Hubert MASSONI
Rapport de Séjour
« On se rappelle certains jours d’été qu’on a trouvés trop chauds quand on les a vécus, et dont, après
coup surtout, on extrait le titre sans alliage d’or fin et d’indestructible azur. » Marcel Proust, La
Fugitive.
Hubert MASSONI
Introduction.
Pourquoi choisir l’Australie en troisième année ? Sydney est un fantasme. Celui du soleil, de la
mer, des immenses étendues de terres rouges, de la nature brute, du surf, de la beach culture, d’une
année hors de portée sur une île à dix-sept mille kilomètres de chez moi. J’ai envisagé l’Australie
comme destination de troisième année assez tôt, dès la 1A. La principale raison était la location : à
l’autre bout du monde, le pays ou les gens marchent la tête en bas et roulent du mauvais côté de la
route. Puis les différentes opportunités proposées brouillent les pistes. Le choix de destination n’est
pas facile. On commence alors à dessiner un projet : je veux pouvoir parler l’anglais ; être dans une
bonne université pour pouvoir choisir mon master en connaissance de cause ; pouvoir m’échapper
dans une étendue sans fin de nature si l’envie m’en prend. Plusieurs destinations se profilent alors.
Toronto ? La Californie ? Sydney ? Mais les aléas de l’IELTS, l’immense jeu des six choix de
destinations et des absolute first choices sont incontournables. On revient alors au projet initial, le
fantasme du début, the city where the sky is always blue : Sydney. N’ayez pas peur de faire un choix,
vous ne pouvez pas aller partout ! Vous ne pouvez pas tout prévoir. Vous aurez beau pesez les
avantages et les inconvénients de chaque destination du mieux que vous pourrez, chaque ville, chaque
pays vous réserve d’immenses surprises. Voilà donc mon choix fixé sur Sydney : une ville au bord de
l’eau, anglophone, dans une université ou les départements d’économie et de droit sont réputés pour
choisir mon master au mieux avec d’immenses opportunités de voyages (l’Asie n’est pas très loin !
en fait si, mais relativement pas trop). Mon projet était résumé en ces quelques mots, sans bien sur
décrire le véritable appétit de voyages, de rencontres, de découvertes qui m’animait. Le mot de Proust
en introduction n’est pas innocent ; c’est le seul qui me vient à l’esprit pour décrire cette 3A. Quelle
est dure cette année ! Elle est périlleuse, à l’autre bout du monde, sans recours, pleine de
rebondissements, de budgets serrés, de coups de soleils, de manques, de larmes parfois. Mais c’est
après coup qu’on en distille toute la beauté, toute la structure, ce qu’elle change en nous.
La première partie est consacrée à la description académique de mon expérience, la seconde à une
approche comparative du contexte socio-culturel incluant le système universitaire dans lequel j’ai
évolué, la troisième est consacrée à l’apport personnel humain immense ! de cette année. Vous
trouverez en annexe des informations utiles pour votre vie à Sydney, des démarches administratives
aux informations de transports, en passant par le budget.
I. Description de l’expérience universitaire.
L’Université de Sydney est très réputée, notamment le Bachelor of Arts et le Bachelor of
Economics. Vous pouvez prendre des cours dans presque tous les Bachelors et Départements, à
l’exception notable de la Law School, qui est très fermé. Envisageant un master d’économie ou de
droit économique à Sciences Po, j’ai pris la majeure partie de mes cours dans ceux dispensés au sein
du Bachelor of Art et le Bachelor of Economics de Sydney University (à l’exception d’un qui vient de
la Business School). Voici la liste des enseignements que j’ai suivis cette année. Notez bien que le
calendrier universitaire est inversé : le semester 2 correspond à votre premier semestre. L’université
vous demande de valider quatre cours par semestre, mais vous pouvez en prendre cinq si le cœur vous
en dit.
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Semester 2 (premier semestre pour nous).
ECOS3011 : Public Finance (Credit Points : 6)
Kadir Atalay, le professeur de ce cours magistral, est un peu la rock star du département
d’économie. Très accessible, pédagogue, avec une maitrise des thématiques abordées jusque dans les
moindres détails, il est véritablement un bon choix de lecturer (que ce soit en Public Finance ou dans
ses autres cours de Financial Economics). Le cours en lui-même, très bien structuré, a le mérite de
proposer une vraie approche des finances publiques (ou plutôt, de l’économie des finances publiques,
ne vous attendez pas à faire de la comptabilité fiscale). Au programme donc : de la microéconomie
appliquée aux dépenses publiques, taxes, sécurité sociale, retraites, etc. Peu réjouissant aux premiers
abords, mais passionnant en réalité. On finit l’étude de ce cours en ayant réellement progressé dans la
compréhension des modèles économiques de l’action publique. Seul bémol, le cours s’appuie sur un
manuel américain, exit donc l’étude des modèles sociaux français ou nordiques. Vous vous limiterez à
l’étude des modèles d’assurances et de « sécurité sociale » à l’anglo-saxonne : attention à la
déconvenue, c’est rude.
ANTH2653 : Economy and Culture (Credit Points 6)
Aillant eu la chance d’assister au cours d’anthropologie et de philosophie économique de
Jacques Généreux en deuxième année, qui m’a passionné, j’ai tenté ce cours mêlant anthropologie et
ethnologie. Le cours et sa méthode de travail cristallisent assez bien certains paradoxes du Bachelor of
Arts de SydneyUni : un cours et un professeur passionnants, très en pointe de la recherche et des
thématiques abordées, mais des étudiants qui ne suivent pas forcément le mouvement en tutorials.
J’entends par là que la qualité du cours est indéniablement , Dr Macdonald est une excellente
professeure (très disponible, j’ai eu des échanges de mails passionnants avec elle), mais que les
discussions des tutorials ne reflètent en rien la profondeur et qualité de l’enseignement. Au-delà de cet
aspect pratique (mais parfois terriblement désespérant) le cours en lui-même est véritablement bien
construit, dans un mélange d’anthropologie et d’ethnologie abordant les grands thèmes de l’économie :
le travail, les échanges monétaires, le capitalisme, la finance, l’art, etc. S’il est bien moins radical que
le cours de Généreux à Sciences Po, l’immense plus-value de cet enseignement est la belle place
donnée à l’étude de l’économie et cultures aborigènes australiens (Dr Macdonald étant une spécialiste
reconnue des Aboriginal Studies).
ECOP2612 : Economic Policy in a Global Context (Credit Points 6)
Malheureusement une grande déception de ce semestre. L’intitulé du cours laisse penser qu’il
est basé sur une étude concrète et passionnante de politiques publiques économiques ; il n’en est rien.
C’est en alité un amas historique de la pensée des politiques publiques, des Classiques aux
Monétaristes en passant par Keynes. C’est alléchant aux premiers abords, mais très décevant au vu de
la manière dont c’est enseigné. La lecturer est tout sauf captivante en cours magistraux, et ne s’est
manifestement pas fixée comme objectif d’aider ses étudiants : les cours magistraux ne sont pas
enregistrés (contrairement à l’immense majorité des cours magistraux à SydneyUni), ses slides sont
simplissimes mais ne reflètent absolument pas la complexité des sujets abordés. Pour couronner le
tout, la notation est très sévère. Le problème tient en fait dans l’angle d’attaque du cours : les théories
économiques, mais uniquement abordées sous leur forme « littéraire ». Très peu de mathématiques ici,
ce qui oblige les étudiants, parfois avec un bagage économique léger cours de deuxième année
oblige – à comprendre intuitivement d’infimes nuances de théories, souvent enseignée de manière très
abscons en lectures et tutorials. anmoins, si vous êtes prêt à vous plonger dans les plus obscurs
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auteurs économiques du 20eme siècle, ce cours à l’ambition d’être exhaustif en matière de théorie
économique, ce qui peut être intéressant.
CLAW2208 : Business Regulation, Risk and Compliance (Credit Points 6)
Un excellent cours. Plus proche du séminaire – un tutorial de 3h par semaines - que du couple
lecture-tutorial classique, cet enseignement de droit est une très bonne approche de la régulation
économique. La problématique générale du cours quelle forme de régulation pour optimiser les
marchés tout en évitant leurs écueils ? est très bien mise en valeur par le professeur. La partie
théorique du cours est très utile, sans être envahissante : vous allez travailler sur des cas très concrets.
Il faut bien prendre en considération que c’est un enseignement de la Business School, vous vous
placez donc dans une perspective de business, pas dans celle des régulateurs ou très peu. Malgré la
complexité des sujets abordés : la régulation financière, environnementale, sociale, les
discriminations… la vue d’ensemble est réussie. Le lecturer déborde d’énergie, n’hésite pas à aider ses
étudiants et enseigne de manière très communicative. Je voulais un cours de droit économique concret
pour prendre ma décision de master, je n’ai pas été déçu !
Semestre 1 (deuxième semestre pour nous).
ECOS2002 : Intermediate Macroeconomics (Credit Points 6)
Trois mois et une procédure de choix de master plus tard, j’ai décidé de me lancer dans le
master Economics and Public Policy de la School of Public Affairs de Sciences Po. Aborder
l’économie en master avec pour seule base les cours d’introduction de première année n’étant pas
facile, le choix de cet enseignement m’a permis de pousser plus loin la théorie économique ici la
macroéconomie. Le cours est surprenant de qualité. Si la macro peut paraitre très standardisée en
général (comme elle l’est en cours d’introduction), on s’aperçoit très vite que le lecturer a un objectif
majeur : le réalisme. Exit donc les modèles obscurs intuitivement et trop obsolètes ; place aux modèles
qui, selon le département d’économie du Bachelor, sont les plus en phase avec la réalité économique.
Le cours n’est donc pas basé sur un seul manuel de référence, mais au contraire sur plusieurs ce qui
permet de choisir les modèles macroéconomiques les plus pertinents. J’ai découvert lors de
discussions avec des tutors que Sydney University est l’une des seules universités d’Australie à faire ce
choix de réalisme ; c’est ce qui fait la réelle qualité de ce cours. Coup de chance, il est parfaitement en
phase avec le master que j’ai choisi, je recommande donc fortement.
ECOS3015 : Law and Economics (Credit Points 6)
Une très bonne surprise la aussi. Lors des cours d’économie, de nombreux points, souvent
d’ordre juridique comme les droits de la propriété, les contrats, le crime etc., restent souvent en
suspens. Ce cours vise à combler les trous de l’enseignement économique théorique par des apports de
théorie juridique. Et cela fonctionne très bien, chaque théorie économique et brièvement rappelée la
tragédie des biens communs, les externalités, etc. - avant d’aborder les points juridiques
correspondants. La problématique du cours intègre également un autre aspect particulièrement
intéressant : l’analyse économique du droit. En quelques mots le droit est-il réellement optimisé ? Ce
cours répond à vraiment répondu à mes attentes, et ouvre même de nouveaux horizons de réflexion.
Cerise sur le kangourou, le lecturer est très (très) drôle et communicatif.
Hubert MASSONI
GRMN2615 : German level 5 (Credit Points 6)
Faites bien attention lorsque vous choisissez votre niveau de langue ! Les cours étant calqués
sur un système progressif, vous ne pourrez pas accéder aux niveaux et 1, 3, 5 et 7 au semester 2 (votre
premier semestre), et 2, 4 et 6 au semester 1 (votre second semestre). Cette petite particularité
administrative a deux conséquences dont vous devez avoir conscience : 1) vous ne pourrez pas
commencer de langue au niveau 1 (niveau débutant) durant votre premier semestre ; 2) vous risquez de
vous retrouver facilement dans un niveau au-dessus ou au-dessous de votre véritable niveau. C’est ce
qui m’est arrivé, le niveau 5 étant manifestement trop élevé pour moi. Les étudiants australiens
considèrent les langues comme des crédits faciles à obtenir, ils n’hésitent donc pas à se sous-évaluer,
ce qui rend la tâche difficile pour des étudiants comme moi qui me suis surévalué. Au-delà de cet
aspect pratique, les cours de langues sont bien menés à Sydney Uni. Deux cours par semaine,
respectivement d’une et deux heures. Les tutors sont comme toujours ici adorables et toujours
prêts à vous aider ce qui est très utile en langues, mais peut parfois déboucher sur de longues
discussions totalement hors sujet en anglais lors des tutorials… Dernier point très important : les
langues ont un examen final durant les exam weeks. Réfléchissez donc bien avant de prendre un cours
qui vous obligera à passer un examen d’allemand trop difficile pour vous le 25 juin deux jours avant
votre départ…
ARTH2618 : French Art Salon to Cézanne (Credit Points 6)
Un choix qui peut paraître saugrenu à la vue des enseignements précédents, mais je ne le regrette
absolument pas ! Etant depuis longtemps intéressé par l’art français, ce cours était l’occasion
probablement ma dernière occasion dans un cadre universitaire de m’y intéresser de plus près. Le
cours aborde tout l’art français des Salons Classiques du début du XIXème jusqu’à la période
structuraliste de Cézanne début XXème. Un sacré sujet donc, qui est très bien traité par le
Department of Arts. Il peut paraître particulier d’étudier lart français en Australie, mais c’est au final
très peu dérangeant, le lecturer organise des expositions à Paris et publie de nombreux ouvrages de
pointe. Je trouve me le choix de ce type de cours très important en troisième année. Cela permet
d’aborder de nouveaux sujets, de découvrir de nombreuses choses, d’éviter les répétitions inévitables
de différents cours d’un même département. Si je recommande ce cours, il n’est bien sûr pas
inévitable. Ce qui est inévitable en revanche, c’est ce genre d’enseignements, qui sortent des sentiers
battus de Sciences Po, ou des sciences humaines plus classiques. N’hésitez pas à innover.
II. Dimension comparative de l’expérience
A. Confrontation à la différence.
Décrire la culture australienne et ses différences avec la culture française n’est pas évident,
tant le paradoxe est profond. Les australiens oscillent entre paternalisme étatique et beach culture,
ordre synchronisé de la rue et binge drinking, déni historique et progressisme radical. Certains
expatriés de Sydney de toutes nationalités confessent leur déroute presque totale dans la
compréhension de la mentalité australienne, tant elle peut être complexe.
Je me permets cependant de souligner un première caractéristique qui semble commune à tous les
australiens et qui apparait à première vue : ils sont très gentils. Cela peut paraître le summum du
cliché, mais la première personne à qui j’ai parlé sur le sol australien m’a aidé pendant vingt minutes à
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