Au nom de tous ceux qui, en Belgique, souffrent d'une maladie rare, je tiens à vous remercier tous pour votre présence. Une présence massive qui témoigne de la volonté de réfléchir ensemble à des solutions. Or, il se fait que par hasard – ou pas – le slogan de la JOURNÉE MONDIALE DES MALADIES RARES le 29 février prochain sera "Ensemble, faisons entendre la voix des maladies rares". Faisonsnous donc aussi entendre aujourd'hui ! Entre 30 et 40 patients et leurs aidants proches sont aujourd'hui présents dans la salle. Ça fait plaisir. On ne parle plus seulement des patients, mais aussi avec les patients. Que ce soit dans l'organisation de leurs propres soins comme sur un plan plus large, ils sont de plus en plus acceptés comme copilotes, comme partenaires. Parlez-leur et écoutez-les ! Personne ne connaît mieux leur maladie qu'eux. Le sujet dont nous allons parler ensemble aujourd'hui est un sujet important, à savoir : "Les soins de santé de première ligne peuvent-ils être le "chaînon manquant" pour de meilleurs soins pour les personnes atteintes d'une maladie rare ?" Je ne suis pas forcément d'un naturel négatif, mais je dois commencer aujourd'hui par un mauvais exemple qui illustre malheureusement la situation actuelle. Une jeune femme, mariée et maman, souffre d'une maladie rare à la fois grave, douloureuse et invalidante. Elle est parfaitement au courant de l'aspect médical de sa maladie grâce à son engagement au sein de l'organisation de patients pour sa maladie. Elle se débrouille plutôt bien à la maison jusqu'au jour où elle a soudain besoin d'une aide médicale urgente. L'hôpital traitant – qui n'est pas un centre d'expertise reconnu mais dispose d'une équipe pluridisciplinaire pour le diagnostic et le traitement de cette maladie rare – est loin de son domicile et après quelques hésitations, on lui conseille de se rendre dans un hôpital plus proche. Et c'est là que les problèmes s'enchaînent. Il n'y a pas de communication entre l'hôpital spécialisé et l'hôpital local et la patiente doit s'occuper elle-même de son admission... L'hôpital local ignore ses avis et la renvoie finalement à la maison avec une ordonnance pour un médicament qu'elle ne peut absolument pas prendre. Il y avait donc clairement, dans son cas, un chaînon manquant entre l'hôpital spécialisé et la situation à la maison. Personne dans son entourage, ni l'hôpital local ou le médecin traitant, n'avait les connaissances spécifiques suffisantes pour l'aider. La seule ligne sur laquelle elle pouvait compter était la "ligne zéro". Ce terme peut sembler quelque peu négatif, mais dans le cas d'une maladie rare, il s'agit bien souvent de la seule dont disposent les patients, à savoir les organisations de patients et les aidants proches ! Nous sommes donc ravis que le plan belge réserve un rôle actif aux organisations de patients dans les futurs réseaux pour maladies rares. En quoi la première ligne peut-elle jouer un rôle dans ces réseaux ? L'exercice ne sera assurément pas facile. Bien sûr, chaque patient veut que le spécialiste de sa maladie rare habite au coin de la rue. Et que tout ce qui est nécessaire (examens, traitements, suivi, revalidation, soins paramédicaux, soutien psychosocial, … ) puisse être organisé à proximité. Il faut toutefois être réaliste : cela n'est pas évident et est parfois même impossible, en raison précisément de la rareté de la maladie... rare. Les personnes atteintes d'une maladie rare sont souvent les seules, dans leur entourage, à être atteintes de cette maladie spécifique. Vous pensez enfin avoir fait le plus dur lorsque le diagnostic a été posé alors que tout ne fait en réalité que commencer. Pour tous les services et prestataires de soins dont vous aurez besoin, il s'agira de la première fois qu'ils entendront parler de cette maladie rare. Il faudra alors discuter du traitement et l'organiser. Celui-ci doit-il avoir lieu dans un hôpital universitaire ? L'hôpital local peut-il convenir ? Est-ce possible à la maison ? Qui va assurer la transmission des connaissances, la communication des instructions, le suivi ? Comment assurer la continuité des soins ? Comment organiser la collaboration entre l'équipe de spécialistes et l'équipe de soins à domicile ? En résumé : comment garantir que chaque patient pourra bénéficier des meilleurs soins adaptés et reconnus internationalement ? Les meilleurs soins sont des soins "complets". Qui ne se limitent pas seulement aux aspects médicaux et paramédicaux, mais prévoient aussi une intégration dans la société et font attention au développement psychologique et éducatif. Dans le rapport final du Fonds des maladies rares et des médicaments orphelins, avec les 42 recommandations pour un plan belge des maladies rares, le domaine 8 portait sur la "prise en charge complète du patient", y compris la simplification administrative. Il n'en est hélas pas resté grand-chose dans le plan final, si ce n'est une vague définition du "coordinateur des soins" et du "coordinateur du réseau". Des mesures qui, à ce stade, n'ont du reste toujours pas été mises en œuvre. La vraie question qui se pose peut-être consiste donc à savoir dans quelle mesure nous pouvons, à ce stade, parler d'une collaboration entre centres d'expertise et soins de santé de première ligne, alors que la majorité des patients n'ont pas de centre agréé où s'adresser ou ne savent pas où se trouve ce centre. Les autorités fédérales ont certes créé un cadre réglementaire pour la reconnaissance de centres d'expertise et de fonctions "maladies rares", mais la reconnaissance réelle par les autorités régionales se fait attendre. Every person with a rare disease deserves a home : avant de pouvoir parler de qualité des soins, les patients doivent d'abord avoir un endroit où aller. Vous le voyez, j'ai moi-même toujours plus de questions que de réponses. J'attends donc avec impatience les suggestions des orateurs du jour et je suis plus particulièrement curieuse de découvrir l'approche de la France qui vient de clôturer l'évaluation du deuxième plan national. Et bien sûr aussi les mesures prévues par les ministres wallon et flamand. Car il s'agira de collaborer par-delà les frontières, en Belgique comme à l'étranger. Je suis sûre que toutes les personnes présentes aujourd'hui partagent cette conviction et apporteront leur contribution à un système où chaque Belge atteint d'une maladie rare aura accès aux meilleurs soins. Je cède à présent la parole aux deux experts par expérience : Marc Boënne et Frank Willersin. Marc a accès à un centre de référence agréé pour sa maladie rare. Frank, lui, ne peut pas encore s'adresser à un centre officiel pour sa maladie rare, mais sa propre organisation de patients y travaille. Ils nous racontent tous les deux comment ils organisent leurs soins.