hémolyse induite par une thérapeutique. Cette particularité
fait poser la question de l’intérêt d’un dépistage
systématique avec inscription dans le dossier médical
réduit dans le but d’éviter une situation dangereuse.
Dans une logique globale de maîtrise des risques et de
prévention des accidents liés à l’activité militaire, dans
une démarche d’amélioration de l’équipement du
combattant et de sa protection, il paraît légitime de
s’interroger également sur des évolutions possibles en
termes de prédictibilité de certains incidents médicaux.
Le cas récent d’un patient originaire du Cantal,
hospitalisé à l’Hôpital d’instruction des armées Robert
Picqué, qui a contracté un Plasmodium vivax au cours
d’une opération extérieure, vient rappeler que le
diagnostic peut être fait lors de la recherche opportune
d’une éventuelle déficience en G6PD avant mise sous
primaquine. Il n’avait jamais eu de manifestation clinique
préexistante et son origine du centre de la France n’aurait
pas appelé l’attention.
Le développement des missions extérieures
multinationales et l’engagement des militaires français
dans des missions sous mandat international ne
permettent pas de présumer de la prise en charge d’un
militaire français par nos confrères alliés. Pour ceux-ci,
l’absence de notification d’une déficience en G6PD
pourrait être interprétée, à tort, comme un équivalent de
« G6PD présent ». Cela pose également la question de
l’harmonisation des pratiques médicales dans les
opérations interalliées, des documents médicaux
disponibles (livrets médicaux plus ou moins « réduits »…)
et des informations qu’ils contiennent : vaccinations,
allergies connues et… déficience en G6PD ?
À titre d’exemple, dans le milieu civil, depuis
février 2008, le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des
Sports tient à la disposition des praticiens une carte
plastifiée à destination de leurs patients porteurs du
déficit (15). Elle comporte des informations pour les
professionnels de santé amenés à proposer des soins dans
le cadre de l’urgence ainsi que des données sur la
profondeur du déficit du patient: activité enzymatique,
antécédents d’hémolyse…
Alors que le coût du dépistage qualitatif par « fluorescent
spot test » est modique, celui d’un dépistage par mesure de
l’activité enzymatique par spectrophotométrie est de
10,80 euros, lorsqu’il est remboursé par la sécurité sociale
(cotation B40, comme une numération formule sanguine
avec plaquettes). Son prix de revient pour l’institution
militaire serait probablement plus faible, avec un coût
intégrant les frais de fonctionnement du laboratoire et les
réactifs, évaluée 6 euros.
Les armées qui pratiquent de façon systématique le
dépistage, plus concernées du fait d’une fréquence de
l’anomalie supérieure à celle qui est estimée pour la
France, disposent de données fiables quant à la prévalence
exacte de l’affection au sein des forces et sur l’intérêt de
pratiquer un dosage préventif. Les mesures prises en
conséquence permettent de signaler toute déficience et
cet aspect devient un critère à prendre en compte dans les
décisions de prescription thérapeutique et d’aptitude.
Même si la conjonction paludisme grave et déficit en
G6PD paraît peu probable pour un militaire français, cette
situation n’est pas à exclure.
D’après les données démographiques militaires
du rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition
militaire de 2005 (16), nous pouvons tenter d’estimer
le nombre de militaires potentiellement porteurs de
la déficience en G6PD. Près de 350 000 personnels
militaires dont 85 % d’hommes sont en service
actuellement. Près de 50 000 d’entre eux sont projetés
chaque année en opération extérieure ou outre-mer.
En retenant la fréquence estimée en France de 0,39 %, et
en ne comptant pas le personnel féminin pour lequel
l’homozygotie ou l’hétérozygotie symptomatique
restent rares, cela conduit à penser que plus de 1 000
militaires masculins sont potentiellement porteurs
de l’anomalie. Pour mémoire, la fréquence estimée
en Martinique et Guadeloupe est de 12 % et non pas
de 0,39 % (5).
Par ailleurs, on ne peut pas ignorer que la part de la
population française qui puise ses origines dans des zones
géographiques où la déficience en G6PD est fréquente est
en augmentation. Or la population militaire est un reflet
de la population française.
La sélection des sujets relevant d’un intérêt particulier
de dépistage car pouvant être considérés comme porteurs
éventuels de l’anomalie ne peut pas se concevoir en
France sur l’appartenance à une ethnie à risque ou sur des
origines géographiques particulières.
Stratégies de dépistage.
La pratique d’un test de dépistage qualitatif faisant
appel au « fluorescent spot test » nécessite peu de moyens.
Il est facile à réaliser, nécessite une goutte de sang sur un
papier absorbant, une lampe à ultra-violet et quelques
gouttes de réactifs. Il prend environ quinze minutes et est
sensible à 98,2 % et spécifique à 97,1 % (17). Une
campagne de dépistage à grande échelle concernant
l’ensemble du personnel militaire est envisageable, y
compris dans les services médicaux d’unité, à l’occasion
de la visite systématique annuelle. Pour les nouvelles
recrues, la réalisation du test peut se faire lors de la visite
de sélection. Du fait de l’excellente sensibilité et
spécificité du « fluorescent spot test », la pratique du test
de référence avec dosage de l’activité enzymatique
pourra être réservée aux personnes ayant eu un dépistage
qualitatif positif. Il est possible d’avoir, en l’espace d’un
an, une image parfaite de la fréquence de l’affection dans
l’ensemble des forces armées avec un investissement
matériel et humain peu important.
Une alternative à la recherche systématique pour tous
les militaires, qu’applique l’United States Army, consiste
à réserver le dépistage aux militaires partant en opérations
extérieures. Cela limite encore plus l’impact financier
d’un tel dépistage, d’autant qu’il se fait une fois par
individu et que le personnel concerné appartient souvent
à des unités opérationnelles identifiées. Le nombre de
50 000 militaires français par an en opérations extérieures
est donc à pondérer dans le sens où ce contingent est
souvent constitué des mêmes personnes qui partent
plusieurs fois en mission dans la même année ou les
années suivantes. De plus, il existe vraisemblablement un
pool de personnel « mobile » fréquemment engagé en
opérations tout comme il doit exister un pool de personnel
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déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase : intérêt du dépistage systématique dans les forces armées