv, vi, 4).
Mais l'expédition
de Curion nous a déjà permis
de
constater
était familière
que cette façon de combattre
Si Labienus ne songea pas à imiter
aux Numides.
les
Parthes, il eut du moins la sagacité de laisser ses auxiliaires africains
employer leur tactique habituelle.
« Quelque imparfaites
que fussent alors les armes de
de celles des modernes, lorsqu'elles
jet, en comparaison
étaient exercées de cette manière, elles obtenaient cons» (Nap. Ie1', loc. cit.). Les perfectiontamment l'avantage
n'ont fait que rendre
nements successifs de l'armement
cette vérité de plus en plus évidente.
son infanterie
sérieusement
César
Voyant
ébranlée,
fit courir clans les rangs l'ordre de ne pas s'écarter de
la ligne de plus de quatre pieds. La cavalerie des ailes,
inférieure
en nombre, fatiguée par sa longue traversée,
ne pouayant déjà perdu bon nombre de ses chevaux,
vait plus résister ; elle fut contrainte
de se réfugier dans
où elle
les intervalles
des cohortes
et des manipules,
vint jeter le désordre.
A ce moment,
la
la cavalerie de Labienus débordant
ligne romaine sur ses deux ailes eut bientôt fait de l'envelopper complètement.
Rejetées les unes sur les autres-
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
encombrées
151
EN AFRIQUE
les
par les cavaliers,
nécessaire
l'espace
pour combattre.
enserrée
se trouve
dans une longue
cohortes
n'ont
L'armée
ellipse
de
plus
César
que ferment
de toutes
parts les masses ennemies.
Les adversaires
sont rapprochés
à ce point que des
de part et d'autre.
Labienus
à ches'échangent
paroles
il excite ses
rang. Tantôt
val, la tête nue, est au premier
tantôt il interpelle
de César.
ceux
S'adressant
soldats,
le
à l'un d'eux : — « Eh bien, conscrit,
tu fais joliment
brave!
Votre César vous a donc bien tourné
la tête par
! Par Hercule
! il vous a mis dans un bien
ses discours
— « Je ne suis
mauvais
pas! Vous me faites pitié ! »
pas
le légionnaire,—je
Labienus,—
conscrit,
répond
» — « Je n'en reconnais
suis un vétéran
de la 10e légion.
— « Eh
Labienus.
», répliqua
pas les enseignes
bien, tu
vas me reconnaître
soldat en jetant son
», dit le vieux
un
avec tant
casque. En même temps il lui lance son pilum
en vibrant
dans le poitrail
du
de force qu'il s'enfonce
a fait cabrer
cheval de Labienus
que son cavalier
pour
éviter le trait : — « A ce coup, Labienus,
tu reconnaîtras
bien un soldat de la 10e. »
la consternation
était dans les rangs, surCependant,
tout parmi
les jeunes
soldats.
Tous
cherchaient
des
leur dernier
Ils
yeux César, en qui ils mettaient
espoir.
ne
combattaient
coups
plus
et
se
contentaient
de parer
les
de l'ennemi.
leur général
ne s'était trouvé
dans
Jamais,
peut-être,
Sa situation
une circonstance
aussi
était sencritique.
à la bataille
siblement
la même
du
que celle de Curion
Un moment
un ordre
d'indécision,
Bagrada.
ou mal compris,
ou mal exécuté,
et c'en
l'armée.
au suprême
Mais il possédait
degré
véritablement
le grand
constituent
qui
donné,
était fait de
les qualités
homme
de
il joignait
le sangl'esprit,
et la promptitude
de
froid, la fermeté
d'âme, la lucidité
décision
d'autant
à ce moment,
plus nécessaire
que le
11 fallait
tout d'abord
danger était plus pressant.
percer
guerre.
Aux
ressources
de
mal
152
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN
AFRIQUE
le cercle qui l'étreignait
et, pour cela, étendre son front
par les deux ailes, de manière à déborder les deux parties, ainsi séparées, de l'armée ennemie et les empêcher
de se rejoindre;
puis ensuite, les charger simultanément, et coûte que coûte, les mettre en déroute. Tel fut
le projet qu'il conçut aussitôt.
Il donna l'ordre à quinze des cohortes, une sur deux,
de faire face en arrière, puis de se porter chacune derrière la cohorte voisine restée face en tête. Il aurait
ainsi deux lignes de bataille dont l'étendue serait suffisante pour l'espace restreint que lui avait laissé l'ende le tenir à
nemi. Pendant qu'elles se contenteraient
distance, les cohortes des ailes devraient, par des charges répétées, s'efforcer de percer le cercle et de gagner
du terrain à droite et à gauche. C'était là une tâche
difficile, mais il est probable que César avait eu le soin
de placer aux ailes, comme on le faisait d'habitude,
un grand nombre
surtout
quand l'armée comprenait
de jeunes soldats, des légionnaires aguerris et des vétérans.
de
la partie la plus vulnérable
Les ailes constituaient
la ligne de bataille de la légion romaine, et l'on avait soin
d'y placer, surtout à droite, les meilleures troupes.
Les premiers
rangs combattant de front, les derniers
par le flanc, les cohortes des ailes finirent par gagner
un peu de large ; par des quarts de conversion répétés,
elles s'avancèrent
peu à peu sans se laisser entamer.
Grâce à leur opiniâtreté, la ligne s'allongea, les cohortes
intermédiaires
purent se desserrer et reprendre leurs
intervalles dans lesquels la cavalerie se reforma. Enfin,
le cercle fut rompu et les extrémités
de la ligne débordèrent l'ennemi.
A ce moment, César donna le signal de la charge que
—
répétèrent les trompettes — tubicines cornicinesque ;
les trente cohortes s'ébranlèrent à la fois dans un élan
la cavalerie chargeant à travers les interirrésistible,
valles. Dérouté par cette attaque rapide, l'ennemi qui se
DE J. CÉSAR
CAMPAGNE
153
EN AFRIQUE
en deux tronçons
déjà sûr de la victoire,
coupé
croyait
cède sur
mutuellement,
plus se secourir
qui ne peuvent
de nombreuses
et s'enfuit
en subissant
tous les points
la charge
des cohortes
César, qui avait conduit
celles qui avaient
face en tête, rejoignit
chargé
et reprit
reforma
sa ligne cle bataille
en arrière,
primitive
le chemin
de son camp.
et Cn. Pison
Il était à peine en marche
que M. Petreius
pertes.
restées
au
arrivaient
numides
secours
de Labienus
et une nombreuse
sous
se rallièrent
leur
infanterie
protection,
avec
d'élite.
et les
1100 chevaux
Les fuyards
deux
troupes
de César. Celui-ci
sur l'arrière-garde
se jetèrent
l'ennemi
de contenir
fît aussitôt
volte-face,
s'efforçant
successives.
Malheureuseses attaques
et de repousser
qui avait subi de fortes pertes et dont
ment, sa cavalerie
réunies
les survivants,
sés de fatigue,
hommes
et chevaux,
se trouvaient
épuiles assaillants
et
ne pouvait
poursuivre
aussi pressant
Le danger redevenait
les tenir en respect.
numéGrâce à sa forte supériorité
que tout-à-l'heure.
la ligne de César.
allait encore déborder
l'ennemi
rique,
Un effort
rétablir
et
seul sauver la situation
pouvait
et à
Il ordonna
donc aux cohortes
et de ne
d'exécuter
une charge
générale
désespéré
les affaires.
la cavalerie
plaine et rejeté
dont il imporcollines
des dernières
l'ennemi
— « donec ultra
maître
tait cette
fois, de se rendre
earum
essent
colles hosles repulissent,
ullimas
atque
B. A. xvui).
potiti » —(de
celles
sur la. crête
évidemment
sont
Ces collines
s'arrêter
qu'après
au-delà
avoir
débarrassé
la
d'El-Hamada
et de
les villages
environ.
On en était à 4 milles (6 kiîom.)
Mesjed-Aïssa,
avec la plus extrême
fut entamée
vigueur.
La charge
déjà fatigué,
commençait
frappé de surprise,
L'ennemi,
—
cle vigueur
avec moins
et à lancer ses traits
à faiblir
— 11 dut enfin
céder devant
languide
neglig enter que.
En un instant,
il
romaines.
des troupes
l'impétuosité
au-delà
des haula plaine et disparu
eut abandonné
desquelles
sont
bâtis
Revueafricaine,i6°annde.~N°Sb4L4L'f&4£i(1eret2eTrimestres
1902).
11
154
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
leurs.
Les Romains
s'en emparèrent
facilement,
s'y
reformèrent
et, quand il fut bien assuré qu'il n'avait
César les ramena
plus à redouter de retour offensif,
et en bon ordre dans leur camp de Rustranquillement
pina.
La bataille, commencée vers la cinquième
heure du
coucher du
jour(11 h. du matin), avait duré jusqu'au
soleil (5 h. 30 du soir). Les deux armées comptaient
de nombreux
blessés.
Labienus
fit transporter
les
siens à Hadrumetum.
César avait fait de nombreux
et des transfuges, tant Romains que Numiprisonniers,
en grand nombre
à son camp.
des, se présentèrent
Cette bataille de Ruspina, qui eut lieu le 8 octobre 47
(4 janvier 708 de Rome), mérite de retenir un instant
l'attention.
Comme nous l'avons vu, elle ressemble
dans laquelle furent exterbeaucoup à celle duBagrada,
minées les légions de Curion. Dans l'une comme dans
de toutes
l'autre, l'armée romaine se laissa envelopper
légère des Numides.
parts par la cavalerie et l'infanterie
11fallut toute l'autorité,
tout l'ascendant
de César sur
ses soldats et tout son génie pour lui permettre
de
sauver ses troupes d'une destruction
totale. Tous les
auteurs qui s'en sont occupés, Turpin de Crissé, Guischard, Rosch, le général de Goler, Rusfow et d'autres
chacun à sa manière,
encore, ont cherché à expliquer,
à rompre le
la manoeuvre par laquelle César parvint
et à couper en deux l'armée cle
cercle qui l'entourait
cornu
Labienus — coronam hostium dextro sinislroque
mediam dividit (De B. A., xvn).
Leurs explications
sont; toutes plus ou moins entasoit parce qu'ils.n'ont
chées d'erreur,
pas exactement
compris le texte latin, soit parce qu'ils se sont laissés
aller à imaginer des manoeuvres
plus en rapport avec
à l'épola tactique de leur temps et l'état de l'armement
à combattre
de
que où ils écrivaient et qui obligeait
de César où l'on
plus loin, qu'avec ceux de l'époque
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
155
corps à corps. On en
presque constamment
venu à considérer l'épisode de Labienus et
de la 10e légion comme une fable inventée à
au récit.
d'ornement
plaisir
pour servir simplement
en effet, que les troupes de César,
Comment
admettre,
cernées d'assez près pour qu'une pareille conversation
ait pu s'engager d'un parti à l'autre, à 25 ou 30 pas tout
au plus, au milieu du tumulte de la bataille, n'aient pas
été massacrées jusqu'au dernier homme?
romains
A cela je répondrais
que les légionnaires
invuld'une armure
étaient couverts
qui les rendait
nérables, casque, cuirasse, jambière d'airain, et portaient
cle quatre pieds de long, fait de bois recouun bouclier
vert d'une peau cle boeuf, consolidé tout autour par une
bande de métal et au milieu duquel s'élevait une saillie
ronde en fer, umbo, destinée à faire glisser les projec.
dans les exercices, la plus grande
tiles. On donnait,
des armes et, en particulier,
au maniement
attention
à l'emploi
du bouclier. — « Les maîtres d'armes — dit
Végôce (Insiit. mil., 1. i, cap. xi) — avaient surtout attenleurs coups sans se
tion que les soldats portassent
à ce que,
découvrir ». II n'y a donc rien d'impossible
de César
bien que serrés de si près, les légionnaires
aient pu contenir l'ennemi et résister à ses coups assez
à leur général d'ordonner
et
de temps pour permettre
de faire exécuter la seule manoeuvre qui pouvait les
tirer d'un pas si difficile.
elle a été expliQuant à cette manoeuvre elle-même,
Les uns ont déduit
de
quée de diverses manières.
alternis
conversis
cohortibus,
qu'une
l'expression
cohorte
sur deux exécuta une conversion
complète
son front
autour de l'un cle ses flancs, pour présenter
face en arrière. Cependant, le membre de phrase qui
: « ut una post alteram ante signa
suit immédiatement
tenderet », me semble de nature à nous mieux renseique j'ai consultés ont généralegner. Les traducteurs
ment omis de le rendre, sans doute parce qu'ils ne Pont
combattait
est même
du vétéran
156
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
L'un d'eux, dont la traduction
est cepenpas compris.
dant considérée
comme l'une des plus fidèles,
le rend
ainsi : — « de deux en deux cohortes
(César) fait comface en arrière,
mander
de sorte que les enseignes
se
trouvassent
entre les deux ». — Un autre,
se
Wailly,
de la vérité
et avance que César
rapproche
davantage
« ordonna
aux cohortes
de faire alternativement
demiderrière
et l'autre
tour, de façon
que l'une se trouvât
devant
Pour
ante
les enseignes
».
bien comprendre
signa
ce que signifie
cette expression
de donner quelques
tendere, il est nécessaire
sur l'ordonnance
habituelle
de la cohorte
explications
au temps de César.
Elle était composée
de
trois
de 100 à 120
manipules
sur dix rangs de profondeur
les uns,
hommes,
d'après
d'autres
et sur six seulement
sur huit d'après
d'après
de Gôler
avait
un
(t. n, p. 216). Chaque
manipule
une enseigne.
un drapeau,
Les soldats
d'un
signum,
: unius sig ni milites (T. L.,
même manipule
s'appelaient
les termes de signum
xxv, 23, 16). Souvent on rencontre
l'un pour
et de manipulus
l'autre
et même
employés
: se in signa manipulosque
conjointement
conjiciunt
de l'opinion
(B. G., vi, 40), ce qui vient bien à l'encontre
l'existence
des enseignes
de Rustow
clans
qui conteste
au temps
cle César (Noua,
les manipules
ann.phil.,
LXXXV, p. 218).
11 ne faudrait
en
effet, les signa des
le véritable
manipules
drapeau de
avait été
la légion.
adopté
par
son second
consulat
Marius
(105 av. J.-C).
pendant
était un aigle aux ailes éployées,
Ce signum
legionis
confondre,
avec l'aigle,
qui était
Ce dernier
emblème
pas
d'une hampe;
d'abord
en argent,
porté au sommet
plus
des foudres dans
lard en or, cet aigle tenait
quelquefois
ses serres.
Le porte-aigle,
était choisi
aquilifer,
parmi
et les plus robustes
les soldats les plus braves
par les
centurions
réunis.
Il se distinguait
par une peau d'ours
« L'aigle d'or
le casque et les épaules.
qui lui couvrait
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
— dit Duruy (Hist. des Rom., t.
bole de la patrie,
du devoir,
de
un culte véritable
lui rendaient
u. 17) — sont
Tacite
(Ann.,
ments
Les
sont
les
dieux
des
les armées
dans
l'objet
toujours
des manipules
signa
et jouaient
v, p. 566) — était le symet les soldats
l'honneur,
». — « Les aigles, — dit
légions....
du culte
». Telle est l'origine
des régidont les drapeaux
numina
legionum
et superstitieux
propria
idolâtre
157
EN AFRIQUE
avaient
un emploi
plus praun rôle dont l'impor-
la tactique
locutions
ressort
de nombreuses
qui expriment
: signa conoellere,
de la légion
les mouvements
efferre,
en marche;
iollere
signa
(B. G., i, 39, 40), se mettre
tique
tance
dans
modernes.
la légion
(B. G., n, 25), atta; signa inferre
s'arrêter
(B. G.,
; signa convertere
quer ; signa statuere,
deserere
discedere,
signa
; a signis
i, 25), converser
(B. G., u, 99)
i, 44), fuir ; signa referre
(B. G., v, 33 ; B.C.,
le combat;
battre
en retraite;
engager
conferre,
signa
proferre,
s'avance
promoaere
en bataille
(T.
L.,
vin,
23), lorsque
en rangs et files,
conduire
sub signis
ducere,
ad signa
continere
de combat;
manipulos
(B. G., vi, 34), tenir sa troupe massée.
servaient
à tracer
la
les enseignes
seulement
Non
on s'en servait
mais
encore
pour
ligne de bataille,
legionem
en ordre
les
transmettre
enseigne,
inférieurs
ordres
des
chefs.
Le
signifer,
les
parmi
un rang élevé
occupait
cet
et on n'obtenait
cle la légion,
Une inscription
un solide apprentissage.
qu'après
d'un
vée en Afrique,
(L. Renier,
59) fait mention
Félix qui était élève porte-enseigne,
C. Caecilius
signiferum.
IL est donc
porteofficiers
emploi
troucertain
discens
de chaque manipuleque le signum
le combat,
en avant du rang,
avant
se trouvait
pour
du général.
à la troupe les commandements
transmettre
il rentrait
dans le manipule
Dès que l'action
s'engageait,
certain
au second rang. Le pretrès probablement
et se plaçait
et particulièrede soldats
mier était composé
éprouvés
les antesignani,
César
ment
que
qualifie
vigoureux,
•158
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
ex omnibus
viros
legionibus
forlissimos
se trouvait
donc en
(B. C, i, 57). Le reste de la troupe
du signum
et les cohortes
arrière
combattaient
post
: post signa
signa, ce que l'on indiquait
par l'expression
tendere.
A Ruspina,
César ordonna
donc à une cohorte
sur
de sorte qu'elle se trouva placée
deux de faire demi-tour,
ainsi
: eleclos
ante
du De Bello Africano
nous
signa, ce que l'auteur
en disant
: « Ut una post alteram
ante signa
explique
tenderet
». Une cohorte
continuait
à combattre
post
ante signa, ce qui
signa, pendant que l'autre combattait
donne bien à entendre que, dans cette dernière,
on fit
faire aux soldats un demi-tour
individuel
et non, comme
Pont cru, une conversion
quelques-uns
complète de la
de manière à ce que les antesignani
continuascohorte,
au premier
On n'aurait
sent à combattre
rang.
pu y
arriver
que par un mouvement
beaucoup
trop long dans
difficile
la circonstance
et toujours
à exécuter pour une
sur huit ou dix rangs de profondeur.
troupe combattant
se porta ensuite, par le flanc,
de ces cohortes
celle qui était restée face en tête, post alteram.
derrière
Ce dernier mouvement
avait pour résultat
cle rétablir
Chacune
des intervalles
entre
les cohortes
qui, sous la pression
les unes sur les autres et
à se confondre.
s'étaient
de l'ennemi,
jetées
dont les rangs commençaient
une grande
On attachait
alors, ainsi que de nos jours,
des intervalles
: entre
à celte observation
importance
de se servir librement
les hommes,
pour leur permettre
avec le boude l'épée et de parer les coups cle l'ennemi
à la ligne de
clier ; entre les cohortes,
pour conserver
de manoeuvrer.
bataille une élasticité
qui lui permettait
à l'ordonnance
romaine
La grande mobilité
imprimée
des intervalles
par l'adoption
sur trois lignes en échiquier
grand secret de la supériorité
et la formation
sont
de combat
incontestablement
le
de la légion sur les troupes
la
des autres nations
plus longtemps
qui conservèrent
l'ordre
c'est-à-dire
plein.
phalange,
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
159
Dans ses remarques
sur la bataille de Ruspina, le
colonel Stoffel (t. u, 1. vin, p. 285) donne à entendre que
les collines au-delà desquelles César rejeta l'ennemi sont
de la plaine,
celles qui bordent la partie septentrionale
vers l'est, et auxquelles s'appuyait, au début cle l'affaire,
l'aile gauche de la ligne romaine.
Je ne saurais partager cette manière de voir. Je crois,
au contraire, que c'est au-delà des hauteurs qui limitent
la plaine à l'ouest que furent repoussées les troupes de
Labienus. En les rejetant
au nord et à l'est, César les
aurait amenées sur le plateau qui sépare cette plaine de
la mer, au sud de Monastir, sur lequel il avait établi son
camp et dont il avait tout intérêt à conserver l'entière
d'Hadrumetum
possession. C'est donc dans la direction
qu'il dut les repousser. C'est de ce même côté également
que Labienus devait chercher à se porter, afin de se
rapprocher des secours que lui amenait Scipion, et nous
avons déjà vu que c'est sur Hadrumetum
qu'il dirigea
ses blessés, au nombre desquels se trouvait son lieutenant Petreius.
Napoléon Ier estime que, dans cette bataille, César eut
le dessous. Ce ne fut pas certainement
une
évidemment
victoire au sens propre du mot ; on peut dire que c'est
une des affaires où une armée commandée
par lui
courut les plus grands dangers, mais on ne doit pas en
conclure que ce fut une iéfaite. En effet, malgré l'inféde ses troupes,
il parvint
à se
riorité
considérable
débarrasser de l'ennemi, à le chasser des environs immédiats de son camp où il put rentrer sans être inquiété et
Labienus une leçon qui le rendit,
il donna à l'orgueilleux
pour quelque temps du moins, un peu plus circonspect.
160
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
V
César
avait
bien
de Labienus
que l'attaque
compris
n'était que le prélude des opérations
que Scipion et Juba
se proposaient
contre lui. Des transfuges
d'entreprendre
lui apprirent
courait
que le bruit
que, dans trois jours,
toutes les forces
des Pompéiens
seraient
concentrées
dans
le voisinage.
Comme
les renforts
qu'il attendait
n'étaient
il résolut
de
pas encore
près de le rejoindre,
donner
à son camp une force
telle qu'il pût les y attendre sans crainte
et défier toutes les attaques.
Pour
conserver
intactes
ses communications
avec
et la mer, il construisit
deux nouveaux
retranRuspina
Le premier,
chements.
vers le nord, barrait l'indirigé
tervalle
entre le camp et le rivage ; le second, partant
de l'angle sud-est
du camp, couvrait
la ville et se provers le sud jusqu'à
l'endroit
où mouillait
la
longeait
flotte.
Il renforça
les parapets en hauteur
et en épaisseur,
les
domina
au moyen de tours
rondes
de façon
disposées
à croiser
leur tir et les arma avec les machines
et les
des galères.
Il fit débarquer
traits
les raqu'il retira
sur les navires gaulois
meurs qui servaient
et rhodiens,
leur
distribua
comme
des
troupes
sa
armes
légères
et
à combattre
exerça
afin de les entremêler
avec
de l'ennemi.
Il renforça
ses
à l'exemple
cavalerie,
de défense au moyen
troupes
les
des archers
d'Iturée
et de
dans la flotte.
Syrie qui servaient
il organisa
des ateliers
Avec une infatigable
activité,
des pieux,
la fonte
des balles,
le
pour la fabrication
Le pays ne fournissant
pas de bois
et à la confection
des balistes et
propre au clayonnage
des béliers, il en envoya chercher
en Sicile, ainsi que du
fer et du plomb. Par sa présence,
conlipar ses visites
forgeage
des traits.
DE J. CÉSAR
CAMPAGNE
dans les chantiers,
nuelles
Pendant
deur de ses soldats.
s'attacha
il
161
EN AFRIQUE
à stimuler
des cohortes,
couvraient
les
les
travaux,
de cavalerie
des postes et des patrouilles
abords du camp pour
annoncer
et éviter toute surprise.
l'ar-
de l'ennemi
l'approche
était celle de
grandes
préoccupations
Nous avons vu que Scipion avait tout
rendre
en rassemcette tâche impossible
Une de ses plus
faire vivre l'armée.
fait pour lui
dans les
blant,
le blé de la
tout
où
places
des
garnisons,
les campagnes
en ravageant
se défendre.
qui ne pouvaient
province,
les villes
et en détruisant
mis
il avait
un
il n'y avait
précédente
pas eu de moisson,
de gré
nombre
de laboureurs
grand
ayant été enrôlés
des champs qui n'avaient
ou de force et tous les ouvriers
dans les légions
pas été incorporés
ayant été contraints
L'année
de se renfermer
Dans
vée
cette
dans
les places
nécessité
pressante
des
approvisionnements
et en Sardaigne,
César
fortifiées.
et en attendant
avait
qu'il
obtint
l'arri-
demandés
en
de quelques
parti— privatos
à force de prières et de caresses
culiers,
— un peu de
ambiendo
et blande
appellando
(B. A., 21)
blé qu'il ménageait
avec le plus grand soin. Manquant
de fourrages
il imagina
de les nourrir
pour les chevaux,
Sicile
avec des algues
J'ai constaté,
marines
lors
que la mer rejette,
bien lavées
cle mon
en effet,
grande quantité
d'algues.
c'est un fucus saccharinus
encore
emploient
la nourriture
du
dans
dernier
l'eau
douce.
à Sousse,
une
voisines,
voyage
sur
les plages
Ch. Tissot nous
apprend
que
dont les indigènes
du littoral
de nos jours
les tiges et les feuilles
à
bétail.
Cette plante
une sorte
produit
de galle que mangent
les habitants
des îles Kerkennah
et à laquelle
ils donnent
le nom d'olive de mer.
les vaisseaux
Cependant,
convois
partie des premiers
où
il
était
erraient
campé,
se réunissant
de l'ennemi,
en avaient pris
et brûlé
de
charge
fait
qui avaient
incertains
du lieu
de César,
à l'aventure.
pour
plusieurs.
les
Les chaloupes
attaquer
isolément,'
Il fut obligé d'envoyer
162
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
quelques galères croiser autour des îles et des ports
pour assurer la sécurité de leur marche.
Comme je l'ai dit précédemment,
Scipion, surpris par
le débarquement de César à Hadrumetum,
s'était mis en
mouvement
vers le 5 novembre,
avec la plus grande
partie de ses troupes, laissant à Utica une assez forte
garnison sous les ordres cle Caton. Celui-ci avait près
de lui le fils aîné de Pompée, Cneus. Il ne cessait de le
et de l'exciter
pousser à l'action
par ses discours :
— ton père, voyant la Répu« A ton âge, — lui disait-il,
blique opprimée par l'audace et la scélératesse de quelques citoyens, les gens de bien mis à mort ou proscrits,
n'écouta que son courage et l'amour delà gloire. Simple
et encore adolescent, il rallia les débris de
particulier
l'armée de son père et rendit à la liberté Rome et PItalie
gémissantes sous le joug. Avec une étonnante promptila Sicile, l'Afrique, la Numidie et la
tude, il reconquit
Mauritanie. Par ces exploits, il mérita l'éclatante renommée qui l'a rendu illustre
clans le monde entier. Tout
jeune encore et bien que n'étant que simple chevalier
romain, il mérita les honneurs du triomphe. Cependant,
en abordant les fonctions
publiques, il n'avait pour le
soutenir ni les hauts faits d'un père, ni la gloire d'illustres ancêtres, ni une puissante clientèle, ni l'éclat d'un
grand nom. Toi, au contraire, qui as hérité de la gloire
de ton père, avec ton courage peret des honneurs
sonnel et ton activité, ne feras-tu donc aucun effort?
Pourquoi n'irais-tu pas trouver les amis de ton père et
réclamer leur appui aussi bien pour toi que pour la
République et pour tous les bons citoyens ? » (B. A., 22).
Sur ses conseils, le jeune Cneus Pompée embarqua
sur trente navires une troupe de 2,000 hommes à la tête
où régnait alors
desquels il se dirigea vers laMaurrtanie,
de César et ennemi de Juba. 11
Bocchus III, partisan
espérait ainsi retenir ce prince dans ses états et l'empêcher de faire, sur les frontières de Numidie, une diver-
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
163
sion qui aurait pu retarder l'allié de Scipion au moment
où il se disposait à aller le rejoindre.
la troupe qu'il avait réunie à la
Malheureusement,
hâte n'avait aucune valeur. Composée d'un mélange
d'hommes libres et d'esclaves, une partie seulement en
était armée — cujus partent inermem, partent armalam
habuerat (B. A., 23). Après avoir débarqué sur les côtes
il marcha sur la ville d'Ascurum où
de la Maurétanie,
Celle-ci le laissa approcher
le roi avait une garnison.
portes, puis faisant une sortie en masse, à
jusqu'aux
bouscula
cette
se joignirent
les habitants,
laquelle
cohue sans discipline, qui se hâta de regagner le rivage
Ce revers fit changer de projet à
et de se rembarquer.
Pompée; il cingla vers les îles Baléares et ne reparut
plus sur cette côte.
où se trouvait la ville d'AscuOn ignore absolument
avec ce point de
rum. On ne saurait, en effet, l'identifier
la province de Constantine
que les indigènes désignent
sous le nom d'Ascours. On a facilement déduit de cette
dénomination
que les quelques ruines que l'on y rendans les débris
contre, et qui consistent principalement
d'une tour carrée faisant partie d'un poste byzantin,
ou Ascurum.
La seule
devaient être celles d'Ascurus
ce jour
inscription
que l'on y ait découverte jusqu'à
(C. /. L., t. vin, 5278) date du temps d'Hadrien et ne mentionne pas le nom de la ville.
au coeur même de la
Àscours
se trouve d'ailleurs
au nord-est de Cirta qui en
Numidie des Massyliens.
était la capitale. Or, c'est bien plus loin vers l'ouest, au
delà encore de la Numidie des Massoessyliens qui devait
plus tard porter le nom de Maurétanie Césarienne, qu'il
de Cn.
faut chercher le point où débarqua l'expédition
Pompée. La Numidie de cette époque s'étendait à l'ouest
fleuve Muluccha,
la Moulouya de nos jours,
jusqu'au
qui se jette dans la mer près des îles Zaffarines et qui
du Maroc. La Maurétanie de Bocchus
sépare l'Algérie
164
CAMPAGNE
s'étendait
elle qui
entre
Maurétanie
trouvait
fut
DE J. CÉSAR
le Muluccha
EN AFRIQUE
et l'Océan
c'est
Atlantique;
sous le nom de
postérieurement
et c'est sur son territoire
que se
Ascurum.
désignée
Tingitane
évidemment
C'estle
13 novembre,
c'est-à-dire
cinq jours après l'affaire
de Ruspina,
arriva
devant
Hadrumetum
que Scipion
avec ses huit légions
et 3,000 chevaux.
Il séjourna
les
14 et 15 et opéra sa jonction
avec Labienus
et Petreius
dans la nuit du 15 au 16. L'armée
réunie
s'installa
dans
un seul camp à environ
trois
milles
(4 kilom.
500) au
sud de celui de César, sur la bordure
du plateau
de
où Labienus
avait dû prendre
Ruspina
pied )e lendemain
ou le surlendemain
de la bataille.
Ce camp devait
se
trouver
un peu à l'est des ruines
sans importance
désisous le nom d'Henchir
à peu
gnées aujourd'hui
Tenir,
roule entre la ville
de Monastir
et le petit
de Krnis à 6 kilomètres
au sud de cette dernière.
village
De ce poste, il se contenta
de bloquer
aussi étroitement que possible
le camp de César et cle lui interdire,
près
à moitié
toute communication
grâce à sa nombreuse
cavalerie,
avec l'intérieur
du pays. Le dictateur
ne possédait
donc,
sur le continent
africain,
que l'étroit
espace de six mille
entre ses retranchements
et la mer. Jamais
pas compris
armée ne s'était trouvée
clans une situation
plus critisur un terrain
de cinq cents hectares
à
que:
bloquée
trois
fois supérieur
en nombre
et
peine par un ennemi
maître
de foule la province
sans vivres,
sans
d'Afrique,
fourrages,
sans
nouvelles
des
renforts
anxieusement
numide
allait
et sachant
l'armée
attendus,
que toute
bientôt
se joindre
à celle de Scipion.
On s'explique
difficilement
l'inaction
ne ce dernier.
Il
se contentait
de faire battre
l'intervalle
entre les deux
camps par des partis
fois jusqu'aux
abords
isolés
qui tentaient
Le colonel
Stoffel
de cavalerie
de Ruspina,
d'aller à l'eau
en donne
qui, se risquant
parles soldats
enlevaient
ou au fourrage.
l'explication
suivante
qui
DE J. CÉSAR
CAMPAGNE
n'est
sans
pas
EN AFRIQUE
165
—
: — « Ce qui lui en imposait
autrement
formidables
que les ouvrages
valeur
bien
dit-il,--•
de César, c'était la présence
de César même, le conquérant des Gaules, le vainqueur
de Pompée.
Effectivement,
les grands
de ce privilège
hommes
de guerre jouissent
de leurs hauts faits
double la
singulier,
que le prestige
confiance
et le courage
des troupes,
déconcerte
au conet trouble
fût-il
en nombre.
l'ennemi,
supérieur
dans les moments
de crise, la présence
d'Annibal,,
traire
Ainsi,
de Turenne,
de Napoléon,
En ces
valait toute une armée.
de novembre
jours
47, César placé dans des circonstances d'une
sérénité
meté
sans
gravité
égale,
conserve
un
calme
et une
visibles
cle sa fertémoignages
ni dans ses manières,
ni dans son
ne trahissait
son inquiétude.
Dans ses visites
admirables,
d'âme.
Rien,
langage,
aux travaux,
il se montrait
aux troupes
:
fréquemment
son attitude
son égalité
entreted'humeur,
tranquille,
naient la confiance
et rassérénaient
les courages
près
de faiblir.
Voulant
à la fois rendre sa position
et accoutumer
ses jeunes troupes
aux
gnable
il fit travailler
sans
Il leur
lignes.
creuser
donna
des fossés
nombre
des tours
cesse aux
en faisant
exceptionnelle
Le
profonds
que de coutume.
plus
fut encore
et on les pourvut
abords
des fossés furent
défaut
sema
d'abatis
que
fatigues,
de ses
une force
machines
Les
retranchements
inexpu-
le pays
on les arma de
augmenté;
d'une
de traits.
profusion
: à
rendus
ne
impraticables
fournissait
pas,
on
des
y
de
et on y creusa des trous
chausse-trappes
en quinconce.
on construisit
des
loups disposés
Enfin,
de la flotte,
digues dans la mer, au mouillage
pour le
viendrait
à tenter
une attaque
cas où l'ennemi
de ce
côté. » (Hist.
de J. Ces., Guer. civ., t. u, 1. vin, p. 119).
à ces considérations
d'ordre
sur
ajoutons
tout moral
la. remarque
que nous avons
déjà faite de
à peu près complète
des armes
offenl'impuissance
sives en usage à cette époque contre des retranchements
Si nous
solidement
défendus,
nous
aurons
une
explication
166
CAMPAGNE
suffisante
de l'attitude
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
de Scipion
devant
le camp de
Ruspina.
On pourrait supposer que, malgré les dix-neuf siècles
qui se sont écoulés depuis la campagne de César en
Afrique, il doit être possible de retrouver encore aujourd'hui quelques vestiges des travaux
formidables
que
celui-ci fit exécuter par ses soldats pour rendre inexpugnables les lignes qu'il avait établies aux environs de
Ruspina. On retrouve
encore, sur différents points des
contrées parcourues
jadis parmi les armées romaines,
des traces de leurs travaux et de leurs terrassements.
Il n'en est malheureusement
pas de même autour de
Monastir.
Le terrain sur lequel furent élevés les retranchements
est aujourd'hui
couvert
de cultures
et de
champs d'oliviers ; de longues levées de terre plantées
et
d'épaisses haies de cactus séparent les propriétés
s'entrecroisent
dans tous les sens. Il est bien certain
ont dû faire partie des lignes de
que quelques-unes
César, mais les fossés ont été comblés par la chute des
se sont abaissées et il est imtours, les plates-formes
avec certitude.
possible de les reconnaître
Informé de la situation critique dans laquelle se trouvait César, Juba s'était mis en route pour le théâtre des
et de nombreux continopérations avec ses éléphants
et de cavalerie. U s'avançait par l'ingents d'infanterie
térieur, entouré d'une pompe barbare et ridicule, ravageant tout sur son passage. Certain de forcer le dictateur
et de le jeter à la mer avant
dans ses retranchements
qu'il eût reçu des secours, il escomptait déjà le moment
où, comme prix de son alliance, il pourrait annexer à
son royaume une partie tout au moins de la province
d'Afrique.
Un événement imprévu vint troubler
ses calculs et
sauver César du péril dont il le menaçait.
Un certain
de Nuceria (ville de la Campanie),
P. Sittius, originaire
CAMPAGNE
venait
d'envahir
Maurétanie.
ses
Ce Sittius
de Catilina
conjuration
de qui il s'était engagé
et peut être l'Espagne.
hardi,
intelligent,
de l'armée
rangs
Contraint
d'Italiens
DE J. CÉSAR
états
le concours
du
roi
de
la
pendant
compromis
(62-63 av. J.-C), pour le compte
à soulever
la province
d'Afrique
s'était
C'était
qui avait
de Sertorius
cle s'exiler,
et d'Espagnols
avec
167
EN AFRIQUE
il
une sorte
appris
la
pendant
levé
avait
avec
lesquels
de
condottiere
dans les
guerre
la Guerre sociale.
un
corps
petit
il était passé en
avec sa troupe, au
Libye, où il se mettait
tour-à-tour,
des rois du pays qui se faisaient
service
la guerre
les
« Comme la victoire
uns aux autres.
restait
du
toujours
côté où il combattait,
il s'acquit
une grande
réputation
et son armée
se rendit chaque jour plus redoutable
en
se perfectionnant
clans le métier
des armes » (Appien,
Guer. cio., 1. iv, 54). Peu à peu, sa troupe s'était grossie
d'une fouled'autres
de tous pays, etil s'était
aventuriers
une petite
escadre
de guerre
avec laquelle
il
procuré
errait
le long des côtes, vivant
tantôt de pillage et de
tantôt
de la solde que lui payaient
les chefs
rapines,
indigènes
César
intelligences
les Numides,
Bocchus
il vendait
ses services.
se l'attacher
il avait des
et, comme
chez les Mauritaniens,
aussi bien que chez
il lui avait confié
la mission
de décider
auxquels
avait
su
III
à se joindre
à lui pour envahir
les états de
Juba quand celui-ci
se mettrait
en route, avec son armée,
la privince
Il leur avait promis,
sans
pour
d'Afrique.
doute à tous deux, de leur abandonner,
en cas de succès,
comme il le fît d'ailleurs,
des compensations
territoriales
à prélever
sur les possessions
du roi de Numidie.
Juba n'était plus très loin de Ruspina
quand des courriers
vinrent
lui apprendre
de ses états, la
l'invasion
de Cirta
prise
(Constantine),
autres villes dont les habitants
sa
et de deux
capitale,
avaient
été passés au fil
de l'épée. Les envahisseurs
le pays, mettan t
parcouraient
tout à feu et à sang sur leur passage.
A cette nouvelle,
il fitdemi-tour
en toute hâte, vers ses frontières.
etrevint,
168
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
Il ordonna
a celles de ses troupes
qui avaient déjà renforcé l'armée
de Scipion
de le rejoindre
à marches
forcées
et ne laissa au général
qu'une trenpompéien
taine d'éléphants
encore incomplètement
dressés.
VI
Il y avait déjà quinze jours que César était en Afrique.
Il y avait soutenu
une rude bataille et, cependant,
les
habitants
de la province,
ou indiromains,
phéniciens
encore de son arrivée. Ils supposaient
gènes, doutaient
n'étaient
à Hadrumetum
que les troupes débarquées
que
de son armée, commandée
l'avant-garde
par un de ses
lieutenants.
Peut-être
avait-il
Scipion
fait, lui-même,
ce bruit
la crainte
répandre
pour détruire
que le nom
de ses
seul de César pouvait
dans l'esprit
produire
soldats. L'ayant
appris, César envoya des proclamations
sa présence.
Aussitôt
dans toutes les villes, pour affirmer
à son camp des notables de ces différentes
accoururent
et le
de leur dévouement
cités, lui apportant
l'hommage
de mettre
fin aux exactions
ou aux cruautés
suppliant
Il leur promit
de commencer
des troupes pompéiennes.
les opérations
aussitôt
que les renforts
qu'il attendait
l'auraient
rejoint. Il expédia par un bateau léger, — catas— au gouverneur
de Sicile,
Allienus,
copium,
-/.«roOTxoTrtov,
et à Rabirius
Postumus
de lui envoyer ses troupes
sans retard,
sans se préoccuper
de la saison ni des vents
aut ulla excusaiione
hiemis
contraires
—sine
more,
était
ventorumque
(B. A., 26), — sans quoi l'Afrique
perdue.
à dresser
les trente
De son côté, Scipion
s'occupait
du Be Bello
éléphants
que Juba lui avait laissés. L'auteur
s'en étonne, car, dit-il,
ces animaux
indociles
Africano
et à peine dressés,
l'ordre
même
après plusieurs
années
d'exer-
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
169
cice, finissent
toujours
par être également dangereux
pour les deux partis dans la mêlée.
en
L'éléphant, que l'on ne retrouve plus aujourd'hui
se rencontrait
Afrique que dans la partie australe,
encore, peu d'années avant l'ère chrétienne, dans les pays
au nord du Sahara. Les auteurs anciens nous en fournissent de nombreux
Hérodote et Pline
témoignages.
affirment son existence clans la région des Syrtes et en
Maurétanie.
Plutarque
signale que Pompée, après sa
en 83 av. J.-C, s'arrêta quelques
campagne d'Afrique,
jours dans le pays pour y chasser le lion et l'éléphant.
Végère (Instit. milit., 1. m, ch. xxm) nous enseigne de
Comme nous le verrons
quelle façon on le combattait.
figurer dans les opérations qui vont suivre, il peut être
intéressant de savoir de quelle manière les anciens l'attaquaient et se défendaient contre lui.
« La masse énorme des éléphants, — dit cet écrivain
militaire, — leur cri horrible et la singularité de leur figure
effraient des hommes et des chevaux qui les voient pour
la première fois. Pyrrhus fut le premier qui en opposa
aux Romains en Lucanie. Dans la suite, Annibal en
en Orient, Jugurtha en Numidie en
Afrique, Antiochus
eurent de grosses troupes. C'est ce qui fit imaginer
différents moyens de les détruire;
on leur
quelquefois
coupait la trompe, à l'exemple cle ce centurion
qui, le
premier, fit cet exploit en Lucanie; quelquefois on attelait deux chevaux bardés à un char sur lequel on plaçait
des soldats armés de longues piques en forme de lances
dont ils perçaient les éléphants;
les armes défensives
dont les soldats étaient couverts les paraient des flèches
qu'on leur tirait de dessus ces animaux.
« On les faisait souvent attaquer par des soldats dont
toute l'armure,
semée de pointes de fer, ne laissait
aucune prise à la trompe;
mais on opposait le plus
communément
aux éléphants ces soldats appelés vélites.
On sait que c'étaient des jeunes gens armés à la légère,
très agiles et très adroits à lancer à cheval toutes sortes
Revue africaine,
4fff année. m°s »<4-4t-«4L*s-(
Ier et 2e Trim
estres 1901). 12
170
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN
AFRIQUE
d'armes
de trait. Comme ils portaient
des piques dont le
fer était très large et des javelots
plus longs que les
ils furent d'abord
les seuls qui, tombant
sur les
autres,
à course de cheval, osèrent les attaquer
éléphants
avec
ces armes.
Dans la suite, plusieurs
enhardis
soldats,
par le succès, se rassemblèrent
contre
ces animaux
une grêle
saient morts ou blessés.
« Mais
l'arme
la plus
sûre
par pelotons,
de javelots,
et, lançant
les renver-
la fronde;
on la charrondes,
geait de pierres
parce que le jet s'en dirigeait
ces pierres,
avec plus de justesse;
lancées par une main
adroite
et vigoureuse,
blessaient
les conducteurs
des
et brisaient
éléphants
étaient chargés.
Pour
même
était
les tours
se dérobera
choc, les Romains
imaginèrent
vis d'eux ; ainsi, ces animaux
serrés
tervalle,
s'y trouvaient
dont
ces animaux
cle leur
l'impétuosité
encore
de s'ouvrir
au centre
arrivés
cle tous
vis-àde l'inaccablés
côtés,
avec leurs
et souvent pris
conducgrand nombre,
sans avoir été blessés. Enfin on plaçait quelquefois
de l'armée
à la, queue
des chariots
attelés
cle deux
chevaux
ou de deux
et chargés
de ces bamulets,
parle
teurs
listes
loin.
qui
Sitôt
poussent
que les
les
très roide
et très
javelots
s'en étaient
éléphants
approchés
à la portée du trait,
les soldats
de se servir
de
chargés
ces machines,
les bandaient
contre
eux avec succès;
on cherche
à faire de larges et profondes
mais, comme
blessures
à ces
animaux
monstrueux,
d'armes
plus meurtrières
pour eux que
».
coups sont d'ailleurs
plus certains
Chaque jour,
avaient
entre
les deux
elles
cle continuelles
avec
Labienus,
de
abords
jusqu'aux
jour,
C. Saserna
place
; mais
suffisamment
puissantes
cavaleries
quelques
il
n'y
l'épée,
a point
dont les
se rencontraient
escarmouches.
escadrons,
Un
se
porta
défendait
Leptis
minor,
que
il ne put rien entreprendre
contre
et munie de nombreuses
fortifiée
machines.
et
la
et
DE J. CÉSAR
CAMPAGNE
171
EN AFRIQUE
en bataille
ses troupes
Fréquemment,
Scipion rangeait
mais toujours
à trois cents pas de son camp, espérant,
trouverait
l'occaet qu'il
en vain, que César l'imiterait
sion
Une
de l'écraser
grâce
il fit sortir
fois,
et
infanterie
sa
à sa forte supériorité
son armée,
toute
cavalerie
et
fit
numérique.
son
déploya
de
mine
marcher
à
de ses
des retranchements
romains,
précédé
l'attaque
aux
de tours. César prescrivit
trente éléphants
chargés
soldats qui étaient sortis du camp, pour aller au bois ou
et
cle se retirer
avec tous les travailleurs
au fourrage,
sans bruit
et sans
peu à peu dans les lignes,
de cavalerie
Il recommanda
aux avant-postes
de
du trait,
l'ennemi
puis
jusqu'à
portée
entamer.
camp en bon ordre et sans se laisser
ce temps,
en
de l'armée
se tenait,
pendant
cle rentrer
confusion.
d'attendre
rentrerai!
reste
Le
à tout événement.
prêt
avant d'avoir
Résolu à ne pas s'engager
reçu tous ses
de son adversaire
et
il méprisait
la jactance
renforts,
à ses vaines provocations
refusait
de répondre
des
arrière
retranchements,
à perdre
commençait
attitude,
Scipion
d'insil en profitait
pour essayer
patience.
Cependant
à ses troupes
plus de confiance
qu'il n'en avait
pirer
lui-même.
Il affectait, dans les harangues
qu'il
peut-être
Devant
cette
leur
d'attribuer
à la terreur qu'elles
adressait,
de ses soldats,
à César et au découragement
du dictateur.
pleine de prudence
Tout
plus
et les
cela n'empêchait
en plus fréquentes
Gélules
le
pas les désertions
clans son armée.
inspiraient
la conduite
de devenir
de
Les Numides
peu à peu, les uns pour
rentrer
dans leurs foyers,
les autres pour se rendre au
César choisit
les plus
considérables
camp ennemi.
ces derniers
et les envoya
de leurs
parmi
auprès
quittaient
à prendre
concitoyens
pour les exhorter
défendre
contre
et à refuser
Scipion
ordres.
Quelques
lui
centres,
des
envoyèrent
la ville
libre
députations
les armes,
d'exécuter
entre
d'Achilla,
pour l'assurer
à se
ses
autres,
de leur
172
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
zèle et lui demander
des garnisons.
Elles lui prometen échange,de
lui envoyer
du blé et tous les
taient,
lui fournir.
Se
approvisionnements
qu'elles pourraient
rendant
à leurs
il commença
à
désirs,
par envoyer
Achilla
un détachement,
sous les ordres de C. Messius,
qui s'y installa le 23 novembre.
de celte place avait pour lui une réelle
L'occupation
non seulement
au point de vue des vivres
importance,
en tirer, mais parce qu'il gagnait par là le
qu'il pouvait
de s'étendre
et d'élargir
la base des opérations
moyen
dans
qui lui
permettraient,
plus tard, de s'avancer
l'intérieur.
entre autres Guischard,
ont voulu
Quelques
auteurs,
voir dans la bourgade
située entre Tunis et
cl'El-Alia,
l'Achilla
Bizerte,
d'Hirlius,
\'"hyfùa de Strabon, d'Appien
de Byzance,
et d'Etienne
et du
Yhyjjlv. de Ptolémée
Achollitanum
ou Acolilanum
de
Stadiasme,
Voppidum
de la. Table de Peutinger.
C'est évidemPline, VAholla
ment une erreur.
Comment
en effet,
admettre,
que
César
aurait
commis
vers
le
l'imprudence
d'envoyer
c'est-à-dire
à travers
tout le pays occupé
nord,
par
un aussi faible détachement
pour aller s'insl'ennemi,
d'Ufica où
taller dans une ville située dans le voisinage
avait tous ses approvisionnements
Scipion
gardés par
nombreuse
sous les ordres de Caton?
une garnison
disent
bien que Considius,
Les Commentaires
qui
en partit avec huit
commandait
toujours
àHadrumetum,
dans le but de prévenir C. Messius el d'occuper
cohortes
la cause de l'erreur
Achilla avant lui. Telle est peut-être
de Considius
a
Ce mouvement
que je viens cle signaler.
pu faire croire, en effet, que C. Messius avait été obligé,
cette place, de passer dans les parages
pour atteindre
de se diriger vers le
d'Hadrumetum
et, par conséquent,
son
nord. Mais il est probable
n'entreprit
que Considius
de Scipion.
Celui-ci, s'étani,
que sur l'ordre
expédition
rendu
compte
cle la faute
qu'il
avait
commise
en n'occu-
DE J. CÉSAR
CAMPAGNE
pant pas un plus grand
sans doute,
à
songea
la
voulant
pas distraire
il bloquait
le
lesquelles
173
EN AFRIQUE
de points sur le littoral,
Ne
ce moment,
à la réparer.
avec
moindre
partie des troupes
nombre
de Ruspina,
il jugea préféd'Hadruune partie de la garnison
rable d'y employer
le moment,
aucun
ennemi
pour
metum,
qui n'avait,
devant elle.
Une inscription
dans les ruines
recueillie
par Ximénès
camp
voisines
d'El-Alia,
près
signalée
également
du reste,
par
appris,
s'élevait
à cet
splendidissima
C'est donc
que
endroit,
Cotuza.
de
Bou-Chateur
(Utica)
208), nous
et
a
p.
dans
la ville
l'antiquité,
qui,
Cotuza — respublica
s'appelait
Shaw
(t.
i,
libre par
le sud, dans le pays laissé
V. Guérin
Achilla.
faut chercher
(Voy.
Scipion,
qu'il
les
en avoir retrouvé
arch.
en Tun., t. i, p. 148) croit
sous le nom d'Elrestes à un endroit
désigné également
vers
au sud de Mahedia
(Alipota?)
où
vers le point
entre le ras Salakta et le ras Kapoudia,
vint
attaBélisaire
devait plus tard débarquer
lorsqu'il
de Gelimer
(532). On n'y remarque
quer les Vandales
d'un édifice assez important,
vestiges
plus que quelques
d'habitations
d'une
une
des restes
époque
citerne,
d'un
relativement
récente
et, sur la plage, les débris
Alia et situé
sur le littoral
Achilla
était
Etienne
de Byzance,
D'après
quai.
une tradition
colonie de Malte (Melita)
et, suivant
retournés
dans
ses habitants
seraient
indigènes,
de
à
métropole
inscription
delà
ville
l'époque
n'est venue,
antique
dont
l'invasion
arabe.
une
des
leur
Aucune,
ce jour, révéler le nom
jusqu'à
les décombres
gisent,
presque,
sous les sables de la dune.
ensevelis,
complètement
à 40 mille romains
La Table dePeutinger
place Acholla
au sud de Ruspina.
Or, c'est à peu près la distance
qui
de Monastir.
On
les ruines d'El-Alia
sépare aujourd'hui
se
demandera
donc
d'Hadrumetum,
à environ
pouvait
devancer
espérer
comment
Considius,
25 kilomètres
plus
C. Messius
à Achilla.
partant
au nord,
La raison
174
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
en est bien simple. Pour dérober sa marche, la petite
colonne des césariens était obligée de longer le littoral
et d'en suivre les contours,
tandis que Considius,
pouvant marcher librement par l'intérieur
des terres, n'avait
à parcourir
sensiblement
qu'un trajet
égal au sien.
Malgré cela il arriva le dernier.
Voyant la place occupée, il n'osa en tenter l'attaque et
retourna à Hadrumetum.
Mais Labienus lui ayant amené
des renforts, il revint mettre le siège devant la ville.
Pendant ce temps, C. Sallustius
que nous
Crispus,
avons vu partir avec une escadre pour les îles Kerkennah,
s'était emparé, sans coup férir, des approvisionnements
de blé qui s'y trouvaient
rassemblés.
L'ancien questeur
C. Décimius,
qui y commandait
pour Scipion, s'était
empressé de prendre la fuite à la nouvelle de son arrivée.
Il avait donc envoyé au mouillage de Ruspina
tous les
vaisseaux de charge qu'il avait trouvés dans le port de
Cercina, après les avoir remplis de blé.
Les habitants de Thysdrus
ville située à
(El-Bjem),
33 milles (49 kilom. 500) au sud d'Hadrumelum,
firent,
à ce même moment, savoir à César qu'il y avait dans les
de blé appartemagasins de la ville 300,000 boisseaux
nant à des négociants italiens et à des cultivateurs
des
environs et lui demandèrent
une garnison
qu'il ne put
leur envoyer de suite, mais qu'il leur promit
dès que
les circonstances
le lui permettraient,
Le 26 novembre, arriva enfin un premier convoi venant
de Sicile. Il amenait, avec des vivres, les 13eet 14elégions,
et mille frondeurs
et archers.
800 cavaliers
gaulois
et des approvisionneL'arrivée de ce premier
renfort
ments qui commençaient
à manquer louf-à-fait,
ranima
l'ardeur des soldats de César. Les troupes nouvellement
furent
distribuées
daas les tours et les
débarquées
des fatigues de la mer —
castella pour se remettre
exlangore
nauseaque reficere (B. A., 34), — pendant
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
175
que les vaisseaux qui les avaient amenés retournaient
en Sicile embarquer d'autres renforts.
Bientôt, par un second convoi, arrivèrent deux légions
de vétérans, de la cavalerie et de nouvelles
troupes
armées à la légère.
De son côté, Caton ne restait pas inactif à Utica. Il
de nouvelles levées d'affranchis,
faisait continuellement
d'indigènes et d'esclaves; il incorporait tous les hommes
en état de porter les armes, les équipait, les armait et
les envoyait, au fur et à mesure, au camp de Scipion.
Mais l'armée de ce dernier commençait,
à son tour,
à souffrir du manque d'eau. On ne trouve, en effet, au
sud de Monastir,
qu'un petit nombre de puits saumâtres qui avaient dû finir par s'épuiser.
Scipion se
cle son camp.
décida donc à changer l'emplacement
A la nouvelle de son départ, César, qui avait déjà;des
forces suffisantes pour sortir de l'inaction dans laquelle
la faiblesse de ses effectifs Pavait tenu jusque-là, comprit
la période des
était venu d'entamer
que le moment
opérations, de marcher à l'ennemi et de chercher enfin
l'occasion de se mesurer avec lui.
VII
Avant d'aller plus loin, il me paraît nécessaire de
donner un aperçu du terrain qui va servir de théâtre
aux événements qui vont suivre.
Nous avons déjà parlé de la vaste plaine qui commence
à l'ouest du plateau de Ruspina et s'étend vers le sud
jusqu'aux environs de Djemmal et de Mennzel-Kamel.
C'est là que, le 8 novembre, César avait été cerné par les
troupes de Labienus et de Petreius et avait couru de si
grands dangers. Cette plaine est limitée, à l'est et à
l'ouest, par deux chaînes de hauteurs à peu près parai-
176
lèles
CAMPAGNE
DE J. CÉSAR
EN AFRIQUE
se
au sud, par de faibles
rejoignent,
pentes
formant
comme un vaste col où prennent
naissance
les
deux
El-Melah
et
oueds,
qui se dirige vers le nord,
Ouled-Moussa
qui va se jeter au sud, dans le Shebkretqui
ed-Dekriba.
La
chaîne
Sidi-Ameur,
et Mesdour
de l'ouest
porte
El-Hamada,
; elle s'élève
de 80 à 90 mètres,
puis
direction
de Sousse.
Celle de l'est
les
de Matmer,
Mennzel-Harb
villages
Mesjed-Aïssa,
une altitude
jusqu'à
s'abaisse
commence
graduellement
de
près
à l'est
la
par le
s'élève la koubba
à environ
mer,
de Monastir,
du village
mamelon
de Hamadet-ech-Chouf,
8 kilomètres
moyenne
dans la
de Bembla,
sur lequel
cle Sidi-Moussa.
Colonel
Pour
tous
MOINIER.
les articles
non signés
Le Président,
V.
WAILLK.
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