LTartère épigastrique supérieure ne passe pas par la fente de Larrey

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Y.-P. BAUDOIN, M. HOCH, X.-M. PROTIN, B.-J. OTTON, B. GINON ET E.-J.
VOIGLIO
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L'artère épigastrique supérieure (AES) est la branche terminale abdominale de
l'artère thoracique interne (ATI). Son trajet au niveau de l'orifice inférieur du
thorax diffère selon les auteurs. D'après Rouvière [14] et Bouchet [2], l'AES
passerait dans la fente de Larrey WULJRQXPVWHUQRFRVWDOH, donc à travers un
orifice du diaphragme. Mais pour d'autres, comme Netter dans ses planches
anatomiques [12], ou Kubik dans son livre d'anatomie chirurgicale du thorax [9],
elle passerait en avant du diaphragme et du muscle transverse de l'abdomen.
C’est en raison de la diversité des descriptions relatives au passage de l'AES au
niveau de la partie antérieure du diaphragme, que nous avons entrepris cette étude,
dont le but était de décrite les rapports de l'AES sur son segment thoraco-
abdominal.
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Notre étude s’est déroulée en deux temps. Dans un premier temps nous avons
réalisé une série de dix dissections sur corps humains formolés et quatre
dissections sur corps frais. Nous n’avons étudié que la partie antérieure de la paroi
thoraco-abdominale et les insertions antérieures du diaphragme. Une large
incision passant au-dessus de l’incisure sternale, rejoignant les lignes axillaires
moyennes droite et gauche au niveau des troisièmes côtes, se prolongeant vers le
bas jusqu’aux hypochondres droit et gauche et se terminant par une incision
horizontale reliant les deux hypochondres nous a permis de soulever un volet
antérieur thoraco-abdominal après section des côtes et des clavicules au
costotome. Le diaphragme était ensuite coupé selon un plan frontal, passant en
avant de l’orifice de la veine cave inférieure. Le volet était libéré en passant en
bas à travers le péricarde pariétal et en haut à travers les adhérences du médiastin
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antérieur, afin de ne pas léser la partie sternale du diaphragme. Une fois le volet
individualisé, le feuillet de péritoine pariétal était réséqué du diaphragme, de
l’aponévrose du muscle transverse de l'abdomen et du feuillet postérieur de la
gaine des muscles droits. Le sac péricardique ainsi que le feuillet pleural pariétal
étaient de même réséqués de la face supérieure du muscle diaphragme. Ce travail
préalable de dissection nous a permis de dégager les fentes antérieures du
diaphragme et il ne restait plus alors qu’à disséquer les ATI en haut (en dehors du
sternum, sous le muscle transverse du thorax) et les AES en bas (sous le feuillet
postérieur de la gaine du muscle droit de l’abdomen de chaque côté) afin d’en
étudier le trajet. Après coloration à la gouache, des photographies ont été
réalisées.
Dans un deuxième temps, nous avons étudié les images du9LVLEOH+XPDQ
3URMHFW [16] Nous avons analysé des coupes thoraco-abdominales (coupes
b_vm1460.jpg à b_vm1565.jpg), afin de suivre le trajet de l'ATI et de l'AES par
rapport aux structures anatomiques environnantes: diaphragme (parties sternale et
costale), fentes de Larrey WULJRQXPVWHUQRFRVWDOH, muscle transverse du thorax,
muscle transverse de l’abdomen, aponévrose des muscles droits de l’abdomen.
Nous avons ensuite retravaillé ces coupes par un logiciel de traitement d’image
(Adobe Photoshop 4.0) afin d’obtenir des images facilement exploitables et
compréhensibles par coloration des différentes structures anatomiques qui
présentaient un intérêt lors de cette étude. Un schéma a été réalisé à partir des
données de ces coupes.
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Les quatorze dissections ont permis chaque fois les mêmes constatations. Après
avoir mis en évidence les fentes de Larrey WULJRQXPVWHUQRFRVWDOH (figs. 1-3),
nous avons observé qu’aucun élément vasculaire n'était retrouvé dans ces fentes,
obstruées en bas par le péritoine pariétal, et délimitées en avant par l’aponévrose
du muscle transverse de l'abdomen (fig. 4). Les chefs inférieurs du muscle
transverse du thorax se confondaient avec le muscle transverse de l'abdomen. La
branche terminale abdominale de l’ATI passait en avant du plan formé par ces
deux muscles tandis que les parties sternale et costale du diaphragme étaient en
arrière de ce plan.
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L’AES passait donc en avant de la limite antérieure de la fente de Larrey
représentée par le muscle transverse du thoraxqui était en continuité avec le
muscle transverse de l'abdomen.
Quel que soit le niveau de coupe du 9LVLEOH+XPDQ3URMHFW il existait toujours un
plan musculo-aponévrotique entre la fente de Larrey WULJRQXPVWHUQRFRVWDOHet
l’artère et des deux veines épigastriques supérieures (fig. 5). La fig. 6 montre le
schéma reconstruit à partir de ces coupes.
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Le Baron Larrey, chirurgien d’armée de l'Empire Français pendant les guerres
napoléoniennes plus qu’anatomisten, s’est intéressé à cet espace parce qu’il
permettait la ponction d'un hémopéricarde sans risque, notamment vasculaire [10].
Il est donc étonnant de trouver son nom associé au passage d’une artère par cet
orifice.
Morgagni [11] a décrit des hernies par cet orifice, qui prend le nom de fente de
Morgagni dans la terminologie anglo-saxonne. Cependant, ni Larrey, ni Morgagni
n’ont découvert cet espace triangulaire. Vésale [17], le premier, a cité les
insertions sternales et costales du diaphragme et Haller [6] a précisé que l’hiatus
séparant ces dernières contient l’artère thoracique interneDepuis, dans les traités
classiques [1, 3, 4, 5, 15], la fente de Larrey est le lieu de passage de la branche
épigastrique supérieure de l’artère thoracique interne.
Nous n’avons pas trouvé dans nos dissections les mêmes constatations. L’étude du
9LVLEOH+XPDQ3URMHFW confirme nos résultats, de même que les planches du
Netter [12] et celles du Pernkopf [13]. Bien plus, le schéma du Testut [15] montre
l'AES ne passant pas dans la fente de Larrey, alors que sa légende le déclare
expressément. Netter et les dessinateurs de Testut et de Pernkopf ont dessiné
d’après nature, alors que le texte du Testut reprend dans une large mesure les
descriptions antérieures. Il s’agit d’une affirmation erronée reprise d’ouvrage en
ouvrage.
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Un décalage de définition des fentes de Larrey entre notre étude et ces ouvrages
d'anatomie serait possible. La discordance viendrait alors de la limite antérieure
des fentes. Mais cette hypothèse paraît difficilement acceptable. La série de
dissections que nous avons effectuée a fait ressortir que les artères thoracique
interne et épigastrique supérieure sont situées nettement en avant des fibres du
muscle transverse du thorax et de celles du muscle transverse de l'abdomen. On ne
peut pas raisonnablement associer leur trajet à une quelconque partie antérieure
des fentes de Larrey. D’autre part nous avons pu observer que les muscles
transverses du thorax et transverses de l’abdomen sont dans un même plan : le
muscle transverse de l’abdomen poursuit en bas le transverse du thorax comme le
montrent d'ailleurs sans ambiguïté les planches du Wolf-Heidegger [8].
Il faut se méfier du finalisme en anatomie. La présence d’un hiatus n’est pas
nécessairement corrélée au passage d’une structure. L’embryologie explique
mieux l’anatomie que l’KRUURUYDFXL. Comment l'AES peut-elle se trouver en
avant du feuillet postérieur de la gaine du droit sans passer devant le transverse ?
Comment pourrait-t-elle être devant le transverse si elle traversait le diaphragme ?
L’anatomie (comme les autres sciences descriptives) doit reposer sur des faits
avérés. Il faut avoir lu la source ou avoir disséqué. Il ne devrait plus y avoir de
transmission livresque par recopiage d’ouvrages antérieurs. L’immense corpus
anatomique accumulé doit être connu, lu et critiqué. Il est objet de redécouverte
permanente et ne doit pas se cantonner à une paraphrase.
Les fentes de Larrey apparaissent donc comme un espace avasculaire. Comme le
soulignait Larrey, il s'agirait bien d'un espace pour les ponctions péricardiques
atraumatique. Le seul intérêt du WULJRQXPVWHUQRFRVWDOH est l'existence de hernies
congénitales empruntant cet orifice et laissant passer principalement du grand
omentum et du colon transverse [7]. Il est à noter que lors des cures de ces hernies
l'AES reste donc protégée par un plan aponévrotique.
&RQFOXVLRQ
La fente de Larrey ou WULJRQXPVWHUQRFRVWDOH est limitée en dedans par le bord
latéral de la partie sternale du diaphragme, en dehors par le bord médial de la
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partie costale du diaphragme, en avant par le plan musculo-aponévrotique formé
par le muscle transverse du thorax en haut et le muscle transverse de l'abdomen en
bas, sans qu'il y ait de limite nette entre ces deux muscles. L'artère épigastrique
supérieure, branche terminale abdominale de l'artère thoracique interne passe en
avant de ce plan musculo-aponévrotique.
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)LJ Vue postérieure du plastron sterno-costal
)LJ Vue supérieure du WULJRQXPVWHUQRFRVWDOH
)LJ Vue inférieure du WULJRQXPVWHUQRFRVWDOH ne montrant aucun vaisseau le traversant
)LJ Les vaisseaux épigastriques supérieurs courent en avant de l’aponévrose du muscle
transverse de l’abdomen
)LJ Coupe # b_vm1535 (9LVLEOH+XPDQ3URMHFWTM) colorée
)LJ Vue schématique de la région. D7,, artère thoracique interne; D(6, artère épigastrique
supérieure; P77, muscle transverse du thorax; P7$, muscle transverse de l’abdomen; 36, partie
sternael; 3&, partie costale; 76&, WULJRQXPVWHUQRFRVWDOH; P5$, muscle droit de l’abdomen
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