Inventer l'autre, c'est se comprendre soi-même comme vivant dans un monde dont on peut, par
contraste avec celui de l'autre, dessiner les contours.
C) Expérience et écriture de l'altérité
L'anthropologue est historiquement et culturellement situé par les questions qu'il pose à son terrain
et par la manière dont il cherche à comprendre le monde, de la même façon que les réponses
données par les informateurs résultent elles-mêmes d'interprétations médiatisées par leur culture et
leur histoire.
D) Symétrie et réflexivité dans le discours anthropologique
Il ne consiste pas à poser a priori Eux et Nous comme égaux, mais questionner l'observateur dans la
manière de construire sa relation à l'autre, à l'observé. Kilani insiste sur le fait qu'iil "faudrait
réinventer une nouvelle forme de holisme qui ne soit plus conçue, comme on l'a fait jusqu'ici, en
terme de totalité culturelle juxtaposant des éléments épars, mais en terme de relation entre les
éléments, comme un espace global dont l'anthropologue fait partie. Relevant de l'espace partagé de
l'expérience de terrain, le tout n'est plus vu de l'extérieur, il est expérimenté de l'intérieur dans le
dessein d'en apprendre comment les gens construisent, changent et réadaptent leurs propres espaces
sociaux."
E) L'universalisme hiérarchique
C'est toujours à partir d'un lieu culturel que l'anthropologue projette l'universalisable. Mais il faut se
rendre attentif sur la dichotomie qui existe entre la Déclaration universelle des droits de l'homme qui
prêche l'égalité entre les hommes et l'uité du genre humain et la propoension universelle
universellement partagée par les cultures de séparer le Nous du Eux et d'affirmer que les hommes
sont membres de différentes espèces. Etablir des distinctions sociales et affirmer des relations non
égalitaires entre les hommes, les cultures, est l'attitude la mieux partagée par toutes les sociétés.
Durant l'époque médiévale, la découverte et le désir de l'autre ont été marques par la fascination de la
nouveauté et par son inscription dans l'extraordinaire, la bizzarerie, voire l'anomalie et la
monstruosité. Le voyageur de la Renaissance découvrait sur son chemin des femmes et des hommes
nus, des cannibales féroces et d'étranges créatures hybrides. La frontière entre lui et le sauvage ne
pouvait être aussi grande. Au Moyen-Age et à la Renaissance, la frontière entre Eux et Nous était
représenté par une ligne qui séparait la culture et la nature, l'homme et le monstre, le chrétien et
l'idolâtre.
Aux 19 et 20èmes siècles, lorsque le sauvage fut intégré à la généalogie de l'homme blanc et
considéré enfin comme un animal historique, il ne le fut qu'à titre d'une variante distante dans le
temps, qu'à titre de fossile vivant, d'un signe originel. Eux n'ont été incorporés dans l'histoire
universelle que pour être projetés dans la distance historique et sociale, et être assimilés à notre
propre passé. Dans la perspective moderne, l'Autre est ainsi un Nous différe.
Ce problème de frontières et de définition de la catégorie de l'étranger, auquel doit faire face le
discours anthropologique, est donc d'abord un problème idéologique avant d'être un problème
scientifique. Il relève avant tout d'une représentation sociale. Autrement dit, le civilisé, l'Européen, ou
plus généralement l'observateur de la société dominante, produit, par écart, l'idée du sauvage, du non-
civilisé, ou du primitif. C'est ainsi que l'anthropologue qui se contente d'affirmer que l'Autre est
semblable à moi occulte en même temps la différence culturelle la différence culturelle qu'il est bien
obligé de lui reconnaître par ailleurs et qui est au fondement même de son projet. Dès lors, la
promesse universaliste d'une humanité unifiée à égale et la profession de foi relativiste de l'égalité
entre la différence apparaissent comme fallacieuse dans leur principe même. Les deux font fi du
principe hiérarchique qui ordonne toujours entre eux les éléments constituant le tout et qui intrduit
l'asymétire.