LA CRISE DES
« SUBPRIMES »
Othmane AKHERRAZ et Amine BENYESSEF
Mars 2009
La crise des « subprimes » :
Les acteurs et problèmes au cœur de la crise
La crise du crédit de 2007 a commencé dans le marché hypothécaire subprime
aux Etats-Unis, affectant par contagion les investisseurs de toutes les régions du
monde. A partir de l’été 2007 les banques ont dû passer chaque trimestre des
provisions pour dépréciations de leurs actifs liés au marché subprime
(ABS,RMBS, CDO). De l’été 2007 à l’été 2008 ces dépréciations ont totalisé
plus de 500 milliards de dollars, faisant chuter les capitaux propres des banques.
Certains établissements ont dû recourir à une augmentation de capital pour
rétablir leur ratio de solvabilité et ce en faisant appel à des investisseurs
mondiaux tels que les fonds souverains des pays du Golf et de d’Asie. Ces
augmentations de capital ont totalisé 300 milliards de dollars de la mi-2007 à la
mi-2008. Mais ces recapitalisations sont restées inférieures de 200 milliards de
dollars américains aux pertes constatées, une majorité de banques préférant
reconstituer leurs réserves par une diminution de leur activité de crédit
traditionnelle, et se contentant de respecter au strict minimum les ratios de
solvabilité, malgré une crise dont l'ampleur crée un besoin de sécurité plus
important.
Les effets de la crise se sont ainsi étendus à ‘l'économie réelle’. Un an après le
début de la crise les conditions de prêt se sont durcies sur tous les segments du
crédit. En particulier les facilités de trésorerie accordées aux entreprises ont été
réduites drastiquement afin d’assurer les besoins de liquidité des banques, et la
raréfaction des crédits à la consommation a affecté la consommation des
ménages. A ces aspects s’ajoute une perte de confiance des investisseurs en
d’autres marchés de crédit tels que ceux adossés à des cartes de crédit ou à des
prêts-auto.
Nous allons d’abord analyser brièvement l’enchaînement des événements qui a
conduit à cette crise majeure ainsi que les changements structurels importants
qui ont affecté les marchés des capitaux. Nous allons ensuite analyser les
différents facteurs qui ont contribué à cette crise acteur par acteur.
Les taux d’intérêt ont été relativement faibles aux Etats-Unis durant le début des
années 2000. La faiblesse de ces taux d’intérêts a stimulé le marché de
l’immobilier à travers une augmentation importante du marché hypothécaire, et
a poussé les investisseurs à rechercher des instruments financiers offrants de
meilleurs rendements. Ces deux éléments ont conduit à l’essor de produits
structurés adossés à des prêts subpime. Ce sont principalement les ABS qui sont
des créances hypothécaires offrant un rendement élevé mais risqués, et les CDO
qui sont créés en mélangeant des ABS à des obligations sûres pour garantir une
notation AAA à leurs tranches « senior ».
Au cours de la même période, les marchés financiers ont été exceptionnellement
liquides, ce qui a favorisé un effet de levier plus élevé et une plus grande prise
de risque. L'amélioration des techniques de gestion des risques et le transfert
par les banques du risque de crédit vers les marchés selon le business modèle
«originate and distribute» ont conduit à une croissance spectaculaire du marché
des instruments de transfert de risque de crédit (CRT).
Au cœur de la crise des subprime on trouve les collateralised debt obligation
(CDO) qui ont vu leur notation dégradée de triple A à ‘non-investment grade’ en
l’espace de quelques semaines. La raison de cette dégradation de notation sans
précédent est l’augmentation significative à partir de la mi-2005 des taux
d’impayés pour les prêts hypothécaires subprime. Ce taux d’impayés, qui est le
rapport du montant des impayés et de l’encours moyen de crédits, atteignait à la
fin 2006 10,09% pour les prêts hypothécaires subprime contre 2,27% pour les
prêts hypothécaires à taux fixes.
Il y a quatre raisons pour lesquelles les arriérés sur ces prêts ont fortement
augmenté à partir de l’été 2005.
Tout d’abord les souscripteurs à des prêts de type subprime ne sont en général
pas très solvables. Avant 2005 la réglementation imposait aux emprunteurs un
apport d’au moins 20% du prix d’achat de leur maison. Or à partir de 2005 leur
a été offerte la possibilité de souscrire à des produits hypothécaires ‘80/20’ qui
permettent de financer 100% du prix de leurs maisons. En plus d’une
hypothèque pour 80% du prix d’achat total, s’ajoutait une hypothèque de
deuxième rang permettant d’apporter les 20% restants. Ce changement a rendu
les prêts hypothécaires « subprime » accessibles à des foyers américains aux
solvabilités critiques.
Deuxièmement la plupart des prêts hypothécaires étaient du type ‘2/28’ ou
‘3/27’. Ainsi pendant une courte période de deux ou trois ans les taux d’intérêt
étaient faibles, en dessous des taux du marché hypothécaire traditionnel, s’en
suivait une période plus longue de taux variables plus élevés. La maturité des
prêts étant généralement de trente ans, pendant 27 ou 28 ans les taux étaient
recalculés semestriellement sur la base d’un indice de taux de référence (par
exemple ??) plus une marge qui couvraient largement la période initiale de taux
faibles. Ces marges étaient comprises généralement entre 4% et 6%. A ces
marges importantes se rajouta le fait que les taux courts américain ont
commencé à augmenter à partir de la fin 2004 entraînant mécaniquement à la
hausse les taux subprime.
Troisièmement de nombreux emprunteurs subprime comptaient sur la revente de
leurs logements pour refinancer leurs prêts ou les rembourser de manière
anticipée à la fin de la période de taux bas, et réaliser une plus-value dans un
marché immobilier qui n’a cessé d’augmenter depuis 1945. Mais à partir d’avril
2005 le marché immobilier s’inversa rendant impossible toute possibilité de
refinancement et laissant les emprunteurs face à des mensualités de prêt de plus
en plus élevées.
Quatrièmement l’offre de prêts hypothécaires subprime a considérablement
augmentée du fait de la forte demande des investisseurs pour des actifs à
rendements plus élevés. Typiquement les CDO adossés à des prêts subprime
offraient un rendement nettement supérieur à ceux des obligations d’entreprises
ou d’Etat. Cette forte demande des investisseurs a conduit à intégrer dans le
marché des prêts subprime des emprunteurs qui étaient éligibles à des prêts
standard de par leur solvabilité convenable, mais aussi à travers la fraude de
certains courtiers en crédit, des foyers aux ressources nettement insuffisantes.
Les agences de rating
Du fait que de nombreux investisseurs se basaient sur les notations données aux
actifs hypothécaires, les agences de notation se trouve au centre de cette crise
des subprime. Cette lourde responsabilité s’explique par deux facteurs. D’une
part les investisseurs dans les produits structurés de crédit disposent de très peu
d’information sur les actifs émis par les très opaques Structured Investment
Vehicules (SIVs). D’autre part de nombreux investisseurs tels que les fonds de
marché monétaire et les fonds de pension sont astreint par la législation à
n’investir que sur des actifs notés AAA. Nul ne s’attendait à ce qu’une notation
AAA soit dégradée en CCC en l’espace de quelques semaines voir même
quelques jours.
Les agence de notation ont commencé à avertir sur l’état du marché résidentiel
américain à l’été 2006, et ont commencé à prendre des décisions de dégradation
de notations qu’à partir de 2007. Ces disfonctionnements ont soulevé de vives
polémiques sur les processus de notation de ces agences. Ont été soulevé des
questions sur la véracité de la méthodologie utilisée pour l’évaluation du risque,
mais aussi d’éventuels conflits d’intérêts, du fait que ces agences étaient
rémunérées par les émetteurs et qu’elles leur prodiguaient aussi des conseils
pour le processus de titrisation.
Le processus de notation des déroule en deux phases. L’estimation de la
distribution des pertes sur un horizon de temps donné, puis la simulation des
flux de trésorerie. La distribution des pertes permet de déterminer le
rehaussement de crédit (‘credit enhancement’ CE) : c’est le montant des pertes
absorbables avant d’atteindre la tranche concernée par la notation. Lorsque la
cote du crédit est associée à une probabilité de défaut, la probabilité d’une perte
supérieur au CE est alors égale à la probabilité de défaut. Le CE correspond
donc à une mesure de risque de type VaR (Value at Risk).
Les préteurs et les courtiers en crédit
Les prêteurs et les courtiers n’ont pas effectué le travail de suivi et de contrôle
de la solvabilité de leurs emprunteurs du fait que la titrisation leur permettait de
transférer le risque de défaut aux marchés financiers. Ce phénomène a é
aggravé par le système de rémunération des courtiers en crédit hypothécaire. En
effet celui-ci ne se basait que sur les volumes de prêts octroyés sans
conséquences négatives dans le cas où un défaut survient dans un court laps de
temps.
A ce manque de contrôle des prêteurs a été aggravé par une volonté de ces
derniers d’empêcher le législateur de prendre des décisions encadrants l’octroi
des crédits subprime. C’est ainsi que ‘Ameriquest Mortgage Co.’ un des plus
gros prêteurs subprime américains dépensa plus de vingt millions de dollars en
donations politiques. Ce fût également le cas d’autres grands groupes du secteur
tels que ‘Citigroup Inc’ ou bien ‘Wells Fargo & Co.’. Ce lobbying politique a
par exemple fait revenir le législateur dans les Etats du New Jersey et de
Géorgie sur des lois encadrant le prêt hypothécaire adoptées en 2004, et a sans
doute fait avorter des projets de lois dans d’autres Etats. Ces lois si elles avaient
été appliquées auraient sans doute permis d’amortir le choc de la crise.
Les véhicules de titrisation
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