
228 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVII - n° 6 - novembre-décembre 2012
Points forts
»
Le paludisme d’importation, fréquent chez les migrants, survient le plus souvent chez des voyageurs
revenant d’Afrique subsaharienne et qui n’ont pas été soumis à une prophylaxie adéquate.
»
La fièvre, irrégulière, est le symptôme d’alerte de référence. Elle impose la réalisation systématique
d’un frottis-goutte épaisse en urgence.
»
Les tests rapides qui ont révolutionné le diagnostic en zone d’endémie restent une technique d’appoint
en France et ne doivent pas se substituer au diagnostic de référence (frottis-goutte épaisse).
»
Le traitement fait maintenant appel aux bithérapies, en privilégiant celles contenant un dérivé de
l’artémisinine (pour leur rapidité d’action et leur bonne tolérance).
»
Pour les séjours touristiques classiques en Asie et en Amérique du Sud, la chimioprophylaxie n’est en
général plus nécessaire (le risque de paludisme est très faible).
Mots-clés
Paludisme
Migrants
Tests de diagnostic
rapide
Artéméther-
luméfantrine
Dihydroartémisinine-
pipéraquine
Highlights
»
Imported malaria, frequent
in immigrants Visiting Friends
and Relatives (VFR), mainly
occurs in travellers returning
from sub-Saharan Africa and
having not taken adequate
prophylaxis.
»
Fever, with an irregular
course, remains the main
alert sign. A systematic thin/
thick blood films for parasites
diagnosis must be performed
immediately.
»
Rapid diagnostic tests, of
great use in endemic areas,
have a secondary role in
France, microscopic examina-
tion remaining the reference
diagnostic test.
»
Artemisinin-based combined
therapies are now the gold
standard treatment (rapidly
efficient and well tolerated).
»
For “classical” touristic
journeys in Asia and South
America, chemoprophylaxis
may be avoided due to a very
low risk of malaria.
Keywords
Malaria
Visiting friends and relatives
Rapid diagnostic tests
Artemether-lumefantrine
Dihydroartemisinine-
piperaquine
P. knowlesi, découvert récemment (car longtemps
confondu avec Plasmodium malariae) comme patho-
gène chez l’homme, donne un tableau palustre clas-
sique, mais qui peut évoluer en une forme grave et
mortelle comme avec P. falciparum. Parasite très
inféodé à l’Asie du Sud-Est (Bornéo notamment), les
formes cliniques importées sont en fait très rares.
La chloroquine est efficace, comme pour les autres
espèces sauf P. falciparum (3).
L’examen clinique est en règle générale peu contri-
butif. La classique splénomégalie est en fait peu
fréquente dans le paludisme de primo-invasion de
l’adulte et de l’enfant (4, 5). Cet examen clinique doit
être cependant attentif pour détecter précocement
les signes d’alerte précurseurs des signes de gravité
avérés (cf. article “Paludisme grave d’importation”) :
subictère, coloration foncée des urines, tendance à
la somnolence, etc.
Le bilan biologique standard permet d’identifier des
éléments diagnostiques présomptifs. La présence
d’une thrombopénie (très fréquente chez l’adulte et
signe d’alerte si elle est très marquée ; plus rare chez
l’enfant), d’une hémoglobine déjà un peu abaissée (a
fortiori basse) et l’absence d’hyperleucocytose sont
très évocatrices. Une cytolyse hépatique minime
est possible.
La confirmation biologique sera apportée par le
classique frottis sanguin-goutte épaisse, qui reste
la méthode de référence (2). Le frottis consiste à
étaler sur une lame une goutte de sang et à recher-
cher au microscope, après coloration, les parasites
à l’intérieur des hématies, l’expression du résultat
se faisant en comptant les hématies parasitées
(expression en pourcentage). Il peut être mis en
défaut (faux négatif) lorsque la parasitémie est faible,
ce qui justifie la goutte épaisse, dont la sensibilité
est meilleure (mais l’identification de l’espèce est
plus difficile). Si une parasitémie élevée (> 2 % et, a
fortiori, > 4 %) est un signe d’alerte imposant l’hos-
pitalisation, sa présence isolée (sans autre signe de
gravité) n’a généralement pas de caractère péjoratif,
tout particulièrement chez l’enfant.
La nouveauté est l’apparition des TDR, qui doivent
cependant rester des méthodes d’appoint. Ils
mettent en évidence dans le sang des protéines
spécifiques de Plasmodium sp. permettant de diffé-
rencier P. falciparum des autres espèces : antigène
HRP-2 (Histidine Rich Protein-2), spécifique de
P. falciparum, pLDH (lacticodéshydrogénase pan-
malarique) et aldolase. Leur sensibilité est supérieure
à 95 % en ce qui concerne P. falciparum, mais elle
est moins bonne pour les autres espèces. Des faux
positifs (interaction avec le facteur rhumatoïde) et
des faux négatifs (moins de 100 parasites par micro-
litre de sang, mutation/délétion du gène codant
pour l’antigène HRP-2) ont été rapportés (6, 7). Par
ailleurs, l’antigène HRP-2 peut rester positif chez un
patient correctement traité plus de 30 jours après
la guérison (risque de retraiter un paludisme guéri
si réapparition d’une fièvre due à une autre cause)
[8]. Une étude récente a démontré un bénéfice
semi-quantitatif, puisqu’un test rapide associant
la détection de HRP-2 à l’absence d’aldolase était
associé à une parasitémie inférieure à 1 % (9). Enfin,
les TDR ne permettent pas de quantifier la parasi-
témie, paramètre important pour orienter la prise
en charge.
L’amplification génique (PCR) permet de détecter de
très faibles parasitémies, de quantifier l’ADN plas-
modial et de rechercher des marqueurs nucléaires
de résistance aux antipaludiques. Cette méthode
onéreuse nécessite un circuit sécurisé et n’est pas
réalisée en pratique courante, sauf dans quelques
laboratoires spécialisés, au Centre national de
référence du paludisme ou dans le cadre de la
recherche (10).
On rappelle par ailleurs que la sérologie “paludisme”
n’a aucun intérêt dans le diagnostic d’un paludisme
aigu et ne doit pas être utilisée dans ce cadre.
Traiter un accès palustre simple
d’importation (figure 1)
Une fois le diagnostic confirmé, le traitement doit
être mis en œuvre rapidement dans l’accès simple
et en urgence dans l’accès grave.
Dans les situations où un paludisme est probable
(retour de zone à risque + présomption clinique et
biologique) mais sans confirmation parasitologique,
il est légitime d’évoquer un paludisme “décapité” (par
une chimioprophylaxie inadaptée, un autotraitement
insuffisamment efficace ou chez les migrants dont la
prémunition résiduelle limite la parasitémie). Il est