peuvent rendre aux populations". Moyennant quoi les autres, de plus en plus,
sont condamnées d'avance.
Intitulé "Sans prix ou sans valeur ?" ("Priceless or worthless?"), le rapport
présenté sur ce thème au congrès de l'UICN a précisément pour objet de
rehausser l'intérêt accordé à la protection de ces créatures qui n'ont pas de
"prix". Mais qui se soucie du paresseux nain de l'île d'Escudo (large de
Panama), de moitié plus petit que son cousin sud-américain ? Du saola, ce
bovidé mi-chèvre, mi-antilope découvert au Vietnam en 1992, dont il ne subsiste
dans doute que quelques dizaines d'individus en Asie du Sud-Est ? De la galle
colorée du saule, qu'on ne trouve plus que dans une petite région du Pays de
Galles (Royaume-Uni ) et qui pourrait disparaître au premier événement
catastrophique ? Alors que les programmes de conservation manquent
cruellement d'argent, le pari semble difficile. Pour ne pas dire impossible.
UNE RÉGRESSION SANS PRÉCÉDENT
Au-delà de ces espèces en grand péril, la question plus générale est la suivante
: faut-il tenter de sauver toutes les espèces en danger de disparition, et si non,
lesquelles choisir ? En novembre 2011, un sondage publié dans la revue
Conservation Biology , réalisé par un spécialiste de l'économie
environnementale auprès de 583 spécialistes de la protection animale et
végétale, avait donné des réponses équivoques.
Si la quasi-totalité des sondés (99,56 %) s'accordait à penser que la biodiversité
subit une régression sans précédent, pour l'essentiel du fait des activités
humaines, ils étaient en revanche beaucoup plus divisés sur les moyens à
mettre en place et les espèces à privilégier pour freiner ce déclin. Entre autres
facteurs de dissension : la pertinence d'un éventuel "triage" entre espèces.
LAISSER MOURIR DES ESPÈCES EN TOUTE CONSCIENCE
Entre celles qu'il conviendrait de protéger, et celles qu'il vaudrait mieux
abandonner à leur sort. Ils étaient toutefois 50,3 % à se déclarer "d'accord", et
9,3 % "tout à fait d'accord" pour se concentrer sur des plantes et des animaux
ayant de sérieuses chances de s'en sortir . Plutôt que de s'acharner à sauver ,
moyennant des sommes souvent faramineuses au regard du peu de
financements dont dispose ce domaine d'activité, des espèces déjà
moribondes.
Mais une chose est d'être pragmatique sur le papier, une autre est de laisser
mourir en toute conscience des espèces que l'on sait condamnées à brève
échéance... Surtout lorsqu'elles pourraient être sauvées. Or, Ellen Butcher,
membre de la ZSL et coauteure avec Jonathan Baillie du rapport présenté à
Jeju, l'affirme avec force : "Si nous prenons des mesures immédiates, nous
pouvons donner aux espèces figurant sur cette liste de bonnes chances de