Institut de physique Actualités scientifiques Une nouvelle approche pour l’imagerie multicolore rapide de tissus fluorescents Juillet 2014 Des physiciens et biologistes viennent de mettre au point une nouvelle stratégie d’imagerie permettant d’observer des phénomènes rapides se déroulant dans des tissus ou organismes vivants avec une très bonne résolution spatiale. Les chercheurs du Laboratoire d’optique et biosciences - LOB (CNRS/École Polytechnique/Inserm), et de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire - IGBMC (CNRS/Univ. de Strasbourg/Inserm) ont combiné deux méthodes de microscopie optique développées récemment, d’une part la microscopie biphotonique multicolore, qui permet d’observer simultanément plusieurs signaux dans les tissus biologiques intacts à quelques centaines de micromètres de profondeur avec une résolution subcellulaire, et d’autre part la microscopie illuminée par nappe très performante pour l’imagerie rapide de tissus transparents. Grâce à cette approche, les chercheurs ont imagé les battements du cœur d’un embryon de poisson zébré et reconstitué en trois dimensions les mouvements cellulaires avec une résolution spatio-temporelle suffisante pour suivre chaque cellule individuellement au cours d’un cycle cardiaque. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Methods. Il est maintenant possible d’envisager son application à l’étude de la formation du cœur chez les vertébrés et des pathologies aboutissant à des malformations cardiaques. L’ingrédient de base de cette méthode de visualisation est le suivi par excitation biphotonique de marqueurs fluorescents présents dans l’organisme étudié. Éclairées par un faisceau laser, ces fluorophores émettent un photon visible lorsqu’ils ont été excités par l’absorption simultanée de deux photons infrarouges. Dans cette approche, seules les molécules se trouvant dans la zone où le laser est focalisé fluorescent de manière importante : ceci permet d’assurer une très bonne résolution spatiale. Dans cette nouvelle expérience, les chercheurs excitent simultanément trois marqueurs grâce à deux lasers à impulsions femtoseconde synchronisés de longueurs d’onde différentes. L’un des marqueurs émet un photon rouge après absorption de deux photons du premier laser, un second marqueur fluoresce dans le bleu en absorbant deux photons du deuxième laser tandis que le troisième émet une lumière verte après absorption d’un photon de chaque laser. Ces lasers, envoyés par le côté de l’échantillon, créent une ligne d’excitation tout le long de leur passage au travers de l’échantillon. Cette ligne est ensuite rapidement balayée verticalement de manière à former une nappe de lumière. Enfin, l’échantillon est balayé plus lentement selon la direction horizontale pour acquérir un volume tridimensionnel d’images. Une caméra image alors le plan éclairé à une cadence de 50 à 100 images par seconde. L’excitation et la détection se font ainsi simultanément sur tout un plan, ce qui permet de gagner un facteur 10 à 100 en vitesse d’imagerie par rapport à la microscopie biphotonique usuelle dans laquelle les points sont sondés un par un en déplaçant le point de focalisation du laser d’excitation. Par rapport à la géométrie usuelle, le schéma en nappe de lumière a également l’avantage d’utiliser des intensités laser plus faibles sur l’échantillon, ce qui élimine la majeure partie des perturbations optiques présentes en imagerie multiphotonique. En excitant plusieurs marqueurs fluorescents, les chercheurs ont pu capturer simultanément les mouvements cellulaires et le flux sanguin. Ils ont ainsi pu suivre les trajectoires individuelles des cellules du myocarde qui se déplacent très rapidement pendant la demi-seconde que dure un cycle cardiaque. Ce nouveau type de microscope rassemble des propriétés essentielles pour la recherche en sciences du vivant : (i) l’excitation multicolore permettant le suivi simultané de plusieurs fluorophores au sein du tissu ; (ii) l’imagerie tridimensionnelle de tissus intacts avec une résolution spatiale subcellulaire grâce à l’excitation multiphotonique ; (iii) une grande vitesse d’acquisition, de l’ordre d’une centaine d’images par seconde, permettant de capturer des phénomènes biologiques rapides et, enfin ; (iv) une très faible invasivité autorisant l’observation prolongée d’organismes vivants. En savoir plus Multicolor two-photon light-sheet microscopy, P. Mahou1, J. Vermot2, E. Beaurepaire1 et W. Supatto1, Nature Methods 11, 600–601 (2014) Contact chercheur Emmanuel Beaurepaire, directeur de recherche CNRS Reconstruction tridimensionnelle du cœur d’un embryon de poisson zèbre à l’aide de l’imagerie multicolore par microscopie biphotonique à nappe de lumière. Après avoir capturé simultanément des images des cellules sanguines (rouge), des cellules du myocarde (vert) et des cellules du péricarde (bleu) au cours d’un cycle cardiaque durant moins de 500 ms (à gauche), il est possible de suivre les trajectoires des cellules individuelles (au centre) et de quantifier la vitesse moyenne des cellules (à droite) dans l’atrium (A), le ventricule (V) ou le canal atrio-ventriculaire (AV). Ici, un volume de 210 × 230 × 300 µm3 a été reconstruit avec résolution temporelle. L’échelle de couleurs code pour des vitesses instantanées de 0 à 620 µm/seconde (au centre) et des vitesses moyennes sur de 27 à 215 µm/seconde (à droite). © École polytechnique, CNRS, Inserm / Nature Publishing Group www.cnrs.fr Willy Supatto, chargé de recherche CNRS Informations complémentaires 1 Laboratoire d’optique et biosciences (LOB) 2 Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) Institut de Physique CNRS - Campus Gérard Mégie 3 rue Michel-Ange, 75794 Paris Cedex 16 T 01 44 96 42 53 [email protected] www.cnrs.fr/inp