Développements récents sur le marché pétrolier mondial

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Royaume du Maroc
Direction des Études
et des Prévisions Financières
Développements récents sur le marché pétrolier
mondial, quelles incidences sur le Maroc?
Mai 2007
Table des matières
1. LES DETERMINANTS DU MARCHE PETROLIER MONDIAL .....................................................................2
1.1. DES FONDAMENTAUX GLOBALEMENT POSITIFS ..........................................................................2
1.2. UN MARCHE PETROLIER FORTEMENT SENSIBLE AUX ALEAS GEOPOLITIQUES .........................3
2. ANALYSE DES TENDANCES RECENTES DES PRIX PETROLIERS ..........................................................4
3. PERSPECTIVES DU MARCHE PETROLIER MONDIAL .............................................................................7
4. SITUATION PETROLIERE AU MAROC ....................................................................................................8
4.1. LE PETROLE ET LA POLITIQUE ENERGETIQUE AU MAROC ..........................................................9
4.2. EVOLUTION DE LA FACTURE PETROLIERE DU MAROC ..............................................................12
4.3. ANALYSE DE LA FACTURE PETROLIERE DU MAROC .................................................................13
4.4. SCENARII DE PRIX PETROLIERS ET LEURS INCIDENCES SUR LA FACTURE PETROLIERE DU
MAROC ................................................................................................................................................14
CONCLUSION ...........................................................................................................................................16
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................................18
1
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
Dans le cadre du suivi des principales tendances de l’économie mondiale en vue d’en
circonscrire les répercussions sur l’économie nationale, la DEPF a jugé opportun d’établir une
note qui traite des développements récents du marché pétrolier mondial et leurs incidences sur
l’évolution future des prix.
Ce travail, qui s’inscrit dans la continuité des rapports précédents consacrés à l’examen
des répercussions de la hausse des cours pétroliers sur l’économie nationale, projette d’étendre
l’horizon de l’étude aux évolutions de moyen terme. Les résultats attendus de ce travail
consistent à souligner les principaux enjeux énergétiques auxquels notre pays devrait faire face
dans les années à venir et à suggérer par voie de conséquence quelques mesures susceptibles
d’y répondre.
1. Les déterminants du marché pétrolier mondial
L’appréhension de l’évolution des prix pétroliers sur le marché mondial peut être
conduite à travers la référence aux fondamentaux du marché, ainsi qu’à travers l’examen des
divers facteurs de risque qui conditionnent la détermination des prix.
1.1. Des fondamentaux globalement positifs
L’examen de l’évolution de la demande et de l’offre de pétrole à l’échelle mondiale
laisse apparaitre l’émergence d’une relative détente des fondamentaux du marché pétrolier. En
effet, l’excédent de l’offre sur la demande a doublé, passant de 0,5 million de baril par jour
(mb/j) en 2003 à 1mb/j en 2006 (0,8 mb/j en 2004 et 0,9 mb/j en 2005). Cette amélioration
reflète une croissance plus rapide de l’offre mondiale de pétrole, même si la demande est
demeurée très dynamique.
Néanmoins, cette amélioration apparente ne permet pas de rendre compte de la faiblesse
persistante des capacités de production supplémentaires disponibles face à une demande dont
la croissance est aussi forte qu’inattendue. La capacité de production additionnelle disponible
est actuellement inférieure au niveau de production d’un producteur moyen de l’OPEP. En
conséquence, la moindre tension politique ou grève dans un pays producteur suscite la
volatilité des marchés et pousse vers le haut les cours pétroliers.
Si par le passé, l’OPEP jouissait d’un pouvoir modérateur sur les marchés, ce n’est pas
le cas aujourd’hui. Le Cartel est soumis lui aussi à l’épineuse question de capacité de
production additionnelle, sachant que ses principaux membres appartiennent à des régions de
tension par excellence. Pour ce qui est de la disponibilité de produits finis, il est communément
reconnu que leurs productions s’effectuent dans des raffineries qui tournent actuellement à un
taux proche du maximum, compte tenu de l’absence d’investissements additionnels1.
Parallèlement, la demande mondiale de pétrole demeure ferme malgré les diverses
initiatives prises par les différents pays en matière d'économie d'énergie. L’expansion plus
rapide que prévue de l'économie mondiale augmente la demande, en particulier en Chine où les
importations de pétrole brut ont augmenté à un rythme supérieur à celui de la demande
mondiale. De même, les conditions climatiques peu clémentes, qui suscitent une forte demande
en gasoil de chauffage, exercent des tensions sur la demande.
1
La faiblesse des prix est considérée comme l’un des facteurs essentiels qui ont découragé les principaux pays
importateurs à investir dans les capacités de raffinage et de renforcer leurs stocks pétroliers bruts et raffinés.
2
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
En 2007, l’offre mondiale de pétrole poursuivrait sa tendance haussière (86,2 mb/j),
bien que dans une ampleur moindre par rapport à 2006. L’offre émanant des pays hors-OPEP
continuerait de faire preuve d’une croissance plus soutenue (à 50,3 mb/j contre 48,9 mb/j en
2006), dépassant le rythme de progression de celle originaire du Cartel (35,5 mb/j contre 34,7
mb/j en 2006). Ce dernier pourrait vraisemblablement recourir à des réductions des quotas de
ses membres pour enrayer toute baisse marquée des cours mondiaux du pétrole.
De son côté, la demande mondiale de pétrole s’établirait à près de 86 mb/j en 2007, en
hausse de 1,7% par rapport à son niveau de 2006. La demande émanant des pays de l’OCDE
croîtrait légèrement de 0,2 mb/j. En revanche, celle des autres pays émergents et en
développement progresserait plus rapidement avec une hausse attendue de 1,2 mb/j en 2007
contre 1,1 mb/j en 2006 et 0,9 mb/j en 2005.
La demande chinoise demeurerait encore vigoureuse, en dépit des mesures prises par ce
pays pour atténuer la surchauffe économique et stabiliser la hausse de la production
industrielle. La demande de la Chine progresserait de 5,7% (7,4 mb/j contre 7 mb/j en 2006),
expliquant à hauteur de 30% la croissance de la demande mondiale de pétrole prévue en 2007.
60
88
82
50
86
64
40
84
30
82
20
80
10
78
46
24
28
12
10
0
-8
2003
Source: AIE 2006
2004
OCDE
2005
non OCDE
2006
2007(p)
Demande mondiale (Ech D)
(mbj)
(mbj)
36
(m bj)
48
100
0
(m bj)
Evolution de l'offre mondiale de pétrole
Evolution de la demande mondiale de pétrole
60
76
2003
Source: A IE 2006
2004
2005
Hors-OPEP
2006
OPEP
2007(p)
offre mondiale (Ech D)
1.2. Un marché pétrolier fortement sensible aux aléas géopolitiques
Les tensions qui pèsent sur le marché pétrolier tout au long de la filière n’expliquent pas
l’intégralité du phénomène de flambée des prix observé depuis 2003. La recrudescence des
incertitudes géopolitiques continue d’alimenter les craintes des marchés quant au risque
d’interruption des approvisionnements pétroliers.
En effet, les foyers de tensions dans les pays producteurs de pétrole sont la principale
cause de cette flambée. Le Moyen-Orient (60% des réserves mondiales prouvées de pétrole)
représente le principal facteur d’instabilité des marchés. Redoutant une interruption durable des
approvisionnements ou le blocage du détroit stratégique d'Ormuz (par lequel transite près de
20 % de la production mondiale de brut), les opérateurs réagissent à chaque nouvelle en
provenance des deux principaux fronts actuels de tensions : la crise autour du dossier nucléaire
iranien et la guerre en Irak. D'autres pays producteurs, notamment le Venezuela et le Nigéria
sont également dans une situation jugée « peu stable », ce qui rend les opérateurs très sensibles
à l’évolution de la situation interne dans ces pays.
3
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
Les foyers de risque affectant les cours du pétrole ne concernent pas uniquement les
pays producteurs : les essais nucléaires nord-coréens ou la guerre au Liban durant l’été 2006
ont suscité des perturbations non moins importantes sur les marchés. Aussi, les facteurs liés
aux aléas climatiques (vagues de froid et/ou ouragans) ont exacerbé les tensions sur les prix de
pétrole.
L’impact politique du pétrole se ressent même au niveau interne. Pour la plupart des
pays producteurs, l’exploitation de pétrole se traduit par le développement d’une économie de
rente. La perturbation du système économique, qui en découle, se répercute sur le système
politique, faisant ainsi de cette ressource un facteur de déstabilisation politique et sociale. Dans
les cas extrêmes, notamment en Afrique, des pays sombrent dans des guerres civiles dont les
ressorts sont directement pétroliers.
Pris ensemble, ces facteurs d’incertitude ont alimenté les opérations de spéculation,
entrainant dans leur sillage un fort accroissement des transactions purement financières sur les
marchés pétroliers à terme, qui représentent environ huit fois les échanges physiques de pétrole
brut. Il n’incite pas non plus les opérateurs à détenir des stocks et ne favorise guère des
investissements additionnels, ce qui renforce davantage la volatilité des cours.
Facteurs explicatifs de la flambée des cours pétroliers depuis 2003
Facteurs géopolitiques
Facteurs techniques et économiques
- Guerre en Irak : sabotages récurrents des
installations pétrolières, entrainant un maintien de
la production à un niveau inférieur de 40% par
rapport à celui de l’avant guerre.
- Le manque de capacités de production :
fortes tensions sur les capacités résiduelles
dans la plupart des pays producteurs sauf
l’Arabie Saoudite.
- Dossier nucléaire iranien : 4éme producteur
mondial,
l’Iran
pourrait
vraisemblablement
interrompre ses exportations pétrolières en cas de
sanctions prises à son égard.
- L’insuffisance des capacités de raffinage :
inadaptation au brut lourd, absence
d’investissements durant les dernières
années.
- Instabilité sociale au Nigéria et prolifération du
mouvement de nationalisation en Amérique latine
(nouvelles réglementations au Venezuela, en
Bolivie et en Equateur à l’encontre des
compagnies pétrolières étrangères).
- Dynamisme de la croissance de la
demande : rebond de l’activité économique à
l’échelle mondiale, se traduisant par une forte
hausse de la consommation de pétrole (EtatsUnis, Chine).
- Rôle de la Russie : utilisation des ressources
énergétiques, dont le pétrole, comme point de
pression
pour
favoriser
les
négociations
internationales de la Russie avec les pays
occidentaux.
- La spéculation : présence accrue des fonds
de pensions, forte sensibilité des marchés
aux aléas géopolitiques, ce qui contribue à
amplifier la flambée des cours.
2. Analyse des tendances récentes des prix pétroliers
Les prix du pétrole ont emprunté une trajectoire haussière à partir du second semestre
2003, en lien notamment avec la reprise économique mondiale qui a suscité une forte demande
de pétrole. Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la croissance de la demande
globale de pétrole brut s’est établie à 3,9% en 2004 après 1,9% en 2003, 0,5% en 2002 et une
moyenne annuelle de 1,5% depuis 1985.
4
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
L’envolée des prix pétroliers s’est accentuée en 2005 et 2006, rendant quasiment
invraisemblable l’espoir d’un retour des prix à des niveaux normaux. Ainsi, le prix du Brent a
atteint 54 dollars le baril ($/b) et 65 $/b en moyenne annuelle respectivement en 2005 et 2006.
En particulier, la résistance à la hausse des cours pétroliers s’est davantage accentuée en 2006,
avec des prix largement en dessus du seuil psychologique de 60$/b, comme en attestent les
records historiques atteints en juillet et août 2006 (atour de 78 $/b).
(USD/Baril)
Cours du Brent (moyenne annuelle)
1970-2006
70
60
Capacités de raffinage de pétrole
90000
80000
Asie-Pacifique
70000
Prix nominaux
60000
50
Afrique
Moyen-Orient
50000
40
Moyenne mobile 5 ans
30
Europe
40000
30000
20
A mérique du Sud
20000
Amérique du
Nord
10
10000
0
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
0
2005
Source: A IE 2006
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Source: B.Petroleum 2006
Cette tendance est consécutive à la conjonction de plusieurs facteurs. Il s’agit des
inquiétudes des marchés concernant le risque de fortes perturbations au niveau de l’offre et de
l’activité de raffinage. A ces facteurs, liés aux fondamentaux du marché pétrolier, s’ajoutent la
forte résistance de la demande mondiale, propulsée par des pays émergents à forte croissance et
à faible efficacité énergétique, en l’occurrence la Chine.
Toutefois, un examen rapide des tendances passées sur le marché pétrolier laisse
apparaitre des phases de retournement des prix qui traduisent un ajustement plus au moins
rapide du marché vers un certain niveau d’équilibre, comme en atteste le graphique ci-après
relatif au cycle des prix du Brent. Il met en exergue qu’à chaque pic pétrolier2 correspond une
chute des prix dont l’ampleur dépend aussi bien du comportement des pays producteurs et
importateurs que de celui du cycle de croissance de l’économie mondiale.
Evolution du Prix spot du Brent en 2006
Cycle des prix du Brent (USD/Baril)
80
65,15
75
( U S D /B a ril)
52,32
35,71
28,23
22,99
14,17
24,95
20,37
15,95
70
65
60
55
50
13,07
mijanv
07
Août
J u llie t
J u in
M ai
A v r il
M ars
D éc em bre
2006
N ov em bre
2000 2002
O c to b r e
1996 1998
S e p te m b r e
1990 1994
F é v r ie r
1980 1986
J a n v ie r
45
Source: AIE 2006
2
Il y a lieu de préciser que la référence à la moyenne annuelle ne permet pas de capter les pics les plus importants
des prix pétroliers, notamment pour les années 2005 et 2006.
5
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
La plus importante des corrections baissières des prix pétroliers est celle ayant pris
place entre 1980 et 1986 où les prix ont chuté de près de 22 ($/b) et plus récemment entre 2006
et mi-janvier 2007 où la contraction des prix s’est établie à plus de 12 ($/b). Cette situation
rend légitime de se demander si en 2007 un retour des prix à leur niveau d’équilibre est
envisageable.
Il demeure vraisemblable que la chute des prix, depuis le pic enregistré durant l’été
2006, laisse augurer une tendance progressive des cours pétroliers vers un nouveau prix
d’équilibre. Ce dernier ne serait certainement pas identique à celui en vigueur avant le pic de
2003 (bande de fluctuation des prix 22-24 $/b de l’OPEP) à en juger par la tendance des prix
sur le marché à terme qui table sur des prix supérieurs à 60$/b pour les livraisons lointaines,
même si la capacité prédictive des prix à terme est très controversée3.
Encadré 1 : Prix et marchés pétroliers
La détermination d'un cours de référence international pour les prix du pétrole brut est
complexe car il n'existe pas un seul type de brut mais autant de bruts que de gisements, chacun
possédant des caractéristiques différentes. De plus, il n'existe pas un marché au comptant pour chaque
type de brut mais sept principaux marchés physiques qui reflètent chacun les prix de plusieurs bruts.
1. Les marchés physiques :
Le marché de Rotterdam est le plus important, il traite des pétroles bruts et des produits du pétrole.
Le marché méditerranéen traite des bruts d'origine russe, libyenne ou iranienne. Les qualités y sont
hétérogènes (aussi bien des doux que des sulfurés, des légers que des lourds).
Le marché du Golfe du Moyen-Orient traite essentiellement des bruts de la République d'Oman et des
Emirats Arabes Unis. Les bruts d'Arabie Saoudite sont peu vendus sur ce marché physique.
Le marché d'Extrême Orient importe la majorité de ses bruts depuis le Moyen Orient. Il traite de
manière limitée les exportations de bruts d'origine malaysienne et indonésienne.
Le marché des Etats-Unis traite la grande majorité des pétroles produits aux Etats-Unis dont le West
Texas Intermediate (WTI), l'Atlantic North Slope (ANS) et quelques origines d'Amérique latine.
Le marché de la Mer du Nord est composé des origines de la Norvège et du Royaume-Uni presque
exclusivement, dont le Brent est le plus traité.
Le marché d'Afrique de l'Ouest traite une partie de ses exportations pour les bruts du Nigeria (Forcados
et Bonny Light) et de l'Angola bien que la majorité des bruts d'origine africaine est négociée en
référence à certains contrats à terme.
2. Les cotations sur les marchés à terme
Depuis le début des années 1980, les contrats à terme sur le pétrole ont connu un
développement spectaculaire, à tel point qu'aujourd'hui les prix de ces contrats sont très souvent utilisés
en référence (les volumes de pétrole brut traités par des contrats à terme ont dépassé le volume de la
production mondiale).
Plusieurs marchés organisés offrent des outils de gestion du risque de prix :
- le New York Mercantile Exchange (NYMEX) propose deux contrats à terme et deux options sur ces
contrats. L'un sur le Brent blend et l'autre sur un brut d'origine américaine avec une faible teneur en
soufre et un degré API compris entre 37° et 42° (brut léger et doux), livrable à Cushing Oklahoma
(typiquement le WTI).
- l'Intercontinental Exchange (ICE) de Londres propose un contrat à terme et une option sur le Brent.
-le Singapore Mercantile Exchange propose un contrat à terme (site semble temporairement hors
service).
Source : CNUCED
3
En général, sur le marché pétrolier, le prix à terme reflète les anticipations des intervenants relatives au prix comptant futur.
Toutefois, le pouvoir prédictif des prix à terme doit être relativisé, en ce sens que l'écart entre prix à terme et prix au comptant
reflète non seulement les anticipations, mais aussi le coût de stockage et la préférence pour la détention de stocks physiques.
6
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
3. Perspectives du marché pétrolier mondial
La forte volatilité des cours pétroliers laisse suggérer que le marché pétrolier est entré
dans une nouvelle phase caractérisée par une rupture par rapport à la période où le pétrole était
à bon marché. Plusieurs facteurs peuvent être avancés pour justifier une telle réalité.
Il s’agit tout d’abord des considérations liées aux fondamentaux du marché pétrolier.
Du côté de l’offre, l’insuffisance des capacités résiduelles, amplifiée par la domination des
régions à maturité dans la production pétrolière mondiale, se traduit par la mise en production
de nouveaux champs dont les coûts d’exploration et de développement sont très élevés. A cet
égard, l’Agence Internationale de l’Energie estime qu’il faudra investir d’ici 2030 plus de 6
trillions de dollars pour continuer de faire face à la croissance de la demande mondiale de
pétrole, soit 220 milliards de dollars annuellement.
Dans ces conditions, les prix pétroliers devraient évoluer à des niveaux permettant
d’absorber l’accroissement des coûts unitaires et de renforcer le rendement du capital investi.
C’est d’ailleurs dans cette optique que s’inscrivent les orientations actuelles de l’OPEP qui
défend implicitement une fourchette de prix comprise entre 50 et 60 $/b. Le Cartel semble en
effet déterminé à faire usage des quotas de ses membres (vers la hausse comme vers la baisse)
pour stabiliser les cours pétroliers à l’intérieur de cette bande de fluctuation.
Du côté de la demande, il y a lieu de souligner que l’absence de réaction significative
de la consommation pétrolière, face au contexte de hausse des cours internationaux depuis
deux ans, résulte simultanément de l’inexistence à court terme de substituts énergétique et
technologique économiquement viables à la ressource pétrolière.
Les pays émergents hors OCDE, qui alimentent déjà les trois quarts de la croissance
globale du marché pétrolier, recèlent l’essentiel des besoins de mobilité devant être satisfaits
dans le futur. La demande de carburants constitue un facteur puissant à même d’assurer la
progression du marché pétrolier sur un rythme au moins égal à celui des deux dernières
décennies, soit plus de 1,5 Mb/j par an.
Les contraintes liées aux fondamentaux du marché pétrolier sont, toutefois,
contrebalancées par un certain nombre de facteurs. Il s’agit d’abord des considérations
environnementales, le pétrole étant responsable de 40 % des émissions de CO2 et de 30 % de
la totalité des gaz à effet de serre. Dès lors, la tertiarisation des économies et les progrès
techniques seraient de nature à accélérer le trend baissier de l’intensité en pétrole de la
croissance mondiale. Le niveau actuel des prix pétroliers devrait constituer une opportunité
pour favoriser les économies d’énergie et les produits de substitutions.
La seule source de difficulté est liée au modèle de croissance emprunté par la Chine,
avec son vaste programme d’infrastructures et le rattrapage de revenu de sa population. Ainsi,
il est estimé que si ce pays rejoignait les standards européens de taux de motorisation (soit 585
véhicules pour 1000 habitants, contre environ 12 actuellement), il faudrait consacrer 80
millions de barils par jour pour la satisfaire, soit le niveau actuel de la demande mondiale.
De l’autre côté, la question des réserves pétrolières n’est pas encore tranchée. Les
craintes d’un épuisement de la ressource pétrolière se sont avérées exagérées. A titre de rappel,
le ratio (production/réserves prouvées) est passé de 30 ans en 1973 à plus de 50 ans
actuellement, sachant que le potentiel de découverte et la montée du pétrole non conventionnel
(huiles lourdes, off-shore, pétrole synthétique) pourraient rallonger cette durée de vie.
7
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
Tenant compte de l’ensemble de ces facteurs, la plupart des prévisions établies par les
institutions internationales tablent sur un maintien des prix pétroliers à un niveau soutenu en
2007 dans une fourchette de 55-60 ($/b), même si un tel niveau de prix n’a rien d’égal avec les
pics enregistrés durant l’été 2006. Néanmoins, la plupart des prévisions des prix pétroliers
s’attendent à une modération progressive des cours pétroliers, sous l’effet conjugué de
l’amélioration de l’offre et de l’accroissement de l’efficacité énergétique.
L’écart de prévisions établies par les différentes sources est pratiquement plus
important pour ce qui est du court terme, en raison de la forte volatilité des cours pétroliers et
leur sensibilité aux événements géopolitiques, au même titre que le comportement imprévisible
de l’OPEP. En revanche, à partir de 2009, exception faite de l’EIA qui table sur un maintien
des prix en dessus de 50 ($/b) jusqu’à 2010, la plupart des prévisions projettent un prix de baril
autour de 45 dollars à l’horizon 2015.
Prévisions des prix pétroliers (2007-2015)
(USD/Baril)
2007
Prévision
moyenne
jan-mars 2007
2008
2009
2010
2015
45
45
45
50
35
51
44,6
EDC* (Canada)
55
50
Banque mondiale
56
52,7
Schroders** (France)
54,75
EIA (Etats-Unis)
59,4
57,6
49,75
43,75
57,2
54
Moyenne
57,5
53,5
47,6
48,7
41,5
(*) Société d'Etat canadienne offrant des services de financement et de gestion des risques (portefeuille clientèle 57 milliards USD)
(**) Fonds de gestion (total bilan 122 milliards USD)
Nonobstant le caractère aléatoire de ces prévisions, celles-ci demeurent un indicateur de
l’orientation future des cours pétroliers qui tient compte aussi bien des fondamentaux de l’offre
et de la demande que des positions des investisseurs sur les marchés à terme.
4. Situation pétrolière au Maroc
En tant qu’importateur net de pétrole, le Maroc est soumis au gré de la conjoncture
pétrolière mondiale, particulièrement défavorable ces dernières années. Les canaux de
transmission d’un renchérissement de la facture énergétique à l’économie nationale se
manifestent ainsi à travers une aggravation du déficit commercial et une hausse des prix à la
consommation qui engendre une ponction sur le pouvoir d’achat des consommateurs et une
augmentation des coûts supportés par les entreprises.
Parallèlement à ces effets directs, s’ajoute un effet indirect lié aux impacts du
renchérissement des cours pétroliers sur la croissance dans les économies partenaires, qui se
répercute évidemment sur le rythme de progression de la demande d’importation adressée à
notre pays.
Compte tenu de ces incidences qui semblent être désormais durables, des réponses de
politiques économiques s’avèrent nécessaires en vue d’améliorer la capacité de résistance de
l’économie nationale et ce, en œuvrant activement dans le sens du renforcement de l’efficacité
énergétique à travers une plus grande diversification du bilan énergétique de notre pays.
8
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
4.1. Le pétrole et la politique énergétique au Maroc
Le Maroc affiche une forte dépendance énergétique. Celle-ci est quasi-totale vis à vis
du pétrole et du charbon qui interviennent à près de 92% dans la consommation d'énergie au
Maroc en 2005 (59,5% pour le pétrole et 31,9% pour le charbon). Cette dépendance pèse sur
les marges de manœuvre de la politique économique et conditionne dans une certaine mesure
les perspectives de croissance de l’économie nationale.
L'accroissement soutenu de la demande énergétique (multiplication par 2,85 de la
consommation globale entre 1980 et 2004), conjugué à des ressources locales de plus en plus
faibles (fréquence des sécheresses, fermeture de la mine de charbon de Jeradda) a contribué au
creusement du déficit énergétique qui est actuellement de 10,5 millions de tonne équivalent
pétrole (tep).
C’est dans cette optique que les politiques poursuivies par le Maroc se sont attelées à
desserrer les contraintes énergétiques aussi bien endogènes qu’exogènes qui pèsent sur la
croissance et la compétitivité. Ces politiques se sont appuyées sur la diversification des sources
énergétiques et la promotion de l’intégration régionale.
La diversification des sources énergétiques
Avec le démarrage de la centrale de Tahaddart en mars 2005, le Maroc a commencé à
introduire le gaz naturel dans son mix énergétique. Cette utilisation sera étendue, à travers la
mise en œuvre du plan national du gaz naturel qui ambitionne d’atteindre à l’horizon 2020 une
part du gaz naturel de 23% de la demande énergétique via sa généralisation à d’autres branches
d’activité et, à long terme, au résidentiel. La concrétisation du plan gazier repose sur une
démarche libérale qui met en concurrence les opérateurs nationaux et internationaux pour
l’octroi des concessions de longue durée relatives à la construction des réseaux de transport et
de distribution.
Pour assurer l’approvisionnement en gaz naturel, deux projets complémentaires à la
redevance perçue du passage du Gazoduc Maghreb Europe sont envisagés, en l’occurrence,
l’importation du gaz naturel liquéfié et l’achat d’une quotité additionnelle provenant du
Gazoduc Maghreb Europe.
Conscient du rôle des instances de régulation dans le fonctionnement du système
libéral et le règlement des conflits (accès des tiers aux réseaux, tarification), le code gazier
marocain prévoit l’instauration d’une autorité indépendante de régulation pour assurer la
transparence des opérations, l’application des règles de concurrence et l’équité des tarifs pour
les consommateurs.
S’agissant du charbon, il est utilisé à plus de 81 % dans la production d’électricité
thermique et 16 % par les cimentiers. Sa consommation s’est accélérée avec les reconversions
au charbon de l’ONE et la montée en puissance des centrales au charbon de Jorf Lasfar,
confiées en concession de production au groupement ABB/CMS (JLEC).
9
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
Outre le renforcement de la place du gaz naturel et du charbon dans le bouquet
énergétique national, la politique des barrages menée par le Maroc permet de générer jusqu'à
8% de la consommation énergétique nationale. La puissance électrique installée a atteint 1.729
MW en 2005. Toutefois, les productions hydroélectriques sont erratiques et restent davantage
tributaires des conditions climatiques plutôt que de la puissance installée. La production
d'électricité hydraulique est limitée, en année sèche, par la priorité accordée à l'eau potable et à
l'irrigation.
Enfin, dans le but de valoriser les potentialités nationales solaire et éolienne, un plan
stratégique de développement des énergies renouvelables est mis en œuvre par le Centre de
Développement des Energies Renouvelables (CDER) afin de porter le taux de contribution de
ces énergies à 10% de la consommation nationale à l'horizon 2011 et d'assurer, à travers
l'énergie solaire, l'électrification des foyers ruraux difficilement accessibles au réseau national.
Ce plan intègre la réalisation de nouveaux parcs éoliens, le développement des applications
solaires photovoltaïques et la réalisation de micro- centrales solaires.
Encadré 2 : La prospection pétrolière au Maroc
Les activités de recherche pétrolière au Maroc connaissent une relance sans précédent,
portée par une conjoncture pétrolière marquée par la flambée des cours du brut et la relance des
investissements d’exploration des compagnies pétrolières. Ces dernières ont été encouragées
par les succès rencontrés en offshore, notamment en mer profonde où d’importantes
découvertes ont été réalisées dans les Golfes du Mexique et de Guinée, en Angola, au Brésil et
en Nouvelle Écosse.
Le Maroc a bénéficié d’un regain d’intérêt pour son sous-sol avec l’afflux de plusieurs
sociétés pétrolières qui ont signé avec l’Office National des Hydrocarbures et des Mines des
accords portant notamment sur les zones maritimes profondes où les études préliminaires
montrent de fortes similitudes avec les régions précitées.
Pour doter le pays d’un cadre institutionnel favorable à l’attrait des investissements
extérieurs et tirer avantage du nouveau dynamisme sur le marché pétrolier mondial, un
nouveau code des hydrocarbures a été promulgué en février 2000 permettant de faire bénéficier
les compagnies pétrolières d'exonérations fiscales, tout en allégeant les procédures de
conclusion des conventions. En plus, des avantages fiscaux accordés, le code des
hydrocarbures a réduit la participation de l’Etat de 50 à 25%, donnant ainsi droit à une part
d’intérêt de 75% en faveur des entreprises privées.
Ces efforts ont abouti à la concession de 86 permis de recherche et 6 autorisations de
reconnaissance au profit de 22 compagnies étrangères qui opèrent actuellement au Maroc aussi
bien en on-shore qu’en off-shore. Ces compagnies comprennent des firmes de différentes
tailles allant des majors comme Shell et Total, aux grands indépendants comme Eni, Repsol,
Kerr McGee, Maersk, les grandes sociétés nationales internationalisées comme Petronas et
Norsk Hydro jusqu’aux compagnies émergentes de moindre dimension mais très dynamiques
comme Vanco, Energy Africa, Maghreb Petroleum Exploration, Cabre et d’autres.
Bien qu’aucune découverte majeure ne soit annoncée jusqu’à présent, l’avenir de la
prospection pétrolière reste prometteur surtout dans le contexte actuel du renchérissement du
cours mondial du pétrole qui pousse les compagnies internationales à multiplier leurs efforts
d’investissement dans les régions non encore explorées.
10
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
Le renforcement de l'intégration énergétique régionale
Des efforts importants ont été consentis dans le sens du renforcement de la coopération
régionale en matière énergétique. Les complémentarités énergétiques entre les pays
maghrébins, déjà à l’œuvre au niveau des secteurs de l'électricité et du gaz, pourraient
connaître de l’ampleur en ligne avec l’accélération du projet maghrébin. Elles s’appuient sur
une distribution de la population et sur une densité des infrastructures qui facilitent grandement
la fourniture d'énergie aux populations.
Déjà, la Tunisie, l'Algérie et le Maroc sont reliés par un lien qui fonctionne en
synchronisation avec le système européen UCTE depuis 1997 grâce à un câble sous-marin
entre l'Espagne et le Maroc. Par ailleurs, il convient de souligner qu’un projet d’interconnexion
entre le Maroc et la Mauritanie est en cours d’étude. Sa concrétisation pourrait offrir des
opportunités immenses pour notre pays sur le continent africain dans le cadre d’une
coopération énergétique Sud-Sud.
Le besoin d'une intégration énergétique au niveau de la région maghrébine a déjà fait
l’objet de plusieurs études. Il s’agit notamment de l’étude conduite conjointement par le
Secrétariat de l’UMA et la Commission européenne, qui a mis l'accent sur la nécessité d'un
échange d'informations et sur l'introduction de mesures régulatrices afin de favoriser
l’harmonisation des marchés comme préalable à l'intégration et à la mise en place d'un Marché
Maghrébin de l'Energie.
Au-delà des pays du Maghreb, l’extension du projet d’intégration énergétique aux
autres pays de l’Afrique du Nord est également une option qui mérite d’être poursuivie. Les
liens 220 kV allant de l'Egypte au Maroc pourrait passer, selon le Conseil mondial de l’énergie,
à 500 kV/400 kV pour accroître les capacités de transfert en 2007.
Etant déjà lié à l'Europe par le Gazoduc Maghreb-Europe et par des interconnexions
électriques, le Maroc peut mobiliser la coopération européenne pour ouvrir la voie à une
gestion de l’approvisionnement dans le cadre d’un marché régional de l’électricité et du gaz
naturel et tirer profit des opportunités d’échanges avec les pays de la région euroméditerranéenne.
Le mouvement d’intégration énergétique au sein des pays de l'est et du sud de la
Méditerranée, qui s'étendent de la Turquie au Maroc, pourrait être connecté au système
européen UCTE par la liaison Espagne-Maroc ou par les connexions via la Grèce et la
Bulgarie. Ces liaisons fourniraient ainsi la base d'un Pool Méditerranéen de l'Energie et
renforceraient certainement le commerce de l'énergie régionale en Afrique du Nord et dans le
bassin méditerranéen.
Les expériences internationales en matière d’intégration énergétique, notamment sur le
continent américain, sont très utiles à cet égard. L’ALENA offre l’exemple d’une intégration
régionale plus avancée sur le marché pétrolier, avec une forte croissance des échanges intrarégionaux de produits pétroliers. Elle l’est moins sur le marché de l’électricité où les échanges
régionaux demeurent encore limités, pour des raisons liées à l’harmonisation des
réglementations nationales, à la forte croissance de la consommation intérieure et à
l’insuffisance des investissements dédiés au développement des réseaux.
11
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
De son côté, l’intégration énergétique au niveau du MERCOSUR se poursuit à un
rythme progressif. La libéralisation et la privatisation des entreprises électriques dans la plupart
des pays de la région devraient favoriser la création d’un vaste marché énergétique régional,
notamment pour ce qui est du gaz naturel, avec de nombreux projets d’extension des gazoducs
existants. Cette orientation est également empruntée par la Communauté andine qui a lancé en
2001 une politique d’intégration de ses marchés électriques en décidant de se donner un cadre
juridique communautaire assurant l’harmonisation des aspects légaux et des régulations des
pays membres.
4.2. Evolution de la facture pétrolière du Maroc
Le Maroc affiche une forte dépendance à l’égard du pétrole. La ressource pétrolière
représente actuellement près de 60% de la consommation d’énergie contre 95% dans les années
1970. La quasi-totalité des besoins de notre pays en produits pétroliers est importée de
l’extérieur, la production nationale de pétrole brut étant très faible et ne dépasse guère 50.000
tep/ an.
En millions de dirhams
Evolution des importations marocaines du pétrole brut
20
12
15
11,6
9,9
13
12,3
15
12
9,4
8,4
6,8
10
En %
9
5,5
6
5
3
0
0
1998
1999
2000
2001
2002
Importations de pétrole
2003
2004
2005
2006p
Part dans les importations globales
Source : Office des changes
Dans un contexte marqué par la hausse des cours mondiaux du pétrole, la facture
pétrolière a progressé de 64,7% en 2005. La part relative des importations pétrolières dans le
total des importations nationales est en augmentation régulière depuis 1998, abstraction faite
du repli enregistré entre 2002 et 2004.
Ces évolutions se sont poursuivies en 2006. Les importations de pétrole brut ont
dépassé 25 milliards de dirhams, en hausse de 5,1% par rapport à 2005. En conséquence, la
facture pétrolière a absorbé près de 22,8% des recettes d’exportation, soit l’équivalent de 69
jours d’exportations.
Le prix moyen de la tonne importée4 est ainsi passé de 3394 dirhams la tonne
(l’équivalent de 52,1$/baril) à 4020 DH/T (62,1$/baril) respectivement entre 2005 et 2006, soit
un accroissement de 18%. Néanmoins, la part du pétrole brut dans les importations totales s’est
légèrement repliée pour s’établir à 12,3%, expliquant pour près de 6% l’accroissement des
importations globales de notre pays.
4
1 tonne = 7,35 barils
12
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
En termes de volume, les importations nationales de pétrole brut ont atteint 6,26
millions de tonnes en 2006, en régression de 12,2% par rapport à 2005. Ce niveau s’inscrit
toutefois en ligne avec le niveau annuel moyen de 6,28 millions de tonnes enregistré au cours
de la période 2001-2005.
Volume des importations marocaines de pétrole brut
Importations (en milliers de
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
7183
6853
7259
6390
4614
6098
7055
6262
19,6
-4,6
5,9
-12
-27,8
32,2
14,7
-12,2
tonnes)
Croissance annuelle (En %)
Source : Office des Changes
4.3. Analyse de la facture pétrolière du Maroc
L’analyse de la facture pétrolière du Maroc peut être conduite à travers la
décomposition des importations pétrolières en effet volume, effet prix et effet change5. D’après
les calculs effectués, l'accroissement de la facture pétrolière sur la période récente s'explique
davantage par un effet prix (renchérissement des cours mondiaux de pétrole) plutôt que par un
effet volume (la hausse des importations). L’effet change, relativement moins favorable lors
des périodes précédentes, a permis depuis 2002 d’amortir une partie du choc lié à la hausse des
cours pétroliers.
En ce qui concerne l’effet volume, celui-ci a eu un impact direct sur le renchérissement
des importations pétrolières en 1999 et en 2004, années où les importations marocaines de
pétrole brut ont progressé respectivement de 1,18 et de près de 2 millions de tonnes, expliquant
20% et 32% du renchérissement de la facture pétrolière lors des deux périodes.
S'agissant de l'effet prix, l'accroissement du prix moyen de la tonne importée de plus de
10 dollars le baril (75 dollars/tonne) entre 1999 et 2000 explique près de 60 % de
l'accroissement de la facture pétrolière. L’effet change a eu lors de cette période un effet
amplificateur compte tenu de la dépréciation du dirham de 8% face au dollar.
Le pic récent des prix mondiaux de pétrole, de 28,9 dollars/baril en 2003 à 37,8
dollars/baril en 2004, explique à hauteur de 29% la hausse des importations pétrolières. Lors de
cette année, l’effet change a permis d’éponger une partie du renchérissement des cours en
raison de l’appréciation du dirham par rapport au dollar (7%).
5
Si on définit :
ƒ p = prix unitaire moyen
ƒ q = quantité totale
ƒ t = taux de change nominal (USD/MAD) et
ƒ 0 = année de référence
ƒ 1 = année d’exercice
L’effet global s’exprime par : ∑ p1 . q1 . t1 / ∑ p0 . q0 . t0 et peut donc se décomposer en :
ƒ un effet volume :
∑ p0 . q1 . t0 / ∑ p0 . q0 . t0
ƒ un effet prix :
∑ p1 . q0 . t0 / ∑ p0 . q0 . t0
ƒ un effet change :
∑ p0 . q0 . t1 / ∑ p0 . q0 . t0
13
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
Pour ce qui est de l’année 2005, le renchérissement de la facture pétrolière s’explique
davantage par un effet-prix (42%) que par un effet-volume (15,7%). De son côté, l’effetchange a été neutre, puisque le taux de change du dirham par rapport au dollar est demeuré
quasiment stable entre 2004 et 2005.
En 2006, la légère appréciation du dirham face au dollar, conjuguée à la contraction du
volume des importations de pétrole brut, a permis de contenir la hausse de la facture pétrolière.
Durant cette année, le baril du Brent s’est chiffré en moyenne à 65,15 dollars (+10,85
dollars/baril par rapport à 2005 contre un accroissement de 16,1 dollars/baril entre 2004 et
2005), expliquant à hauteur de 19% le renchérissement des importations marocaines de pétrole.
En revanche, l’effet volume et l’effet change ont joué un rôle d’amortisseur, épongeant 11,2%
et 0,7% de la hausse de la facture pétrolière de notre pays.
Tableau récapitulatif des effets prix, volume et change
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Effet volume
20%
-5%
6%
-12%
-28%
32%
15,7%
-11,2%
Effet Prix
35%
59%
-13%
3%
14%
29%
42%
19,3%
Effet change
2%
8%
6%
-2%
-13%
-7%
0%
-0,7%
Effet total
57%
63%
-1%
-11%
-27%
54%
58%
7%
Source : Calculs DEPF
4.4. Scénarii de prix pétroliers et leurs incidences sur la facture pétrolière du Maroc
Tenant compte des tendances prévisibles sur le marché pétrolier mondial, l’année 2007
devrait être marquée par une légère modération des cours pétroliers. Ce scénario est largement
partagé par la plupart des institutions internationales, mais n’exclut pas des épisodes de
volatilité en réactions aux éventuelles tensions sur l’offre de pétrole.
Ainsi, pour circonscrire l’évolution des cours pétroliers en 2007, trois scénarii de prix
ont été retenus. Le premier se veut optimiste et table sur un retour des prix à 55 dollars le baril,
soit un niveau comparable à celui de l’année 2005. La concrétisation de ce scénario
présuppose, toutefois, une modération du rythme d’expansion de l’activité économique au
niveau des principaux importateurs et une décrue de la prime de risque qu’occasionnerait un
retour de l’Irak sur le marché mondial et un dénouement politique du dossier nucléaire iranien.
Le second scénario est le plus vraisemblable. Il traduit un niveau de prix qui tient
compte des tensions éventuelles tant du côté de l’offre que du côté de la demande. Il s’agit
aussi d’un scénario qui répond aux attentes des producteurs de l’OPEP et qui constituera une
incitation pour le Cartel à faire usage de ses capacités résiduelles pour stabiliser les cours.
Le troisième scénario porte sur une croissance des cours au-delà de 65 dollars le baril.
Ce scénario pessimiste sous-tend une aggravation des tensions géopolitiques au Moyen-Orient
et un comportement neutre de l’OPEP qui pourrait prendre appui sur la dépréciation éventuelle
du dollar par rapport à l’euro.
14
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
En supposant que le volume des importations de pétrole brut pour l’année 2007 se
maintiendrait à 6,3 millions tonnes, soit le niveau moyen des cinq dernières années, et que le
prix du pétrole sur le marché mondial oscillerait dans la fourchette 55-60 dollars le baril, la
valeur des importations pétrolières du Maroc s’établirait, toute choses égales par ailleurs, entre
21,6 et 23,6 milliards de dirhams. Ce qui occasionnerait un allègement de la facture pétrolière
estimé entre 1,5 et 3,5 milliards de dirhams par rapport à 2006 et ce, compte non tenu du
différentiel de prix entre le cours mondial du baril de Brent et celui du baril importé par le
Maroc.
Néanmoins, le passage du cours du baril à 65 dollars occasionnerait une aggravation de
la facture pétrolière de 1,6% par rapport à 2006 et de 33% par rapport au niveau moyen des
cinq dernières années.
Scenarii des prix pétroliers pour l’année 2007
(effets sur les importations pétrolières du Maroc)
Scénario optimiste
(55 $/baril)
Scénario réaliste
(60$/baril)
Scénario pessimiste
(65$/baril)
Facture pétrolière
(en milliards de
dirhams)*
21,6
23,6
25,6
Variation par
rapport à 2006
-14%
-6,2%
+1,6%
Variation par
rapport à la
moyenne
(2002-2006)**
+13%
+23%
+33%
(*) Hypothèse retenue : une parité euro/dollar de 1,34 en moyenne sur l’ensemble de l’année 2007.
(**) Non compris l’année 2003, en raison de son caractère exceptionnel (incendie de la SAMIR).
15
Direction des Etudes et des Prévisions Financières
Conclusion
Le renchérissement durable des cours pétroliers s’avère défavorable pour l’économie
nationale. Les effets négatifs liés à cette nouvelle donne (aggravation du défit commercial,
surcoût de production affectant la compétitivité des entreprises, ponction sur le revenu des
consommateurs,…) rendent nécessaire d’accélérer la mise en place d’une stratégie énergétique
cohérente visant à relever les défis de développement du secteur de l’énergie au Maroc.
Dans ce sens, le renforcement de la coopération avec la Banque mondiale s’est
concrétisé à travers la conclusion par notre pays d’un Prêt de Politique de Développement du
Secteur de l’Energie (PPD Energie) d’un montant de 100 millions de dollars. Les réformes
proposées dans le cadre du PPD Energie visent entre autres la réforme du cadre institutionnel,
législatif et réglementaire pour l’amélioration de la qualité des combustibles et des carburants,
ainsi que le développement de l’utilisation du gaz naturel, la promotion des énergies
renouvelables et de l’efficacité énergétique. De plus, ce même PPD ambitionne de renforcer la
sécurité d’approvisionnement en énergie moyennant une stratégie de diversification efficiente
et une plus grande intégration régionale du réseau électrique.
En parallèle, la réforme du secteur énergétique marocain devrait tirer profit de la
coopération avec l’Union Européenne dans le cadre de la politique de voisinage. En effet, un
budget de 40 millions d’euros est programmé en 2008. Outre le renforcement de la sécurité des
approvisionnements et la diversification de l'offre énergétique, l’objectif de ce projet est
d’aboutir à une intégration progressive du secteur énergétique national dans les marchés
électriques et gaziers Euro-méditerranéens.
Aussi, les efforts consentis en matière de développement des énergies renouvelables à
travers les programmes éoliens et solaires, la petite hydraulique et la biomasse, devraient-ils
être poursuivis. A cet égard, le Maroc, ayant ratifié le protocole de Kyoto, devrait tirer
avantage du Mécanisme de Développement Propre (MDP) qui est un mécanisme financier
d’incitation à la réalisation de projets et d’activités qui réduisent les émissions de gaz à effet de
serre (GES) et d’acquérir des crédits en retour, notamment dans les secteurs des énergies
renouvelables et d’efficacité énergétique6.
Non moins importante, l’intensification de l’exploration et de la prospection pétrolière,
en misant sur les potentialités de l’off-shore profond, accroitrait les chances d’une découverte
d’hydrocarbures qui serait de nature à transformer structurellement la situation énergétique
marocaine. De même, la rationalisation de l’utilisation de l’énergie à travers la sensibilisation
des consommateurs et l’amélioration de la productivité en vue de renforcer l’efficacité
énergétique du tissu productif national, constituent autant de facteurs susceptibles de renforcer
la capacité d’adaptation de l’économie nationale au nouveau contexte du marché pétrolier
mondial.
6
Le Maroc dispose d’un portefeuille de projets MDP intégrant plus de 40 projets, représentant plus de 5 Millions de T
ECO2/an pour les 10 ans à venir. Cela permettrait de drainer des fonds estimés entre 25 et 50 Millions de $/an. Deux projets
édifiants en matière du MDP ont été enregistrés au niveau du conseil exécutif. Il concerne tous les deux l’énergie éolienne. Il
s’agit du projet éolien de Tétouan, réalisé par LAFARGE et du parc éolien d’Essaouira réalisé par l’ONE.
16
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Annexe : Caractéristiques du marché pétrolier selon le prix du baril
Prix faible (≤50 $/b)
Concentration des zones de
production au Moyen Orient.
Prix moyen (55$/b)
Maintien de la diversification actuelle
des pays producteurs.
Prix élevé (plus de 65$/b)
Pétrole très concurrencé par les autres
hydrocarbures.
Marché du gaz
Marché régional (flux entre
zones de consommation et de
production proches).
Investissements très peu
rentables.
Développement des nouvelles
technologies gazières, notamment
GNL, GTL, DME. Création
d’infrastructures (gazoducs). Potentiel
de mondialisation, voire de macrorégionalisation du marché.
La tendance présentée pour un prix
moyen s’accentue.
Puissance des
pays
producteurs
Arabie Saoudite prépondérante,
pays où les investissements sont
les plus rentables.
Equilibre géopolitique entre l’Arabie
Saoudite, la Russie et l’Iran (leaders
du marché).
Apparition de nouveaux acteurs,
notamment parmi les pays développés.
L’organisation peut sans
problème rehausser les prix :
beaucoup de pouvoir sur le
marché.
Favorable au maintien de
l’american way of life, mais très
grande dépendance vis-à-vis du
Moyen-Orient. Production
interne (Texas, Alaska) non
compétitive.
Peut assurer le prix minimal (éviter
une baisse en deçà des 35$/b), mais
n’a pas de pouvoir en cas de hausse
éventuelle.
Pouvoir sur les prix très réduit.
Très bon scénario pour affirmer sa
puissance internationale (rôle phare
dans la garantie du bon
fonctionnement du marché mondial).
Situation idéale pour réduire leur
dépendance (marché Nord-américain
suffisant, meilleure mise en valeur de
leur production).
Bonne diversification des
approvisionnements. Très bonne mise
en valeur du parc nucléaire. Politique
de réduction de la demande de
pétrole.
Meilleur rendement des champs
gaziers russes. Situation de puissance
géopolitique en cas de macrorégionalisation du marché.
Frein à la croissance.
Problème d’attractivité des ressources
russes proches de l’Europe
(concurrence des Etats-Unis et de la
Chine).
Marché du
pétrole
Pouvoir de
l’OPEP
Situation des
Etats-Unis
Situation de
l’Europe
Position géographique
privilégiée pour la
consommation du gaz, mais
dépendance vis-à-vis de la
Russie et du Maghreb. problème
de rentabilité de l’exploitation
des gisements européens et
champs gaziers russes.
Situation de la
Chine
Très forte croissance,
Scénario un peu défavorable à sa
augmentation de la dépendance
croissance, mais favorable à la
énergétique. Pose un problème
car ses compagnies ne sont pas
sécurité de ses approvisionnements :
situation de ses compagnies
compétitives et sont implantées
nationales, rentabilité des grands
dans des régions où
l’exploitation est chère (Soudan). pipelines venant de la Russie ou de la
Caspienne, rentabilité de son charbon.
Baisse du taux de couverture
énergétique.
Scénario très défavorable à sa
croissance, mais taux de couverture
supérieur à 100 % grâce au
développement de son charbon.
Conséquences
sur l’effet de
serre
Consommation à outrance
Scénario plus favorable, en particulier
notamment aux Etats-Unis,
grâce aux gaz naturels qui sont plus
rentabilité des énergies propres
propres, déblocage des
mauvaise, pas de marge
investissements pour réduire la
d’investissement pour les
dépendance aux hydrocarbures
compagnies pour la captation des
(nucléaire).
gaz.
Scénario probablement le plus
favorable, à condition que l’utilisation
des huiles lourdes, des ressources non
conventionnelles et du charbon soit
maîtrisée.
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Direction des Etudes et des Prévisions Financières
Bibliographie
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Rapport d’information N° 105- Novembre 2005.
•
ONHYM : « Rapport d’activité 2005 ».
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