GB5-RameauVsRousseau - Diaporama-du-cours

publicité
L3 - HTSM - Cours GB 5
RAMEAU et ROUSSEAU
{
La musique est-elle affaire de science ou de
sentiment ?
Résumé
 Mersenne et Descartes introduisent la notion d’harmoniques dans les
vibrations d’une corde
 Mersenne introduit la notion de fréquence
 La physique des vibrations d’une corde peut se développer et naître :
c’est l’œuvre de J. SAUVEUR qui forge « l’acoustique »
 Les mathématiques ne s’effacent pas devant la physique naissante :
Descartes porte un nouveau jugement sur la quarte (« l’ombre de la
quinte » ) au profit de la TIERCE promue « consonance naturelle » Rompt avec le pythagorisme à la zarlino
 Le tempérament égal se répand… terminées les notes mobiles à
l’ancienne et la lichanos grecque dans la musique européenne.

Plan
Résumé du cours précédent
1.- Jean-Philippe RAMEAU (1683-1764), la trajectoire
d’un musicien théoricien
2.- Le conflit RAMEAU-ROUSSEAU ou, Pythagorisme Vs
Aristoxénisme ?
3.- RAMEAU et le tempérament égal ou l’empirisme musical
à l’œuvre
4.- Un aperçu sur le XIXe siècle : François-Joseph FÉTIS
(1784-1871) et la notion de tonalité au début du XIXe siècle
1. J.-Ph. RAMEAU – un musicien théoricien
- Dijonnais ; père musicien
- Vie décousue entre Clermont, Avignon et Paris
jusqu’en 1723
- Se fixe alors à Paris
- Traité d’Harmonie…. En 1722
- Nouveau système de musique théorique en 1726
- Travaille avec Voltaire (Samson) mais se fâchent
- Dès 1731, devient le directeur
De l’orchestre de
M. de la Pouplinière
- Opéra-ballet Hippolyte et Aricie en 1733 (âgé de près de 50 ans)
« Si le difficile est le beau
C’est un grand homme que Rameau
Mais si le beau par aventure,
N’était que la simple Nature
Quel petit homme que Rameau »
- Voltaire :
« Damis se rend à ce Palais magique
Où les beaux vers, la Danse, la Musique,
L’art de tromper les yeux par les couleurs
De cent plaisirs font un plaisir unique,
Il va siffler quelque opéra nouveau,
Ou, malgré lui, court admirer Rameau »
- Opéras à succès : Les Indes Galantes, Castor et Pollux, Dardanus…
AUDIO  Hippolyte et Aricie
Opposition des styles français et italiens
MERSENNE, 1636, Harmonie universelle :
« Les italiens observent plusieurs choses dans leurs récits, dont les nôtres sont
privés parce qu’ils représentent tant qu’ils peuvent, les passions et les affections de
l’âme, de l’esprit par exemple, la colère, les défaillances du cœur, et plusieurs autres
passions, avec une violence si étrange que l’on jurerait quasi qu’ils sont touchés des
mêmes affections qu’ils représentent en chantant ; au lieu que nos Français se
contentent de flatter l’oreille et qu’ils usent d’une douceur perpétuelle dans leurs
chants, ce qui en empesche l’énergie ».
Giovanni Battista LULLI (1632-1687) – Molière, Louis XIV….
Taxé de compositeur « français » alors que Marc-Antoine CHARPENTIER
est considéré comme italien…
AUDIO  « ramoneurs contre lullystes »
DIDEROT met en scène Lully et Rameau dans Les bijoux indiscrets, Lully
sous le nom d’UtMiSol et Rameau sous le sobriquet
d’Utrémifasollasiututut (Chap XIII, De l’Opéra de Banza) :
« …musiciens célèbres dont l’un commençait à vieillir et dont l’autre ne
faisait que de naître, et qui occupaient alternativement la scène lyrique.
Ces deux auteurs originaux avaient chacun leurs partisans ; les ignorants
et leurs barbons tenaient tous pour UtMiSol, la jeunesse et les virtuoses
pour Utrémifasollasiututut ; et les gens de goût, tant jeunesse que
barbons, faisaient grand cas de tous les deux : Utrémifasollasiututut
disaient ces derniers est excellent quand il est bon ; mais il dort de temps
en temps ; …. Utmisol est plus soutenu, plus égal ; il est rempli de
beauté ; cependant il n’en a point dont on ne trouve des exemples, et même
plus frappants, dans son rival, en qui l’on remarque des traits qui lui sont
propres et que l’on ne rencontre que dans ses ouvrages ».
RAMEAU et l’œuvre théorique
1722 : Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels (Paris, Ballard) (contemporain
du Clavecin bien tempéré de J.S. BACH mais aucune relation entre les deux
musiciens).
1726 : Nouveau système de musique théorique où l’on découvre le principe des règles
nécessaires à la pratique pour servir d’introduction au Traité d’harmonie (Paris, Ballard)
1737 : Génération harmonique ou Traité de musique théorique et pratique présenté et dédié
aux membres de l’ARS (Paris, Prault fils)
1750 : Démonstration du principe de l’Harmonie, servant de base à tout l’art musical,
théorique & pratique , présenté à l’ARS en 1749, et approuvé (notamment par
d’Alembert) (Paris, Durand, Pissot) –
1755 : Erreurs sur la musique dans l’Encyclopédie
1760 : Code de musique pratique… avec nouvelles réflexions sur le principe sonore (Paris,
Impr. Royale).
Traité d’Harmonie, 1722
Livre I, Du rapport des Raisons et Proportions
Harmoniques
Livre II, De la nature et de la propriété des Accords,
et de tout ce qui peut servir à rendre une Musique parfaite
Livre III, Principes de Composition
Livre IV, Principes d'Accompagnement
+ Supplément Qui contient des changements de
deux Chapitres, et quelques Corrections nécessaires
Introduction (Traité, 1722, liv. I) – « La Musique est une science qui doit avoir des regles
certaines; ces regles doivent être tirées d'un principe évident, et ce principe ne peut gueres
nous être connu sans le secours des Mathematiques: Aussi dois-je avoüer que, nonobstant
toute l'experience que je pouvois m'être acquise dans la Musique, pour l'avoir pratiquée
pendant une assez longue suite de temps, ce n'est cependant que par le secours des
Mathematiques que mes idées se sont débroüillées, et que la lumiere y a succedé à une
certaine obscurité, dont je ne m'appercevois pas auparavant. […]
Il ne suffit donc pas de sentir les effets d'une Science ou d'un Art, il faut de plus les
concevoir de façon qu'on puisse les rendre intelligibles; et c'est à quoi je me suis
principalement appliqué dans le corps de cet Ouvrage, que j'ai distribué en quatre Livres. »
« CHAPITRE PREMIER. - De la Musique et du Son.
La Musique est la Science des Sons; par consequent le Son est le principal objet de la
Musique.
On divise ordinairement la Musique en Harmonie et en Melodie, quoique celle-cy ne soit
qu'une partie de l'autre, et qu'il suffise de connoître l'Harmonie, pour être parfaitement
instruit de toutes les proprietez de la Musique, comme il sera prouvé dans la suite. [-2-]
Nous laisserons à la Physique le soin de définir le Son; dans l'Harmonie on le distingue
seulement en grave et en aigu, sans s'arrêter à sa force ny à sa durée; et c'est sur le rapport
des Sons aigus aux graves, que toutes les connoissances de l'Harmonie doivent être
fondées. »
En quoi consiste une théorie ramiste de la musique ?
- Théorie cartésienne : « la musique est une science dont l’objet est le son »
- Théorie monocordiste, doublement inspirée par Zarlino et Descartes.
« ll faut remarquer à present, que les nombres qui nous marquent les divisions de la corde, où
ses Vibrations suivent leur progression naturelle, et que tout y est fondé sur les regles de
l'Arithmetique; au lieu que les nombres qui nous marquent les longueurs de la corde, suivent
une progression renversée de la premiere [harmonique]; ce qui détruit une partie des regles de
l'Arithmetique, ou plûtôt nous oblige à les renverser, comme nous le verrons en son lieu: Mais
si le choix de ces operations doit nous être indifferent à l'égard de l'Harmonie, nous ne nous
attacherons qu'à celles où les nombres suivent leur progression naturelle, parce que le tout y est
beaucoup plus intelligible »
Médiétés arithmétiques pour la
Division de la corde
Où Rameau est encore zarlino-cartésien
mais pense aussi harmoniques sans le
savoir…
2 nouveautés importantes :
1/ LA BASSE FONDAMENTALE
2/ LE RENVERSEMENT
 TEXTES 4a et 4b
Traité, 1722, Livre II : La basse fondamentale
TEXTE 5
TEXTE 6a  jouer
Textes 6b, 6c
Harmonisation tonale du cycle des quintes
Renversement  Réduction du nombre d’accords
Le Rameau de la résonance ou
Rameau lit Mersenne et Sauveur
Nouveau système de musique théorique de 1726
La physique est présente aux côtés des mathématiques
Génération harmonique (1737) - adressé à l’A.R.S.
Rameau évacue l’harmonique 7 (Sib) sans autre explication.
La théorie ramiste complétée :
•
•
•
•
Théorie du corps sonore : les harmoniques naturelles
La mélodie naît de l’harmonie
Les renversements dans les résonances naturelles du corps sonore
conduit à la basse fondamentale
Universalité de la méthode
DIFFUSION DE LA THEORIE RAMISTE EN EUROPE
- Louis Bertrand Castel (1688-1757) mentionne la théorie ramiste dès 1728
- Jean d’Alembert (1717-1783) diffuse la théorie ramiste par l’intermédiaire de
son traité Elémens de musique théorique et pratique, suivant les principes de M.
Rameau, Paris, 1752 (rééd 1762 et 1772)
En Allemagne :
- Christoph Schröter (1699-1782) rapporte avoir étudié le traité de Rameau dès
1724
- Johann David Heinichen (1652-1719) cite le Traité de l’harmonie dans son
traité de basse continue de 1728
- Friedrich W. Marpurg (1718-1795) traduit le traité de d’Alembert en Allemand
en 1757
En Suède : - Deux thèses de 1727 et 1728 écrites à l’université de Uppsala font
état du Traité de l’harmonie
2. LE CONFLIT RAMEAU-ROUSSEAU
l’art est-il affaire de science ou de sentiment ?
JJ Rousseau – erre entre Genève, Chambéry, l’Italie et Paris
Musicien autodidacte qui découvre la musique dans le Traité d’Harmonie de
Rameau de 1722 – il le dévore mais….
Donne des leçons de musique (mais ne sait ni lire ni écrire la musique..)
Octobre 1744 : JJ Rousseau est à Paris – secrétaire de Mme Dupin ; amitié avec
Francueil et fréquente les salons dont celui de M. de la Pouplinière…
1743 travaille à son opéra-ballet , Les Muses Galantes
Représentation en 1745…..
AUDIO  « Rameau et JJ Rousseau se querellent »
(AUDIO  JJR, Le Devin du Village)
D’après Christophe Guillotel-Nothmann
Les articles MUSIQUE
dans l’Encyclopédie, signés
Jean-Jacques Rousseau (> 380 !)
Rameau - « Pour juger d’un art, surtout en législateur, il faut non
seulement le connaître, il faut de plus être doué de tous les talents
qu’on doit y supposer pour pouvoir se rendre raison des effets qu’on
éprouve ».
Une piste pour aller plus loin que la simple querelle personnelle :
Les aristoxéniens se dénommèrent « Harmonistes par oreille » pour se démarquer
des Pythagoriciens « Harmonistes par calcul ».
Le conflit Rameau Vs Rousseau
pythagoriciens/aristoxéniens ??
=
un
avatar
de
l’opposition
Rameau pythagoricien ? - Traité de l’harmonie, 1722, Liv. I, chap
III, 5 + Erreurs sur la musique dans l’Encyclopédie, 1755, p. 110 et 113
Rousseau aristoxénien ? - Œuvres Complètes, vol. I, 184 et vol.
IX, Dictionnaire de musique, article Dissonance
Rousseau - « J’ébauchai, je dévorai mon traité… ; mais il était si long, si diffus,
si mal arrangé que je sentis qu’il me fallait un temps considérable pour l’étudier
et le débrouiller. Je suspendais mon application et je recréais mes yeux avec de la
musique. Les cantates de Bernier … J’en appris quatre ou cinq de même que
L’Amour piqué par une abeille, très jolie cantate de Clérambault ». (OC, 1, 184).
d’Alembert - « Nous sommes persuadés que M. Rameau aurait pu se dispenser
d’avoir eu égard à ces proportions, dont nous croyons l’usage tout à fait inutile,
et même, … tout à fait illusoire dans la théorie de la musique… la résonance du
corps sonore, et les sons multiples qui en dérivent, suffiraient pour fonder tout le
système de l’harmonie » (Elts de Mus. Theor. Prat., pp. 197-198).
GRIMM (publié dans la Correspondance littéraire de Grimm) :
« Il faut reconnaître dans M. Rameau un très grand talent, beaucoup de feu,
une tête bien sonnante, une grande connaissance des renversements
harmoniques et de toutes choses d’effet ; beaucoup d’art pour s’approprier,
dénaturer, orner, embellir les idées d’autrui et retourner les siennes ; assez peu
de facilité pour en inventer de nouvelles : plus d’habileté que de fécondité, plus
de savoir que de génie, ou du moins un génie étouffé par trop de savoir ; mais
toujours de la force et de l’élégance, et très souvent du beau chant ».
d’Alembert
Grimm et Diderot
D’Alembert sur la « scientificité » de la musique
Discours préliminaire (1772, 2e éd – 1752..)
« Pour les philosophes non musiciens et les musiciens nonphilosophes… »
Pp. xv-xviii :
Aristoxéniens (14 occ.) , Pythagoriciens (16 occurences)
Aristoxène 47 occ. ; Pythagore 29 occ.
Rameau 103 occ. ; Zarlin 6 occ ; Descartes 3 occ ; Mersenne 15 occ. ; Boèce 15
occ. ; Sauveur 22 occ.
Aristoxène – dans 20 articles : Aristoxéniens, Chromatique, Diatonique, Diésis,
Dodécacorde, Egal, Enharmonique, Epais, Extension, Genre, Hémiolien,
Hyper-éolien, Hyper-lydien, Hyper-phrygien, Iastien, Intervalle,
Pythagoriciens, Quart de ton, Système, Tempérament.
Pythagore dans 13 articles : Apotome, Aristoxéniens, Diésis, Genre, Intervalle,
Limma, Musique, Octacorde, Pythagoriciens, Son, Système, Tempérament,
Tétracorde.
4. FÉTIS et la notion de tonalité au début du
XIXe siècle
François-Joseph Fétis (1784-1871) conservatoire de Paris 1800-1831
Puis de Bruxelles 1833-1871
Résumé philosophique pour l’histoire de la musique de 250 pp. –
considérations sur la musique ancienne
Esquisse de l’histoire de l’harmonie considérée comme art et comme science
systématique, 1840 (remet au point ce que l’on connaît des modes grecs et
antiques qui vont le conduire à la tonalité, avec des confusions qui se feront
sentir longtemps concernant la musique ancienne).
Traité complet de la théorie et de la pratique de l’harmonie contenant la
doctrine de la science et de l’art, 1844  résumé des cours et
conférences donnés pendant 4 ans à Paris et publiés dans la Revue et
gazette musicale.
En résumé :
1.- Fin XVIIIe siècle : le tableau des harmoniques
explique et justifie la consonance des sons qui y
figurent mais ne peut pas justifier la consonance de
ceux qui n’y figurent pas ;
Alternatives : ou bien ceux-ci trouvent ailleurs une
autre justification (et quoi ?), ou bien le tableau les
justifie aussi mais d’une façon différente…. 
travaux ultérieurs
2.- La tonalité = un nouveau cadre de stabilisation de notes
étrangères (et/ou altérées), jadis employées « hors
consonance » et cherchant de plus en plus à s’y intégrer à la
faveur de l’accoutumance ; où le rapport d’un accord avec
ceux qui l’entourent constitue l’élément de structuration d’une
œuvre musicale.
La tonalité au début du XIXe siècle (définition limitative) = les
rapports des sons avec la tonique (comme note finale
conclusive) sont exclusivement définis par les fonctions qu’ils
occupent dans les deux modes majeur et mineur, analysable
par rapport à la basse fondamentale et aux accords construits
sur chaque degré.
Téléchargement