L`UICN publie la liste rouge des cent espèces les plus menacées

L'UICN publie la liste rouge des 100
espèces les plus menacées
Le Monde.fr | 11.09.2012 à 07h59 • Mis à jour le 11.09.2012 à 09h18
Par Catherine Vincent
Le point commun entre le caméléon de Tarzan, l'orchidée des îles Caïmans, le
bécasseau spatule et la galle colorée du saule ? Tous, hélas, figurent dans la
liste des cent espèces d'animaux, de plantes et de champignons les plus
menacés d'extinction.
Publiée conjointement, mardi 11 septembre, par la Société zoologique de
Londres (ZSL) et l'Union internationale pour la conservation de la nature
(UICN), dont le congrès mondial se tient jusqu'au 15 septembre à Jeju (Corée
du Sud ), cette liste est l'occasion pour ces experts de regretter un autre point
commun entre ces espèces : rien ou presque n'est fait pour empêcher leur
disparition, au motif qu'aucune ne procure des avantages évidents à l'humanité.
"DÉCISION MORALE ET ÉTHIQUE IMPORTANTE"
"L'existence future de ces cent espèces est entre nos mains. Ont-elles un droit à
l'existence ? Avons-nous le droit de les conduire à l'extinction ?", s'interroge le
professeur Jonathan Baillie, directeur de la conservation de la ZSL, pour qui "il
nous incombe de prendre sur ce point une décision morale et éthique
importante". Car les bailleurs de fonds comme les écologistes ont une tendance
croissante, affirme-t-il, à épouser la thèse selon laquelle "les espèces et les
habitats sauvages sont appréciés et hiérarchisés en fonction des services qu'ils
Le caméléon de Tarzan figure sur la liste rouge des cent espèces les plus menacées
en 2012. | Frank Gaw
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peuvent rendre aux populations". Moyennant quoi les autres, de plus en plus,
sont condamnées d'avance.
Intitulé "Sans prix ou sans valeur ?" ("Priceless or worthless?"), le rapport
présenté sur ce thème au congrès de l'UICN a précisément pour objet de
rehausser l'intérêt accordé à la protection de ces créatures qui n'ont pas de
"prix". Mais qui se soucie du paresseux nain de l'île d'Escudo (large de
Panama), de moitié plus petit que son cousin sud-américain ? Du saola, ce
bovidé mi-chèvre, mi-antilope découvert au Vietnam en 1992, dont il ne subsiste
dans doute que quelques dizaines d'individus en Asie du Sud-Est ? De la galle
colorée du saule, qu'on ne trouve plus que dans une petite région du Pays de
Galles (Royaume-Uni ) et qui pourrait disparaître au premier événement
catastrophique ? Alors que les programmes de conservation manquent
cruellement d'argent, le pari semble difficile. Pour ne pas dire impossible.
UNE RÉGRESSION SANS PRÉCÉDENT
Au-delà de ces espèces en grand péril, la question plus générale est la suivante
: faut-il tenter de sauver toutes les espèces en danger de disparition, et si non,
lesquelles choisir ? En novembre 2011, un sondage publié dans la revue
Conservation Biology , réalisé par un spécialiste de l'économie
environnementale auprès de 583 spécialistes de la protection animale et
végétale, avait donné des réponses équivoques.
Si la quasi-totalité des sondés (99,56 %) s'accordait à penser que la biodiversité
subit une régression sans précédent, pour l'essentiel du fait des activités
humaines, ils étaient en revanche beaucoup plus divisés sur les moyens à
mettre en place et les espèces à privilégier pour freiner ce déclin. Entre autres
facteurs de dissension : la pertinence d'un éventuel "triage" entre espèces.
LAISSER MOURIR DES ESPÈCES EN TOUTE CONSCIENCE
Entre celles qu'il conviendrait de protéger, et celles qu'il vaudrait mieux
abandonner à leur sort. Ils étaient toutefois 50,3 % à se déclarer "d'accord", et
9,3 % "tout à fait d'accord" pour se concentrer sur des plantes et des animaux
ayant de sérieuses chances de s'en sortir . Plutôt que de s'acharner à sauver ,
moyennant des sommes souvent faramineuses au regard du peu de
financements dont dispose ce domaine d'activité, des espèces déjà
moribondes.
Mais une chose est d'être pragmatique sur le papier, une autre est de laisser
mourir en toute conscience des espèces que l'on sait condamnées à brève
échéance... Surtout lorsqu'elles pourraient être sauvées. Or, Ellen Butcher,
membre de la ZSL et coauteure avec Jonathan Baillie du rapport présenté à
Jeju, l'affirme avec force : "Si nous prenons des mesures immédiates, nous
pouvons donner aux espèces figurant sur cette liste de bonnes chances de
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survie. Mais pour cela, nous avons besoin d'une société qui souscrive à la
position éthique voulant que toutes les espèces ont le droit inhérent d'exister ."
Et d'ajouter que si ces espèces "uniques et irremplaçables" viennent à
disparaître, "aucune somme d'argent ne les fera renaître".
Catherine Vincent
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