ETRE SOCIALISTE AU 21ÈME SIÈCLE

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ETRE SOCIALISTE AU
21ÈME SIÈCLE
repenser le socialisme : audace, éthique,
morale et révolte
Contribution Thématique présentée par :
PUIJALON Thomas
LES PREMIERS SIGNATAIRES:
LES SIGNATAIRES:
Thomas PUIJALON CF 92 Raphael SCHMIDT 35 Nicolas SORET CN 1er fed 89
Alexis BACHELAY député 92 Jean-Luc RICHARD 35 Vincent CARRERA 33 Vivien
JULHES 92 Matthieu VITTU 75
TEXTE DE LA CONTRIBUTION
Rien ne serait pire qu’un congrès pour rien. Les attentats de janvier 2015 ont
ressoudé les Français autour des valeurs de la République. Les Français ont rappelé
leur attachement aux trois principes, inscrits au fronton de nos écoles : Liberté,
Egalité, Fraternité. Le pacte républicain réaffirmé, l’enjeu est maintenant d’écrire une
nouvelle page de notre histoire en revivifiant notre pacte social : quel modèle de
société voulons-nous?
Le congrès du PS doit porter ce nouveau pacte social, sans rien cacher des
contraintes. “Ne dissimulez pas le vrai visage du socialisme” disait Léon Blum au
Congrès de 1946, en exhortant les socialistes à n’avoir peur ni des militants qui
votent les investitures, ni de l’opinion publique ou des électeurs.
Face à la crise économique, la plus grave depuis 1929, les socialistes ne peuvent se
satisfaire de demi-mesures. La communication ne doit pas primer sur les
conséquences directes de nos mesures pour les Français. Pour retrouver de la
pertinence et donc de la force, le PS doit redonner de la fierté aux militants. Le
Congrès doit redonner l’envie aux militants de participer, leur donner l’assurance
d’être écoutés et entendus et de retourner convaincre les Français.
Nos échecs font le succès de l’extrême droite
“Pourquoi voter socialiste, si nos représentants se détournent de leur promesse sitôt
élus?” Les communicants prônent l’action politique par le “buzz”. Peu importent les
idées, seul compte l’impact médiatique. Depuis Nicolas Sarkozy, ils ont trouvé un
joyau : l’art de reprendre les idées de l’autre camp politique pour faire parler de soi.
Rien de plus pénible pour un militant que de voir ses élus succomber à ces
techniques de communication, qui plaisent tant aux médias en recherche d’audience
par le clivage permanent.
Rien de plus pénible pour un électeur que des élus versatiles, changeant de
discours au gré du vent ou sous la pression bruyante des auditeurs.
Il faut que les politiques reprennent le contrôle de leur communication en coupant les
ponts avec les boutiques de communicants s’immisçant dans tous les cercles du
pouvoir, vendant leurs prestations et leurs conseils tantôt aux élus (de droite comme
de gauche), tantôt aux multinationales et groupes d’influence.
Prenons de la distance avec des groupes issus de la haute fonction publique qui
recyclent la même soupe indigeste à la droite et à la gauche en la présentant comme
la seule voie possible. La pensée unique triomphe sur l’audace. Le conservatisme et
le conformisme endorment toute velléité de réforme, de changement et d’innovation
dans les politiques publiques et la structure de notre économie.
Nous nommons ces problèmes, parce que le politique doit aujourd’hui assumer
pleinement son rôle et ne peut plus se dessaisir du pouvoir que lui confie le peuple.
Nous n’avons pas peur aussi d’aborder la corruption qui sème la confusion des
principes et le doute sur des lois sous influence.
Ce doute est mortifère pour la démocratie. On dit que le FN se nourrit de l’incapacité
des politiques à lutter contre la montée du chômage de masse, car le chômage est le
comburant de l’explosion électorale du FN en 2014, mais le danger vient aussi de
ces scandales à répétition, qui mettent le feu aux poudres. Nous souhaitions une
république exemplaire; nous avons fait des progrès, mais les marches à gravir sont
encore hautes et nombreuses. Nous avons toute confiance dans la probité et le sens
du sacrifice du Président de la république.
Malgré l’importance des lois sur le non-cumul des mandats et sur la transparence de
la vie politique, nous porterons longtemps la tâche indélébile de ces ministres ou de
ces conseillers qui voulaient se servir avant de servir la république. Le vote FN se
nourrit de cela.
Parce que le front républicain semble avoir vécu dans les urnes, il va falloir inventer
un nouveau mode d’action: faute de pouvoir agir sur les conséquences électorales,
agissons sur les causes. La lutte contre le FN doit s’incarner dans l’action avec deux
leviers:
• L’économie par le combat permanent contre le chômage. Le peuple français est
rationnel, il juge l’action d’un gouvernement sur les résultats. Plus de longs discours,
seulement des résultats, notamment dans l’accompagnement des chômeurs. La
politique est un art de l’exécution.
• Le levier moral en réaffirmant nos valeurs républicaines pour mieux contrer les
peurs. Arrêtons de brouiller les repères idéologiques et promouvons nos valeurs
républicaines sur tout le territoire, et surtout les plus fragiles. Pour réaffirmer nos
principes républicains, il faut travailler et faire un effort de clarté: réenchanter la
République, dire où l’on doit aller, expliquer comment, faire ce que l’on dit et dire ce
que chacun doit apporter au bien commun.
Ressouder les militants avec l’exécutif
Le pouvoir a éloigné les élus socialistes de leurs électeurs. La férocité de
l’arithmétique fiscale nous a permis de sortir les comptes publics de la zone de
danger, mais le feuilleton budgétaire a usé nos ambitions: difficile de changer la vie
des français, lorsque il faut trouver des milliards d’économies. Le doute s’est installé
en premier lieu parmi les français les plus fragiles, éloignés de l’emploi et qui doutent
de notre capacité à améliorer leur vie.
Il faut ressouder les militants socialistes avec le pouvoir exécutif et contrairement à
ceux qui disent “ne pas prendre de risque, ne pas faire de vagues”, nous pensons
que ressouder les militants et l’exécutif passe par un devoir d’inventaire et ensuite
par la réécriture d’une ligne politique, ancrée dans la réalité.
Nous devons ce discours de vérité à ceux qui se mobilisent à chaque élection, pour
porter plus haut le projet des socialistes. La modernité en politique, c’est la
transparence.
Reconnaissons les contraintes et les rapports de force qui se nouent entre un
ministre et un appareil d’Etat inamovible, avec la commission européenne, avec la
tutelle budgétaire, toujours aussi prompts à rappeler qu’il ne faut pas ignorer la
puissance économique de ceux qui détiennent notre dette.
Avec lucidité reconnaissons aussi que parfois notre programme électoral n’était pas
suffisamment réaliste. Comme dans la vie, le fait de regarder en face son bilan, ses
erreurs et ses échecs est un signe de maturité. Les socialistes peuvent être fiers de
François Hollande, qui n’a jamais refusé l’examen critique de l’action du
gouvernement, quitte à corriger régulièrement le mouvement. Il ne sert à rien de
tenter de réécrire l’histoire après coup.
Ressouder les militants avec l’exécutif passe enfin par l’écriture d’une ligne politique
claire et compréhensible de tous. Nous souhaitons proposer aux militants de
réaffirmer notre attachement à la social-démocratie.
Retrouver le vrai visage du socialisme
Ce congrès doit dire clairement quels sont nos projets, nos contraintes et nos choix
pour la France. Notre parole publique doit systématiquement porter un message de
transformation sociale au bénéfice de tous. François Mitterrand était conscient que
“chaque effort demandé à la nation devait avoir pour contrepartie un progrès social
au bénéfice de tous”.
Ce message de transformation sociale ne peut que s’ancrer dans le réel. Les
sociaux-démocrates ont longtemps combattu les chimères marxistes, ils doivent
aujourd’hui apprendre à lutter contre les utopies technocratiques et la pensée unique
des énarques ou des technocrates de Bruxelles.
Sortons de la caricature d’une élite déconnectée prônant qu’être moderne, c’est
donner l’espoir aux jeunes de devenir milliardaires. Les Français ont montré en
marchant massivement le 11 janvier 2015 ont défendu la Fraternité, valeur
orthogonale à la cupidité. Cela peut paraître un détail, mais l’effet de ces saillies à
répétition est dévastateur. Que dirons-nous aux Français lorsque l’UMP proposera de
travailler 52 dimanches par an, alors que nous aurons totalement baissé les armes
auparavant?
Rompons avec cet héritage de l’Ancien Régime: les courtisans. La haute fonction
publique doit retrouver sa place: servir l’Etat et mettre en œuvre le projet politique
porté par la majorité. Si le pays va mal, malgré les alternances politiques, c’est aussi
parce que l’appareil d’Etat n’est plus au niveau des enjeux et des crises que nous
affrontons. L’ENA n’est pas le temple sacré de la méritocratie républicaine, mais un
outil de reproduction d’élites, “trustant” les mêmes fonctions sur plusieurs
générations. Lorsqu’un haut fonctionnaire rencontre un député, le message est
parfois direct: “Nous, nous serons toujours là”.
La technocratie ne peut supplanter la démocratie. Les socialistes, et d’abord leurs
élus, doivent retrouver une nouvelle exigence de travail. Nous avons déjà largement
récrit le logiciel du parti socialiste, mais les élus doivent le prendre en main.
Tout guide du nouvel élu devrait commencer par ces mots: “vivre les pieds ancrés
dans le réel, écouter, se poser les bonnes questions, triturer les idées, confronter
son action aux principes socialistes, développer son sens critique pour mieux évaluer
les préconisations technocratiques”.
Léon Blum prônait lors du Congrès de 1946 une mobilisation pour le changement
réel de la société : “Vous invoquez la nécessité du renouveau. Mais plus que tout le
reste vous avez peur de la nouveauté.” En faisant systématiquement référence à
Tony Blair et Gerhard Schröder, deux dirigeants politiques des années 90, on
s’éloigne de cette exigence. La modernité, ce n’est pas reprendre de vieilles recettes
qui ont profondément fragilisé la social-démocratie européenne, au point d’installer
durablement les conservateurs allemands et anglais au pouvoir. Pour être moderne,
on ne peut oublier le progrès social et transformer nos militants en une force
supplétive du patronat.
Être moderne, c’est d’abord vouloir innover. Aucune action ne devrait pouvoir se
faire, sans explorer toutes les pistes possibles d’amélioration. Aucune action ne
devrait être réalisée, sans s’interroger sur la cohérence avec les grands principes du
socialisme.
Lorsque 3,5 millions de nos compatriotes sont confrontés au chômage de masse, il y
a bien d’autres priorités que de changer le nom du parti ou de le dissoudre dans une
maison commune, qui ne peut avoir de sens que si l’objectif est de porter un projet
de société plus fort et de porter un projet bien défini.
Disons-le clairement et sans peur du débat: passé le vernis de la communication,
nous ne voyons, aujourd’hui, aucune vision d’avenir derrière le concept de maison
commune. La modernité ce n’est pas l’aventure, c’est de renouveler nos méthodes
de travail. L’alliance des forces de gauche est souhaitable, mais elle ne sera pas
possible sans un respect mutuel entre les partenaires et surtout sans un immense
travail sur les principes, sur les valeurs et sur le projet de société.
Toute notre énergie doit aller dans le même sens: recréer le lien entre les socialistes
et le peuple de gauche, redonner de la visibilité à nos valeurs et de la fierté aux
militants. Pour cela il faut lever le voile qui brouille nos repères. Tant qu’il y aura des
inégalités, le mot “socialiste” sera d’un cruel présent. L‘accumulation de richesses par
une frange sans cesse plus étroite au détriment du reste de la planète conforte
malheureusement son actualité.
Être socialiste au 21ème siècle ?
Au gré des événements qui ont façonné le mouvement socialiste depuis le congrès
de Tours en 1920, c’est la social-démocratie, qui s’est progressivement installée au
cœur du mouvement socialiste français. Certains réclament un aggiornamento, un
Congrès à la Bad-Godesberg, parce qu’ils ne connaissent pas notre histoire, nos
statuts et nos déclarations de principes.
Nous nous inscrivons dans une ligne claire: nous sommes attachés à la socialdémocratie et nous rejetons dos-à-dos les théories marxistes ou libérales,
apparemment opposées, mais qui partagent une même vision d’un rapport de force
et de violence permanent entre les individus.
Notre vision du socialisme est directement inspirée de ces 3 piliers portés par Aristote
: “L’homme est un animal politique”, “la communauté est affective” et “toute mise en
commun se fonde sur la justice”. L’individu n’est pas qu’un être égoïste, qui se
regroupe en société par calcul opportuniste. La société n’est donc pas un poids ou
une contrainte pour les individus, mais un espace d’échanges, d’épanouissement et
de fraternité, permettant de se reconnaitre en tant que citoyens et membres d’une
même communauté affective. Notre vision de l’individu n’est pas celle des libéraux,
car elle conçoit que les individus peuvent se réunir autour de projets et de grandes
causes, sans être dans le calcul et la marchandisation systématique des relations et
des liens avec les autres.
Être socialiste, c’est faire le pari d’un individu éduqué et autonome, acteur éclairé
d’une société apaisée, juste et propice à une multiplication des liens de solidarité et
de coopération entre les citoyens. Ne sacrifions pas notre projet de société, et
préservons la place de l’éducation et de la justice. “Être socialiste, c’est ne pas se
satisfaire du monde tel qu’il est, c’est vouloir changer la société. L’idée socialiste
relève, à la fois, d’une révolte contre les injustices et du combat pour une vie
meilleure” dit notre déclaration de principe, depuis 2008.
Le socialisme est donc une volonté d’élévation de l’individu et de la société par
l’émancipation.
Le socialisme est une révolte.
“De quoi est né le socialisme ? De la révolte de tous ces sentiments blessés par la
vie”, écrivait Léon Blum, qui a su impulser une dynamique de progrès social au
bénéfice de tous, dans un pays ravagé par les suites de la crise financière de 1929.
La révolte est une respiration nécessaire de la démocratie, car la révolte contre
l’injustice permet d’activer une dynamique de changement. Face à ce besoin de
révolte, on ne doit pas abdiquer chaque jour devant les impératifs d’une gestion
technocratique. Bien sûr, “l’Etat ne peut pas tout”. Les indignations successives nonsuivies de mesures correctrices sont vaines. Mais, il est nécessaire de porter la voix et
la révolte de ceux qui n’ont rien ou si peu, dans le but de créer une société plus juste
Pour Léon Blum, “on est socialiste à partir du moment où l’on a cessé de dire : Bah !
c’est dans l’ordre des choses; il en a toujours été ainsi, et nous n’y changerons rien!
On est socialiste à partir du moment où l’on a senti que ce soi-disant ordre des
choses était en contradiction flagrante avec la volonté de justice, d’égalité, de
solidarité ». Le socialisme est une transgression de ceux qui ne veulent pas se
résigner à l’injustice. Les socialistes doivent défendre partout la justice, le meilleur
moyen de consolider le vivre-ensemble. Pas une seule action ne peut se revendiquer
de la morale laïque socialiste, si elle fait reculer dans la société l’idée de la justice.
L’école de la République doit retrouver cette fonction originelle portée par ses
fondateurs : transformer l’enfant en un être autonome, par un lent et progressif
apprentissage des grands principes de la société, dans le but de leur permettre de
devenir de vrais citoyens de la république, dans le but de distribuer les places et les
fonctions dans la société en fonction des aptitudes et des mérites, plutôt qu’en raison
de la naissance et du lignage.
C’est pour cette raison que les socialistes doivent lutter contre la paupérisation de
l’éducation nationale, qui fragilise nos citoyens en devenir et qui s'accommode de ne
plus être qu’un outil de sélection dans une mécanique de reproduction sociale. Être
socialiste, c’est ainsi réfuter ce vocable « d’égalité des chances ». La République
n’est pas une affaire de hasard, mais bien le résultat d’une volonté commune et le
prix de longs efforts pour faire travailler ensemble des citoyens. L’égalité des
chances est une mauvaise réponse à une vraie question, qui suppose l’abdication
permanente de la république devant des facteurs de déterminisme social comme le
lieu de résidence, la coloration du patronyme, l’école délivrant un diplôme.
La réintroduction de la morale laïque républicaine et de l’instruction civique à l’école
renoue avec cette promesse que chaque enfant puisse être un citoyen libre et éclairé
.
“Le socialisme est une morale laïque”, Léon Blum.
Le socialisme est une morale moderne et laïque, une éthique, qui doivent être
partagées par les socialistes.
Au 20ème siècle, la question sociale sur la place des classes populaires et sur celle
des classes moyennes était centrale. En ce début du 21ème siècle, nos débats font
du socialisme une question économique sur le rôle de l’Etat dans la production. En
posant de mauvaises questions, on perd ses repères : le socialisme est d’abord la
morale laïque d’un citoyen et l’éthique collective d’un groupe d’individus, qui
partagent une même vision de la société.
Cette morale, cette éthique, ces principes vont permettre d’éclairer chaque décision
ou chaque action au travers d’une grille de lecture partagée entre militants, élus et
électeurs. Le socialisme se meurt lorsque la morale n’est plus au coeur de l’action
des socialistes. Les scandales, les soupçons d’affairisme et les situations de conflits
d’intérêts que l’on détecte dans les sphères du pouvoir, nous font alors du mal et font
gonfler le vote FN.
Notre morale doit nous permettre de mesurer chaque action, chaque intervention,
chaque vote avec ces critères: “Que dois-je faire? Que puis-je espérer? Est-ce que
ma décision va avoir pour effet d’encourager le vivre-ensemble et l’ouverture sur
l‘autre? Est-ce que ma décision va encourager le retour à l’individualisme et au repli
sur soi?”. La morale socialiste est singulière et se distingue fortement de la morale
libérale. Les socialistes portent une conception fraternelle de la société. Loin des
égoïsmes primaires, l’homme moderne trouve du plaisir et de la reconnaissance dans
la vie en société. Dans Pour être socialiste, Léon Blum pose clairement cet enjeu:
“Nous sentons que la vertu véritable, celle que procure la pleine satisfaction du cœur,
c’est de pouvoir sacrifier fût-ce notre intérêt commun et notre profit égoïste, au
bonheur commun”.
Le socialisme est un avenir commun
Être socialiste, c’est vouloir lier des individus dés-associés, alors que les libéraux
pensent qu’il faut protéger les individus de la société pour ne pas gâcher leurs
talents d’entrepreneurs. C’est une différence fondamentale, qui invalide ces
tentatives visant à unir sous une même bannière le socialisme et le libéralisme.
Être socialiste, c’est mettre le respect de la loi républicaine au cœur du contrat social.
Cela passe par des lois, fabriquées pour être comprises et respectées. Les
socialistes au pouvoir doivent donc veiller à voter des lois utiles et applicables. Les
lois d’intention, pour faire débat, fragilisent le contrat social. Les lois techniques, qui
construisent des usines à gaz, fragilisent le droit.
Pour être légitimes et respectées, les lois doivent être rares mais efficaces à produire
du bien commun. La loi doit être forte pour éviter l’usage de la force brute, qui
soumet aveuglément les individus. Le socialisme français s’est construit en renvoyant
dos à dos les libéraux et les marxistes, les libéraux parce qu’ils justifient la force et la
soumission des individus au pouvoir de l’argent, les marxistes parce qu’ils prônent
l’utilisation de la force pour soumettre une partie de la population.
Les socialistes doivent organiser le fonctionnement de l’Etat pour garantir le respect
de la loi républicaine et moderniser l’Etat Providence, modernisation indispensable à
la solidarité entre les générations.
Les concepts de Fraternité et de Care portés respectivement par Ségolène Royal et
Martine Aubry ont été raillés par ceux qui s’affichent aujourd’hui comme des
“socialistes modernes et pragmatiques”. Ils ont eu tort.
Au nom du modernisme, certains socialistes ont abandonné toute velléité d’améliorer
la vie des français alors que les projets de Fraternité et de Care ouvraient bien une
voie à la réconciliation entre l’individu et la société. La droite a tenté d’écrire un projet
autour d’une crise identitaire. Or en faisant cela, elle a ouvert la porte aux débats les
plus nauséabonds sur le rejet de l’autre. Nous avons tenté de répondre au concept
de l’identité par des arguments sur l’immigration, sans comprendre que nous faisions
fausse route.
Cette crise de la société n’est pas une crise de l’identité française, c’est une crise du
modèle de production, qui met à mal l’ensemble des mécanismes de financement de
nos institutions. La fragilité des institutions républicaines attaquées jusqu’à l’os par
des décennies de coupes budgétaires risque de briser les reins de notre modèle
républicain. Or le débat artificiel sur l’identité et l’immigration est une mauvaise
réponse à apporter à la crise qui existe sur la place des individus dans la société.
La crise doit être mieux identifiée, les mauvaises questions doivent être écartées du
débat public et les socialistes doivent mettre en avant leur projet, capable d’apporter
des réponses efficaces, en puisant dans l’histoire de notre mouvement. Le socialisme
s’est construit au cours de la 3ème république dans le rejet des ligues. Notre vision
d’une société dans laquelle les individus coopèrent les uns avec les autres est
particulièrement adaptée aux temps de crise, parce que nous pouvons alors mettre
en lumière les incohérences et les limites du modèle libéral.
Ce qui manque à la France, c’est de dire comment s’organisent les rapports entre les
français et le monde globalisé. Ce qui manque à la République, c’est de dire
comment s’organisent les rapports entre les individus face à la montée du repli
identitaire et des communautés. Ces questions sont déterminantes, parce qu’elles
réclament des réponses qui prennent en compte le changement de société et la fin
du modèle industriel de l’après-guerre.
Le monde et le pays ont changé et nous devons bâtir le nouveau modèle français,
sans sacrifier nos valeurs socialistes et nos principes républicains qui sécurisent les
citoyens. L’élan républicain du début de l’année nous montre la voie : c’est en
puisant aux sources de notre idéal, que l’on pourra régénérer la France et la rendre
plus forte dans le concert des nations.
Quel parti, pour quels militants?
Pour bâtir ce monde émergent, il faut un PS debout. La volatilité des électeurs, la fin
des idéologies et une forme de repli sur soi contraignent à réinventer le rôle et la
place des militants dans le fonctionnement du parti. D’abord, le PS doit assumer
d’être à nouveau une école militante et un lieu où se pensent les réponses
politiques. La perte du monopole de désignation du candidat socialiste à l’élection
présidentielle avec le système des primaires doit conduire à repenser la fonction des
militants. Ils ne peuvent être uniquement les bras armés d’un candidat qui distribuent
des tracts et frappent aux portes aux veilles d’élections. Ils ont un ancrage territorial
et sont chacun un capteur de ce qui se passe dans notre société. C’est d’abord aux
élus socialistes d’associer leurs camarades à l’exercice du pouvoir à tous les niveaux
pour préparer un projet, à chaque élection, pensé collectivement. Le digital offre des
pistes pour mieux associer les militants à la décision.
Nous ne pouvons pas éluder non plus la question de la diversité des militants (âge,
origine sociale, présence sur l’ensemble des territoires) et nous ne pouvons pas nous
contenter de nous lamenter de la quasi-disparition des classes populaires parmi les
militants ainsi que notre faible capacité à politiser les quartiers les plus défavorisés.
Le non cumul des mandats dans le temps et en nombre de mandats détenu doit être
un outil pour que le PS retrouve son rôle d’émancipation, de révélation et de
promotion sociale par la politique. L’institutionnalisation des élus socialistes dans les
bassins ouvriers pendant 30 ans a enlevé toute perspective de porter les couleurs du
PS aux élections pour de nombreux camarades. Ceux qui détiennent un mandat ne
doivent plus oublier que leur candidature n’est que la somme des renoncements des
autres camarades à se présenter eux-mêmes.
Le PS doit à nouveau s’adresser aux classes populaires, reprendre ce discours
d’émancipation, de formation. Un parti doit être aussi utile à ses adhérents, les
élever, les former et leur apporter une raison de militer et d’être fiers. Le PS doit
renouer avec sa fonction d’université populaire et permanente pour aider ses
membres à avancer en se construisant individuellement dans le collectif. C’est à ce
prix seulement que nous pourrons renouer avec le vote des catégories populaires et
créer un effet d’entraînement profond et durable dans la société française.
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