46 Agnès Guiderdoni
La philosophie est écrite dans ce livre immense qui est
perpétuellement devant nos yeux, je veux dire l’Univers, mais on ne
peut le comprendre que si on ne s’applique pas d’abord à en
comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il
est écrit. Il est écrit dans la langue mathématique, et ses caractères
sont des triangles, des cercles, et autres figures geométriques, sans
le moyen desquels il est humainement impossible d’en comprendre
un mot. Sans eux, c’est une errance vaine dans un labyrinthe
obscur74.
Un exemple d’une richesse remarquable se trouve dans cette
ouvrage auquel nous avons déjà eu à faire il y a quatre ou cinq ans,
les thèses de mécanique soutenues en 1624 à Louvain sous la
présidence du jésuite mathématicien, Grégoire de Saint-Vincent :
« Theorèmes mathématiques de la science statique sur le
mouvement des poids sur un plan croisant l’horizon
perpendiculairement ou obliquement. A soutenir et démontrer au
collège de la Société de Jésus de Louvain, par Gauthier Van Aelst,
Anversois, / par Jan Ciermans, de Bois le Duc, sous la présidence du
R.P. Grégoire de Saint-Vincent, professeur de mathématiques,
Religieux de cette même Société. Le 29 juillet 1624 »75. Ces thèses
présentent la particularité d’être illustrées de vignettes qui
s’inspirent des Amorum Emblemata d’Otto van Veen, parus en 1608 à
Anvers76. Ces vignettes ont été conçues, dessinées et gravées par l’un
des élèves de Grégoire, Jan Ciermans, si l’on en croit Patricia Radelet
et Jean Dhombres qui ont édité le livret ; Ciermans publiera lui-
même en 1640 des Disciplinae mathematicae illustrées également de
gravures d’inspiration emblématique. Chaque « chapitre » est ainsi
constitué du théorème dont la structure est généralement la même, à
savoir une première phrase énonçant la règle générale, suivie des
différentes parties du théorème, qui est illustré – en première
74 G. GALILÉE, L’essayeur, [présenté et traduit par] Christiane Chauviré, Paris, 1979,
p. 141.
75 Gregorio a S. Vincento, Theoremata mathematica scientiae staticae. De ductu
ponderum per planitem recta & oblique Horizontem decussantem…, Louvain, 1624.
Ces thèses ont été récemment traduites, éditées et abondamment commentées,
par Jean DHOMBRES et Patricia RADELET-DE GRAVE, Une mécanique donnée à voir :
les thèses illustrées défendues à Louvain en juillet 1624 par Grégoire de Saint-Vincent
S.J., Turnhout, 2008. Je souhaite les remercier ici pour leur générosité ainsi que
la richesse de nos échanges, qui ont permis de nourrir ma réflexion.
76 Otto VAN VEEN, ou VAENIUS, Amorum emblemata, figuris aeneis incisa, Anvers,
1608.