L’Usine à GES n° 19 / février 2006 / Dossier
Des sécheresses sans fin
En fait, révèlent Larry Peterson et Gerald Haug, dans un passionnant papier
paru, cet été, dans American Scientist, les Mayas « classiques » ont
succombé aux conséquences d’un changement climatique. L’hypothèse n’est
pas nouvelle. Dès 2000, l’archéologue amateur américain Richardson B. Gill
affirmait dans son livre (The Great Maya droughs) que des millions de mayas
avaient péri de faim et de soif à la suite de régulières et longues périodes de
sécheresse. Un bouleversement dans cette région où il peut pleuvoir jusqu’à
4 000 millimètres d’eau de pluie par an (six fois plus qu’à Paris !). Jusqu’à
présent, cette hypo- thèse n’était corroborée par aucun élément sérieux.
C’est chose faite grâce à Peterson et Haug. Au terme d’une véritable
enquête, les deux chercheurs estiment avoir accumulé suffisamment de
charges pour imputer au changement climatique la disparition, certes en
deux siècles, d’une des plus brillantes civilisations que le monde du Xe siècle
ait portées.
La carotte de Cariaco
Pour commencer, les deux géologues ont examiné des carottes de sédiments
prélevés dans le bassin de Cariaco. Situé entre la côte nord-est du Venezuela
et l’île de Tortuga, l’endroit est bien connu des spécialistes qui s’attachent à
remonter le temps. Cette dépression marine est, en effet, un véritable piège
à sédiments et à planctons. Du fait de son manque d’ouverture sur la haute
mer, les particules en suspension dans les rivières, les planctons tombent en
masse. Au fond, dans un environnement anoxique, les organismes se
décomposent extrêmement lentement. Les chercheurs peuvent donc plus
facilement qu’ailleurs reconstituer l’environnement marin et terrestre du
passé, et par extension le climat. La vitesse de sédimentation étant connue
(un mètre de sédiments par millier d’années), un échantillon est donc
parfaitement datable. L’enquête de Peterson et de Haug débute
véritablement en 1996. Cette année-là, le Joides Résolution, le navire de
forage de l’université du Texas, remonte une carotte de 170 m de long
prélevée dans le fond du bassin de Cariaco. Les deux chercheurs mesurent
les concentrations en fer et en titane, deux métaux présents en abondance
dans les roches continentales mais inexistants dans les restes des
organismes marins. Leur idée étant que les fortes concentrations révéleront
les périodes de plus fortes pluviométrie. À l’opposé, les strates pauvres en
métaux désigneront les périodes de sécheresse. Après examen d’échantillons
par fluorescence x à l’université de Brème, les deux limiers détectent deux
périodes pauvres en métaux. La première correspond au Petit Âge Glaciaire
(cf. L’Usine à GES n°4), une période s’étendant entre 1400 et 1850. Pas la
bonne. La seconde est plus intéressante puisqu’elle se situe entre 800 et l’an
1 000. Bonne pioche, mais insuffisante pour poser un diagnostic précis. Avec