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Dossier de diffusion
« Les princes épousent-ils les bergères ? »
D’après Le Jeu de l’amour et du hasard
de Marivaux
Adaptation et mise en scène de Jacqueline Henry Leloup
Création 2014
-
2015
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Un spectacle de la
compagnie Les Menteurs d’Arlequin.
Spectacle créé grâce au soutien de la ville d’Ornans.
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Une adaptation, pourquoi ?
Pour un autre regard sur une œuvre le plus souvent
appréhene comme une charmante et fine comédie,
destinée à distraire, à faire sourire, peu dérangeante en
somme et ne suscitant pas de profondes réflexions.
Pour lui retirer ses riches atours du XVIIIème siècle, la
dénuder et chercher la question qui se cache derrière le
le subtil et drôle des personnages policés et si
séduisants et la poser, cette question, avec notre langage
d’aujourd’hui, crûment, brutalement :
« Le Jeu de l’Amour et du Hasard » est-ce « Le triomphe
de l’amour » ou « les Princes ne doivent ni ne peuvent
épouser les bergères ? »
Adaptation et mise en scène : Jacqueline Henry-Leloup
Création lumière : Christine Dardelin
Régie son : Chantal Gille Urvoy
Décor et costume : Eric Debiesse et Cie Les Menteurs d’Arlequin
Avec
:
Corinne Debiesse, Julien Lopez, Thomas Personeni, Paoline Angioni, Joris
Charbonnier et Thibault Georges.
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Le jeu de l’amour et du hasard.
Joli titre qui n’évoque que légèreté, amusement, insouciance, joyeuse irresponsabili
puisque les seuls acteurs du jeu sont l’amour et le hasard.
L’on se souvient de Marivaux et ses marivaudages : joutes amoureuses subtiles et
raffinées, un brin artificiel parfois, convenues souvent. Sans gravité ni grande portée, les dés
sont pipés et l’on sait, dès le lever du rideau, qui gagnera. Et le canevas de la pièce, les
déguisements, le parallélisme des situations, les procédés comiques apportent à la pièce le
souffle vivifiant et irrésistible de la comédie Italienne.
Rien que distraction, amusement, plaisir, cette comédie.
Et pourtant « c’est une bagatelle qui vaut bien la peine qu’on y pense » : la pièce pose la
question de l’amour, du désir certes, mais aussi du mariage et des rapports des classes sociales.
Rappelons le sujet : pour être sûre que le prétendant, agréé par sa famille, veut l’épouser
pour elle-même et non pour sa fortune, une jeune fille décide de prendre le vêtement et le rôle
de sa femme de chambre (la femme de chambre prenant ceux de sa maîtresse) pour sonder les
intentions et le cœur de celui qui prétend l’épouser. Mais le prétendant habité par la même
méfiance a la même idée.
L’enjeu idéologique est beaucoup plus profond qu’il n’y parait, les perspectives sont même
quelque peu inquiétantes. Le public de l’époque semble avoir exigé du dramaturge qu’il donne
clairement raison, contre les domestiques, aux maîtres, à ceux qui ont « l’air bien distingué ».
Dans le Mercure d’Avril 1730 on lit que le public a refusé de croire à ce travestissement parce
qu’il ne pouvait pas admettre qu’un valet soit capable d’être aliste dans le rôle d’un maître. Pour
ce public, les différences de classe émanant de la nature même de la personne, « elles sont
inscrites dans le langage, les manières, la physionomie !!! » Les spectateurs n’ont pas éamusés
du tout mais choqués par la prétention d’un valet à rivaliser avec son maître. Ils partagent le
malaise idéologique de Dorante et Silvia qui ne pouvait pas s’empêcher d’être séduits par une
personne d’un rang inférieur et qui en sont très contrariés. Il ne fallait donc pas que les
« inférieurs » fussent présentés sous un jour trop favorable, il fallait que leur identité réelle fût
immédiatement perceptible sur scène, avec de la grossièreté, de la vulgarité pour que n’existât
aucune ambigüité, aucun risque de confondre les maîtres et les valets.
Pour Marivaux l’amour et le hasard sont complices et non adversaires. Malgré les
déguisements, les couples se reforment selon les mêmes clivages sociaux « le hasard fait bien les
choses » : il rétablit la discrimination sociale d’origine.
On peut donc faire deux lectures de la pièce :
1 – même sous l’habit domestique, Dorante et Silvia s’aiment, c’est le triomphe de l’amour.
Not
e d’intention pour la mise en scène
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2 – l’amour n’est possible qu’entre gens de même monde.
Par ailleurs, les jeux sont faussés : les rencontres entre les personnes de conditions
différentes n’existent pas, le valet ne se trouve jamais en tête à tête avec la fille du maître, les
vraies rencontres n’ont lieu qu’entre couples légitimes. En fait, rien n’est laissé au hasard dans ce
jeu et surtout pas le hasard des rencontres.
Tel que Marivaux le présente, le mariage au XVIIIème est fondé sur la communauté des
intérêts et des sentiments avec une nuance cependant qu’il n’est pas inutile de souligner : il
semble implicitement admis qu’une femme de statut social inférieur puisse s’élever par le mariage
au niveau de son mari. Dorante finit par consentir à épouser Lisette et Lisette est prête à
épouser un homme qu’elle prend pour un noble. Mais Silvia refuse de descendre l’échelle sociale
en épousant un valet. C’est pourquoi Arlequin apparaît seul, comme un bouffon, en un dangereux
arriviste lui qui accepterait volontiers de se hisser à une autre classe sociale, grâce à une femme.
Impossible – Impensable.
Le rideau peut se baisser : chacun a repris sa position de départ avec la bonne conscience
d’être à sa place. Le monde n’a pas tourné à l’envers longtemps. Le monde ne bouge pas. Les lois
de la société sont immuables…
« Oui, mais tout cela se passait au XVIIIème siècle, aujourd’hui… »
C’est parce que nous avons trop souvent entendu ou même prononassertion facile et
rassurante que nous avons tenté d’amener le jeu de l’amour et du hasard dans notre 21
ème
siècle.
En respectant scrupuleusement l’esprit de la pièce, son contenu, son message : les situations sont
les mêmes, la structure dramatique est décalquée. Seul le langage change.
C’est celui d’aujourd’hui. Dépouillé de l’amidon, des dentelles, des mouches et de la
poudre, des perruques.
Alors, le jeu de l’amour et du hasard comme décanté, mis à nu, révèle et impose
brutalement la question : la société a-t-elle tellement changé depuis le XVIIIème et sa
révolution ? Aujourd’hui, les princes épousent-ils les bergères ?...
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