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Le jeu de l’amour et du hasard.
Joli titre qui n’évoque que légèreté, amusement, insouciance, joyeuse irresponsabilité
puisque les seuls acteurs du jeu sont l’amour et le hasard.
L’on se souvient de Marivaux et ses marivaudages : joutes amoureuses subtiles et
raffinées, un brin artificiel parfois, convenues souvent. Sans gravité ni grande portée, les dés
sont pipés et l’on sait, dès le lever du rideau, qui gagnera. Et le canevas de la pièce, les
déguisements, le parallélisme des situations, les procédés comiques apportent à la pièce le
souffle vivifiant et irrésistible de la comédie Italienne.
Rien que distraction, amusement, plaisir, cette comédie.
Et pourtant « c’est une bagatelle qui vaut bien la peine qu’on y pense » : la pièce pose la
question de l’amour, du désir certes, mais aussi du mariage et des rapports des classes sociales.
Rappelons le sujet : pour être sûre que le prétendant, agréé par sa famille, veut l’épouser
pour elle-même et non pour sa fortune, une jeune fille décide de prendre le vêtement et le rôle
de sa femme de chambre (la femme de chambre prenant ceux de sa maîtresse) pour sonder les
intentions et le cœur de celui qui prétend l’épouser. Mais le prétendant habité par la même
méfiance a la même idée.
L’enjeu idéologique est beaucoup plus profond qu’il n’y parait, les perspectives sont même
quelque peu inquiétantes. Le public de l’époque semble avoir exigé du dramaturge qu’il donne
clairement raison, contre les domestiques, aux maîtres, à ceux qui ont « l’air bien distingué ».
Dans le Mercure d’Avril 1730 on lit que le public a refusé de croire à ce travestissement parce
qu’il ne pouvait pas admettre qu’un valet soit capable d’être réaliste dans le rôle d’un maître. Pour
ce public, les différences de classe émanant de la nature même de la personne, « elles sont
inscrites dans le langage, les manières, la physionomie !!! » Les spectateurs n’ont pas été amusés
du tout mais choqués par la prétention d’un valet à rivaliser avec son maître. Ils partagent le
malaise idéologique de Dorante et Silvia qui ne pouvait pas s’empêcher d’être séduits par une
personne d’un rang inférieur et qui en sont très contrariés. Il ne fallait donc pas que les
« inférieurs » fussent présentés sous un jour trop favorable, il fallait que leur identité réelle fût
immédiatement perceptible sur scène, avec de la grossièreté, de la vulgarité pour que n’existât
aucune ambigüité, aucun risque de confondre les maîtres et les valets.
Pour Marivaux l’amour et le hasard sont complices et non adversaires. Malgré les
déguisements, les couples se reforment selon les mêmes clivages sociaux « le hasard fait bien les
choses » : il rétablit la discrimination sociale d’origine.
On peut donc faire deux lectures de la pièce :
1 – même sous l’habit domestique, Dorante et Silvia s’aiment, c’est le triomphe de l’amour.
e d’intention pour la mise en scène