La formation des infirmiers en médecine de catastrophe

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URGENCES
2010
co-fondateurs
LA FORMATION DES INFIRMIERS EN MÉDECINE DE CATASTROPHE
Correspondance :
Mercieca Jean-Michel, Centre d’Enseignement des Soins d’Urgence, CHU Nord,
80054 Amiens. E-mail : Mercieca [email protected]; [email protected]
Points essentiels
La catastrophe se définit par une inadéquation brutale et temporaire des
besoins de secours et des moyens disponibles : les soins en situation de
catastrophe découlent de la médecine d’urgence adaptée au nombre
important de victimes.
La formation « classique » des infirmiers repose sur une relation individuelle et
non collective : une formation aux risques collectifs est donc nécessaire.
Tous les professionnels de santé peuvent être confrontés à un risque sanitaire,
la sensibilisation obligatoire est donc nécessaire : c’est la place des AFGSU 1
et 2.
Les infirmiers des SMUR et des urgences sont les plus sollicités pour ces
situations : un enseignement adapté doit leur être proposé.
La présence des infirmiers est indispensable à chaque maillon de la chaîne des
secours.
La connaissance de l’organisation générale sur le terrain et à l’hôpital
augmente l’efficacité des infirmiers.
Les infirmiers de SMUR et des urgences peuvent être confrontés aux risques
émergents et l’« AFGSU spécialisé » répond à une formation de base sur ce sujet.
La protection des personnels et de l’hôpital est un point fondamental de la
formation ; l’apprentissage de la décontamination nécessite des exercices
fréquents.
Chapitre
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La formation des infirmiers
en médecine de catastrophe
J.-M. M
ERCIECA
, C
H
. A
MMIRATI
, C. A
MSALLEM
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Les modalités pédagogiques reposent sur des techniques de pédagogie active
facilitant le raisonnement et l’appropriation.
Des exercices clôturant l’apprentissage et renouvelés au cours de la vie
professionnelle sont les garants d’un maintien de compétences.
Depuis quelques années, on constate la survenue plus fréquente d’événements
pouvant amener à des situations de crise impliquant de nombreuses victimes :
des risques technologiques (explosion de l’usine AZF du site de Grande-Paroisse
à Toulouse ; accident de train à la gare de Lyon), des événements liés à des
risques naturels (inondations) ; à des risques politiques, sociaux (attentats, écrou-
lement de la tribune du stade de Furiani) et à des risques sanitaires (pandémie).
Les établissements de santé ne sont pas épargnés car ils peuvent être en
premières lignes ou être victimes d’une situation de catastrophe
(1)
.
La médecine de catastrophe est une pratique de la médecine d’urgence adaptée
aux événements impliquant un nombre important de victimes. Pour Favre : « La
catastrophe est un renversement destructeur et brutal de l’ordre préétabli d’un
ensemble naturel et humain, provoquant avec une soudaineté plus ou moins
grande, non seulement des dégâts matériels immenses, mais encore une masse
de blessés ». La Commission d’Étude pour le Plan Catastrophe Majeur propose :
« Événement destructeur constituant une atteinte grave pour la population et
l’environnement, et entraînant une disproportion entre les besoins et les
moyens »
(2)
. Elle nécessite une organisation comprenant des dispositions stra-
tégiques, tactiques, techniques et logistiques qui se différentie de la médecine
d’urgence habituelle.
Un enseignement universitaire diplômant est proposé aux médecins : la capacité
de médecine de catastrophe (10 universités accréditées). À l’issue de cet ensei-
gnement, le médecin doit être capable de participer efficacement à l’aide médi-
cale urgente en situation de crise. Une organisation, une stratégie médicale, une
logistique et un raisonnement spécifique sont nécessaires pour gérer cette situa-
tion qui est par définition souvent imprévisible. C’est une formation évolutive qui
s’enrichit de l’expérience de chaque situation de crise.
Alors qu’une capacité de médecine de catastrophe était proposée aux médecins
dès le début des années 1980, peu de facultés ont initialement mis en place, à
cette période, une formation à destination des infirmiers : Amiens, Toulouse,
Créteil et Nancy.
1. Un enseignement en situation de catastrophe
pour les infirmiers ?
L’infirmier a un rôle propre et ses compétences sont nécessaires aux cotés du
médecin sur le « chantier », au sein du Poste Médical Avancé (PMA) et à l’éva-
cuation des patients vers les différents établissements
(3)
. Il a des connaissances
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procédurales en soins d’urgence ainsi qu’une compétence organisationnelle qu’il
faut utiliser, le nombre d’équipes médicales étant le plus souvent limité. De plus,
il participe à la mise en œuvre de la logistique des moyens médicaux. Dans sa
formation initiale, il apprend à établir une relation unilatérale avec le patient et
à soigner les malades les uns après les autres. Dans cette situation d’exception
la relation sera collective dans un contexte de stress maximum. Une formation
spécifique est donc nécessaire.
2. Un enseignement pour tous les infirmiers,
tous les personnels de santé ?
L’Attestation de Formation aux Gestes et Soins d’Urgence niveau 2 (AFGSU)
permet à l’ensemble des infirmiers de bénéficier d’une formation initiale ou
continue sur les urgences collectives
(4)
. Le module concernant ce sujet est issu
d’une volonté partagée du ministère de la santé et des professionnels. Les objec-
tifs sont les suivants :
identifier un danger dans l’environnement et appliquer les consignes de pro-
tection adaptée (y compris en cas d’alerte des populations ou de situations
d’exception au sein de l’établissement) ;
s’intégrer dans la mise en œuvre des plans sanitaires, des plans de secours et
des plans blancs, selon le rôle prévu pour la profession exercée ;
décrire les grands principes des plans blancs ;
identifier son rôle et s’intégrer dans la chaîne de soins en situation
d’exception :
identifier son rôle en cas d’activation des annexes NRBC,
identifier, en fonction de l’actualité, les différentes menaces sanitaires.
Cette formation est adaptée aux compétences professionnelles de chaque caté-
gorie de personnel et à la place de chacun dans la mise en œuvre des plans.
3. Un enseignement spécifique
Des formations plus spécifiques sont proposées aux infirmiers. « L’infirmier en
situation de catastrophe » est un enseignement qui traite de cette situation
d’exception dans sa globalité. Elle concerne les infirmiers des urgences intra ou
extrahospitalières et est organisée dans un certain nombre d’universités.
L’attestation de formation spécialisée aux gestes et soins d’urgence est une for-
mation pour les personnels soignants face aux risques NRBC (AFGSU spécialisée).
3.1. Pour les infirmiers de l’urgence intra et extrahospitalière
Les compétences spécifiques visées dans le cadre de l’aide médicale d’urgence
en situation de catastrophe nous paraissent être les suivantes :
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reconnaître une situation de catastrophe ;
s’intégrer dans la chaîne médicale des secours ;
avoir un comportement adapté en situation de crise ;
connaître les risques majeurs émergents et les conduites adaptées.
Les objectifs nécessaires à l’acquisition de ces compétences sont :
connaître l’historique, l’épidémiologie et la classification des catastrophes ;
identifier les différents services contribuant aux secours médicaux et leurs
missions en situation de catastrophe ;
connaître le matériel spécifique aux situations de catastrophe, y compris le
NRBC ;
décrire l’organisation générale des secours ;
s’intégrer dans la chaîne médicale des secours en identifiant le rôle de chaque
partenaire ;
– s’approprier les principes du plan blanc et s’intégrer au dispositif institutionnel.
3.1.1. Décrire l’organisation générale des secours
La loi de modernisation de la sécurité civile comprend la préparation et la mobi-
lisation des différents acteurs publics ou privés susceptibles d’être impliqués en
plus des professionnels de l’urgence
(5)
.
Diverses réglementations imposent de développer une organisation tel que le
dispositif opérationnel : « ORSEC Nombreuses Victimes » qui est la mobilisation
de moyens en vue de remédier aux conséquences d’un événement pouvant
entraîner de nombreuses victimes. Ce dispositif remplace le plan rouge. Les
appellations des plans ont changé et les dispositions générales sont identifiées
par « ORSEC » suivi de la fonctionnalité : ORSEC matières dangereuses ; ORSEC
hébergement… Le terme PPI est le seul conservé mais s’emploie sous la forme :
ORSEC suivi du nom de l’installation (ORSEC PPI raffinerie de X)
(6)
.
L’Organisation de la Réponse de SEcurité Civile (ORSEC) est l’élément coordi-
nateur de ces organisations. Une direction unique est assurée par le maire au
niveau communal étant ainsi le Directeur des Opérations de Secours (DOS) ou
le préfet de département si l’ampleur de la catastrophe comprend plusieurs
communes. Le préfet de zone coordonne les moyens zonaux. À l’échelle
nationale, le Ministre de l’Intérieur anticipe et renforce avec les moyens
nationaux.
C’est une organisation basée sur une analyse des risques. Elle ne se « déclenche
plus » mais elle s’appuie sur les procédures de vigilance, veille permanente de
certains risques. Elle est progressive en s’adaptant à l’ampleur de la crise
montée en puissance »). Les services de santé s’inscrivent dans cette dyna-
mique. Les plans blancs font partie des réponses permettant une « auto-
organisation » (réponse d’un établissement à une situation d’exception). C’est
également le cas des plans bleus pour les personnes âgées.
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3.1.2. S’intégrer la chaîne médicale des secours en ayant identifié
la mission des différents partenaires
L’objectif est de soigner, de préserver la vie d’un maximum de patients. Cette
organisation est sous le commandement du Directeur des Secours Médicaux
(DSM) désigné préalablement par le préfet.
L’infirmier trouve sa place à chaque maillon de la chaîne. Il connaît les principes
des règles de tri qui pourraient être source d’incompréhension dans l’équipe
médicale (notion d’urgence dépassée par exemple).
3.1.2.1. « Le chantier »
Il participe aux premières évaluations des patients et à la mise en condition des
victimes les plus graves. Cette prise en charge repose sur des objectifs de méde-
cine d’urgence mais avec des contraintes liées au contexte et aux nombreux
patients. Dans certains cas, les équipes médicales ne pourront pas intervenir sur
le chantier soit à cause de leur nombre insuffisant, soit à cause d’un risque per-
sistant. Il exerce ces compétences dans un contexte défavorable, voire hostile, ce
qui nécessite de sa part de grandes capacités d’adaptation.
3.1.2.2. Le PMA
La présence de l’infirmier au sein du PMA est indispensable pour optimiser son
fonctionnement.
À l’entrée, il poursuit des gestes de réanimation débutés sur le « chantier »
(ventilation artificielle par exemple) et intervient en complément du médecin-
trieur.
Dans les zones de soins, les tâches des infirmiers sont comparables à des prises
en charge des soins d’urgence. La partie où se situent les urgences absolues (UA)
est identique à une « salle de déchocage ». Il assiste le médecin dans les gestes
techniques (intubation,…). Dès la stabilisation obtenue, il effectue une sur-
veillance spécifique et termine la mise en condition du patient pour son
évacuation vers un établissement de soins.
La partie dédiée aux urgences relatives (UR) correspond à une salle des urgences
qui lui laisse toute latitude à exercer son rôle. Son objectif est de préparer les
patients à leur évacuation tout en assurant les soins et la surveillance de ces
derniers.
Il assure la gestion des stocks médicaux (pharmacie, dispositifs médicaux,
consommables…).
Il semble nécessaire d’avoir un infirmier chef de PMA qui assure un rôle d’enca-
drement et qui coordonne l’organisation matérielle. Il permet au médecin chef
de PMA d’avoir un interlocuteur unique. Il est le trait d’union entre celui-ci et ces
différents partenaires.
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