?O Centre Dramatique de Thionville-Lorraine: c'est donc sous ce nouveau
nom que le Théâtre Populaire de Lorraine poursuit son histoire, longue de déjà
quarante et une années riches en péripéties et en passions. Ce nouveau nom ne vise
bien sûr pas à effacer la mémoire de cette épopée, dont je me sens plernement
l'hérrtier en ce qu'elle participe d'une histoire plus vaste, celle de la décentralisation
dramatique et de l'essor du théâtre public en France ll permettra en revanche
d'assurer la pérennité de cette institution en réaffirmant avec force sa nature: un
Centre Dramatrque est un théâtre public, dirrgé par un artiste et ayant pour mission
d'être un lieu de création o En plus d'accueillir des spectacles,le Centre Dramatrque
sera donc le plus souvent possible dans les années qui viennent un lieu de répétitions
pour les équipes artistiques programmées Cette présence accrue des artistes à
Thionville enrichira, je crois,les rapports de notre théâtre avec ses publics. Elle est
rendue aulourd'huipossible par l'acquisition d'une nouvelle salle de théâtre. À côté du
théâtre municipalviendra s'implanter dès janvier 2oo5 un théâtre en bois pouvant
accuerllir z5o spectateurs, lieu maglque qui s'ajoutera aux deux salles existantes et qui
offrira un nouveau rapport des spectateurs à la scène, chaleureux, moins solennel. o
Cette prééminence des créations dans notre programmation oblige à l'heure ou 1'écris
ces lignes à vanter les mérites de spectacles qui pour la plupart n'existent pas encore.
lls n'en sont que plus beaux et je rêve qu'rls forment tous réunrs une saison à Ia fois
cohérente et éclectique. o Cohérente, car nous n'accueillerons que des artistes pour
qui l'interrogation inlassable du monde est indissociable d'un questionnement des
formes théâtrales mêmes. Dans un monde abreuvé comme jamais d'images et de
représentations, il me semble que le théâtre n'est pertinent, sa survivance n'est
justifiée que lorsqu'il æuvre sans cesse à réinventer sa singularité Comme la peinture
s'est découverte de nouveaux horizons après la decouverte de la photographie, le
théâtre d'aulourd'hui, contemporatn d'une télévision et d'un cinema hégémoniques,
se doit d'offrir aux spectateurs une expérience qu'ils ne pourraient vivre ailleurs .
Éclectique, car notre objectif n'est pas de réunir à Thionville une école esthétique ou
une chapelle. Chacun des spectacles de cette saison sera,j'en suis sÛr, radicalement
différent des autres, Non que cette diversité traduise une quelconque tiédeur dans
nos choix, mais parce que nous espérons qu'elle vous offrira, à vous spectateurs,
l'opportunité de redéfinir votre place. Nous ne vous proposons pas de communier
dans une même foi, mais d'être étonnés, séduits, irrités parfois, en un mot,actifs.
Laurent Cutmann
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O Pièce passionnante, Splendid's est l'un des carrefours les plus secrets de
l'æuvre de Cenet. Sartre, ayant lu le manuscrit, la trouvait encore meilleure que
Les Bonnes.Après avoir mis en scène Le Bolcon, oùr Cenet célèbre les fastes et les
pièges de la magnification de l'lmage, Laurent Cutmann a entrevu dansSplendid's,
«histoire de la défaite de l'image», quelque chose comme une confidence, à demi-
échappée à son auteur et aussitÔt vouée au silence (Cenet mourut sans en avoir
autorisé la publication). Iintrigue, à premrère vue, est simple. La bande de La Rafale
a kidnappé une riche héritière américarne pour rançonner son père. [affaire tourne
mal, l'Américaine est tuée, et les sept malfrats se retrouvent assiégés dans un grand
hôtel. La police ne se doute pas encore que l'otage est morte, ce qui explique que
l'assaut final n'ait pas encore été donné. Splendid's fait le récit des derniers instants
vécus par les gangsters, auxquels s'est joint un transfuge des forces de l'ordre.
Sur cette trame d'apparence presque naïve, Cenet bâtit sa pièce peut-être la plus
classique. Lunité de lieu et d'action, nettement marquée, forme le cadre implacable
et sans issue tout semble imposer un dénouement sanglant. ll ne manque plus
à Splendid's que la fatalité tragique d'une telle fin, elle conférerait à l'aventure
de La Rafale, tombée au champ d'honneur du crime, la noblesse d'allure d'une geste
légendaire. C'est précisément en ce point que Splendid s commence à se compliquer.
Car l'hôtel désert que hantent les bandits condamnés répond exactement à la défi-
nition que Cenet donnera de la scène quelques années plus tard : « lieu voisin
de la mort, orlL toutes les libertés sont possibles». Aussi chacun des sept complices
agit-il plus librement que jamais. Leur chef veut désigner un bouc émissaire pour la
mort de l'otage, rêve de survivre pour s'évader un jour et reconstituer la bande - bref,
cherche à transiger avec l'inéluctable. Mais personne ne l'écoute plus. Chacun use du
peu de temps qui lui reste pour réagir à sa façon à une mort si imminente qu'elle en
èst présente: «nous avons déjà cessé de vivre>>, dit l'un d'eux.0r cette mort dès
la vie est-elle vraiment plus qu'un jeu ? lidéal du criminel n'a pas à se conformer aux
canons esthétiques et moraux de l'héroisme sublime. [et héroïsme-là n'est encore
qu'une image qui lui est imposée de l'extérieur. Au nom de quel engagement devrait-il
lui rester fidèle? Et si sa perfection s'avérait être d'un autre ordre * sielle ne consis-
tait pas à tenir (ses promesses, son rang, sa parole), mais à lâcher et à être lâche?
Ainsi, dans Splendid's,la «beauté en creux» chère à Cenet se creuse davantage encore,
en se manifestant par une sorte d'abdication, une mythologie intime, une certaine
idôlatrie découvre qu'en elle se tapit encore une loi, laquelle demande à être ren-
versée. Ne reste plus alors en scène qu'une poignée d'hommes «profondément seuls,
désenchantés et curieusement légers», conclut Laurent Cutmann, «l'humanité ici
représentée n'est l'allégorie de rien».
Grrndrulb
« Dans la plus misère qu'est-ce
grande
que tu chercherais à devenir, où, dans
quoi irais-tu te cacher ? »
SPLENDID'§*,,,,
De Jean Cenet
Mrse eru scÈrue Laurent Gutmann
Avrc Stephen Butel, Luc-Antoine Diquero, Cyril Dubreuil, David
Gouhier, Francis Leplay, Marco Lorenzini, Eric Petitjean, Nicolas Pirson
ScÉruocnapnrE Laurent Gutmann et Alexandre de Dardel
Cosrunlres AxelAust, LunltrÈnrs Gilles Gentner, Soru Madame Miniature
Assrsrnrure À m nltrse eru scÈrur Catherine Vinatier
Production
Centre Dramatique de Thionville-Lorraine
Et't copnooucrrou avrc La Halle aux Grains - Scène
Nationale de Blois, Théâtre National du Luxembourg
octobre'o4 20 rghoo
21 2oh3o
Me
Je O Connaissez-vous Evguéni Schwartz ? Stallne a tout fait pour nous le cacher,
sans parvenir à étouffer tout à fait sa volx. Car Schwartz appartient, comme Boulgakov,
Daniil Harms et tant d'autres, à une grande génératron sacrifiée de la littérature rus-
se, celle d'une époque les livres qui compiaient vraiment se conftaient de la main
à la main. Mais s'il est urgent de s'ouvrir aujourd'hui à l'ceuvre de Schwartz, ce n'est pas
simplement pour s'acqurtter d'un devoir de mémoire, c'est d'abord que ce théâtre-
est une fête de l'intelligence et du rêve, oiL la satire sociale et politique est d'autant
plus mordante et âprement réjouissante qu'elle se donne des airs de conte pour
enfants. Ecrrte en r934, alors que l'hitlérisme se déchaîne en Allemagne, la fable du
Roi nu, sous-titrée <<Lo Princesse et le porcher», emprunte en effet à Andersen une
trame rapide et fantaisiste, parsemée de sourires qui parfois se font ambigus.
Schwartz y raconte comment Henriette et Henri, la prtncesse ingénue et le porcher
débroulllard, voient leurs amours bucoliques compromises par la volonté du roi, qui
tient à donner sa fllle au souverain du royaume voisin, despote grotesque qui tyrannise
ses sujets. Chassés de leur tendre paradis de pastorale, les deux amants devront s'en
remettre à la ruse pour faire échouer ces horribles noces... Sous la figure de la brute
qui se revêt complaisamment, pour son mariage, d'un vêtement de cérémonie censé
être invisible aux yeux des idiots et des traîtres (vêtement qu'il est donc le premier
à farre mine de voir), Schwartz voulait d'abord, dlt-on, prendre Hitler pour cible. Mais la
soupçonneuse bureaucratie stalinienne avatt le regard trop argu pour ne pas percer
à jour une telle trame et se sentir visée à son tour: ce conte pour enfants n'autortsatt
que trop une lecture d'adultes, cet humour-là invltalt à des réflexions bien sérieuses,
cette fantaisie bariolée avait tout l'air d'avorr pour envers un réeld'une étoffe trop
noire... Evguéni Schwartz, mort en r958, dut attendre vingt-trois ans la création de
sa pièce. Et en France, ilfallut patienter près d'un demi-siècle de plus avant qu'André
N/arcdwicz, grand traducteur et spéciallste de théâtre, en propose une version
nouvelle, restituant à merveille la truculence poétique,la bigarrure verbale et les jeux
de mots de l'original. Laurent Pelly, le dtrecteur du Centre Dramatique National des
Alpes, étalt fait pour être sensrble à ce ton sl particulier, qui«mêle le cabaret, le
théâtre et la farce pour développer et imbriquer des intrigues et des univers différents».
Avec Le Roinu,schwartz réussit ce qu'ilaime par-dessus tout, «parler de choses
profondes, graves et humaines, sans niaiserte mais à travers une forme drÔle
et ludique». À la tête d'une troupe formidable d'engagement et d'entrain, Pelly s'est
emparé de la fantaisre de Schwartz pour créer un spectacle bien dans sa manière -
énergique et subtile, pétillant d'une verve sans cesse renouvelée - dont Ia légèreté
entraînante et la poignante joie ont enchanté la critique et les publics de Crenoble
et de Bruxelles.
Grande salle
« Un tissu invisible aux gens qui sont
inaptes àleur
idiots finis »
ou qui sont desfonction
LE ROl",N^[r_DE'ïAl's
Dr Evguéni Schwartz
Texre rnauçars oe André Markowicz*
Mrse eru scÈrrre Laurent Pelly
AvEc Emmanuel Daumas, Grégory Faive, Audrey Fleurot, Rémi
6ibier, Sacha Kremer, Caëtan Lejeune, Eddy Letexiet Karim Qayouh,
Jérôme Ragon, Patrick Zimmermann
DRananruncre Agathe Mélinand, Sorrr Eric Fodil, ScÉruocnapnre Chantal
Thomas, Cosrunltes Laurent Pelly en collaboration avec Donate
Marchand, LunlrrÈnes Joël Adam, Mnseur Véronique Genet,
Mneutt-uces Suzanne Pisteur, Musrque oe u <<Chanson du chaudron>>
Camille Cermser, Assrsmrurs À u nltrse eru scÈrue Jean-Christophe
Hembert & Grégory Faive, Assrsmrure À ll scÉuocRepnre
lsabelle 6irard-Donnat, CollaeonAroN AUx cosruues Jean-Jacques
Delmotte, Frédérique Payot-Zanolla assistés de Marie Hubert,
Marianne Varale & Virginie Debauge
Production
Centre Dramatique National des Alpes - Crenoble
Er,r copnooucrroru rvEc le Théâtre National de la
Communauté Wallonie Bruxelles
*Edition Les Solitaires lntempestifs
décembre'o4 w rghoo
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wzohTo
w tghoo I zrhoo
wrThoo o rghoo
Une création de Transquinquennal en coproduction avec
le Théâtre Les Tanneurs, avec l'aide du Ministère de la
Communauté française Wallonie-Bruxelles et le soutien
de l'Agence Wallonie-Bruxelles Théâtre.
O Présenter Transquinquennal tient de la gageure. D'un spectacle, voire d'un
soir à l'autre, ces quatre comédiens-là semblent s'être donné le mot pour surprendre
leur public, rafraîchir son regard, éveiller ses facultés critiques, sans jamais se reposer
sur leurs lauriers. Car s'il y a une équipe qui prend au sérieux des termes comme «art
vivant» et <<recherche)), c'est bien celle-là. Mais leur but n'est certainement pas de
provoquer la surprise pour elle-même. Elle n'est qu'un effet secondaire qui découle
de leur horreur de toute redite et de toute banalité. Horreur qui les a conduits à
prendre une précaution radicale, ne jamais monter un texte du répertoire. Rares sont
les compagnies qui s'imposent, avec une rigueur qui force l'admiration, une aussi
stricte discipline au service du théâtre d'aujourd'hui,depuis la fondation de
Transquinquennal, il y a plus de dix ans, tous leurs spectacles, sans exception, ont été
des créations d'æuvres contemporaines. Qu'il s'agisse de leurs propres textes ou
de ceux d'autrui, les quatre membres de ce collectif théâtral bruxellois font preuve
dans leurs mises en scène de qualités d'intelligence, d'esprit et de probité dont la
constance n'a d'égale que la stupéfiante diversité de formes qu'elles engendrent.
Leurs paris créatifs reposent sur le choix d'une contrainte, dont il leur appar-
tient ensuite d'assumer toutes les conséquences. Leur dernière création ne fait pas
exception à la règle. En d'outres termes repose en effet, du moins à son origine,
sur une certaine obligation, posée comme cadre de recherche: qu'arrive-t-ilà un
comédien quand on tire de sous ses pieds le tapis des mots i Le résultat n'est ni un
spectacle silencieux, ni une expérience de mime ou de chorégraphie. Qu'est-ce donc
qu'En d'outres termes? Quelque chose qui ne prendra tout son sens qu'en votre
présence, c'est-à-dire du théâtre au meilleur sens du terme. Cette nécessité de la
dimension collective, ce rôle irremplaçable du spectateur, sont tout aussi manifestes
dans Zugzwong, sans doute à ce jour le plus grand succès public et critique de
Transquinquennal, qui leur valut en 2oo2 le Prix du Meilleur Auteur décerné par la
SACD belge. Mais comme Zugzwong, qui constitue au reste une excellente (et
très divertissante) introduction à leur pratique, est également fondé sur quelques
règles dont il est aussi délicat de parler que leur découverte est passionnante, on se
bornera à dire ici que Zugzwong et En d'outres termes sont l'un et l'autre des
spectacles superbes. Que tous deux traitent entre autres de notre croyance aux
récits et à la photographie. Qu'ily est question, aussi, de nos existences anonymes.
Et que les spectateurs de Thionville seront les premiers à avoir la chance de
pouvoir voir ensemble, s'lls le souhaitent, deux créations qui rétrospectivement
paraissent être comme deux sæurs, faites pour s'éclairer et s'enrichir l'une l'autre.
Mer
lez
veB
saI
Di5
Petite ralle et plrteru de h grande salle
«0n est tous du même moule, mais un
rnoule en forme d. quoi ? »
ZUGZWANG-
EN D'AUTRESTERMES'
Compagnie Transquinquennàl
lrurenpnÉrarroN Er MrsE eru scÈnc Bernard Breuse, Miguel Decleire,
Stéphane Olivier, Pierre Sartenaer
ZUGZWANG - CnÉnrroru soNoRE lrvic d'0livier, PnorocRrpule Lydie
Nesvadba Cosrunaes Lies Van Assche, TEcnueur Sébastien Courtoy,
Marc Defrise, Christophe Lagneaux
EN D'AUTRES TERMES - Soru Raymond Delepierre, CoNcrprroru er
RÉausanoru ou noeor Triline sa. (Walter Gonzalez), CorusrRucnorus
Olivier Waterkeyn, CnÉanoru lunltrÈRE lvan Fox, Christophe Lagneaux
lupnEssrolrs rMAcEs Agnes Bewer, Tecxrurqur Sébastien Courtoy,
lvan Fox, Christophe Lagneaux, Thomas Hermignies
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