Manuscrit INGHELS - Thèses

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ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT
Année 2012
ÉTUDE DE MARQUEURS PRÉCOCES
POTENTIELS DE LA GESTATION
CHEZ LA BREBIS
THÈSE
Pour le
DOCTORAT VÉTÉRINAIRE
Présentée et soutenue publiquement devant
LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL
le……………
par
Stéphanie, Nadine, Natacha INGHELS
Née le 29 Février 1984 à Trappes (Yvelines)
JURY
Président : Pr.
Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL
Membres
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Professeur à l’ENVA
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* responsable d’unité
REMERCIEMENTS
A notre jury de thèse :
Au Professeur
De la faculté de Médecine de Créteil
Qui nous a fait l’honneur d’accepter la présidence de notre jury de thèse,
Hommage respectueux.
Au Docteur Fabienne Constant
De l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort
Pour m’avoir fait participer à cette étude et pour sa disponibilité,
Hommage respectueux.
Au Professeur Bénédicte Grimard-Ballif
De l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort
Pour son soutien lors des corrections de ce manuscrit,
Sincères remerciements.
A mes parents, sans qui je ne serais pas ici aujourd’hui. Merci pour votre soutien tout au
long de mon parcours, je m’excuse d’avoir rendu le chemin si long ! Grâce à vous j’ai toujours pu
faire ce dont j’avais envie. J’espère vous avoir encore à mes côtés pour les autres étapes importantes
de ma vie.
A Sonia, ma grande sœur qui m’a conseillé de choisir le métier de vétérinaire. Les soirs de
garde je te maudis, mais dans les bons moments je constate que tu avais raison.
A Sylvie, mon autre grande sœur, merci pour ton soutien dans les moments difficiles. Merci
de t’être souvent occupée de moi, je ne te l’ai peut être pas assez rendu.
A mes amis Alforiens, en particulier Maeva, Fabienne, Flora, Marie, Yessenia, Latifa,
Marine et Chloé. Je n’aurais jamais autant ri qu’avec vous ! Vivement la maison de retraite
Zanananienne ! Je vous aime à la folie, pour toujours.
A Leslie, Isabelle, Anne Laure, Florian B et à tout ceux qui ont participé à ma vie jusqu’à
présent.
TABLE DES MATIERES
PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I.
Le développement du conceptus ..................................................................................................7
A. Période pré-implantatoire.........................................................................................................7
1. Fécondation (Hafez et Hafez, 2000) ....................................................................................7
2. Vie libre de l’embryon (Thibault et Levasseur, 2001).........................................................8
B. Implantation (Thibault et Levasseur, 2001)...........................................................................10
C. Période post-implantatoire .....................................................................................................11
1. Formation du placenta (Constant, 2006)............................................................................11
2. Rôles du placenta ...............................................................................................................12
a. Généralités .....................................................................................................................12
b. Fonction endocrine.........................................................................................................13
II. L'établissement de la gestation...................................................................................................14
A. Réceptivité endométriale........................................................................................................14
1. Fenêtre de réceptivité endométriale ...................................................................................15
2. Rôle de la progestérone dans la réceptivité endométriale..................................................15
3. Modifications structurelles de l’utérus...............................................................................16
4. Biomarqueurs de la réceptivité endométriale.....................................................................18
a. Notion de marqueur biologique (Campbell et Rockett, 2006).......................................18
b. Biomarqueurs de la réceptivité endométriale.................................................................18
B. La reconnaissance de la gestation ..........................................................................................20
1. Le maintien du corps jaune ................................................................................................20
2. Le signal embryonnaire chez les ruminants : l’interféron τ (Martal et al., 1997)..............20
a. Action anti-lutéolytique .................................................................................................21
b. Induction de l'expression de nombreux gènes dans l'endomètre ...................................21
c. Action systémique de l’IFNτ .........................................................................................22
C. L’immunité de la gestation ....................................................................................................24
1. Notion de tolérance immunitaire........................................................................................24
2. Reconnaissance immunologique du conceptus..................................................................24
a. Expression des molécules du CMH par le conceptus (Boulouis et al., 2000) ...............25
b. Sécrétion de cytokines par le conceptus (Martal et al., 1997) .......................................25
3. Réactions de l'organisme maternel.....................................................................................26
a. Recrutement de cellules immunitaires dans l'endomètre ...............................................26
b. Recrutement de cellules immunitaires dans la circulation sanguine..............................27
c. Production de cytokines par l'organisme maternel ........................................................29
4. Influence des hormones de la gestation sur le système immunitaire maternel ..................31
a. Progestérone...................................................................................................................31
b. Œstrogènes .....................................................................................................................31
c. Protéines associées à la gestation (PAG) .......................................................................31
d. Autres .............................................................................................................................32
5. Conclusion .........................................................................................................................33
III.
Le diagnostic de gestation......................................................................................................34
A. Les méthodes et leurs limites .................................................................................................35
1. Méthodes cliniques ............................................................................................................35
a. Palpation transrectale .....................................................................................................35
b. Echographie transrectale chez la vache .........................................................................36
c. Echographie transabdominale ........................................................................................37
1
d.
Radiographie abdominale ..............................................................................................37
Méthodes de laboratoire.....................................................................................................37
a. Dosages des PAG...........................................................................................................37
b. Dosage de la progestérone .............................................................................................38
c. Dosage du sulfate d’œstrone ..........................................................................................39
d. Dosage de l’hormone lactogène placentaire ..................................................................39
B. Vers l’utilisation des gènes dans le diagnostic de gestation ..................................................40
1. Gènes stimulés par l'IFN τ .................................................................................................40
a. Les différents ISG étudiés..............................................................................................40
b. L'intérêt des ISG pour le diagnostic de gestation...........................................................41
2. Autre molécule : la protéine SIRPalpha.............................................................................45
a. Fonctions de la protéine SIRPα......................................................................................46
b. SIRPα : un marqueur potentiel de la gestation ?............................................................47
2.
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EXPERIMENTALE
I.
Animaux, matériel et méthodes .................................................................................................51
Modèle animal........................................................................................................................51
Prélèvements ..........................................................................................................................52
1. Prélèvements sanguins ante-mortem..................................................................................52
2. Prélèvements tissulaires post-mortem................................................................................52
C. Méthodes................................................................................................................................53
1. Dosage de progestérone .....................................................................................................53
2. Isolement des PBMC (Peripheral Blood Mononuclear Cells) ...........................................53
3. Extraction des ARNs..........................................................................................................54
4. Rétro-transcription par oligodT .........................................................................................54
5. Quantification par PCR en temps réel (qPCR) par la technologie SYBR-GREEN...........54
6. Analyse statistique des données.........................................................................................55
II. Résultats .....................................................................................................................................55
A. Obtention des différents lots ..................................................................................................55
B. Résultats obtenus pour le gène MX1 ......................................................................................56
C. Résultats obtenus pour le gène SIRPA ...................................................................................60
III.
Discussion ..............................................................................................................................63
A. Hypothèses de travail .............................................................................................................63
B. Interprétation des résultats obtenus pour le gène MX1 ..........................................................64
1. Endomètre ..........................................................................................................................64
2. Cellules mononucléées du sang périphérique ....................................................................65
3. Nœuds lymphatiques..........................................................................................................66
C. Interprétation des résultats obtenus pour le gène SIRPA .......................................................66
D. Justification du lot LS ............................................................................................................67
E. Biais .......................................................................................................................................67
F. Conclusions............................................................................................................................68
A.
B.
2
INTRODUCTION
Le but de la mise à la reproduction, quelle que soit l’espèce de rente envisagée, est d’obtenir
un animal gestant, afin de produire de la viande (espèces bovine, ovine et porcine) ou du lait
(espèces bovine, ovine et caprine). Actuellement, les éleveurs subissent la pression économique due
à la mondialisation et se voient dans l’obligation d’augmenter sans cesse leur productivité et leur
rentabilité afin d’être compétitifs.
Le diagnostic de gestation, en permettant d'identifier les animaux non gestants, est un des
aspects les plus importants de la reproduction des animaux, car son impact est majeur dans la
gestion économique du troupeau. Plus celui-ci est précoce, plus il permet de réduire les temps
improductifs dus aux problèmes de fertilité. Des solutions rapides peuvent alors être mises en place
lors d'absence de gestation, tels que des traitements médicaux ou la réforme des animaux concernés.
Parfois, le diagnostic de gestation est aussi un pré requis à la vente d’un animal.
Généralement, on considère un animal gestant à partir du moment où aucun retour en
chaleur n’est observé après la mise à la reproduction. Ce critère est souvent celui utilisé par les
éleveurs de bovins pour la conduite de la mise à la reproduction de leurs femelles. Cependant, la
valeur de cette observation dépend de nombreux facteurs dont la maîtrise n’est pas toujours
réalisable (temps passé par l’éleveur au milieu des animaux, conduite extensive ou intensive du
troupeau, présence d’un mâle…).
Afin de faciliter le travail de l’éleveur, des méthodes de diagnostic de gestation cliniques et
de laboratoire ont été mises en place au cours des dernières décennies. Le choix de la méthode
dépend de l’espèce, du stade de gestation, du coût, de la sensibilité du test, de sa rapidité et de sa
praticité. Les méthodes les plus fiables présentent toutes l'inconvénient de n'être réalisables qu'après
la date attendue du retour en chaleur en l'absence de gestation (21 jours après l'insémination pour la
vache et la chèvre, 17 jours pour la brebis). Si la chaleur n'est pas détectée et que le diagnostic est
négatif, un cycle œstral a été perdu et la durée du temps improductif de la femelle augmente.
De nombreuses recherches sont actuellement en cours pour mettre au point un test qui
permettrait un diagnostic très précoce, c'est-à-dire antérieur au retour en chaleur de l’animal. Cela
faciliterait la surveillance des retours en chaleur et une insémination sur le cycle suivant l’échec de
fécondation.
La première partie de cette thèse est une synthèse bibliographique qui a pour vocation de
rappeler le développement du conceptus et les signaux de reconnaissance qu’il envoie à l’organisme
maternel. Ces derniers conditionnent les changements morphologiques et physiologiques de l’utérus
et les modifications du système immunitaire maternel, nécessaires au maintien de la gestation. La
dernière partie de cette synthèse bibliographique est consacrée au diagnostic de gestation et aux
avancées de la recherche dans ce domaine. Nous nous sommes particulièrement intéressés aux
travaux effectués en biologie moléculaire sur la recherche de marqueurs génétiques précoces de la
gestation.
La seconde partie de ce document expose les premiers résultats d'un projet mené à l’INRA,
sur la brebis. L'objectif de ce projet est l'identification d’un ou plusieurs gènes ou séquences ADN
dont l’expression très précoce chez l’animal gestant pourrait servir de marqueur de la gestation. Les
premiers résultats concernent l’expression des gènes Myxovirus resistance 1 (MX1) et Signal3
Regulatory Protein alpha (SIRPA), dans divers tissus issus de brebis gestantes et non gestantes. Une
description préalable de ces gènes aura été effectuée dans la partie bibliographique du document.
4
PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
5
6
Dans cette première partie, nous allons nous intéresser au développement du conceptus,
depuis la fécondation jusqu’au stade fœtal.
Rappelons que le terme de conceptus englobe le produit de la conception (embryon ou fœtus
selon le stade évolutif) ainsi que les membranes. Le « conceptus » désigne donc le contenu de
l’utérus gravide.
Le blastocyste, quand à lui, est le terme désignant l’œuf des mammifères au stade où celui-ci
présente une cavité centrale. Le blastocyste contient le bouton embryonnaire. Les différentes
cellules du blastocyste (ectoderme, endoderme et trophoblaste aussi appelé trophectoderme)
formeront par la suite d’une part l’embryon et d’autre part les enveloppes embryonnaires. Le tout
sera dénommé « conceptus » (Garnier et al., 2009).
I.
Le développement du conceptus
Le développement du conceptus peut être divisé en trois phases. Les deux premières phases
ont en partie lieu au même moment (Hafez et Hafez, 2000) :
-
La phase blastocytaire, qui débute par la fécondation et qui se termine lors de
l’attachement initial du blastocyste à l'endomètre. Le système vasculaire
embryonnaire ne s’est alors pas encore mis en place. L’attachement du blastocyste à
l’utérus a lieu vers le 20ème jour et le 15ème jour après fécondation respectivement
chez la vache et la brebis ;
-
La phase embryonnaire, qui s’étale du 15ème au 45ème jour de gestation chez la vache
et du 12ème au 34ème jour de gestation chez la brebis. C’est la période de croissance
rapide et de mise en place des différents organes et tissus (organogénèse), ainsi que
de la morphologie globale du futur fœtus. Cette phase commence donc alors que le
blastocyste est libre dans l’utérus et se poursuit après l’attachement du blastocyste à
la muqueuse utérine ;
-
La phase fœtale, qui commence donc au 45ème jour de gestation chez la vache et au
34ème jour de gestation chez la brebis. C’est une période de croissance et de mise en
place de la morphologie définitive du futur nouveau-né.
Le développement de l'embryon jusqu'à l'implantation sera succinctement décrit. Nous nous
attarderons surtout sur l'implantation et la formation du placenta, période au cours de laquelle, des
contacts étroits entre les organismes maternel et embryonnaire se mettent en place. En revanche, le
développement fœtal ne sera pas abordé.
A. Période pré-implantatoire
1.
Fécondation (Hafez et Hafez, 2000)
Chez les ruminants, l’ovocyte est en métaphase de la seconde division méiotique, au
moment de l'ovulation. La maturation de l’ovocyte et la méiose ne se terminent qu’après la
fécondation.
La rencontre des gamètes mâle et femelle a lieu à la jonction de l’ampoule et de l’isthme de
l’oviducte. La zone pellucide (ZP) qui entoure l'ovocyte possède des récepteurs qui permettent la
7
fixation du spermatozoïde à la surface de la ZP. Le spermatozoïde pénètre la ZP dans les 15 minutes
suivant l’attachement et dans les deux heures environ suivant l’ovulation. Il s’introduit dans
l’espace périvitellin et entre en contact avec la membrane plasmique de l'ovocyte. Puis les
membranes plasmiques du spermatozoïde et de l'ovocyte fusionnent. L'ovocyte est alors activé
(modifications métaboliques et cellulaires importantes) et la méiose se termine. Les deux pronuclei
mâle et femelle migrent au centre de l’ovocyte et leurs membranes disparaissent, permettant la
fusion des chromosomes, formant un zygote diploïde toujours entouré de la zone pellucide.
2.
Vie libre de l’embryon (Thibault et Levasseur, 2001)
La vie libre de l’embryon dure respectivement 15 et 20 jours chez la brebis et la vache, et
nécessite une parfaite coordination entre l’utérus et l’embryon. Cette phase se caractérise par :
-
La migration de l'embryon depuis l'oviducte vers l'utérus. Il y parvient entre 2 et 5
jours après la fécondation pour les ruminants ;
-
La reprise de l'activité transcriptionnelle (activation du génome embryonnaire) vers
le stade 16 cellules ;
-
Une intense activité mitotique qui aboutit à la formation du blastocyste. C'est lors
du passage au stade blastocyste, composé d’une centaine de cellules, que deux
populations cellulaires se distinguent alors : la première forme une masse cellulaire
interne (embryoblaste) qui deviendra l’embryon à proprement parler, alors que la
seconde forme le trophoblaste. Ce stade est atteint vers 6-7 jours de gestation chez
les ruminants. C'est le trophoblaste qui forme le chorion (enveloppe externe de
l’embryon chez les vertébrés supérieurs). La partie la plus externe du trophoblaste,
le trophectoderme, est un épithélium permettant l'apport des solutés organiques et
inorganiques, ainsi que l’eau, depuis l’utérus jusque dans le blastocœle.
L’embryoblaste, quant à lui, se différencie en trois couches primaires : l’ectoderme,
le mésoderme et l’endoderme durant le processus de gastrulation ;
-
L'éclosion, terme utilisé pour désigner l'extériorisation du blastocyste hors de la ZP.
Elle se produit vers le neuvième jour post fécondation. Chez les bovins, la ZP n’est
pas entièrement détruite et ne s’ouvre qu’en un seul endroit pour laisser passer le
blastocyste. Si l’ouverture ne permet pas le passage du blastocyste en son entier, il
se peut qu’il soit divisé en deux, ce qui peut alors aboutir à une gestation
gémellaire. L’expansion du blastocyste est alors possible, à la fois grâce à
l’hyperplasie cellulaire et à l’accumulation de liquide dans le blastocœle ;
-
Une croissance en longueur très rapide du blastocyste (Figure 1). Ce phénomène,
appelé élongation, débute dès l'éclosion (le blastocyste mesure alors 150 à 200 µm
de diamètre) et se prolonge jusqu'au moment de l'implantation. Selon la forme et la
taille du blastocyste, il a été définit 3 stades : ovoïde, tubulaire et filamenteux. Le
blastocyste bovin, au stade filamenteux, peut mesurer jusqu'à 30 cm à 18 jours de
gestation.
8
Figure 1 : Développement du conceptus depuis la fécondation jusqu'au stade blastocyste filamenteux chez
les ruminants (Bazer et al., 2009).
La chronologie comparée de ces événements chez la vache et la brebis est résumée dans le
Tableau 1.
Tableau 1 : Chronologie des événements du développement embryonnaire précoce chez la vache et la
brebis (Hafez et Hafez, 2000).
Etapes
Développement
embryonnaire
(jours après ovulation)
2 cellules
4 cellules
8 cellules
Blastocyste
Eclosion
Arrivée du blastocyste dans l’utérus
(heures après fécondation)
Elongation du blastocyste (jours après
fécondation)
Début de l'implantation (jours après
fécondation)
Vache
1
1,5
3
7-8
9-11
Brebis
1
1,3
1,5
6-7
7-8
72-84
66-72
13-21
11-16
19-20
15-16
Nous allons à présent nous intéresser aux mécanismes de l’implantation de l’embryon dans
l’utérus.
9
B. Implantation (Thibault et Levasseur, 2001)
L'implantation débute vers le 15ème jour de gestation chez la brebis et vers le 20ème jour chez
la vache. Chez les ruminants, on peut diviser l'implantation en 3 étapes :
-
l'apposition,
-
l'adhésion,
-
et l'invasion de l'endomètre (Figure 2).
L'apposition correspond à l'apparition des premiers contacts entre l'épithélium
trophoblastique et l’épithélium utérin, avec une prédominance pour des structures endométriales
préformées, les caroncules (endomètre caronculaire). Simultanément, la surface du chorion est
hérissée de proliférations villeuses qui s’enfoncent dans les orifices des glandes utérines de la
muqueuse intercaronculaire. Ces villosités assurent un ancrage du conceptus sur la surface utérine.
L'établissement de ces contacts est favorisé par l'élongation du conceptus. Au début du processus,
les contacts cellulaires sont encore un peu faibles et sont assurés par l'interdigitation des
microvillosités des cellules épithéliales des 2 organismes.
Cette phase est suivie de la phase d'adhésion pendant laquelle l'interdigitation des
membranes plasmiques des cellules utérines et trophoblastiques est plus étroite. A ce stade, il n'est
plus possible de déplacer le conceptus sans dommage pour les tissus.
Lors de la dernière phase, des cellules binucléées, issues des cellules mononucléées du
trophoblaste apparaissent juste avant le début de l'implantation et sont présentes tout au long de la
gestation. Elles migrent vers l'utérus puis fusionnent avec les cellules épithéliales utérines en
formant des cellules trinucléées chez la vache et des syncytiums chez la brebis et la chèvre. Ces
cellules binucléées produisent de nombreuses protéines et hormones qui sont libérées dans le tissu
conjonctif maternel après fusion avec les cellules utérines. Certaines de ces hormones peuvent être
dosées dans le sang maternel pour diagnostiquer la gestation (cf. III. Le diagnostic de gestation).
Chez les ruminants, l'invasion de l'endomètre est ainsi relativement limitée (placentation
synépithéliochoriale) comparé à ce qu'on observe chez les primates et les rongeurs (placentation
hémochoriale).
L'implantation aboutit à la mise en place de la structure du futur placenta.
10
Figure 2 : Les différentes phases de l’implantation du blastocyste (Schafer-Somi, 2003).
(1) Eclosion du blastocyste. (2) Orientation et accolement du blastocyste. (3) Phase d’apposition, durant
laquelle le trophectoderme des ruminants développe des villosités. (4) Phase d’adhésion, lors de laquelle
l’interdigitation entre le trophectoderme et l’épithélium endométrial se met en place chez les ruminants. Lors
de cette phase, le blastocyste a déjà commencé à s’allonger. (5) Invasion de l'endomètre. Chez les ruminants,
cette phase est limitée aux cellules binucléées du trophoblaste.
Une fois l’implantation de l’embryon au sein de la muqueuse utérine effectuée, une
communication étroite entre l’organisme maternel et l’embryon s’établit. Nous allons maintenant
développer la structure ainsi que les principales fonctions de l’organe indispensable à cette
communication : le placenta.
C. Période post-implantatoire
1.
Formation du placenta (Constant, 2006)
A partir du 30ème jour de gestation chez la vache, des bouquets de papilles bien délimités
apparaissent plus denses en regard des caroncules utérines, formant les ébauches des cotylédons
placentaires. Entre 40 et 50 jours, les villosités cotylédonaires s’enfoncent dans les cryptes des
11
caroncules, s’allongent et se ramifient. Les cotylédons se développent d’abord dans la région du
chorion la plus proche de l’embryon. Puis, pendant les semaines qui suivent, ils apparaissent dans
des régions de plus en plus distales.
L’association d’un cotylédon et d’une caroncule forme une masse ovoïde appelée
placentome. L’ensemble des placentomes constitue le placenta. Leur nombre est très variable d'une
femelle à l'autre et d'une gestation à l'autre. La forme des placentomes varie selon les espèces : ils
sont concaves chez la brebis et la chèvre, alors qu’ils sont convexes chez la vache.
Chez les ruminants, les circulations sanguines maternelle et fœtale sont parallèles et les
sangs ne se mélangent pas. Côté maternel, ce sont les veines et artères utérines qui irriguent le
placenta. Chez la brebis, environ 84% du flot sanguin utérin passe par les placentomes en fin de
gestation. Côté fœtal, les veines ombilicales apportent le sang du placenta vers le fœtus, alors que
les artères font circuler le sang du fœtus vers le placenta. On visualise sur les photos de la Figure 3
la vascularisation du placenta et le cordon ombilical. Le flux sanguin augmente au cours de la
gestation pour répondre aux besoins croissants du fœtus (Hafez et Hafez, 2000).
Figure 3 : Photos de conceptus bovin à 60 jours de gestation (A) et à 70 jours (B) (Pereira et al., 2010).
A.
B.
A. Les vaisseaux sanguins sont visibles sur l’allantoïde, le long de la ligne mésométriale. Les cotylédons sont
visibles sur toute la surface du chorion. Echelle : 2 cm. B. Les flèches indiquent les vaisseaux sanguins et le
triangle indique le cordon ombilical. ALC : allanto-chorion, AMC : amnio-chorion. Echelle : 2 cm
2.
Rôles du placenta
a. Généralités
Le placenta a des fonctions respiratoire, nutritionnelle, épurative, endocrine, immunologique
et il assure la protection physique du fœtus. Les échanges gazeux et de nutriments sont assurés par
la relation étroite entre les cellules trophoblastiques et les cellules épithéliales de l’endomètre
(Hafez et Hafez, 2000).
Les mécanismes d'échanges gazeux fœto-maternels sont assez similaires à ceux présents
dans les poumons d’un organisme adulte. Les artères ombilicales apportent le sang non oxygéné du
fœtus au placenta, alors que les veines transportent le sang oxygéné dans le sens inverse. Les
échanges en CO2 se font par diffusion passive du sang fœtal vers le sang maternel. Celle-ci est
facilitée par la faible affinité du sang fœtal pour le CO2.
12
Les apports de nutriments par le placenta (acides aminés, sucres, vitamines et minéraux
nécessaires à la croissance du fœtus) sont assurés par diffusion ou par des transporteurs spécifiques.
La fonction endocrine du placenta est également importante. Le placenta des ruminants
produit de nombreuses hormones, telles que la progestérone, les œstrogènes, l'hormone lactogène
placentaire, la prolactine, l’hormone de croissance, ainsi que des facteurs de croissance, protéines et
glycoprotéines. Ces différentes molécules sont impliquées dans plusieurs phénomènes : mise en
place et maintien de la gestation, croissance fœtale, développement du tissu mammaire. Cette
activité endocrine pouvant être utilisée pour diagnostiquer la gestation, nous détaillerons davantage
certains aspects de cette fonction.
b. Fonction endocrine
Chez les ruminants, les cellules binucléées dérivées des cellules mononucléées du chorion,
ont une activité endocrine importante. En effet, elles ont un rôle direct dans la production de
progestérone, prostaglandines, hormone lactogène placentaire, et des glycoprotéines associées à la
gestation (PAG pour Pregnancy Associated Glycoproteins). Ces différentes hormones sont
produites et stockées dans des granules denses qui occupent 50% du cytoplasme. Ces granules
délivrent, par exocytose, leur contenu directement dans le stroma utérin, après la migration des
cellules binucléées et leur fusion avec une (chez la vache) ou plusieurs (chez la brebis et la chèvre)
cellules épithéliales endométriales.
Glycoprotéines associées à la gestation
Les PAG appartiennent à la famille des protéinases aspartiques, mais elles semblent ne pas
avoir d’activité enzymatique. Jusqu'à aujourd'hui, 22 gènes ont été identifiés. Les PAG sont divisées
en 2 groupes : les PAG qui sont produites exclusivement par les cellules binucléées et celles qui
sont produites par l'ensemble des cellules trophoblastiques (mononucléées et binucléées). La
cinétique d’expression varie selon les PAG. En effet, certaines sont exprimées plus précocement,
dès 17-19 jours chez la vache, alors que d'autres sont surtout exprimées en milieu de gestation
(Sousa et al., 2006).
La première PAG a été identifiée dans les années 1980 et 1990, par différentes équipes. On
la connait aujourd'hui sous les noms de PSP-B (pregnancy-specific protein B) (Butler et al., 1982),
PAG-1 (Zoli et al., 1991) et PSP60 (pregnancy serum protein-60 kDa) (Mialon et al., 1993). La
PAG-1, comme elle doit être appelée selon les conventions internationales, n'est produite que par
les cellules binucléées. Elle est excrétée dans la circulation sanguine maternelle après la formation
des cellules trinucléées ou des syncytiums, selon l'espèce. Bien que non spécifiquement produite par
le placenta, elle est normalement absente dans le sang des femelles non gestantes. En pratique, la
mesure de la concentration de la PAG-1 dans le sang maternel est utilisée comme méthode de
diagnostic de gestation (cf. § III. A. 2.).
Bien que très étudiées, le rôle des PAG reste inconnu. De nombreux éléments ont toujours
laissé penser que les PAG avaient un rôle important au cours de la gestation : elles sont produites en
abondance, par les seules cellules migratrices et invasives de l'épithélium utérin et elles sont
capables de se lier à d'autres molécules. Cependant, aucun effet physiologique n'a pu être clairement
démontré jusqu'à aujourd'hui. Diverses hypothèses ont été émises à partir d'études réalisées in vitro
ou basées sur la structure et la localisation des PAG : activité immunosuppressive, maintien d’un
13
contact étroit entre le trophoblaste et l’épithélium utérin, transport ou séquestration de peptides,
stimulation de l'activité endocrine du corps jaune ou de l'endomètre...
Hormone lactogène placentaire (PL)
L'hormone lactogène placentaire est aussi connue sous le nom de somatomammotropine
chorionique (CS). Elle partage des homologies fonctionnelles et structurelles avec l’hormone de
croissance (GH) et la prolactine (PRL). Elle intervient dans la régulation de la mammogénèse et la
lactogénèse, la stéroidogénèse ovarienne et placentaire et la croissance fœtale.
Bien que la PL soit produite par les cellules binucléées, elle n'est détectable dans le sang
maternel, chez la vache, qu'à partir du 4ème mois de gestation et sa concentration reste inférieure à 12 ng/L durant toute la gestation. Les concentrations sont plus élevées dans le sang fœtal (5 à 25
ng/L), mais diminuent au cours de la gestation. Sa détection, tardive dans le sang maternel, ne fait
pas de son dosage une méthode intéressante pour diagnostiquer la gestation (Sousa et al., 2001).
Nous avons vu que le placenta permet, entre autres, une communication physique entre la
mère et sa progéniture qui rend cet organe est indispensable à la survie de l’embryon au sein de
l’utérus. Cependant, l’établissement et le maintien de la gestation nécessitent la mise en place de
bien d’autres processus physiologiques que nous allons détailler à présent.
II. L'établissement de la gestation
Les interactions entre le conceptus et l’endomètre sont particulièrement étudiées chez les
ruminants, à cause du taux élevé de mortalité embryonnaire durant la période péri-implantatoire.
Chez les bovins, on estime que le taux de fécondation est de 90%, alors que seulement 35 à 55%
des vaches mises à la reproduction arrivent au terme de leur gestation (taux de vêlage variable selon
les races). Les pertes ont principalement lieu avant 16 jours après insémination (mortalité
embryonnaire précoce, MEP), mais il est difficile de donner une estimation précise, car il n'est pas
possible de départager l'absence de fécondation d'une MEP. Ponsart et al. (2007) ont observé que
35% des échecs d'insémination avaient lieu avant 16 jours. D’après Diskin et al. (2006), 70 à 80%
des pertes embryonnaires ont lieu entre 8 et 16 jours après insémination, soit avant l’implantation.
Plusieurs paramètres conditionnent l'établissement d'une gestation :
-
L'utérus doit être apte à soutenir le développement embryonnaire ;
-
La production de progestérone doit être suffisante pour le maintien de la gestation ;
-
L’embryon, organisme "étranger" pour l'organisme maternel, doit être toléré par le
système immunitaire.
A. Réceptivité endométriale
Les expériences de transfert embryonnaire menées chez différentes espèces domestiques et
de laboratoire ont bien montré que l'utérus devait être en phase avec l'embryon transféré pour que la
14
gestation puisse s'établir (Roberts et al., 1996). Ces observations ont conduit à la notion de
réceptivité utérine.
1.
Fenêtre de réceptivité endométriale
Bien que les transferts asynchrones soient généralement inefficaces, l'embryon s'avère
capable de s'ajuster à un léger décalage temporel (Roberts et al., 1996). En dehors de cette « fenêtre
de réceptivité », l'endomètre est hostile aux embryons. Plusieurs expériences menées chez la brebis
ont montré que les embryons de 4 jours (stade 16 cellules) transférés dans des utérus de receveuses
à un stade plus précoce (J1-2), avaient un retard de développement et ne se développaient pas
jusqu'au stade blastocyste (Lawson et al., 1983). Inversement, des embryons au même stade
transférés dans des receveuses à un stade plus avancés (J6-7) avaient une croissance accélérée et se
maintenaient jusqu'à 12 jours. Mais au-delà, leur développement s'interrompait et la gestation
s'interrompait lorsque les receveuses entraient en pro-œstrus (embryons incapables d'empêcher la
lutéolyse). Chez la vache, des transferts d'embryons dans des utérus de receveuses en milieu de
cycle (J6-9) ont permis d'obtenir des taux de gestation acceptables (Lawson et al., 1975). Ceux-ci
étaient optimaux lorsque l'asynchronisme ne dépassait pas 24 heures.
L’asynchronie entre l’embryon et la mère pourrait être une cause de mortalité embryonnaire.
Il a été suggéré qu'elle pourrait survenir lors de retard d'ovulation ou de fécondation.
Cette réceptivité endométriale est sous l'influence des hormones maternelles, et plus
particulièrement la progestérone chez les ruminants.
2.
Rôle de la progestérone dans la réceptivité endométriale
La progestérone stimule et maintient les fonctions endométriales nécessaires à la croissance
du conceptus, à l’implantation et à la placentation. Chez la vache et la brebis ayant des
concentrations faibles en progestérone plasmatique en début de phase lutéale, le développement des
conceptus est ralenti et ces derniers sécrètent moins d’IFNτ, signal embryonnaire inhibant la
lutéolyse. Des études récentes ont montré que l’expression de certains gènes était initiée par la
progestérone, tels que la galectine 15 (LGALS15), dans l'endomètre de brebis non gestante, du
12ème au 14ème jour du cycle (Satterfield et al., 2006). La galectine 15 agit sur l’élongation et
l’attachement du blastocycte, l’apoptose, la croissance et la différenciation cellulaires ainsi que sur
l’adhésion et la migration des cellules. Cependant, la production d'INFτ par l'embryon est
indispensable pour le maintien de l'expression de ces gènes (Satterfield et al., 2006). En effet, en
l'absence de gestation, ces gènes ne sont plus exprimés à 16 jours du cycle, alors que leur
expression est maintenue lors de gestation. Ainsi, la progestérone prépare l'utérus à une éventuelle
gestation, qu'il y ait ou non gestation. Mais, l’absence d’un blastocyste suffisamment développé
pour envoyer le signal de reconnaissance de la gestation aboutit à une mise en silence de ces gènes
et à la lutéolyse (Spencer et al., 2008).
Les actions de la progestérone sont médiées par ses récepteurs nucléaires (PGR), qui sont
exprimés dans l’endomètre (épithélium et stroma) durant le milieu de la phase lutéale. Cependant,
l’exposition continue de l’utérus à la progestérone inhibe l’expression des PGR, d'abord dans
l’épithélium luminal puis dans l’épithélium glandulaire. Paradoxalement, l'inhibition des PGR en
tout début de gestation, dans certaines cellules endométriales, est un pré requis à la réceptivité
15
utérine de l’embryon, à l’expression de gènes par l’épithélium utérin et le transport sélectif dans la
lumière utérine, de molécules qui soutiennent le développement du conceptus (Bazer et al., 2010).
De plus, la mise en silence des PGR dans l’épithélium utérin permet à la progestérone d’agir
uniquement sur les cellules stromales PGR positives, qui sécrètent des progestamédines. Les
progestamédines, tels que le fibroblast growth factor 10 (FGF 10) et l’hepathocyte growth factor
(HGF) sont des facteurs de croissance qui exercent des effets paracrines sur l’épithélium utérin et
sur le trophoblaste, qui expriment tous les deux des récepteurs à ces facteurs (Satterfield et al.,
2008).
3.
Modifications structurelles de l’utérus
La paroi de l'utérus, composée du myomètre, couche musculaire lisse et de l’endomètre,
muqueuse interne, subit de profonds remaniements lors de la gestation. Ces modifications
structurelles commencent avant l'implantation.
Pendant la phase de vie libre de l'embryon, la survie de celui-ci dépend de la présence dans
la lumière utérine de facteurs (nutriments, hormones, facteurs de croissance, cytokines, protéines de
transport…) appelés histotrophes et sécrétés par les glandes endométriales. Pendant la gestation, on
observe un développement considérable (hyperplasie et hypertrophie) de ces glandes, permettant
une production maximale des histotrophes. Durant la gestation, la morphogénèse des glandes
endométriales et leurs fonctions sécrétoires est sous l'influence des différentes hormones
(œstrogènes, progestérone, interféron tau, hormone lactogène placentaire). Chez la brebis, il est
possible d'inhiber le développement des glandes endométriales par administration néonatale de
progestagènes. On obtient ainsi des brebis adultes qui n’ont pas de glandes endométriales (Uterine
Gland Knock-Out = UGKO). Chez les brebis UGKO, la gestation n’est pas maintenue au-delà de 25
jours après fécondation. L’absence de glandes endométriales empêche la croissance et la survie du
conceptus péri-implantatoire (Gray et al., 2001).
Chez les mammifères, l'accolement initial du trophoblaste est permis par une diminution de
l’expression d’agents anti-adhésifs, le plus souvent des mucines, qui sont contenues dans le
glycocalyx de l’épithélium luminal utérin, lors de la phase de réceptivité endométriale. La
diminution de l’expression des mucines permet d'exposer les intégrines (molécules d’adhésion
cellulaire) présentes à la surface des cellules utérines. Une adhésion plus stable est ensuite permise
grâce à l'interaction de plusieurs molécules (galectine-15, ostéopontine) présentes sur les cellules
trophoblastiques, avec leurs récepteurs (intégrines et glycoprotéines) présents sur les cellules
endométriales (Igwebuike, 2009). Selon deux études de Johnson et al., (2000 et 2007), la synthèse
d’ostéopontine dans l’épithélium endométrial serait influencée par la progestérone et par la présence
physique du conceptus.
Après l'implantation, les remaniements (histologiques et morphologiques) sont plus
importants et ils aboutissent à la mise en place d'un placenta fonctionnel. D'un point de vue,
histologique, nous avons déjà mentionné les changements concernant l'épithélium luminal utérin,
qui est remplacé par des syncytiums chez la brebis et la chèvre, après fusion des cellules épithéliales
avec les cellules trophoblastiques binucléées. Chez la vache, l'épithélium utérin est moins
profondément remanié : il présente quelques cellules trinucléées entre les cellules mononucléées.
Puis les placentomes, unités fonctionnelles du placenta constituées des villosités choriales
(cotylédons) et des cryptes utérines (caroncules), se forment (Figure 4). Cette formation nécessite
des changements morphologiques des caroncules qui se creusent de cryptes au sein desquelles
16
s'allongent les villosités choriales. Cette association cryptes/villosités sert à assurer l’attachement du
conceptus à l’endomètre, mais aussi à augmenter la surface d'échanges. Ces changements
s'accompagnent d'une augmentation de taille considérable des caroncules, puisque leur diamètre
passe de quelques millimètres chez la femelle non gestante, à plusieurs centimètres en fin de
gestation.
L'augmentation de taille des caroncules et du nombre de cryptes s'accompagne d'une intense
activité angiogénique dans l'endomètre et plus spécialement des caroncules. L’angiogénèse
placentaire consiste en une formation rapide de nouveaux vaisseaux à partir de vaisseaux déjà
existants, afin d’augmenter les échanges entre la mère et le fœtus. Elle dépend de nombreux
facteurs : Hypoxia Inducible Factors (HIF1A et HIF2A), angiopoïétine, Vascular Endothelial
Growth Factor (VEGF), Fibroblast Growth Factor (FGF2)… Chez la brebis, la progestérone
stimule l’expression de HIF1A et HIF2A, puis l’IFNτ stimule l’expression de HIF2A dans les
épithéliums luminal et glandulaire superficiel (Song et al. 2008). Les HIF contrôlent environ 200
gènes, incluant l’EPO (érythropoïétine), le VEGF et le FGF2. Le VEGF et le FGF2 sont les deux
facteurs majeurs de l’angiogénèse produits par le placenta et l’utérus, qui interviennent dans le
développement vasculaire du tractus génital des ovins, (Borowicz et al. 2007). Le VEGF stimule la
perméabilité vasculaire, la migration des cellules vasculaires endothéliales et la production de
protéases favorisant l’angiogénèse. Le FGF2 stimule la production des cellules endothéliales
artérielles de l’utérus et du placenta fœtal. Le VEGF et le FGF2 agissent tous deux sur la régulation
du flux sanguin utérin et placentaire en stimulant la production d’Oxyde Nitrique (NO) par les
cellules endothéliales. Le NO stimule alors à son tour l’expression des VEGF et FGF2. Le NO est
un puissant vasodilatateur, dont la production placentaire est essentielle à l’angiogénèse et la
croissance placentaire. L’angiopoïétine (ANG) est un autre facteur produit par le placenta et
l’utérus, qui régule la croissance et le développement vasculaires. L’ANG1 agit sur l’organisation
microvasculaire, la stabilisation et la survie des cellules endothéliales requises lors de remodelage
vasculaire. Le nombre de capillaires par unité de tissu dans les caroncules est multiplié par deux
entre les 50è et 70è jours de gestation, chez la brebis. Le flux sanguin utérin est augmenté 4 à 6 fois
chez la brebis gestante. L’augmentation de la vascularisation et du flux sanguin utérin jouent un rôle
important dans le soutien de la fonction placentaire pour assurer les demandes métaboliques de la
croissance fœtale (Bazer et al., 2010).
Pour résumer, le remodelage de la paroi utérine maternelle et des fonctions glandulaires est
un pré-requis de la survie et de la croissance du conceptus, de l’implantation et de la placentation
chez les ruminants.
Figure 4 : Représentations schématiques du placenta des ruminants (a) et d’un placentome (b) (Entrican et
Wheelhouse, 2006).
17
Dans la partie expérimentale de cette thèse, nous avons cherché à découvrir un marqueur
biologique de la gestation, c'est-à-dire à mettre en évidence l’augmentation d’un paramètre
biologique (le marqueur) lié au statut gestant de l’individu. Toute modification au sein de
l’organisme, lié à un statut physiologique particulier de l’individu, peut être génératrice de
biomarqueurs. Afin de mieux appréhender la suite de cette synthèse bibliographique, nous allons à
présent introduire la notion de marqueur biologique.
4.
Biomarqueurs de la réceptivité endométriale
a. Notion de marqueur biologique (Campbell et Rockett, 2006)
La première caractéristique d’un biomarqueur est qu’il doit être mesurable chez des sujets,
facilement accessible et préférentiellement par des moyens non-invasifs. Il doit également avoir été
validé dans le cadre de la confirmation du statut biologique qu’il est censé indiquer ou anticiper. Sa
capacité à définir un certain statut physiologique avec exactitude, sa précision (c'est-à-dire sa
reproductibilité) et sa sensibilité (c'est-à-dire sa limite de détection) sont des facteurs important lors
de la sélection d’un biomarqueur.
La spécificité, bien qu’étant une caractéristique très recherchée chez un biomarqueur, est
secondaire. Par exemple, l’élévation de la température corporelle basale est un excellent indicateur
d’une ovulation récente et de la formation d’un corps jaune fonctionnel, mais elle est difficilement
spécifique étant donné qu’elle peut aussi être provoquée par la maladie, l’exercice physique ou les
émotions. Malgré ce manque de spécificité, il est pourtant possible d’utiliser ce genre de
phénomène hautement lié avec les processus impliqués dans la reproduction et la gestation. Par
exemple, si un électrolyte contenu dans la salive augmentait ou chutait rapidement lors de
l’implantation embryonnaire dans l’utérus, cet électrolyte pourrait être utilisé comme marqueur clé
de l’implantation. De même, certaines réactions de tissus éloignés du tractus reproductif peuvent
aussi être utiles. Par exemple, la cytologie du tractus urogénital peut être utilisée pour évaluer la
stéroidogénèse ovarienne, car elle constitue un marqueur accessible de la chronologie des
événements physiologiques cellulaires et biochimiques qui ont lieu dans l’ovaire ou dans l’ovocyte.
De nombreuses substances peuvent être des sources de biomarqueurs. L’urine et la salive,
par exemple, peuvent facilement être obtenues par des moyens physiologiques non invasifs. De
même, certains paramètres physiques peuvent être facilement obtenus par des moyens peu ou pas
invasifs : la température corporelle basale, l’impédance et la conductivité corporelle qui sont
mesurées avec des électrodes posées sur la peau, dans la cavité buccale ou dans le vagin.
Plus récemment, de nouveaux marqueurs biologiques sont recherchés et identifiés grâce à la
génomique. En reproduction, le screening moléculaire permet d’identifier des gènes spécifiquement
exprimés dans l’utérus durant la période de réceptivité endométriale et dans le trophoblaste et
l’embryon. Ces gènes pourraient servir de marqueurs dans le sérum, l’urine ou la salive maternels.
b. Biomarqueurs de la réceptivité endométriale
Le développement d’une réceptivité endométriale au blastocyste est essentiel à la
progression de la gestation. Des anomalies dans le processus d’implantation pourraient être une
cause d’infertilité.
18
Bien que la réceptivité endométriale soit marquée par des changements morphologiques de
l’épithélium (voir paragraphe suivant), la biopsie n’est pas une méthode pratique pour déterminer
cet évènement.
Un certain nombre de gènes, dont le schéma d’expression est variable durant le cycle, sont
impliqués dans la croissance, la différenciation et la réceptivité endométriale. Le Tableau 2 fait la
liste de certaines de ces molécules qui pourraient être de bonnes candidates pour de futures
recherches chez l’humain. Presque toutes sont expérimentales et n’ont jusqu’ici été analysées que
dans l’endomètre, bien qu’il soit possible que certaines d’entres elles soient mesurables dans
l’urine, le sérum ou d’autres tissus comme les lymphocytes du sang périphérique (Campbell et
Rockett, 2006).
Tableau 2 : Sélection de biomarqueurs potentiels de la réceptivité endométriale chez la femme (Campbell
et Rockett, 2006)
Biomarqueurs
Cancer-antigen 125 (CA-125)
Colony stimulating factor
Cyclin E protein
Endometrial bleeding-associated factor
Glycodelin A
Heparin binding-epidermal growth factor
HoxA-10 and -11
Insulin-like growth factor binding protein 1
Integrin alpha-v beta-3
Integrin alpha-4
Integrin alpha-6
Integrin beta-3
Interleukin-1
Leukaemia inhibitory factor
Mucin-like glycoprotein
Mucin 1
P27 protein
Placenta protein 14
Tissus
Sérum
Sérum
Endomètre
Sérum, Endomètre
Sérum, Endomètre
Endomètre
Endomètre
Endomètre
Endomètre
Endomètre
Leucocytes sanguins périphériques
Endomètre
Flushing utérin
Endomètre
Endomètre
Endomètre
Endomètre
Sérum
La réceptivité de l’utérus à l’implantation varie selon les espèces et induit des changements
dans l’expression de gènes qui sont impliqués dans :
-
l’attachement du trophectoderme à l’épithélium glandulaire superficiel ;
-
la modification phénotypique des cellules stromales utérines ;
-
la mise en silence des récepteurs à la progestérone et aux œstrogènes ;
-
la suppression de gènes ayant un rôle dans la reconnaissance immunitaire ;
-
les altérations de la perméabilité membranaire pour favoriser les échanges fœtauxmaternels de facteurs ;
-
l’angiogénèse ainsi que dans l’augmentation de la vascularisation de l’endomètre ;
-
l’activation de gènes pour le transport de nutriments dans la lumière utérine ;
19
-
l’augmentation du signal de reconnaissance de la gestation.
Nous allons à présent étudier les principaux facteurs liées à la reconnaissance de la
gestation, tels que le maintien du corps jaune ou la sécrétion d’interféron τ par l’embryon, ainsi que
les modifications géniques qui en découlent. Ces modifications géniques nous amèneront à reparler
de la notion de marqueur biologique de la gestation lors de la dernière partie de cette synthèse
bibliographique.
B. La reconnaissance de la gestation
1.
Le maintien du corps jaune
L’établissement et le maintien de la gestation chez les mammifères requiert le maintien d’un
corps jaune (CJ) fonctionnel qui sécrète de la progestérone. Comme nous l’avons évoqué
précédemment, cette hormone déclenche les fonctions sécrétoires de l’endomètre indispensables au
développement embryonnaire, à l’implantation et à la placentation. La production de progestérone
ovarienne est requise pendant 55 jours chez la brebis, contre au moins 165-180 jours chez la vache,
et jusqu’à la fin de la gestation chez la chèvre.
On appelle couramment « signal de reconnaissance de la gestation », le moment et le moyen
par lequel le CJ va être maintenu, permettant la poursuite de la gestation. Ce signal de
reconnaissance de la gestation envoyé par le conceptus peut être soit lutéotrope, s’il stimule
directement la fonction lutéale, soit anti-lutéolytique, s’il empêche la production utérine de
prostaglandine F2alpha qui entraîne la régression du CJ. Il est propre à chaque espèce. Chez les
primates et les équins, le médiateur de ce signal est une hormone chorionique gonadotrope qui agit
directement sur le CJ, et qui a une action lutéotrope (Bazer et al., 2010). Chez les ruminants
domestiques, il s'agit de l’interféron tau (IFNτ), qui a une action anti-lutéolytique (Sousa et al.,
2001). Il est produit par le trophoblaste et détectable vers J13 chez les ovins et J16 chez les bovins
(Barre, 1992).
Cependant, le signal embryonnaire n’est pas le seul élément indispensable au maintien du
corps jaune. L’hypophysectomie chez la vache comme chez la brebis, induit l’avortement en début
de gestation. Les hormones lutéotropes d’origine hypophysaire (LH et prolactine), bien que leur
sécrétion ne soit pas modifiée par la gestation, sont donc nécessaires au maintien de cette dernière
(Barre, 1992).
2.
Le signal embryonnaire chez les ruminants : l’interféron τ
(Martal et al., 1997)
L’IFNτ appartient à la famille des interférons de type 1, dont l’activité est principalement
antivirale. Il s'agit d'une protéine de masse moléculaire d’environ 20 kDa chez l’ovin. Dans cette
espèce, l’IFNτ est sécrété par le trophoblaste sous plusieurs isoformes, dont 6 ont été purifiées et
séquencées par Martal et al. (1988).
Le trophoblaste produit l’IFNτ pendant une période très courte, entre les 9ème et 21ème jours
de gestation chez la brebis. De manière similaire, chez la vache, l’IFNτ est produit pendant la
20
période péri-implantatoire, du 15è au 24è jour de gestation. L’IFNτ est sécrété par les cellules
mononucléées du trophoblaste, mais pas par les cellules géantes binucléées. L’expression de l’IFNτ
est strictement dépendante de l’implantation puisque sa synthèse cesse aussitôt que l’embryon est
attaché aux caroncules maternelles, d'après Guillomot et al. (1990).
a. Action anti-lutéolytique
Chez la brebis cyclée, entre les chaleurs et le 12ème jour du cycle, les récepteurs aux
œstrogènes et à la progestérone sont présents en grande quantité dans l’endomètre. Puis, le nombre
de récepteurs à la progestérone diminue et celui des récepteurs aux œstrogènes augmente. Les
œstrogènes d’origine ovarienne stimulent la synthèse des récepteurs endométriaux à l’ocytocine.
L’endomètre devient alors réceptif aux décharges d’ocytocine produites par le corps jaune et
l’hypophyse, ces décharges entraînant la sécrétion de prostaglandine F2alpha (PGF2α) lutéolytique,
par l’utérus. Chez la brebis cyclée, on observe environ 7,6 décharges pulsatiles de PGF2α entre les
14ème et 15ème jours du cycle (Hafez, 2000). Chez la vache non gestante, comme chez la brebis, la
PGF2 α d’origine utérine provoque la lutéolyse en fin de cycle. L’augmentation de sécrétion de
cette prostaglandine a lieu vers le 17ème jour du cycle (Barre, 1992).
Lorsqu’il y a eu fécondation, le blastocyste des ruminants libère de l’IFNτ, qui agit
localement dans l’utérus, à la manière d’un signal paracrine de reconnaissance maternelle de la
gestation, 3 à 4 jours avant que le CJ dégénère. L’IFNτ agit par l'intermédiaire de récepteurs situés
sur les cellules épithéliales et du stroma de l'endomètre. Il intervient en diminuant l'activité
d'enzymes impliquées dans la synthèse de PGF2α, en inhibant la stimulation par l'ocytocine de la
sécrétion de PGF2α, en inhibant la synthèse des récepteurs aux œstrogènes et à l’ocytocine (OT-R).
De plus, la stimulation des cellules endométriales par l’IFNτ entrainerait une augmentation du ratio
PGE2/PGF2α, qui aurait un rôle important dans le maintien du CJ durant la gestation précoce.
L’IFNτ ne semble pas inhiber directement les PGR, mais le complexe progestérone-PGR
renforce la diminution du nombre des récepteurs à l'œstradiol (E2-R) amorcée par l’IFNτ. Ainsi, la
progestérone a un effet indirect sur l’expression des OT-R en faisant diminuer celle des E2-R.
Cependant, une forte concentration en progestérone entraîne une sous-régulation de ses propres
récepteurs. La synthèse des E2-R est alors moins inhibée et les effets positifs des œstrogènes sur la
synthèse des OT-R sont conservés, voire renforcés. L’effet de la progestérone sur les OT-R est donc
subtile : à dose physiologique, la progestérone inhibe les E2-R ce qui fait diminuer les OT-R, alors
qu'un traitement à base de progestérone à haute concentration provoque la diminution des PGR,
favorisant l’expression des E2-R et donc l’expression des OT-R.
b. Induction de l'expression de nombreux gènes dans l'endomètre
Les interférons de type 1 activent des voies de signalisation cellulaires spécifiques qui leurs
sont propres, via un récepteur commun, composé de deux sous-unités, IFNAR1 et IFNAR2. La
liaison d'un IFN de type 1 au récepteur active soit la voie des Janus Activated Kinases (JAKs), soit
la voie de la tyrosine kinase 2 (TYK2), et stimule l'expression de nombreux gènes (Interferon
Stimulated Gene = ISG). Or, le récepteur à l’IFN de type 1 est présent sur les cellules endométriales
(Spencer et al. 2008 ; Bazer et al. 2009). La sécrétion de l'IFNτ par le trophoblaste induit donc
l'expression de plusieurs gènes par l'endomètre. Les protéines sécrétées ont des propriétés
antivirales (2’,5’-oligoadénylate synthétase (OAS-1), myxovirus de résistance 1 et 2 (Mx1 et
21
Mx2)…), régulent la prolifération cellulaire (les galectines comme la LGALS15 sont entre autre
impliquées dans les mécanismes d’apoptose) et les réactions immunitaires (CXCL10 est une
protéine qui régule les réponses inflammatoires et immunitaires). Ces protéines ont aussi, sans
doute, un rôle dans le maintien de la gestation, même si leurs fonctions en début de gestation n’ont
pas encore été découvertes.
Dans une étude analysant l'expression des gènes dans l'endomètre de brebis cyclées, après
administration de progestérone, d'anti-progestatifs ou d’IFNτ, il a été observé que 70 gènes étaient
exprimés différentiellement suite à l'administration de progestérone seule, 74 gènes étaient stimulés
par l’IFNτ mais dépendants de la progestérone et 180 gènes étaient régulés par l’IFNτ
indépendamment de la progestérone (Gray et al., 2006).
Bien que les ruminants constituent un groupe à part, par le fait que le signal de
reconnaissance maternelle de la gestation soit un interféron, ce ne sont pas les seules espèces dont le
trophoblaste en produit. Ainsi, le trophoblaste de rongeurs et de primates produit des interférons de
type 1 ou 2 lors de la période péri-implantatoire, qui stimulent l'expression de gènes par
l'endomètre, ce qui suggèrent que d’autres interférons pourraient avoir des effets sur la réceptivité
de l’utérus à l’implantation et sur la croissance et le développement placentaires.
c. Action systémique de l’IFNτ
Les cellules utérines ne sont pas les seules cellules de l'organisme dont l'expression de gènes
inductibles par les interférons augmente au moment de la sécrétion d'IFNτ par le trophoblaste. En
effet, plusieurs études ont montré une augmentation de l'expression de certains ISG dans les
leucocytes circulants de brebis ou de vaches gestantes (par rapport à des femelles non gestantes),
tels que Mx1, Mx2 et ISG15, en début de gestation (Gifford et al., 2007 ; Ott et Gifford, 2010 ;
Yankey et al., 2001). Le même type d'observation a été faite pour le corps jaune : l'expression de
ISG15 et OAS-1 est augmentée dans le corps jaune de brebis gestantes comparé à celui des brebis
non gestantes, à 15 jours de gestation (Oliveira et al., 2008). Ces différentes études montrent que
l’IFNτ a des effets systémiques. Cependant, on ne sait pas si ces effets sont directs ou indirects.
De nombreuses études ont cherché à mettre en évidence l'IFNτ en dehors de la lumière
utérine. Il a été tenté de le mettre en évidence dans le sang veineux, les urines ou le mucus cervical,
par radio-immunologie et par Western blot, sans succès. Godkin et al. (1984) ont injecté de l’IFNτ
marqué à l’iode radioactif dans des utérus, puis ont mesuré la radioactivité dans différents tissus. Ils
n’ont retrouvé que de très petites quantités d’IFNτ hors de l’utérus. D'autres auteurs ont cherché à
mettre en évidence l'IFNτ de manière indirecte, en testant l'activité antivirale caractéristique des
interférons de différents liquides biologiques (lymphe en provenance de l'utérus pour Lamming et
al., (1995) et le sang veineux de l'utérus pour Schalue-Francis et al. (1991). Ces derniers ont
observé une faible activité antivirale du sang veineux utérin. Cependant, ils n’ont pas pu déterminer
si cette activité résultait d’un passage de l’IFNτ dans la circulation systémique depuis l’utérus, ou si
l’IFNτ stimulait directement les cellules immunitaires à action antivirale, en transit dans l’utérus.
Selon les résultats de ces différentes études, il a largement été admis que l'IFNτ n'avait
qu'une action locale sur l'endomètre, de type paracrine et qu'il n'y avait pas d'action directe sur le
CJ. Ce consensus était confirmé par les essais d'administration parentérale d'IFNτ recombinant chez
la brebis et la vache, pour améliorer la fertilité. Ces études ont été infructueuses, en partie à cause
des effets pyrogènes prononcés de l’IFNτ exogène.
Mais des études plus récentes remettent en cause ce consensus. Oliveira et al. (2008) ont
démontré que l’expression des ARNm d’ISG15 et d’OAS-1 dans les leucocytes circulants était
22
similaire dans les veines et artères utérines, ce qui suggère que ces cellules n’étaient pas
dépendantes de la concentration en IFNτ dans l’utérus (Figure 5). Il a été montré dans cette même
étude, que l’activité antivirale du sang provenant de la veine utérine était 500 à 1000 fois plus
élevée que celles du sang provenant de l’artère utérine et la veine jugulaire, chez des brebis en début
de gestation. Bott et al. (2010) ont confirmé que cette activité antivirale était en effet due à l’IFNτ,
car une préadsorption avec un anticorps dirigé contre l'IFNτ recombinant du sang veineux utérin
collecté à 15 jours de gestation, avant le test, a réduit considérablement son activité antivirale.
Figure 5 : Profils des ARN messagers d’ISG15 (A) et d’OAS-1 (B) dans la veine jugulaire (JV), la veine
utérine (UV) et l’artère utérine (UA) chez des brebis à 15 jours de gestation, et dans la veine jugulaire de
brebis non gestantes (NP). L’étude comportait 3 brebis gestantes et 3 brebis non gestantes (Oliveira et al.,
2008).
Dans les figures A et B, NP représente le contrôle négatif.
Ces études ont été les premières à démontrer que l’IFNτ avait des effets systémiques
expliquant la stimulation de l'expression de nombreux ISGs dans les tissus extra-utérins tels que le
CJ et les leucocytes circulants, au moment de la reconnaissance maternelle de la gestation. Elles
remettent aussi un peu en cause les mécanismes d'action de l'IFNτ lui permettant d'inhiber la
lutéolyse. Il est en effet très probable qu'il ait aussi une action directe sur le corps jaune
(interruption de la production de prostaglandines et d’ocytocine par les cellules lutéales larges).
Ces différents travaux ont donc démontré qu’en plus d’être stimulée dans les tissus utérins,
l'expression des ISGs était également stimulée dans les leucocytes circulants des animaux gestants,
en comparaison aux non gestants. Les conséquences physiologiques de ces changements sur le
système immunitaire maternel ne sont pas encore connues. Ces études donnent clairement des
preuves des effets systémiques de l’IFNτ sur les cellules circulantes sanguines chez les ruminants,
permettant de mettre en évidence la présence de l'IFNτ, à défaut de pouvoir le mettre lui-même en
évidence.
23
A présent que nous avons expliqué comment l’embryon signalait sa présence au sein de
l’utérus, nous allons nous intéresser à la manière dont l’organisme maternel réagit à cette présence.
Nous avons déjà vu que l’IFNτ stimulait l’expression de certains gènes maternels. Nous allons
maintenant étudier les mécanismes immunitaires qui accompagnent la mise en place de la gestation.
C. L’immunité de la gestation
1.
Notion de tolérance immunitaire
Le fœtus, qui hérite à la fois des caractéristiques génétiques de la mère et du père, peut être
considéré comme un corps étranger, ou allogreffe, par l’organisme maternel. Lors de greffe, si le
tissu donneur ne possède pas les mêmes antigènes d’histocompatibilité que le receveur, ce dernier
rejettera le tissu. Les antigènes du Complexe Majeur d’Histocompatibilité de classe I (CMH I)
présents à la surface des cellules donneuses sont identifiés, par les lymphocytes T (LT) circulants du
receveur, comme du "non-soi".
Lors de la gestation, les antigènes fœtaux d'origine paternelle, ou alloantigènes, sont exposés
au système immunitaire maternel, ce qui devrait activer les LT et la production d’anticorps
maternels dirigés contre ces antigènes. Il semble donc paradoxal que l’embryon ne soit pas rejeté
par l’organisme maternel (Hafez et Hafez, 2000). La mise en place de la gestation nécessite donc
une immunosuppression ou immuno-régulation du système immunitaire de la mère. On parle de
« tolérance immunologique » de la mère vis-à-vis de son fœtus. Cependant, ce terme est à nuancer
et l'analogie avec la greffe s'arrête là, car :
-
on observe une réaction inflammatoire de l'endomètre en début de gestation, et cette
réaction est indispensable à l’implantation de l’embryon (Boulouis et al., 2000) ;
-
et le conceptus ne peut pas être considéré véritablement comme une allogreffe car,
contrairement à une greffe classique, il possède sa propre vascularisation (Boulouis
et al., 2000).
Bien qu'il demeure de nombreuses inconnues sur les interactions entre le conceptus et le
système immunitaire maternel et leurs rôles dans le maintien de la gestation et le développement
embryonnaire, nous allons rapporter ici ce qui a été décrit chez les ruminants.
2.
Reconnaissance immunologique du conceptus
Le système immunitaire maternel va détecter la présence du conceptus essentiellement par 2
voies : la présence d'allo-antigènes ou de molécules à la surface des cellules trophoblastiques et par
la sécrétion de cytokines par le conceptus.
24
a. Expression des molécules du CMH par le conceptus (Boulouis et al., 2000)
Chez les ruminants, seuls les antigènes du CMH de classe I sont exprimés à la surface du
conceptus. Il n'induit donc pas la production d'anticorps spécifiques conduisant au rejet. Chez la
vache, l'espèce la plus étudiée, les protéines ou leurs transcrits, sont détectés pendant tout le stade
blastocyste, bien que la transcription soit plus faible dans les stades qui précèdent l'éclosion. Il est
très probable qu'avant l'éclosion, la zone pellucide limite physiquement les interactions entre les
antigènes du CMH de classe I et les lymphocytes T CD8. Après l'éclosion, une faible expression
des molécules du CMH I doit permettre d'éviter une réaction de rejet vis-à-vis de l'embryon. Cette
expression est toujours faible dans le trophoblaste une fois le placenta formé.
Une faible expression des molécules du CMH I rend l'embryon sensible à la lyse par les
cellules Natural Killer (NK). En effet, le CMH inhibe généralement l'activité lytique de ces cellules.
Dans l'embryon bovin, il a été observé la présence d'un antigène du CMH I non classique (NC1), au
polymorphisme génétique limité, dont l'expression commence au stade morula. Cet antigène
pourrait inhiber les cellules NK, comme cela a été observé dans d'autres espèces. Le transcrit de
NC1 est le plus abondant parmi les transcrits des molécules du CMH I dans le trophoblaste.
Les stratégies semblent différentes selon les espèces. Par exemple, le trophoblaste murin
n'exprime pas de CMH. Cependant, l’absence ou la minimisation du CMH n’est pas valable dans
toutes les espèces. Les cellules invasives à la surface du trophoblaste équin possèdent des antigènes
du CMH et provoquent une réaction immunitaire importante de la mère, avec production d'anticorps
cytotoxiques.
b. Sécrétion de cytokines par le conceptus (Martal et al., 1997)
On dispose d'assez peu d'informations sur la production de cytokines par l'embryon pendant
la période pré-implantatoire. L'exemple le plus frappant est sans doute la production d'IFNτ par le
trophoblaste des ruminants. Cet interféron possède une activité antivirale, il inhibe la prolifération
des lymphocytes et il stimule l'activité des cellules NK, en plus de son rôle antilutéolytique. Il a
donc probablement un rôle très important dans la tolérance immunologique de l'embryon par
l'organisme maternel.
Ce n'est pas le seul exemple d'embryon produisant des interférons. Celui de porc sécrète
aussi des interférons pendant la période d'attachement à l'endomètre, l'interféron δ (type I) et
l'interféron γ (type II). Leurs rôles ne sont pas déterminés, mais ils ne sont pas impliqués dans
l'inhibition de la lutéolyse, comme chez les ruminants. Bien que les embryons humain et murin en
produisent aussi, la sécrétion d'interféron par le conceptus préimplantatoire n'est sans doute pas une
caractéristique générale des embryons de mammifères.
D'autres cytokines sont produites au moment de l'implantation par le conceptus :
l'interleukine 6 (IL6) chez la brebis et la vache, l'IL6 et l'IL1β chez la truie, le TNFα (Tumour
Necrosis Factor-α) chez la jument. L’IL-6 aurait un rôle dans le développement de la perméabilité
de l’utérus et du trophoblaste au début de la gestation. Sa sécrétion est dépendante des hormones
stéroïdiennes chez la souris et la femme.
25
Les cytokines agissent sur le recrutement, la multiplication et l'action des lymphocytes. Ce
sont des molécules qui régulent la réponse immunitaire. Il est donc possible qu'elles participent
aussi aux mécanismes qui permettent à l'embryon d'être toléré par l'organisme maternel.
3.
Réactions de l'organisme maternel
De nombreuses preuves que l'organisme maternel réagit à la présence de l'embryon sont
décrites dans l'endomètre et dans le sang.
a. Recrutement de cellules immunitaires dans l'endomètre
On observe après le début de l'implantation, l'augmentation du nombre de cellules
appartenant à certaines populations ou sous-populations leucocytaires dans l'endomètre. A 16 jours
de gestation, le nombre de lymphocytes T CD4+, de macrophages CD14+ ou de lymphocytes B
CD21+ n'est pas différent entre les vaches gestantes, les vaches inséminées et non gestantes et les
vaches cyclées (Leung et al., 2000).
Chez la brebis gestante, on observe une augmentation de la proportion de lymphocytes
possédant des récepteurs de cellules T γδ et CD8 (Oliveira et al., 2008 ; Fox et al., 2010). Il s'agit
de lymphocytes particuliers, intra-épithéliaux, possédant des granulations dont le nombre et la taille
augmentent de manière spectaculaire pendant la gestation. Ce phénomène suggère qu’ils sont à un
stade d’activation élevé qui rappelle celui des cellules NK dont le rôle serait important pour limiter
l’invasion du trophoblaste chez la femme (Entrican et Wheelhouse, 2006). L'augmentation de ces
lymphocytes lors de la gestation n'est pas spécifique de la brebis. Elle est également observée chez
la femme et la souris (Kronenberg et Havran, 2007). Fox et al. (2010) ont montré que ces
lymphocytes avaient le potentiel de reconnaître divers antigènes et pourraient protéger l’utérus des
infections pendant la gestation et la mise bas. De plus, les auteurs ont observé que ces lymphocytes
exprimaient la perforine, suggérant que ces lymphocytes ont une activité cytolytique.
Le recrutement de macrophages dans l’utérus pendant la gestation a été décrit dans de
nombreuses espèces telles que la femme, la souris, la brebis et la vache. Chez la vache, il s'agissait
de macrophages portant les phénotypes CD68 et CD14, qui étaient plus nombreux dans le stroma
endométrial, dès le 2ème mois de gestation (Figure 6) (Oliveira et al., 2008). Mais les stades de
gestation plus précoces n'ont pas été analysés. Le signal qui induit le déplacement des monocytes
depuis le sang jusque dans l’utérus et leur différenciation dans l’endomètre n’est pas connu.
L’accumulation de macrophages dans l’utérus pendant la gestation laisse penser que leur rôle y est
primordial. Une des hypothèses avancées est que leur présence favorise le détachement du placenta
lors du part. En effet, après le part, l’utérus contient des lochies et des micro-organismes, et les
macrophages pourraient participer au nettoyage et à l’involution utérine. Enfin, les macrophages
pourraient participer à la survie du conceptus pendant la gestation. Chez la femme, les macrophages
placentaires expriment des marqueurs qui pourraient avoir une fonction anti-inflammatoire.
26
Figure 6 : Effets de la gestation sur la population des macrophages CD68 dans le mucus (A) et l’endomètre
(B). Les lettres différentes indiquent une différence significative (P<0,05) (Oliveira et al., 2008).
b. Recrutement de cellules immunitaires dans la circulation sanguine
On observe également une modification du nombre cellules de certaines populations
leucocytaires dans le sang au moment de la gestation. Chez la femme, la souris et la vache (à 33-34
jours de gestation ; Figure 7), différents auteurs ont noté une augmentation des lymphocytes ayant
le phénotype CD4+CD25+, qui est une caractéristique des cellules T régulatrices (Treg) (Oliveira et
Hansen, 2008). Ces cellules peuvent sécréter des cytokines, comme l’IL4, qui inhibe l’activation
des cellules T cytotoxiques contre les alloantigènes. Les femmes qui subissent des avortements
spontanés répétés ont un nombre de cellules CD4+CD25+ dans le sang périphérique réduit, ce qui
suggère que les cellules Treg influencent la réussite de la gestation (Yang et al., 2008). Cependant,
on ne sait pas encore si toutes les cellules CD4+CD25+ observées chez la vache sont équivalentes
aux cellules Treg humaines.
27
Des cellules mononucléées possédant le phénotype T γδ sont également présentes dans le
sang périphérique. D’après Oliveira et Hansen (2008), il n’y a pas de différence significative entre
le pourcentage de cellules mononucléées portant ce phénotype dans le sang périphérique de vaches
à 33-34 jours de gestation et le pourcentage de ces cellules dans le sang périphérique de vaches non
gestantes (Figure 8B). Par contre, une augmentation des cellules portant le phénotype T γδ et une
diminution de la proportion de cellules portant le phénotype CD68 (probablement des monocytes :
population G2 sur la figure), dans le sang périphérique, ont été mises en évidence en fin de
gestation (Figures 8A et 8C).
Les rôles/fonctions de ces populations leucocytaires pendant la gestation ne sont pas encore
déterminés.
Figure 7 : Pourcentage de lymphocytes CD4+ CD25+ dans le sang périphérique à 33-34 jours de gestation,
chez les vaches non gestantes (NP) et gestantes (P) (Oliveira et Hansen, 2008).
28
Figure 8 : Comparaison des populations cellulaires mononucléées du sang périphérique chez des vaches par
cytométrie de flux (Oliveira et Hansen, 2008). A. Cellules mononucléées du sang périphérique portant le
phénotype T γδ chez des vaches non gestantes (NP) et gestantes proches du terme (P). B. Cellules
mononucléées du sang périphérique portant le phénotype T γδ chez des vaches non gestantes (NP) et
gestantes 33-34 jours après insémination (P). C. Cellules mononucléées du sang périphérique portant le
phénotype CD68+ chez des vaches non gestantes (NP) et gestantes proches du terme (P). Le groupe G1
représente une population lymphocytaire et le groupe G2 une population monocytaire.
A.
B.
C.
Les modifications des populations immunitaires lors de la gestation sont probablement
importantes pour éviter que le conceptus ne soit rejeté par le système immunitaire maternel, ainsi
que pour évacuer les débris cellulaires et les micro-organismes de l’utérus après le part. Le fait que
la gestation provoque des changements dans les populations immunitaires chez la vache, comme
chez les autres espèces, laisse suggérer qu’il existe bien une relation immunologique entre le
conceptus et la mère pour les espèces ayant une placentation épithéliochoriale.
c. Production de cytokines par l'organisme maternel
De nombreuses cytokines sont produites par les leucocytes maternels (infiltrés dans
l'endomètre ou circulants) et les cellules utérines, qui peuvent avoir des effets sur l'embryon. Les
connaissances sur les rôles de ces cytokines dans le développement embryonnaire sont limitées chez
les ruminants en comparaison à la souris. Dans cette espèce, elles sont impliquées dans les
processus immunitaires lors de l’implantation, ainsi que dans la croissance et la différenciation du
conceptus, et leur production est régulée par de nombreux facteurs dont les hormones stéroïdes
ovariennes.
Pour simplifier, on peut diviser les cytokines en 2 groupes : celles qui sont favorables au
développement embryonnaire et celles qui sont plutôt défavorables. Pour le 1er groupe, on peut citer
le Transforming Growth Factor β (TGF β), le Leukemia Inhibiting Factor (LIF), le ColonyStimulating Factor-1 (CSF-1), le Granulocyte-Macrophage CSF (GM-CSF), ainsi que les
interleukines IL-1, IL-3, IL-4 et IL-10. Pour le second groupe, on peut citer le facteur de nécrose
29
tumorale α (TNFα), l’IFNγ, l’IL-2. Les rôles de ces différentes cytokines ne sont pas encore
parfaitement connus, mais certaines données obtenues chez la souris méritent d'être détaillées.
Le CSF-1 stimule la croissance placentaire chez la souris. Il est produit par les lymphocytes
et les cellules épithéliales utérines (Arceci et al., 1989). Grâce aux propriétés redondantes des
cytokines, le CSF-1 n’est pas essentiel à la réussite de la gestation, mais il peut l’améliorer. En
effet, l’administration de CSF-1 à des souris a fait chuter le taux de résorption fœtale (Chaouat et
al., 1990). Les œstrogènes et la progestérone sembleraient être responsables de la synthèse du CSF1, car leur administration stimulerait la sécrétion de ce facteur chez la souris ovariectomisée
(Pollard et al., 1987).
Le GM-CSF est produit par les cellules endométriales et par le conceptus chez les ruminants
(Imakawa et al., 1993). Chez la souris, il aurait des effets directs sur l’attachement et la croissance
du trophoblaste in vitro (Pollard et al., 1991) et sur la survie embryonnaire in vivo (Chaouat et al.,
1990). Ses effets favorables pour la survie du conceptus interviennent probablement grâce à divers
mécanismes : inhibition des cytokines délétères à la survie embryonnaire (IFNγ, TNFα, IL-2, IL-1
et IL-12), stimulation des cytokines bénéfiques au conceptus (IL-1-ra qui est un antagoniste du
récepteur de l'IL1, IL-10 et IFNτ) et stimulation de la production de certaines hormones comme la
progestérone.
L’IL-3 est largement impliquée dans la réussite de la gestation, au moins chez la souris chez
laquelle elle est très efficace pour réduire la mortalité embryonnaire et fœtale (Chaouat et al., 1990).
Chez la souris, l’IL-4 est principalement sécrétée par les lymphocytes et par le placenta, tout
au long de la gestation (Delassus et al., 1994). Cette interleukine stimule la croissance et le
fonctionnement des lymphocytes Th2 (qui produisent des cytokines surtout favorables au
développement embryonnaire) et inhibe le développement des lymphocytes Th1 (qui produisent des
cytokines surtout défavorables au développement embryonnaire) (Kopf et al., 1993). Elle inhibe
également la production d’IFNγ, d’IL2 (Swain et al., 1991). Elle a un rôle majeur dans la régulation
de l’expression des antigènes de surface, en particulier ceux du CMH de type II.
L’IL10 est considérée comme une puissante cytokine immunosuppressive. Elle est produite
par les lymphocytes Th2, les cellules utérines et le trophoblaste en début de gestation chez la souris.
Elle inhibe la prolifération des lymphocytes Th1. Lorsqu’elle est administrée chez la souris par voie
intrapéritonéale, elle fait diminuer de façon drastique la mortalité embryonnaire et fœtale (Moore et
al., 1993).
L’IL1 est produite par l’embryon, le trophoblaste et l’endomètre chez les ruminants. En
début de gestation, la sécrétion d’IL-1 est d’abord stimulée par le plasma séminal, puis il est
possible que les œstrogènes et la progestérone stimulent sa production pendant l’implantation. Son
activité biologique est subtile. D’un côté, il s'agit d'une cytokine pro-inflammatoire puissante,
principalement sécrétée par les macrophages. De l’autre côté, l’IL1 semble être nécessaire à la
réussite de l’implantation et de la gestation. Certaines cytokines stimulent la production d’IL1 (GMCSF, CSF-1, TNFα), alors que d’autres l’inhibent (IL1, IL6, IL10, TGFβ). Le TGFβ et le GM-CSF
stimulent également la production de l’IL-1-ra qui limite les effets pro-inflammatoires de l’IL-1. La
régulation de l’activité de l’IL-1 illustre l’équilibre fragile et complexe qui existe pendant la mise en
place de la gestation.
30
4.
Influence des hormones de la gestation sur le système
immunitaire maternel
Il a été démontré, dans des conditions expérimentales, que certaines hormones présentes
pendant la gestation, étaient capables de supprimer l’activité lymphocytaire. Il s’agit de la
progestérone, les œstrogènes, les glycoprotéines associées à la gestation, l’hormone lactogène
placentaire, l’hormone chorionique gonadotrope (espèces humaine et équine), ainsi que des facteurs
de croissance. Certaines de ces substances sont très probablement impliquées dans
l’immunotolérance du conceptus (Boulouis et al., 2000).
a. Progestérone
Plusieurs observations faites chez les femelles gestantes de différentes espèces semblent
indiquer que la progestérone aurait des effets immunosuppresseurs au cours de la gestation. Il a plus
particulièrement été observé que la progestérone inhibait la prolifération lymphocytaire dans
l'endomètre dès le début de l'implantation, diminuait le nombre de macrophages dans l'utérus et leur
activité phagocytaire et stimulait la production de prostaglandine E2 (PGE2) qui possède une action
immunosuppressive. Les effets de la progestérone et de la PGE2 sur l’inhibition des lymphocytes
sont d'ailleurs synergiques (Martal et al, 1997).
L'inhibition de prolifération lymphocytaire par la progestérone pourrait être induite
indirectement par deux facteurs d'origine lymphocytaire, mis en évidence chez la femme enceinte :
le TJ6 et le facteur de blocage progestérono-induit (PIBF). Ce dernier pourrait en fait être une forme
dimérique du TJ6. Il a été montré par Chaouat et al. (1990) que le PIBF était sécrété par les LT
suppresseurs (CD8+) en présence de progestérone et de tissu trophoblastique et qu'il pouvait
bloquer la lyse des fibroblastes embryonnaires par les cellules NK. D’autres rôles lui sont attribués
dans la survie embryonnaire. A ce jour, aucun de ces facteurs (TJ6 et PIBF) n’ont été mis en
évidence chez les ruminants, à notre connaissance.
b. Œstrogènes
Ces hormones sont en partie synthétisées par le placenta. Chez les ruminants, cette synthèse
est relativement faible pendant la première moitié de la gestation, puis elle augmente pour atteindre
un pic à la mise bas. D’après Gabrilovac et al. (1988), les œstrogènes contribueraient à supprimer
l’activité des cellules NK pendant la gestation. Les œstrogènes sembleraient également avoir un
effet négatif sur la différenciation, la prolifération et la survie des cellules précurseurs des
lymphocytes B (Medina et al., 2000).
c. Protéines associées à la gestation (PAG)
De nombreuses études ont été menées sur les éventuels effets des PAG sur le système
immunitaire. D’après Silva et al. (1997) (cités par Boulouis et al., 2000), les PAG auraient un rôle
dans l’apparition du syndrome métrite-mammite observé après le part, chez la vache. Des
concentrations élevées en PAG correspondraient à la décroissance de l’activité d’oxydation des
31
granulocytes neutrophiles. Hoeben et al. (1999) ont observé in vitro que les PAG, à des
concentrations supérieures à 1800 ng/L (concentration retrouvée chez la vache une semaine avant
vêlage), inhibaient la multiplication des cellules myéloïdes et érythroïdes.
d. Autres
On dispose de peu d'informations concernant l’hormone lactogène placentaire (PL). Chez la
femme, la PL aurait un effet suppresseur sur les lymphocytes en culture, d'après Schafer et al.
(1992). Aucune donnée n'est disponible concernant une éventuelle activité de la PL sur le système
immunitaire chez les ruminants.
Aucun effet de l'hCG (hormone chorionique gonadotrope humaine) ou de l'eCG (hormone
chorionique gonadotrope équine) sur le système immunitaire n'a été mis en évidence actuellement
dans ces 2 espèces. Néanmoins, peu d'études semblent avoir été réalisées.
Bien que le conceptus ne soit pas assimilé à un parasite pluricellulaire et qu'il ne soit pas un
organisme pathogène, la présence d'antigènes du CMH d'origine paternelle et donc potentiellement
différents de ceux de la mère, il devrait être rejeté par le système immunitaire maternel. Afin que la
gestation puisse arriver à terme, une régulation de ce système immunitaire est nécessaire. On a vu
que la présence du conceptus était suivie de nombreuses réactions des systèmes immunitaires
cellulaire et humoral, tant au niveau local dans l'endomètre, que dans la circulation sanguine. Les
mécanismes permettant au conceptus d'éviter le rejet sont donc probablement nombreux et
complexes. Ces mécanismes doivent être locaux et subtiles afin de ne pas compromettre les
défenses immunitaires globales de la mère. Si une immunosuppression systémique s’établissait,
l’organisme maternel serait constamment sous la menace de germes pathogènes.
Le Tableau 3 résume les mécanismes probables permettant la mise en place d’une gestation
durable. Les données sont principalement issues de connaissances acquises chez l’homme et la
souris. Leur existence chez les ruminants et leur contribution relative au succès de la gestation
restent largement inconnues, et les comparaisons inter-espèces doivent être faites avec précaution
(Entrican et Wheelhouse, 2006).
32
Tableau 3 : Mécanismes potentiels permettant l’établissement de la gestation (Entrican et Wheelhouse,
2006).
Immuno-modulateur
Trophoblaste
Effets
Absence d’expression des molécules classiques des
CMH I et II
Expression de molécules non classiques du CMH I
Echappement de la reconnaissance par les cellules αβT
maternelles
Echappement de la lyse par les cellules NK
maternelles
Induction de l’apoptose des lymphocytes T et des
granulocytes neutrophiles maternels porteurs du Fas
Tolérance des cellules T maternelles
Inhibition des réactions immunitaires maternelles
Pas d’activation de l’immunité maternelle
Expression du ligand Fas
Expression du IDO
Production d’IL-10 et de TGF-β
Signal « No danger »
Mère
Cellules utérines NK et γδT
Absence ou diminution de l’expression d’IL-2, de
TNFα et d’IFN-γ
Production d’hormones
Production de GM-CSF et de CSF-1 (colony
stimulating factor)
5.
Contrôle de l’invasion du trophoblaste
Diminution de l’activation des cellules
l’inflammation
Promotion de la survie du trophoblaste
Diminution de la réaction inflammatoire
Stimulation du développement placentaire
de
Conclusion
Il y a de plus en plus de preuves que le dialogue entre l'organisme maternel et le conceptus a
un impact sur la fonction des cellules immunitaires circulantes au stade le plus précoce de la
gestation. Les plus marquantes sont les changements phénotypiques cellulaires avec l’augmentation
du nombre de cellules exposant le phénotype de régulation T qui favorisent la tolérance aux
antigènes paternels.
Jusque récemment, on pensait que l’IFNτ produit par le conceptus des ruminants n’agissait
que sur l’endomètre utérin. Il est à présent clair que cet interféron d'origine embryonnaire n'a pas
qu'une action locale et qu'il modifie l’expression de gènes dans le corps jaune et des leucocytes
circulants. On sait qu’un grand nombre d’IGS sont stimulés dans les leucocytes circulants en début
de gestation et qu'il y a un recrutement de populations immunitaires spécifiques dans l’endomètre,
où elles participent à de nombreuses fonctions biologiques. Par contre, la manière dont ce dialogue
entre le système immunitaire et le conceptus agit sur le statut immunitaire maternel en dehors du
tractus reproductif reste inconnue.
La Figure 9 montre que les interactions précoces entre le système immunitaire et le
conceptus se déroulent sur un fond d’immunosuppression sélective due à l’action de la progestérone
sur l’endomètre. La figure met en parallèle les mécanismes chez l’homme et les ruminants, l’hCG
étant le signal de la gestation chez l’homme.
33
Figure 9 : Effets locaux et systémiques du signal de reconnaissance de la gestation chez les ruminants
(IFNτ) et les primates (hCG) (Ott et Gifford, 2010).
L’IFNτ sécrété par le conceptus chez les ruminants et l’hCG humaine permettent la survie du CJ pendant la
gestation, permettant une sécrétion continue de progestérone. L’IFNτ bloque la sécrétion utérine de PGF2α et
fait augmenter l’expression des ISGs dans le CJ. Il entre également dans la circulation systémique où il fait
varier l’expression de gènes dans les cellules immunitaires circulantes. De plus, des cellules spécifiques
comme les NK et les cellules T γδ sont recrutées depuis la circulation sanguine périphérique jusque dans
l’utérus. Ce phénomène est accompagné de l’augmentation des cytokines correspondant au profil Th2 (IL-4,
IL-5, IL-6, IL-10, IL-13). Ces changements font augmenter la production de progestérone et facilitent
l’attachement et l’implantation du conceptus, et permettent au système immunitaire de reconnaître et
répondre à la présence du conceptus en tolérant les antigènes paternels.
Dans les deux premiers chapitres de cette partie bibliographique, nous avons étudié le
développement de l’embryon, les modifications physiques, physiologiques ainsi que les
mécanismes immunitaires qui accompagnent la gestation. La partie expérimentale de la thèse traite
du diagnostic de gestation par la mise en évidence de marqueurs biologiques géniques au sein de
l’organisme maternel au stade précoce de la gestation. Nous allons donc à présent nous intéresser
aux diverses méthodes de diagnostic déjà existantes, ainsi qu’aux avancées de la recherche en
matière de diagnostic précoce de gestation.
III. Le diagnostic de gestation
Le diagnostic de gestation a une importance capitale en production animale. Il permet de
détecter les saillies ou inséminations artificielles ayant échouées et de repérer les animaux infertiles.
La bonne gestion de la mise à la reproduction des femelles et les décisions prises en terme de
réforme en dépendent. En production ovine et caprine, le diagnostic de gestation permet la
formation de lots d’animaux en fonction de leur stade physiologique, et donc la mise en place de
stratégies de rationnement adaptées. En production bovine laitière, avoir une date de mise bas
34
définie permet la gestion du tarissement des vaches. En production allaitante bovine, il permet entre
autre de prévoir les rotations des animaux dans les bâtiments.
A. Les méthodes et leurs limites
1.
Méthodes cliniques
a. Palpation transrectale
La palpation transrectale est l’une des méthodes le plus couramment utilisées chez la vache
pour diagnostiquer la gestation. Elle est simple, peu coûteuse et immédiate. Il s’agit de palper
l’utérus à travers la paroi du rectum afin de déterminer s’il est gravide ou non, par la mise en
évidence d'une augmentation du diamètre des cornes utérines, par la perception de liquide dans
l'utérus ou/et la perception du fœtus, des cotylédons et des enveloppes fœtales. Les critères
permettant de diagnostiquer une gestation évoluent en fonction du stade de la gestation (Moreira et
Hansen, 2003) (Tableau 4). Cette technique peut être mise en pratique dès 30 jours de gestation
chez la génisse contre 35 jours chez la vache.
La mise en évidence des enveloppes fœtales pour diagnostiquer la gestation est sujette à
controverse. La technique consiste à pincer la paroi utérine entre 2 doigts et relâcher
progressivement, en faisant glisser ses doigts perpendiculairement à l'axe de la corne. Lors de
gestation, on peut sentir que l'on relâche d'abord les enveloppes fœtales avant la paroi utérine. Cette
méthode précise permet, avec un manipulateur expérimenté, un diagnostic de gestation avec une
bonne exactitude dès 32-35 jours de gestation chez la vache. Romano et al. (2006) ont étudié
l’influence de la palpation des enveloppes fœtales entre 34 et 41 jours de gestation sur la mortalité
embryonnaire et fœtale. La mortalité embryonnaire/fœtale n’a pas été significativement différente
entre le groupe de vaches ayant eu un diagnostic de gestation par échographie et le groupe ayant
subit la technique de palpation des enveloppes fœtales. Il a donc été conclu que la technique de
pincement des enveloppes fœtales comme diagnostic de gestation n’a pas d’incidence sur la
mortalité embryonnaire ou fœtale, lorsqu’elle est pratiquée entre 34 et 41 jours de gestation.
Le diagnostic de gestation par palpation transrectale n’est pas applicable aux petits
ruminants dont le bassin est trop étroit pour y entrer la main.
35
Tableau 4 : Signes de gestation mis en évidence par palpation transrectale chez la vache (Moreira et Hansen,
2003).
Stade de gestation
30-45 jours
45-60 jours
3è mois
4è mois
5è-6è mois
7è-9è mois
Signes mis en évidence
Asymétrie peu décelable
Discrète sensation de fluctuation, plus évidente chez la génisse
Asymétrie des cornes utérines
Corne gravide de 6,5 à 7 cm de diamètre à 60 jours
Fluctuation nette
Asymétrie des cornes utérines
Corne gravide de 8-10 cm de diamètre à 90 jours
Fluctuation nette
Perception du fœtus (10-15 cm de long)
Fluctuation nette
Perception du fœtus (25-30 cm de long) et des cotylédons
Utérus basculé dans l'abdomen
Col tiré vers l'avant
Parfois perception des cotylédons
Utérus basculé dans l'abdomen mis perceptible
Col tiré vers l'avant
Perception de reliefs osseux et des cotylédons
b. Echographie transrectale chez la vache
L'échographie transrectale peut être mise en œuvre chez la vache, avec une sonde linéaire de
5 à 7,5 MHz, placée contre la paroi ventrale du rectum. C'est une méthode assez courante dans cette
espèce qui a l'avantage de ne pas être invasive, d'être immédiate et de permettre l'estimation du
stade de gestation (au moins au début de la gestation) et de déterminer le sexe du fœtus. Elle permet
un diagnostic de gestation plus précoce que la palpation transrectale, mais elle est plus coûteuse
(investissement de matériel).
L’embryon peut être détecté au plus tôt vers le 20ème jour de gestation avec une sonde de 5
MHz (Curran et al., 1986a). L'embryon apparaît sous forme d'un spot échogène à l'intérieur d'une
vésicule non échogène. Sa visualisation se fait en pratique vers le 28ème jour de gestation (Pierson et
Ginther, 1984). Les premiers battements cardiaques sont visibles vers le 21ème jour de gestation
(Curran et al., 1986b). La détermination du sexe du fœtus est basée sur la position du tubercule
génital (près du cordon ombilical pour le mâle et près de la queue pour la femelle) entre 55 et 70
jours de gestation, puis la visualisation du scrotum pour le mâle ou des tétines mammaires pour la
femelle, entre 70 et 100 jours (Tainturier, 2001).
D’après Nation et al. (2003), la spécificité et la sensibilité de l’échographie sont
respectivement de 96% et 97% pour diagnostiquer une gestation entre 28 et 35 jours après
insémination, en se basant sur la visualisation de liquide et/ou des membranes embryonnaires. Mais
d’après Hanzen et al. (1993), l’échographie est plus apte à détecter les animaux gestants (sensibilité
de 91%) que non gestants (spécificité de 74%). D’après Curran et al. (1986b), la mortalité
embryonnaire peut être observée au 26ème jour de la gestation par l’absence de battements
cardiaques.
36
c. Echographie transabdominale
L'échographie transrectale peut être réalisée chez les petits ruminants, mais à cause des
risques de lacérations rectales, la voie transabdominale est préférée. Pour procéder au diagnostic de
gestation, une sonde de 3,5 à 5 MHz est placée en région abdominale ventrale, sur animal debout
ou, pour les brebis, couchée sur le dos. Les liquides fœtaux et l'embryon (ou les embryons) sont
visibles dès 30 jours de gestation (Bretzlaff et al., 1993). D’après Taverne et al. (1985), la
sensibilité et la spécificité de cette technique sont élevées après le 29ème jour et atteignent près de
100% entre le 46ème et le 106ème jour de gestation.
L’échographie transabdominale est une méthode simple, rapide, immédiate, non invasive,
qui permet en outre le dénombrement des fœtus entre 46 et 106 jours (Mialot et al., 1991). Chez la
chèvre, elle permet de plus de mettre en évidence des pseudo-gestations (hydromètres).
d. Radiographie abdominale
Cette technique est utilisable chez les petits ruminants. L’observation de squelettes fœtaux à
la radiographie permet de confirmer la gestation. L’ossification du squelette suffisante pour être
visible à la radiographie étant tardive, cette technique n’est applicable qu’à partir du 3ème mois de
gestation. Ford et al. (1963) ont obtenu une exactitude de 100% au 70ème jour de gestation (étude
comprenant 322 brebis).
Le diagnostic de gestation par radiographie est coût, nécessite une bonne contention de
l’animal et expose l’opérateur aux rayons X. Elle ne peut pas être mise en œuvre en élevage pour
des raisons pratiques évidentes.
2.
Méthodes de laboratoire
Les techniques de laboratoire ont pour but de détecter tout changement dû à la gestation
s'effectuant dans les tissus maternels ou toute substance produite par le conceptus. Deux sortes de
substances peuvent être dosées :
-
les substances spécifiques de la gestation ;
-
les substances non spécifiques de la gestation, mais dont la concentration augmente
lors de gestation.
a. Dosages des PAG
Le fait que les PAG (comme la PSPB et la PAG1) soient libérées dans la circulation
sanguine maternelle permet de les mettre en évidence à partir d'une prise de sang. Plusieurs dosages
radio-immunologiques ont été développés et sont utilisés pour diagnostiquer la gestation des
femelles de ruminants. Des réactions croisées avec les anticorps développés chez les espèces
domestiques permettent en effet d'appliquer le dosage à d'autres espèces de ruminants (bison, zébu,
cervidés…).
37
Chez la vache, le diagnostic de gestation par dosage des protéines associées ou spécifiques
de la gestation est possible avec une sensibilité de 100% à partir du 37-38ème et avec une spécificité
de plus de 82% à partir du 29-30ème jour après IA (Szenci et al., 1998).
Le problème associé au diagnostic de gestation par dosage de ces protéines dans le sang
vient de leur temps de demi-vie particulièrement long (7 à 10 jours). Les concentrations sériques de
PAG diminuent après le vêlage mais n’arrivent en dessous du seuil de détection qu’entre 80 et 120
jours post partum (Zoli et al., 1992). Le dosage des PAG est réalisable pour le diagnostic de
gestation pendant cette période à condition que l’intervalle vêlage-insémination soit supérieur à 90
jours (voire 100 jours pour les vaches allaitantes).
Associé au dosage de la progestérone réalisé entre 21-24 jours après mise à la reproduction,
le dosage des PAG permet d'estimer le taux de mortalités embryonnaires dites tardives (par
opposition aux mortalités embryonnaires précoces intervenant avant 16 jours de gestation et donc
qui ne décalent pas le retour en chaleurs), caractérisées par un dosage de progestérone positif à 24
jours après l'insémination et un dosage de PAG négatif à partir de 30 jours (Humblot et al., 1988).
Szenci et al. (1998) ont comparé le dosage sanguin de la PSPB et de la PAG1 à
l'échographie transrectale. Lorsqu’ils ont comparé le nombre de vaches diagnostiquées gestantes par
les trois méthodes au nombre de vaches ayant finalement vêlé, ils n’ont pas pu mettre en évidence
de différence significative entre les trois méthodes. Par contre, lorsqu’ils ont comparé le nombre de
vaches diagnostiquées gestantes par chacun des tests sanguins et le nombre de vaches gestantes en
se basant sur un diagnostic échographique avec pour critère la visualisation d’un fœtus avec un
cœur qui bat, l’échographie a été moins précise. Moins de vaches ont été correctement
diagnostiquées gestantes par échographie que par dosage des protéines spécifiques de la gestation.
En prenant en considération le nombre de vaches avortées, il a été constaté que l’échographie
entrainait moins de faux positifs que le dosage des protéines dans le sang. Le dosage de la PSBP
entrainait moins de faux positifs que le dosage de la PAG1. L’exactitude du diagnostic de non
gestation par le dosage des PAG est limitée par la demi-vie relativement longue de ces protéines
après le vêlage et par la mortalité embryonnaire précoce.
Le dosage des PAG peut aussi être utilisé pour diagnostiquer la gestation chez les petits
ruminants, mais il est très peu utilisé en pratique (plus lourd à mettre en œuvre dans un troupeau
que l'échographie transabdominale). Cette méthode présente l'inconvénient de nécessiter un délai
pour obtenir le résultat.
b. Dosage de la progestérone
La progestérone n'est pas spécifique de la gestation. Il s'agit donc de la doser, dans le lait
(sur lait entier, sur la matière grasse du lait ou sur lait écrémé) ou le sang, au moment où sa
concentration serait censée baisser si l'animal n'était pas gestant, c'est à dire dans un délai équivalent
à la durée d'un cycle après la mise à la reproduction (22 à 23 jours chez la chèvre, 17 à 18 jours
chez la brebis, 22 à 24 jours chez la vache). Si la progestérone est élevée à ce moment là, on peut
penser que l'animal est gestant et inversement. En élevage laitier, on réalise plutôt le dosage à partir
du lait, d’une part car le taux de progestérone y est plus élevé que dans le sang, et d’autre part car
cela est plus pratique. Chez la vache, on collecte le lait entre le 22ème et le 24ème jour après
insémination. Les résultats ne sont obtenus qu’en 2 à 3 jours. Les inconvénients de cette méthode
sont un coût élevé, des résultats légèrement différés dans le temps et la nécessité d'un laboratoire
qui effectue le dosage à proximité (Hafez et Hafez, 2000).
38
Le dosage de progestérone est surtout fiable pour effectuer le diagnostic de non gestation.
En effet, un taux faible de progestérone indique que la femelle n'est pas gestante avec certitude.
Lorsque le taux de progestérone est élevé, cela peut être attribué à une gestation, mais également à
un cycle anormalement court (on détecte la présence d'un nouveau corps jaune) ou long. On ne peut
que conclure à la présence d'un corps jaune. La spécificité du dosage de la progestérone pour le
diagnostic de non gestation, lorsqu’il est effectué sur le lait, est de 98% entre 18 et 24 jours après
vêlage (Nebel et al., 1987). C'est donc plutôt un test de non gestation, qui à l’avantage d’être bien
plus précoce que l'échographie transrectale.
Ce dosage est applicable aux caprins et aux ovins. Cependant, chez les ovins, la lactation et
la période de lutte ne coïncident pas. Le dosage doit donc être effectué sur prélèvement sanguin.
Chez la chèvre, le test ne permet pas de différencier la gestation d'une pseudo-gestation (taux de
progestérone élevé dans les 2 cas).
c. Dosage du sulfate d’œstrone
Le sulfate d'œstrone est l'œstrogène majoritairement produit par le conceptus. On peut le
doser dans le plasma, le lait ou l'urine maternels. Il peut être détecté dans le plasma entre 40 et 50
jours de gestation chez la brebis et la chèvre et dès 72 jours chez la vache, ou bien dans le lait entre
40 et 50 jours de gestation chez la chèvre et dès 112 jours chez la vache. Ainsi, le diagnostic de
gestation est tardif. Un résultat négatif peut exprimer un état de non gestation mais n’exclut pas une
gestation débutante. Par ailleurs, ce dosage ne permet pas de dénombrer les fœtus. En conséquence,
cette méthode de diagnostic de gestation est peu utilisée (El Amiri, 2008).
d. Dosage de l’hormone lactogène placentaire
L’hormone lactogène placentaire (PL), qui intervient dans le développement du fœtus et
dans l’activité des glandes mammaires est détectable dans la circulation maternelle dès le 40-50ème
jour de gestation chez la brebis. D’après Robertson et al. (1980), la fiabilité de la technique est
bonne en milieu de gestation : 97% d'exactitude positive et 100% d'exactitude négative. Mais
l’apparition tardive de cette hormone dans le sang maternel prive son dosage d’intérêt pour un
diagnostic précoce de la gestation chez la brebis.
Chez la vache, l’expression de l’hormone lactogène placentaire varie considérablement d’un
individu à l’autre. Elle est détectable dans le plasma sanguin maternel entre le 26ème et le 110ème jour
après fécondation selon les individus. La race de l’animal est susceptible d’influencer la
concentration maternelle sanguine de la PL (Guilbault et al., 1991). Le dosage de cette hormone
n’est donc pas utilisé en pratique.
Les techniques évoquées ci-dessus présentent chacune des avantages et des inconvénients.
En terme de diagnostic de gestation, les paramètres importants à considérer sont la précocité du
diagnostic, sa sensibilité, sa spécificité, sa facilité de mise en œuvre et enfin le coût de l’examen ou
de l’analyse.
Parmi les méthodes de laboratoire, c’est le dosage de la progestérone qui est le plus
intéressant en terme de précocité, mais il n’est pas très sensible et son coût reste élevé. Parmi les
méthodes cliniques, l’échographie permet un diagnostic de gestation très précoce par un utilisateur
averti.
39
Cependant, aucune de ces méthodes diagnostiques ne permettent de diagnostiquer une
gestation avant la date de retour en chaleur de l’animal. Comme nous l’avons déjà évoqué, une telle
précocité de diagnostic permettrait de réduire les temps improductifs en élevage. La recherche
s’oriente donc vers d’autres moyens de mise en évidence de la gestation. La génomique, en
particulier l’étude de l’expression des gènes stimulés par l’interféron tau, fait partie de ces moyens.
Nous allons donc exposer maintenant l’avancée des recherches dans ce domaine.
B. Vers l’utilisation des gènes dans le diagnostic de gestation
1.
Gènes stimulés par l'IFN τ
Actuellement, il a été identifié plus d'une centaine de gènes dont l'expression était stimulée
par les interférons (Interferon Stimulated Genes ou ISG) (Samuel, 1991 ; Garcia-Sastre et Biron,
2006). L'expression d'un bon nombre de ces gènes augmente dans l’utérus en début de gestation
(β2-microglobuline, ISG15, Mx1, par exemple) et leur rôle dans la fonction utérine fait l’objet de
nombreuses recherches. Mais il a également été montré que l'expression de plusieurs de ces gènes
était augmentée dans les cellules mononucléées sanguines périphériques. La mise en évidence
précoce de l'augmentation de la quantité d'ARNm dans le sang de femelles lors de la gestation
pourrait permettre de diagnostiquer la gestation précocement, à partir d'une simple prise de sang.
Plusieurs études ont été menées pour déterminer quel gène serait le plus fiable.
a. Les différents ISG étudiés
L'IFNτ produit par le conceptus des ruminants est un interféron de type I (comme IFNα et
IFNβ). Il intervient dans des voies de signalisation similaires et stimule l'expression de nombreux
gènes de manière non spécifique. Parmi ces gènes, certains ont été plus particulièrement étudiés lors
de la gestation chez les ruminants.
ISG15 appartient à la famille des protéines apparentées à l'ubiquitine (protéine présentes
dans tous les compartiments subcellulaires, d'où son nom) servant à désigner les protéines à
éliminer. Sa synthèse est stimulée par les interférons de type I. ISG15 fonctionne également comme
une cytokine.
Les protéines Mx (Myxovirus resistance) sont au moins au nombre de deux, Mx1 et Mx2.
Elles sont connues pour leurs propriétés anti-virales (Lee et Vidal, 2002). Leur synthèse est induite
par les interférons de type 1 (généralement IFNα et IFNβ). Lors d'infection virale, les cellules
infectées produisent de l'IFNα ou IFNβ qui activent, entre autres, des mécanismes antiviraux dans
les cellules voisines, comme les protéines Mx. Ces dernières sont des GTPases appartenant à la
superfamille des dynamines, qui inhibent la réplication de certains virus à ARN. Mx1 permet, en
particulier, la résistance aux virus influenza et Mx2 bloque la réplication du virus de la stomatite
vésiculeuse et de l’hantavirus (Jin et al., 2001).
La synthèse d'IFNα ou d'IFNβ par les cellules infectées stimule également la production de
la 2'-5' oligo-adénylate synthétase 1 (OAS1), molécule également impliquée dans l'immunité
antivirale.
40
b. L'intérêt des ISG pour le diagnostic de gestation
Comme nous l’avons déjà évoqué, la quantification de l’ARNm de gènes stimulés par
l’interféron pourrait s’avérer intéressante pour diagnostiquer la gestation. Voici une synthèse des
résultats de quelques unes des recherches effectuées sur le sujet.
L’ISG15
Austin et al. (1996, 2004) ont montré que l’ISG15 est exprimé en plus grande quantité dans
l’endomètre des vaches gestantes par rapport aux non gestantes. Han et al. (2006) ont étudié son
expression dans les cellules sanguines blanches. Ils ont cherché à démontrer que :
- d’une part, que l’ARNm de l’ISG15 était sur-exprimé dans le sang des vaches gestantes
comparé à celui des vaches non gestantes ;
- d’autre part, que des niveaux bas d’ARNm de l’ISG15 seraient un indicateur précis
d'absence de gestation chez la vache.
Les résultats obtenus par Han et al. ont montré que les niveaux en ARNm de l’ISG15
commencent à augmenter dans le sang à J16 pour atteindre un pic à J20 puis pour redescendre au
même niveau qu’à J16 au 32ème jour de gestation (Figure 10).
Figure 10 : Expression relative des ARN messagers de l’ISG15 dans le sang de vaches gestantes et non
gestantes de J15 à J32 après insémination artificielle (Han et al., 2006)
En parallèle, il a été réalisé un dosage de la progestérone de J15 à J32 et une échographie
transrectale à J32, utilisée ici comme méthode de référence. En ne prenant en compte que les
valeurs d'ARNm d'ISG15 et de progestérone à J18 (pour 78 vaches), la sensibilité était
respectivement de 81% et 100% et la spécificité était de 75% et 41% (Tableau 5). En prenant en
compte toute la série des prélèvements (pour 21 vaches), les valeurs étaient meilleures, avec en
particulier une sensibilité de 100%.
41
Tableau 5 : Diagnostic de gestation par mesure de la quantité d’ARN messagers de l’ISG15 ou de la
progestérone dans le sang en comparaison au diagnostic de gestation par échographie (à 32 jours de
gestation) chez des vaches laitières (Han et al., 2006).
Il a donc été conclu de cette étude que des niveaux faibles d’ARNm de l’ISG15 dans le sang
collecté de J17 à J25 pouvait servir à indiquer précisément quelles sont les vaches non gestantes.
Par contre, l’utilisation de l’ISG15 comme moyen diagnostique de la gestation est problématique.
En effet, seulement 62% des vaches considérées gestantes en se basant sur le niveau d’ARNm de
l’ISG15 à J18 ont été correctement diagnostiquées (ce pourcentage était de 78% en faisant des
prélèvements sanguins en série).
Les protéines Mx chez la brebis
L’IFNτ stimule l’expression de la protéine antivirale Mx1 dans l’utérus en début de
gestation (Hicks et al., 2003). L’expression de l’ARNm et de la protéine Mx2 dans l’endomètre
ovin (Charleston et Stewart, 1993) et bovin (Hicks et al., 2003) sont également influencées par le
statut reproductif de la femelle.
Les travaux de Yankey et al. (2001) ont démontré que l’INFτ stimule également
l’expression de ces protéines dans les cellules mononuclées sanguines périphériques qui circulent à
travers l’endomètre ovin. Une première expérience a permis de déterminer que les niveaux en
ARNm de Mx dans les cellules mononucléées sanguines périphériques étaient deux fois plus élevés
26 jours après insémination chez les brebis gestantes que chez des brebis cyclées (Figure 11).
42
Figure 11 : Quantité d’ARN messagers de Mx dans les PBMC 26 jours après IA.
La ligne représente les niveaux de PSPB qui ont confirmé le statut gestant et qui étaient corrélés avec le
nombre d’agneaux nés (Yankey et al., 2001).
Dans une seconde expérience, les cellules mononucléées sanguines périphériques ont été
isolées chez les brebis le jour de l’insémination artificielle, ainsi que tous les trois jours de J9 à J30.
Les résultats ont montré que la quantité en ARNm de Mx dans les cellules mononucléées sanguines
périphériques était 4 fois supérieure chez les brebis gestantes par rapport aux brebis cyclées, à J15.
Chez les brebis gestantes, les quantités en ARNm de Mx sont restées élevées jusqu’à J30 et ont été
accompagnées d’une augmentation de la quantité de protéines Mx (Figure 12).
L’expression de Mx n’a pas augmenté pas au cours du cycle dans les cellules mononucléées
sanguines périphériques des brebis non gestantes, qu’elles aient été ou non inséminées.
Figure 12 : Expression temporelle des ARN messagers de Mx dans les cellules mononucléées sanguines
périphériques de brebis, de J0 à J30 après IA (Yankey et al., 2001).
Les résultats de cette étude montrent que la présence d’un conceptus vivant chez la brebis
pourrait être confirmée par la mesure de la quantité d’ARNm de Mx dans les leucocytes circulants
43
maternels 15 jours après insémination. Mieux encore, l’absence d’augmentation de la quantité
d’ARNm de Mx dans les leucocytes circulants permet le diagnostic de non gestation.
La protéine Mx2 chez la vache
En 2007, Stevenson et al. se sont penchés sur l’expression de l’ARNm de Mx2 dans les
leucocytes circulants. D’après leurs résultats, la quantité d’ARN messager de Mx2 dans les
leucocytes circulants est 2,75 fois plus élevée 21 jours après l'insémination que le jour de
l’insémination (J0) chez les génisses gestantes, (diagnostic de gestation effectué par dosage sanguin
de la progestérone). Chez les génisses non inséminées ou inséminées mais non gestantes, le niveau
n’a augmenté que de 1,5 à 2 fois. Chez les génisses gestantes, le niveau d’ARNm de Mx2 était
également plus élevé à J30 et à J60 (diagnostic de gestation effectué par échographie transrectale)
par rapport au jour de l’insémination (Figure 13).
Figure 13 : Augmentation du niveau basal des ARN messagers de Mx2 entre J0 et J21, entre J0 et J30 et
entre J0 et J60 après IA, en fonction du statut physiologique de la génisse (mise à la reproduction et gestante,
mise à la reproduction mais non gestante ou non mise à la reproduction et non gestante) (Stevenson et al.,
2007).
De plus, chez les femelles dont la gestation s'est maintenue, l’augmentation de l’expression
de l’ARNm de Mx2 entre J0 et J18 était plus élevée que chez celles qui ont présenté une mortalité
embryonnaire entre J21 et J30 (Figure 14). Il est possible qu'une plus faible augmentation de
l’expression de Mx2 soit due à une production réduite d’IFNτ par un embryon en retard de
développement ou anormal, et donc ne pouvant pas survivre.
44
Figure 14: Augmentation du niveau basal des ARN messagers de Mx2 entre J0 et J18 pour les génisses
ayant maintenu leur gestation et celles ayant présenté une interruption de gestation (entre J21 et J30, entre
J21 et J60 ou entre J30 et J60 après insémination) (Stevenson et al., 2007).
Dans cette étude, l'utilisation de la variation de la quantité des ARNm de Mx2 dans les
leucocytes circulants entre J0 et J18 pour diagnostiquer la gestation a donné une sensibilité de 57,1
à 65,6% selon la date du diagnostic de référence (J21 par dosage de la progestérone, J30 par
échographie transrectale et J60 par palpation transrectale). La valeur prédictive négative de ce test
était également très faible (de 47,9 à 57,1% selon la date du diagnostic de référence).
Cette étude démontre donc que l’expression de l’ARNm de Mx2 dans les PBMC est reliée à
la gestation à J21, 30 et 60 après l’insémination chez la vache, et que lors de perte embryonnaire,
l’augmentation de l’expression de Mx2 est plus faible que lorsque la gestation est maintenue.
Cependant, il n’est pas possible d’utiliser la variation de l’expression de l’ARN messager de Mx2
comme diagnostic de gestation à J18, à cause des faibles valeurs de sensibilité et de valeur
prédictive négative.
Jusqu’à présent, aucune étude n’a montré que la quantification, dans le sang d’une femelle
gestante, de l’ARNm d’un gène stimulé par l’IFNτ pouvait servir de diagnostic précoce de
gestation.
2.
Autre molécule : la protéine SIRPalpha
L'expression de la protéine SIRPα a été comparée entre des femelles gestantes et des
femelles non gestantes dans l'étude présentée dans la seconde partie de ce manuscrit, suite aux
résultats d'une analyse transcriptomique réalisée sur des leucocytes mononucléés circulants. Nous
allons donc présenter cette protéine.
Au sein de l’organisme pluricellulaire, les cellules doivent communiquer entres elles pour
réguler leur développement et leur organisation au sein des tissus, pour contrôler leur croissance et
leur mort et pour coordonner leurs fonctions. Les cellules animales communiquent entre elles selon
deux modes : elles peuvent sécréter des substances chimiques qui envoient un signal à une autre
cellule à distance, ou bien communiquer par une molécule située à leur surface qui se lie à un
45
récepteur situé sur une cellule adjacente. Le deuxième mode est un système de communication
intercellulaire plus précis que le premier. Il est largement adopté par les cellules du système
immunitaire, dans lesquelles il régule des processus tels que la reconnaissance antigénique et
l’apoptose (Matozaki et al., 2008).
Un de ces systèmes de communication intercellulaire identifiés récemment est composé de
la protéine transmembranaire CD47 et de la Protéine de Régulation du SIgnal (SIRP) α (Matozaki et
al., 2008). SIRPα est une protéine transmembranaire aussi connue sous les noms de SHPS-1,
SIRPA, p84 et BIT. L’expression de SIRPα prédomine dans les neurones, les cellules dendritiques,
les macrophages et les neutrophiles. Quant au CD47, il s'agit d'un ligand de SIRPα et un marqueur
du soi. Il est présent à la surface de la plupart des types cellulaires. Ces deux molécules
appartiennent à la superfamille des immunoglobulines. Les deux molécules forment ensemble un
système de communication intercellulaire (Matozaki et al., 2008).
a. Fonctions de la protéine SIRPα
Plusieurs fonctions de la protéine SIRPα ont déjà été mises en évidence (Matozaki et al.,
2008). Nous allons détailler les rôles qui lui ont été attribués dans la régulation du système
immunitaire, afin de comprendre pourquoi nous avons choisi d’étudier cette protéine comme
marqueur potentiel de la gestation.
Régulation de la phagocytose dans les macrophages
La fonction du complexe SIRPα/CD47 la mieux caractérisée in vivo, est la régulation de la
phagocytose des globules rouges sanguins et des plaquettes par les macrophages. Les macrophages
sont des cellules phagocytaires « professionnelles » dont le rôle est important pour préserver
l’intégrité et les fonctions des tissus en phagocytant les vieilles cellules et les corps apoptotiques
(Matozaki et al., 2008). L’absence de CD47 à la surface cellulaire conduit à la capture de la cellule
par les macrophages. Lorsque le CD47 se lie à SIRPα, un signal inhibiteur de la phagocytose est
transmis (Hatherley et al., 2009).
Régulation du système immunitaire
L'interaction de SIRPα avec CD47 aurait également un rôle de régulation du système
immunitaire. Elle empêcherait la maturation et l’activation des cellules dendritiques immatures, et
inhiberait la production de cytokines par les cellules dendritiques matures (Latour et al., 2001). Les
cellules dendritiques ont un rôle central dans l’induction des réponses immunitaires face aux
pathogènes, en présentant les antigènes aux cellules T naïves. Etant donné que SIRPα est présente
en abondance à la surface des cellules dendritiques, il est possible que SIRPα entraîne l’activation
des cellules T (à travers son interaction avec le CD47 des cellules T) (Seiffert et al., 2001). Le
complexe SIRPα/CD47 pourrait donc empêcher certaines réactions immunitaires et en activer
d’autres.
Rôles dans la régulation des interférons de type 1
Les réponses antivirales de l’hôte sont initiées par la détection de composants viraux par des
récepteurs spécialisés. Ces récepteurs détectent l’ARN double brin d’origine virale produit lors de la
réplication de nombreux virus. La détection de cet ARN conduit à la production rapide d’interférons
de type 1 qui activent les réponses immunitaires (Dong et al., 2008).
46
Dong et al. ont montré en 2008 que la protéine SIRPα était moins exprimée dans les
macrophages de souris après stimulation de ces mêmes macrophages avec un analogue synthétique
de l’ARN double brin (Figure 15). Or, le traitement des macrophages de souris avec un analogue
synthétique de l’ARN double brin déclenche l’activation des IFN de type 1. L’activation des IFN de
type 1, l’expression des ISG et la production de cytokines sont améliorées dans les macrophages
n’exprimant pas SIRPα. La diminution de l’expression de la protéine SIRPα permet donc
d’augmenter les réactions immunitaires antivirales liées aux interférons de type 1.
Dong et al. (2008) ont également démontré que lorsque SIRPα est exprimée, la production
d’interféron de type 1 est diminuée, provoquant ainsi une régulation négative des réponses antivirales contre l’infection des virus à ARN. La protéine SIRPα agit donc comme un régulateur des
réponses immunitaires de l’hôte.
Cette étude suggère que SIRPα pourrait potentiellement, par son rôle inhibiteur des réactions
immunitaires liées à l’interféron, inhiber des réponses immunitaires telles que l’auto-immunité.
Figure 15 : Sous régulation des niveaux d’ARN messagers de SIRPA après traitement à l’ARN double brin
synthétique (PolyIC) des macrophages. Les niveaux d’ARN messagers ont été mesurés par PCR temps-réel
(Dong et al., 2008).
b. SIRPα : un marqueur potentiel de la gestation ?
Le rôle de SIRPα dans la régulation de la phagocytose, du système immunitaire ainsi que
dans la régulation des interférons de type 1, dont l’IFNτ fait partie, laisse penser que cette molécule
pourrait jouer un rôle lors de la mise en place de la gestation. SIRPα pourrait entrer en jeu lors de la
régulation de la phagocytose dans l’utérus au cours de l’implantation de l’embryon. Cette molécule
pourrait également avoir un rôle important dans le signal embryonnaire médié par l’IFNτ et/ou être
impliqué dans l’installation de la tolérance immunitaire maternelle. De plus, cette protéine pourrait
être impliquée dans les modifications des populations leucocytaires, en particulier les cellules
mononuclées, dans l'endomètre et dans la circulation sanguine lors de gestation, comme discuté
précédemment. Enfin, le choix de ce marqueur potentiel a été motivé par une étude
transcriptomique sur 4 brebis gestantes et 4 non gestantes qui a montré une expression
significativement plus faible de SIRPA dans les PBMC chez les brebis gestantes (Constant et al.,
données personnelles).
Jusqu’ici, aucune étude ne s’est intéressée au rôle de SIRPα, ni à son expression dans divers
tissus maternels ou embryonnaire au cours de la gestation. Dans l’étude expérimentale qui suit, nous
nous intéresserons aussi à l’expression du gène SIRPA, dans l’endomètre, les leucocytes circulants
et les nœuds lymphatiques de brebis gestantes et non gestantes, afin de déterminer si ce gène est
47
suffisamment impliqué dans les phénomènes physiologiques qui entourent la gestation au point de
pouvoir servir de marqueur biologique de cet évènement.
48
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EXPERIMENTALE
49
50
La partie expérimentale de cette thèse porte sur le diagnostic précoce de la gestation, chez la
brebis, par identification de marqueurs génétiques. Dans l’étude bibliographique, nous avons vu
qu’il n’existe actuellement aucun test permettant d’affirmer qu’une femelle de ruminants est
gestante avant le retour en chaleur s’il n’y a pas eu fécondation (21 jours pour la vache et 17 jours
pour la brebis). Pour des raisons de praticité et de coût concernant l’obtention d’échantillons de
tissus, les travaux décrits ci-dessous portent sur la brebis. Suite à une identification de séquences
géniques par transcriptomique, qui ne sera pas décrite, nous avons identifié deux gènes (MX1 et
SIRPA) différentiellement exprimés chez les brebis gestantes par rapport aux non gestantes dans
différents tissus (les nœuds lymphatiques, les cellules mononucléées du sang périphérique appelées
PBMC dans la suite du manuscrit, et l’utérus). Le travail décrit ci-après porte sur la quantification
de l’ARNm de ces deux gènes dans chacun de ces trois tissus, afin de savoir si l’un de ces deux
gènes pourrait servir de marqueur précoce de la gestation.
I.
Animaux, matériel et méthodes
A. Modèle animal
Nous avons eu recours à 32 brebis Préalpes du Sud provenant du centre expérimental de
l’Institut National de Recherche Agronomique de Jouy en Josas (Yvelines). Les brebis étaient
multipares (entre 3 et 5 gestations). Elles étaient en bonne santé.
Les cycles des brebis ont été synchronisés selon la méthode Synchro-Part : une éponge de
40 mg de fluorogestone a été placée dans le vagin pendant 14 jours et une injection de 400 UI de
PMSG a été réalisée le jour du retrait de l'éponge (Figure 16).
Trois lots de brebis ont initialement été formés :
• 7 brebis non inséminées : lot CYCL (pour Cyclées),
• 16 brebis inséminées avec des doses provenant d'un seul bélier,
• 9 brebis inséminées avec du sperme "inactivé" du même bélier : lot LS (pour
Liquide Séminal).
Le sperme du bélier a été prélevé dans un centre d’Insémination Artificielle en Bourgogne.
Après collecte, il a été maintenu dans un thermos à 37°C pendant environ deux heures, pour que les
spermatozoïdes épuisent toutes leurs réserves.
51
Figure 16 : Synchronisation des chaleurs (méthode SYNCHRO-PART) et prises de sang (PS).
B. Prélèvements
1.
Prélèvements sanguins ante-mortem
Des prises de sang (5 mL) sur tubes secs ont été effectuées sur toutes les brebis à J0 (jour de
l’œstrus induit), J3, J9, J12 et J15 (Figure 16). Les tubes ont décanté pendant 30 min à température
ambiante (20°C) puis ont été centrifugés à 1 500 tours/min pendant 10 min à température ambiante.
Le sérum a été prélevé, aliquoté en tubes d'1 mL et congelé à -20°C, après identification avec le
numéro de travail de la brebis et la date du jour.
A J15, juste avant abattage, 50 mL de sang jugulaire ont été prélevés sur tube citraté sur
toutes les brebis dans le but d’effectuer un tri cellulaire des cellules sanguines au laboratoire.
2.
Prélèvements tissulaires post-mortem
Les animaux ont été abattus à J15 à l’abattoir de l’INRA de Jouy en Josas. Les appareils
génitaux entiers (utérus et ovaires), ainsi que les nœuds lymphatiques ont été prélevés
immédiatement après sacrifice.
Les utérus ont été flushés avec 50 mL de tampon PBS (Phosphate Buffer Saline) dans
chacune des cornes simultanément, afin de récupérer d’éventuels embryons et ainsi déterminer la
présence d'une gestation. Les embryons ont ensuite été observés sous loupe binoculaire pour en
déterminer le stade de développement.
Des prélèvements d'endomètre (caroncules et endomètre intercaronculaire) et des nœuds
lymphatiques lombo-aortiques et iliaques médiaux ont été réalisés, congelés directement dans
l’azote liquide puis conservés à -80°C jusqu’à l’extraction des ARN.
52
C. Méthodes
1.
Dosage de progestérone
Après 30 minutes de décantation à température ambiante (20°C), les prélèvements de sang
ont été centrifugés à 1500 tours/min pendant 10 minutes à 20°C. Le sérum a été prélevé puis
congelé. Le taux de progestérone a ensuite été déterminé par ELISA (kit Ovucheck® Plasma,
Biovet, St-Hyacinthe, Canada).
2.
Isolement des PBMC (Peripheral Blood Mononuclear Cells)
Les PBMC ont été isolés immédiatement après la prise de sang, par une méthode utilisant un
gradient de Percoll et congelés à -80°C dans du Trizol LS® (Invitrogen, Cergy-Pontoise, France)
jusqu'à l'extraction des ARNs.
Une solution de Percoll (GE Healthcare, Saclay, France) à 60% a été obtenue avec du milieu
de RPMI 1640 (Roswell Park Memorial Institute, Lonza France, Levallois-Perret, France). Pour
une meilleure efficacité d'isolement des leucocytes mononucléés, des tubes frittés ont été utilisés. Il
s'agit de tubes présentant 2 cuves séparées par une barrière poreuse de polypropylène haute densité
(« fritte »). Après centrifugation du sang, les PBMC se retrouvent au dessus de la barrière qui évite
la contamination par les érythrocytes qui se retrouvent sous la barrière (Figure 17).
Les tubes frittés ont été remplis avec le Percoll 60% et centrifugés (1000 tours / min.
pendant 5 min). L'excédent de Percoll au dessus de la barrière a été retiré. Le sang prélevé a été
dilué volume à volume avec du PBS-CS (PBS (Euromedex, Souffelweyersheim, France) + 1%
citrate 13 mM + 1% sérum de veau fœtal). Les tubes frittés avec le sang dilué ont à nouveau été
centrifugés (2700 tours / min. pendant 25 min. à 20°C, sans frein). L'anneau de PBMC a été
récupéré avec une pipette et lavé 3 fois avec du PBS-CS (centrifugation 1800 tours / min. pendant
10 min. à 20 °C avec frein). Le culot de cellules a été ensuite homogénéisé dans du Trizol LS®
(Invitrogen), congelé dans l'azote liquide et conservé à -80°C.
Figure 17 : Principe de fonctionnement des tubes frittés.
53
3.
Extraction des ARNs
Les tissus lymphatiques et endométriaux ont été broyés à l’aide d’un Ultra-Turrax T25. Les
ARNs totaux ont été extraits au Trizol LS® (Invitrogen), selon le protocole fourni par le fabricant
(Mansouri-Attia et al., 2009). Après décongélation, les PBMC ont été homogénéisés à l'aide d'une
aiguille 18 gauge et d'une seringue de 2 mL. Puis les ARNs ont été extraits selon le même protocole
que pour les ARNs tissulaires.
Tous les échantillons d’ARN ont été purifiés sur des colonnes RNEASY MINI KIT® (Qiagen,
Courtabœuf, France) avec traitement à la DNase I (Qiagen), puis quantifiés par spectrophotométrie
(NANODROP ND-3300, Labtech, Wilmington, USA). Leur qualité a été évaluée par l'Agilent 2100
bioanalyzer (Agilent, Santa Clara CA, USA) (Mueller et al., 2004). Les ARNs ont été stockés à 80°C, en solution aqueuse après adjonction d’un inhibiteur de RNases.
Bien que nous ayons obtenu des échantillons de tissus provenant de 32 brebis, nous n’avons
utilisé pour la suite des manipulations que les échantillons dont la concentration en ARNs purifiés
était suffisamment élevée.
4.
Rétro-transcription par oligodT
Un microgramme d’ARN a été rétrotranscrit par la Superscript II (Invitrogen) avec de
l’oligo (dT) (Invitrogen), selon les recommandations du fabricant. Deux réactions de rétrotranscription par échantillon ont été réalisées et les deux produits ont été poolés. Les ADNc ont été
dilués 5 à 100 fois dans de l’eau sans DNase et conservés à -20°C jusqu’à leur utilisation en qPCR.
La qPCR nécessitant de se rapporter à une gamme étalon, un tube contenant un mélange de
10 µg d’ARNs purifiés représentatifs des quatre lots de brebis a également été rétro-transcrit pour
chaque tissu. La solution mère d’ARNs purifiés pour obtenir la gamme endomètre était composée
d’ARNs purifiés caronculaires et intercaronculaires au rapport 1:1.
5.
Quantification par PCR en temps réel (qPCR) par la
technologie SYBR-GREEN
Pour les 2 gènes étudiés ainsi que les 3 gènes de référence, un couple d’amorces a été
dessiné à l’aide de l’application « Primer Blast » (NCBI, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/tools/primerblast), synthétisé et fourni par Eurogentec (Liège, Belgique) (Tableau 6). L’efficacité
d’amplification de chaque couple d’amorces a alors été testée sur une gamme de référence, obtenue
par mélange d’échantillons représentant les différentes conditions physiologiques présentes au sein
du protocole expérimental, par dilutions successives (dilutions au ¼), à partir de la solution
"gamme" mère issue de la RT. Les produits de PCR ont été analysés par migration sur un gel
d’agarose à 2 % en TBE 1X, suivie d’une coloration au bromure d’éthidium (BET ; Invitrogen) et
d’une lecture au phospho-imageur FLA-3000 (Fujifilms France, Bois d’Arcy, France). La taille des
fragments a été mesurée et comparée à la taille attendue des amplicons, puis les produits de PCR
ont été adressés au laboratoire Beckman Coulter Genomics (Takeley, Royaume-Uni) pour
séquençage afin de vérifier que l’amplicon obtenu correspondait au gène d’intérêt.
Les échantillons, de même que les points de gamme, ont été déposés (5 µL) en dupliquas, sur
une plaque de 96 puits (Applied Biosystems, Carlsbad, USA) avec 10 µL de master mix (SybrGreen®, Applied Biosystems + amorces du gène à 150 ou 300 nM en fonction du gène étudié). Les
réactions de PCR ont été réalisées sur un appareil de type Step One Plus (Applied Biosystems)
selon le programme suivant :
54
- 10 min à 90°C,
- 45 cycles de 15 secondes à 95°C suivis par 1 min à 60°C,
- Dissociation des amorces : 15 secondes à 95°C, 20 secondes à 90°C puis 15
secondes à 95°C.
Le niveau d’expression des transcrits, déterminé à l’aide de la courbe standard (gamme de
référence), a ensuite été rapporté à un facteur de normalisation (Hellemans et al., 2007) généré par
le logiciel qbaseplus (Biogazelle, Zwijnaarde, Belgique) à partir de 3 gènes de ménage (GAPDH,
RPL19 et β-ACTINE).
Tableau 6 : Gènes, orientation, séquence, température de fusion des amorces utilisées pour les réactions de
RT-qPCR et taille attendue des amplicons.
Nom du gène
Sens
Séquence de l’amorce (5’ vers 3’)
Température
de fusion
Taille attendue
de l’amplicon
MX1
sens
anti-sens
sens
anti-sens
sens
anti-sens
sens
anti-sens
sens
anti-sens
CCACCACCGACAGCTCCCCT
GCAGGTGTGGGCGTGAAGCA
TGAGCACACACAAGCACACACAG
GAATCTCCAGGCTGCCAGGCT
GCTGACGCTCCCATGTTTGT
TCATAAGTCCCTCCACGATGC
GCTTTACCACCACAGCCGAG
CGACGCAGCAGTCATCT
CCCCAATGAGACCAATGAAATC
CAGCCCATCTTTGATCAGCTT
68,0
66,0
51,9
53,1
67,4
66,1
69,8
61,5
66,2
65,3
167 pb
SIRPA
GAPDH
β-ACTINE
RPL19
6.
144 pb
243 pb
100 pb
73 pb
Analyse statistique des données
Toutes les données ont été traitées statistiquement par la procédure One way Anova suivie
d’un post test Tuckey-Kramer du logiciel Graph Pad Prism (Version 4.0 ; GrapPad Software, La
Jolia, USA).
II. Résultats
A. Obtention des différents lots
Rappelons que les brebis ont été abattues 15 jours après les inséminations artificielles pour
les brebis inséminées avec de la semence normale ou "inactivée" et au 15ème jour après insémination
des deux autres groupes de brebis pour les brebis cyclées. La découverte d’un ou de plusieurs
embryons dans le liquide de lavage utérin après abattage a servi de diagnostic de gestation. Parmi
les 16 brebis inséminées avec du sperme normal, 8 étaient gestantes (lot G15) et 8 étaient non
gestantes (lot IA vides). Les 9 brebis inséminées avec de la semence "inactivée" ainsi que les 7
brebis non inséminées étaient toutes non gestantes.
Les dosages de progestérone ont montré que quelques profils individuels n'étaient pas
normaux : deux brebis n'ont pas réellement présenté d'augmentation de la progestéronémie (une
dans le lot IA vide et une dans le lot LS), deux brebis ont présenté un retard dans l'augmentation de
55
la progestéronémie par rapport aux autres (une dans le lot CYCL et une dans le lot LS) et une brebis
CYCL a présenté une chute prématurée de la progestéronémie. Néanmoins, aucune différence
significative n'a été observée entre les quatre lots, à chaque jour de prélèvement.
Certains échantillons sanguins n’ont pas pu être utilisés pour la quantification des ARNm de
MX1 et de SIRPA (quantité ou qualité des ARNm insuffisante, un cas d'adhérences abdominales
impliquant l'utérus correspondant probablement à d'anciennes lésions de péritonite…). C'est
pourquoi il n’y a pas le même nombre de brebis dans chaque lot pour un tissu donné. Par contre, les
échantillons manquants sont les mêmes pour tous les gènes testés (Tableau 7).
Tableau 7 : Nombre d'échantillons exploitables par tissu (CAR : endomètre caronculaire, ICAR :
endomètre intercaronculaire, PBMC : cellules mononucléées périphériques sanguines, NL : nœuds
lymphatiques).
LOT
CYCL (n=7)
IA vides (n=8)
LS (n=9)
G15 (n=8)
CAR
7
6
7
8
TISSU
ICAR
PBMC
7
5
6
7
7
9
8
8
NL
7
6
8
8
B. Résultats obtenus pour le gène MX1
Le gène MX1 est présent dans chacun des tissus étudiés pour chaque condition
physiologique. MX1 est significativement surexprimé chez les brebis gestantes par rapport aux non
gestantes (CYCL, IA vides et LS), quelque soit le tissu (P<0,01) (Figure 18). Le niveau
d'expression relatif de MX1 est assez similaire entre les individus des 3 lots de brebis non gestantes
(CYCL, IA vides et LS) (pas de différence significative).
C'est dans l'endomètre caronculaire que le différentiel d'expression avec les brebis gestantes
est le plus marqué. Le niveau d'expression relatif de MX1 est 24 à 31 fois plus élevé chez les brebis
gestantes (selon le lot non gestant auquel le lot G15 est comparé) (Figure 18A). Il est entre 5 à 11
fois plus élevé pour les autres tissus (selon le lot non gestant auquel le lot G15 est comparé et selon
le tissu) (Figure 18B-D).
Pour l'endomètre (CAR et ICAR), la valeur la plus élevée mesurée parmi les brebis non
gestantes est inférieure à la valeur la plus faible mesurée pour le lot G15. Cependant, la variabilité
de l'expression de MX1 est plus grande dans le lot G15 dans les PBMC et les nœuds lymphatiques
et certaines brebis gestantes ont un niveau d'expression plus faible que certaine brebis non gestantes
(Figure 19).
56
Figure 18 : Niveaux d'expression relatifs, normalisés de MX1 mesurés par qPCR dans l’endomètre
caronculaire (CAR), l’endomètre intercaronculaire (ICAR), les cellules mononucléées du sang périphérique
(PBMC) et les nœuds lymphatiques (NL) par lot de brebis étudié (CYCL : brebis cyclées, IA vide : brebis
vides inséminées avec du sperme normal, LS : brebis inséminées avec du sperme inactivé, G15 : brebis
gestantes). Moyenne par lot ± SEM. * p<0,01.
A.
CAR
Unité relative +/- sem
12
*
10
8
6
4
2
0
CYCL
IA vide
LS
G15
B.
ICAR
10
*
Unité relative +/- sem
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
CYCL
IA vide
LS
G15
57
C.
PBMC
Unité relative +/- sem
12
*
10
8
6
4
2
0
CYCL
IA vide
LS
G15
D.
NL
*
1,8
Unité relative +/- sem
1,6
1,4
1,2
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0
CYCL
IA vide
LS
G15
58
Figure 19 : Répartition des niveaux d'expression relatif de MX1 mesurés dans les leucocytes mononucléés
sanguins périphériques (A) et les nœuds lymphatiques (B) de chaque brebis et par lot (CYCL : brebis
cyclées, IA vide : brebis inséminées avec du sperme normal mais non gestantes, LS : brebis inséminées avec
du sperme inactivé, G15 : brebis gestantes).
A.
PBMC
25
Unité relative
20
15
10
5
0
CYCL
IA vide
LS
G15
59
B.
NL
3
2,5
Unité relative
2
1,5
1
0,5
0
CYCL
IA vide
LS
G15
C. Résultats obtenus pour le gène SIRPA
Le gène SIRPA est présent dans les 4 tissus étudiés pour chaque lot (Figure 20). Le niveau
d'expression relatif de SIRPA du lot IA vides est significativement plus élevé que pour le lot LS,
dans l'endomètre intercaronculaire (Figure 20B). La pertinence de ce résultat sera discutée
ultérieurement. Aucune autre différence significative n'est observée pour ce gène.
Dans l’endomètre caronculaire, le lot G15 est celui dans lequel le niveau d'expression relatif
de SIRPA est le plus faible, alors que c'est pour le lot LS qu'il est le plus élevé, soit quasiment 2 fois
plus que pour les G15 (Figure 20A). Cependant, cette différence n’est pas significative.
Dans l’endomètre intercaronculaire, le niveau d'expression relatif de SIRPA est le plus faible
pour les brebis LS (Figure 20B). C'est pour le lot IA vide qu'il est le plus élevé. La différence entre
ces 2 lots est significative (P<0,05).
Dans les cellules mononucléées du sang périphérique, le niveau d'expression relatif de
SIRPA est très faible, quelque soit le lot (Figure 20C). Le lot des brebis gestantes est à nouveau
celui dans lequel le niveau relatif mesuré est le plus faible, mais sans différence significative avec
les autres lots.
Enfin, le niveau d'expression relatif de SIRPA mesuré dans les nœuds lymphatiques est
également très faible, quelque soit le lot, et très homogène d’un lot de brebis à l’autre, bien qu’ici
encore, ce soit le lot des brebis gestantes qui obtienne la plus faible mesure (Figure 20C). Les
différences observées ne sont pas significatives.
60
Figure 20 : Niveaux d'expression relatifs, normalisés de SIRPA mesurés par qPCR dans l’endomètre
caronculaire (CAR), l’endomètre intercaronculaire (ICAR), les cellules mononucléées du sang périphérique
(PBMC) et les nœuds lymphatiques (NL) par lot de brebis étudié (CYCL : brebis cyclées, IA vide : brebis
vides inséminées avec du sperme normal, LS : brebis inséminées avec du sperme inactivé, G15 : brebis
gestantes). Moyenne par lot ± SEM. Des lettres différentes indiquent une différence significative (p<0,01).
A.
CAR
Unité relative +/- sem
35
30
25
20
15
10
5
0
CYCL
IA vide
LS
G15
B.
ICAR
Unité relative +/- sem
140
a
120
100
80
60
40
b
20
0
CYCL
IA vide
LS
G15
61
C.
PBMC
Unité relative +/- sem
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
CYCL
IA vide
LS
G15
LS
G15
D.
NL
Unité relative +/- sem
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
CYCL
IA vide
62
La Figure 21 présente la distribution individuelle du niveau d'expression relatif de SIRPA
pour chacun des lots, dans l'endomètre intercaronculaire. On remarque qu'une brebis du lot IA vide
a une valeur particulièrement élevée.
Figure 21 : Distribution des niveaux d'expression relatifs et normalisés de SIRPA pour chaque brebis, dans
l'endomètre caronculaire (CYCL : brebis cyclées, IA vide : brebis vides inséminées avec du sperme normal,
LS : brebis inséminées avec du sperme inactivé, G15 : brebis gestantes).
III. Discussion
Chez la vache, il est possible de pratiquer le diagnostic de gestation dès 26 jours par
échographie et dès 33 jours par palpation transrectale. D’une part, ces techniques requièrent un
certain savoir faire de la part du praticien et d’autre part, elles ne sont pas suffisamment précoces
pour permettre la remise à la reproduction dès 21 jours en cas d’échec. Des méthodes de diagnostic
plus précoces sont donc à l’étude dans de nombreux laboratoires de recherche. Ces méthodes sont
basées sur la quantification des ARNm de gènes dont l'expression est modifiée lors de gestation
dans les leucocytes circulants, dont le prélèvement ne nécessite qu'une prise de sang. Mais dans
notre étude, nous avons également prélevés les nœuds lymphatiques lombo-aortiques et iliaques
médiaux, qui drainent l'utérus. Car la population des leucocytes en provenance de l'utérus et
prélevés par ponction de la veine jugulaire est diluée par les populations de leucocytes qui ont pour
origine l'ensemble de l'organisme. Notre hypothèse était que ces nœuds lymphatiques étaient
enrichis en cellules immunitaires dont l'expression de certains gènes aurait été modifiée par la
gestation. Nous avons également prélevé de l'endomètre (caronculaire et intercaronculaire) afin de
compléter les informations et de pouvoir analyser les trois compartiments concernés de manière
conjointe, dans un objectif de recherche plus fondamentale.
Nous allons à présent commenter les résultats de nos propres travaux.
A. Hypothèses de travail
La protéine Mx1 est une protéine antivirale possédant la propriété d’inhiber la réplication
des virus à ARN négatif. Son expression est stimulée par les interférons de type 1, comme l’IFNτ.
Diverses études ont déjà montré que son expression était augmentée dans les tissus endométriaux et
dans les leucocytes circulants lors de la gestation. L’expression des gènes MX dans l’utérus de
63
brebis gestantes avait été étudiée par Ott et al. (1998). La conclusion de cette étude était que
l’expression de MX était 10 fois plus élevée dans l’utérus de brebis gestante que dans l’utérus de
brebis non gestante au 15ème jour de gestation. Yankey et al. (2001) s’étaient intéressés à
l’expression de la protéine Mx dans les leucocytes circulants en fonction du statut gestant ou non
gestant de la brebis. Cette étude avait démontré que la quantité d’ARNm de Mx dans les cellules
mononucléées du sang périphérique était 4 fois plus élevée chez les brebis gestantes que chez les
brebis non gestantes au 15ème jour après insémination artificielle. Ces études démontrent clairement
que l’expression de la protéine Mx augmente précocement chez la brebis gestante. Cependant,
aucune étude n’a encore démontré que les protéines Mx pouvaient servir de marqueurs précoces de
la gestation.
Dans notre étude, nous cherchions à vérifier que l’expression du gène MX1 était augmentée
dans l’endomètre et dans les cellules mononucléées du sang périphérique de brebis gestantes en
comparaison à des brebis non gestantes. Nous souhaitions aussi démontrer que cette expression était
également augmentée dans les nœuds lymphatiques lors de la gestation, ce qui n'avait jamais été
publié.
L’étude de l’expression du gène MX1 nous a servi à valider les résultats obtenus pour le
gène SIRPA. En effet, si nous n’avions pas retrouvé de différence d’expression entre animaux
gestants et non gestants pour ce gène, déjà validée par les études précédentes, nous aurions eu tout
le loisir de penser que notre protocole n’était pas valide, et qu’en conséquence les résultats obtenus
pour le gène SIRPA n’étaient pas interprétables. Il n’en est rien, puisque notre étude montre
clairement qu’en moyenne, la quantité d’ARNm de MX1 est très largement augmentée dans le
groupe de brebis gestantes par rapport aux autres groupes, quelque soit le tissu pris en compte.
Notre protocole semble donc valide et nous avons donc pu interpréter avec confiance les résultats
obtenus pour le gène SIRPA. Les échantillons obtenus au cours de cette étude pourraient être
réutilisés pour étudier d’autres marqueurs précoces de la gestation.
Rappelons que SIRPα est une protéine de régulation du signal, qui en se liant à la protéine
transmembranaire CD47, entre en jeu dans la régulation de la phagocytose par les macrophages,
dans le fonctionnement synaptique et dans la régulation du système immunitaire (Matozaki et al.,
2008). Cette dernière propriété laisse penser que la protéine SIRPα pourrait agir lors de la gestation
en participant à l’immunotolérance maternelle, indispensable à l’implantation et au développement
de l’embryon. De plus, nous nous sommes intéressés à ce gène parce qu'il faisait partie de la liste de
gènes différentiellement exprimés, entre 4 brebis du lot G15 (gestantes) et 4 brebis du lot LS (non
gestantes), identifiés lors d'une précédente analyse transcriptomique. L'expression de SIRPA tendait
à être significativement plus faible pour le lot G15 dans les PBMC. Ce gène avait été retenu car non
inductible par l'interféron tau. Ce résultat préliminaire devait être validé par qPCR sur un plus grand
nombre d'animaux.
B. Interprétation des résultats obtenus pour le gène MX1
1.
Endomètre
Dans le lot des brebis gestantes, les quantités moyennes d’ARNm de MX1 retrouvées dans
les endomètres caronculaires et intercaronculaires étaient significativement plus importantes que
celles retrouvées dans les trois autres lots. Les travaux d’Ott et al. en 1998 avaient démontré qu’au
64
15ème jour de la gestation, la quantité d’ARN messager de MX1 dans l’endomètre des brebis
gestantes était au moins 10 fois supérieure à celle retrouvée chez les brebis cyclées. Dans notre
étude, l’expression du gène MX1 est en moyenne 28 fois plus élevée dans l’endomètre caronculaire
des brebis gestantes que dans l’endomètre caronculaire des brebis non gestantes au 15ème jour de
gestation. Les résultats que nous obtenons dans l’endomètre intercaronculaire concordent davantage
avec ceux d’Ott et al. (1998), puisque dans notre étude l’expression de MX1 y est en moyenne 9 fois
plus élevée chez les brebis gestantes que chez les brebis non gestantes au 15ème jour de gestation.
Lorsqu’on analyse les résultats brebis par brebis, tous les animaux du groupe gestant ont des
valeurs supérieures à la valeur la plus élevée des trois lots de brebis non gestantes. Les valeurs des
brebis non gestantes ne recoupent donc pas les valeurs des brebis gestantes, ni dans l’endomètre
caronculaire, ni dans l’endomètre intercaronculaire. Cependant, la différence entre les valeurs les
plus proches du groupe des brebis non gestantes et du groupe des brebis gestantes est très faible,
surtout dans l’endomètre intercaronculaire. Cette différence est donc probablement trop faible pour
définir un seuil permettant de discriminer les brebis gestantes des brebis non gestantes. En effet, sur
une population de brebis beaucoup plus élevée, nous obtiendrions certainement des valeurs qui se
recoupent, et donc des faux positifs ou des faux négatifs.
2.
Cellules mononucléées du sang périphérique
Tout comme dans l’endomètre, les quantités moyennes d’ARNm de MX1 mesurées dans les
PBMC des brebis gestantes étaient significativement plus élevées que celles mesurées dans les
PBMC des trois lots de brebis non gestantes. L’étude de Yankey et al. en 2001 avait démontré que
la quantité d’ARNm de MX dans les cellules mononucléées du sang périphérique était 4 fois plus
élevée chez les brebis gestantes que chez les brebis non gestantes au 15ème jour après insémination
artificielle. Dans notre étude, les résultats obtenus sont très supérieurs, puisque l’expression de MX1
est en moyenne 8 fois plus élevée chez les brebis gestantes que chez les brebis non gestantes à 15
jours de gestation. La divergence des résultats est peut être due au fait que dans l’étude de Yankey
et al., aucune distinction n’a été faite entre les protéines Mx : on ne sait pas si cette étude a mesuré
MX1, MX2 ou bien les deux.
Après avoir procédé à l’analyse des résultats individuels obtenus dans les PBMC pour
chaque brebis gestante ou non gestante, nous avions constaté qu’une des brebis gestantes possédait
une quantité d’ARNm de MX1 qui était inférieure à plusieurs valeurs mesurées dans les lots de
brebis non gestantes (IA vide et LS). Il n'a donc pas été possible d’établir une quantité d’ARNm de
MX1 limite, au dessus de laquelle une brebis serait considérée gestante et au dessous de laquelle elle
serait considérée non gestante. Le fait d’établir une telle limite conduirait à un nombre trop élevé de
faux positifs et de faux négatifs.
Une faible expression de MX1 dans les PBMC chez des brebis gestantes pourrait être due à
une faible production d'IFNτ, par un embryon en retard de développement par exemple. A l'inverse,
une expression élevée de MX1 dans les PBMC chez des brebis non gestantes pourrait être due à une
infection virale. En effet, la stimulation de l'expression de MX1 n'est pas spécifique de l'IFNτ, mais
des IFN de type I, qui sont produits lors d'infection virale. Mais dans cette étude, nous n'avons pas
trouvé d'explication aux valeurs aberrantes pour MX1.
65
3.
Nœuds lymphatiques
Tout comme dans les autres tissus, les quantités moyennes d’ARNm de MX1 mesurées dans
les nœuds lymphatiques des brebis gestantes étaient significativement plus élevées que celles
mesurées dans les trois lots de brebis non gestantes.
Tout comme dans les PBMC, l’analyse des résultats obtenus pour chacune des brebis dans
les nœuds lymphatiques montrait que chez certaines brebis non gestantes, les quantités en ARNm
de MX1 étaient plus élevées que chez certaines brebis gestantes.
Plusieurs études ont précédemment montré une augmentation significative de l'expression de
gènes IFNτ-dépendants dans les PBMC des femelles gestantes : OAS1 (Green et al., 2010), ISG15
(Han et al., 2006), RTP4 (Gifford et al., 2008)… Pourtant, ces études, ont montré que ces gènes ne
pouvaient pas être considérés comme des marqueurs précoces de la gestation satisfaisants, en
grande partie à cause de la variabilité très importante du niveau d’expression de ces gènes chez les
brebis gravides et non gravides. Une étude réalisée en 2007, chez la vache, se basant sur le niveau
d’expression de MX2 pour diagnostiquer la gestation, a montré que les valeurs diagnostiques
(sensibilité, spécificité, valeurs prédictives négatives et positives) étaient trop médiocres (< 60%)
pour utiliser ce test comme méthode de diagnostic de la gestation (Stevenson et al., 2007). Nos
données confirment que MX1 n’est pas un marqueur pertinent de la gestation dans les PBMC.
Dans ce contexte, le choix d'un gène non inductible par l’IFNτ tel que SIRPA, même si le
différentiel d'expression tendait seulement à être significatif dans l'analyse transcriptomique des
PBMC, pouvait être une option intéressante.
C. Interprétation des résultats obtenus pour le gène SIRPA
L’hypothèse de notre étude était que le gène SIRPA était moins exprimé dans les tissus des
brebis gestantes par rapport aux brebis non gestantes. C'est effectivement le résultat que nous avons
obtenu dans l’endomètre caronculaire, les PBMC et les nœuds lymphatiques, mais la différence
entre les brebis gestantes et non gestantes n’était pas significative, dans aucun de ces tissus. Dans
l’endomètre intercaronculaire, c’est le groupe des brebis LS (inséminées avec du sperme inactivé)
qui avait la quantité moyenne d’ARNm de SIRPA la plus faible. En revanche, et bien que ce résultat
ne réponde à aucune de nos hypothèses de départ, il existait une différence significative (P<0,05)
entre les groupes IA vide et LS dans l’endomètre intercaronculaire. Ce résultat peut être expliqué
par la présence d’un animal du lot IA vide présentant un résultat fortement divergent par rapport au
reste du lot.
En examinant les valeurs individuelles des brebis utilisées pour l'analyse transcriptomique (4
brebis G15 et 4 brebis LS), nous avons observé que ce sont ces 4 brebis G15 qui avaient les plus
faibles quantités d'ARNm de SIRPA parmi toutes les brebis G15 et que l'une des brebis LS avait une
valeur particulièrement élevée (données non montrées). Ceci peut expliquer que l'analyse statistique
des données transcriptomique semblait montrer une différence entre les brebis de ces 2 lots.
Différence qui n'a pas été confirmée par qPCR sur l'ensemble des brebis. Cet exemple montre bien
l'importance d'une validation par qPCR d'une analyse transcriptomique, souvent réalisée sur un
faible effectif.
Au 15ème jour de gestation, SIRPA ne semble pas être un marqueur biologique de la
gestation. La quantification de son ARNm ne peut donc pas servir de méthode pour diagnostiquer la
gestation à cette période.
66
D. Justification du lot LS
En plus des conditions physiologiques « cyclée » (CYCL), « non gestante » (IA vide) et
« gestante » (G15), nous avions tenu à introduire la condition « inséminée avec du sperme
inactivé » (LS), afin d’éviter le bais dû à l'insémination. En effet, il a été montré dans différentes
espèces (souris, brebis) que liquide séminal provoquait une réaction inflammatoire de l’endomètre
qui en modifiait le profil d’expression des gènes (Robertson, 2007; Scott et al., 2009). Pour
n'identifier que les effets liés à la gestation, il fallait donc que le lot témoin ne diffère du lot de
brebis gestantes que par l'absence de gestation. Mais les brebis inséminées normalement et non
gestantes ne pouvaient pas constituer un lot témoin convenable, car il y avait un risque de
sélectionner des brebis avec des troubles de la reproduction. Pour être sûr de ne pas avoir de brebis
gestantes parmi les brebis du lot témoin (qui devaient être inséminées comme les brebis gestantes),
nous avons maintenu le sperme récolté à 37°C pendant 2 heures. Les spermatozoïdes ayant épuisé
leurs réserves énergétiques n'étaient donc plus aptes à féconder. La composition du sperme était
alors identique à celle du sperme utilisé pour obtenir les gestations, d'autant plus qu'il s'agissait du
sperme du même bélier (aucune substance n'a été ajoutée pour tuer les spermatozoïdes).
D’après les résultats obtenus pour les gènes MX1 et SIRPA, cette condition physiologique ne
semble pas avoir influencé les résultats, puisque dans les quatre tissus, les résultats du lot LS étaient
très proches des résultats obtenus pour le lot de brebis cyclées (c'est-à-dire les brebis dont
l'endomètre n'a pas été en contact avec du sperme).
E. Biais
Notre étude est basée sur l’utilisation de données concernant des transcrits, permettant
d’identifier des gènes et des protéines exprimés par de nombreux tissus comme l’endomètre, le sang
ou l’embryon lui-même. Ces données pourraient permettre d’identifier des marqueurs précoces de
la gestation. Cependant, de nombreux problèmes sont rencontrés dans l’étude des transcrits.
L’un de ces problèmes est la variabilité de la demi-vie des ARN messagers. Les protéines
pour lesquelles ils codent peuvent également subir des modifications ou être dégradées avant
d’atteindre des taux mesurables. Ainsi, les études sur les transcrits doivent être mises en relation
avec d’autres études ciblées directement sur les protéines et sur leurs métabolites.
Un second problème doit être pris en considération concernant les résultats que nous
obtenons dans les PBMC. Le sang est composé des différentes cellules mononucléées comme les
lymphocytes et les monocytes. L’expression variable de MX1 et de SIRPA dans ces différentes
cellules peut contribuer à l’expression variable de l’ARNm dans le sang selon sa formule et la
proportion des différentes sous-populations cellulaires. Il faudrait donc étudier les niveaux d’ARNm
dans chacune des populations de cellules sanguines afin d’augmenter la fiabilité des résultats
obtenus dans les PBMC.
Un troisième problème concerne la vitesse de développement du conceptus. La variabilité
entre individus des niveaux d’ARNm dans le sang à un moment donné de la gestation pourrait être
due à un léger délai dans la synthèse d’IFNτ ou à des différences de quantités produites par le
conceptus, du fait des variations dans la vitesse de développement des conceptus à cette période.
Les variations des niveaux sanguins d’ARNm pourraient aussi être dues à la baisse de libération
d’IFNτ causée par la mortalité embryonnaire.
Enfin, il existe une possibilité de biais lors de la quantification d’ARNm de gènes stimulés
par l’interféron comme MX1. Certains ISGs sont activés en réponse à une infection virale. En cas
d’infection virale, le diagnostic de gestation par un ISG peut donc s’avérer compliqué. L’animal
pourrait être faussement diagnostiqué positif si son niveau d’ARNm sanguin était augmenté par une
67
infection virale. Dans ce cas, il serait utile de confirmer le diagnostic de gestation par échographie.
Par contre, une infection virale ne gênerait en rien le diagnostic de non gestation par cette méthode.
F. Conclusions
En ce qui concerne le gène MX1, les résultats de notre étude, sont en accord avec les
résultats obtenus précédemment par les équipes de recherche ayant étudié l’expression de ce gène
dans l’endomètre et les cellules mononucléées du sang périphérique. Ceci laisse penser que notre
protocole de recherche est valide et qu’il peut être appliqué avec confiance à la mesure de
l’expression d’autres gènes dans ces tissus, dont le gène SIRPA.
Dans notre étude, l’expression du gène MX1, dépendante des interférons de type 1 dont
l’IFNτ fait partie, était en moyenne supérieure dans l’endomètre, les cellules mononucléées du sang
périphérique et les nœuds lymphatiques des brebis au 15ème jour de gestation que dans ces mêmes
tissus des brebis non gestantes. Cependant, compte tenu de la répartition très hétérogène des
niveaux d’expression de ce gène chez les brebis gestantes, le gène MX1 ne peut pas être exploité
comme marqueur biologique précoce de la gestation.
L’expression du gène SIRPA, qui n’est pas sous l’influence de l’IFNτ, ne dépendait pas de la
condition physiologique, quelque soit le tissu considéré. Ce gène n’est donc pas, dans les tissus que
nous avons étudiés, un marqueur biologique de la gestation au 15ème jour.
D’après les résultats des analyses transcriptomiques qui ont servi à trier les gènes
potentiellement marqueurs de la gestation précoce, l’expression de nombreux gènes IFNτ
dépendants ou non était modifiée chez les brebis gestantes par rapport aux brebis non gestantes. La
plupart de ces gènes sont impliqués dans le fonctionnement du système immunitaire. Il pourrait
donc bien exister, parmi eux, un ou plusieurs gènes marqueurs de la gestation précoce. Ces
marqueurs, pour pouvoir être utilisés en pratique, devront être mesurables dans des tissus dont le
prélèvement sera pratique, comme le sang. Cette étude préliminaire n’est que le début d’une longue
série de recherches sur ces gènes, dont l’un d’entre eux pourra sûrement, un jour, servir à
diagnostiquer la gestation avant le retour en chaleur de l’animal.
68
CONCLUSION
De nombreuses inconnues persistent dans le domaine de la reproduction des ruminants,
telles que l’expression des récepteurs à la progestérone dans l’épithélium endométrial comme prérequis à l’implantation, l’expression des gènes conduisant à la synthèse de protéines impliqués dans
les processus physiologiques de la gestation, ou encore la régulation du transport sélectif vers la
lumière utérine de molécules nécessaires au développement du conceptus et au maintien de la
gestation.
Dans la première partie de ce document, nous avons présenté le développement
embryonnaire ainsi que les signaux de reconnaissance fœto-maternels qui s’établissent lors de la
gestation. Ces données nous ont permis de mieux comprendre les mécanismes responsables de
l’implantation et de la croissance du « corps étranger » que constituent l’embryon puis le fœtus au
sein de l’organisme maternel. Chez les ruminants, l’interféron τ joue le rôle de signal embryonnaire,
indispensable à l’établissement de la gestation. Les effets de l’IFNτ dans l’utérus n’ont pas encore
été tous établis. Cependant, il est à présent bien connu que ce signal embryonnaire, ainsi que la
progestérone, activent et stimulent l’expression d’un grand nombre de gènes dans l’utérus gravide,
ainsi que dans d'autres tissus (corps jaune, cellules immunitaires…). Certains de ces gènes
pourraient servir de marqueurs biologiques de la gestation, et de nombreuses équipes de recherche
s’intéressent actuellement à leur utilisation dans le cadre d’un diagnostic de gestation.
Dans la partie expérimentale de cette thèse, nous nous sommes intéressés à la recherche de
marqueurs biologiques précoces de la gestation. Nos investigations se sont concentrées sur les gènes
MX1 et SIRPA, dont nous avons comparé le niveau d’expression dans l’endomètre, les cellules
mononucléées du sang périphérique et les nœuds lymphatiques de brebis gestantes et non gestantes.
Ce document est le premier à présenter l’expression du gène SIRPA dans ces tissus chez la
brebis. Bien que n’appartenant pas au groupe des gènes stimulés par l’interféron, ce gène, au vu de
ses diverses fonctions, pourrait jouer un rôle important dans les mécanismes de régulation du
système immunitaire maternel au cours de la gestation. Malheureusement, ni le gène MX1
(expression trop variable), ni le gène SIRPA (pas de modification significative d’expression liée à la
gestation) ne constituent de bons marqueurs précoces de la gestation utilisables dans le cadre d’un
diagnostic.
Les résultats présentés ici ne sont qu'une partie des analyses qui seront faites au cours de ce
projet et d’autres marqueurs précoces potentiels de la gestation chez la brebis, qui à terme
pourraient servir au diagnostic de gestation chez les ruminants, sont actuellement à l'étude.
69
70
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ÉTUDE DE MARQUEURS PRÉCOCES
POTENTIELS DE LA GESTATION
CHEZ LA BREBIS
NOM et Prénom : INGHELS Stéphanie
Résumé
Le diagnostic précoce de gestation permet de réduire les temps improductifs dans les
espèces de rente. Chez les bovins, il serait intéressant de pouvoir diagnostiquer la gestation avant un
éventuel retour en chaleurs, c'est-à-dire dans les 21 jours qui suivent l’insémination.
Ce manuscrit décrit le développement embryonnaire précoce ainsi que les mécanismes de
reconnaissance de la gestation par l’organisme maternel chez les ruminants. L’interféron tau, signal
de reconnaissance de la gestation, entraine l’expression de gènes spécifiques chez la mère. La
quantification des ARN messagers (ARNm) de ces gènes pourrait permettre de mettre en place un
test sanguin permettant de diagnostiquer précocement une gestation.
La partie expérimentale de ce manuscrit décrit la quantification de deux gènes, MX1 et
SIRPA, dans les cellules mononucléées sanguines, les nœuds lymphatiques et l’endomètre de brebis
gestantes. Le gène MX1 est sous influence de l’interféron tau alors que le gène SIRPA ne l’est pas.
L’expression de ces gènes a été quantifiée par qPCR dans les tissus de 7 brebis cyclées, 8 brebis
inséminées non gestantes, 9 brebis non gestantes inséminées avec du sperme de bélier « inactivé »
et 8 brebis gestantes 15 jours après l’œstrus. Les résultats obtenus montrent que l’expression du
gène MX1 était en moyenne supérieure dans l’endomètre, les cellules mononucléées du sang
périphérique et les nœuds lymphatiques des brebis au 15ème jour de gestation que dans ces mêmes
tissus des brebis non gestantes. Cependant, la répartition des niveaux d’expression de ce gène chez
les brebis gestantes étant très hétérogène, le gène MX1 ne peut pas servir de marqueur biologique
précoce de la gestation. L’expression du gène SIRPA ne dépendait pas de la condition
physiologique, quelque soit le tissu considéré. Ce gène n’est donc pas, dans les tissus que nous
avons étudiés, un marqueur biologique de la gestation au 15ème jour. D’autres marqueurs précoces
potentiels de la gestation sont actuellement à l’étude et pourraient à terme servir au diagnostic de
gestation précoce chez les ruminants.
Mots clés : DIAGNOSTIC DE GESTATION – MARQUEUR – GENE – GENE MX1 – GENE
SIRPA – OVIN – BREBIS – BOVIN – VACHE
Jury :
Président : Pr.
Directeur : Fabienne Constant (Maître de conférences)
Assesseur : Bénédicte Grimard (Professeur)
A STUDY OF PROSPECTIVE BIOLOGICAL
MARKERS FOR EARLY PREGNANCY DIAGNOSIS
IN THE EWE
SURNAME: INGHELS
Given name: Stéphanie
Summary
By performing early pregnancy diagnosis the number of days open in farm animals can be
reduced. In cattle, it would be interesting to perform early pregnancy diagnosis before the return in
heat, i.e. before 21 days after artificial insemination.
This manuscript describes early embryonic development and maternal pregnancy
recognition mechanisms in ruminants. Interferon tau, which signals pregnancy recognition in
ruminants, leads to an increase in the expression of specific genes in the maternal organism. The
quantification of messenger RNA (mRNA) coding for these genes could lead to an early blood test
for pregnancy.
The experimental part of this document describes the quantification of two genes, MX1 and
SIRPA in peripheral blood mononucleated cells, in lymph nods and the endometrium of pregnant
ewes. MX1 is an interferon stimulated gene whereas SIRPA is not. Gene expression was quantified
using qPCR in these tissues from 7 cycling, 8 inseminated but non-pregnant, 9 non-pregnant
inseminated with inactivated sperm and 8 pregnant ewes. The tissues were recovered 15 days after
oestrus by slaughter. mRNA expression of MX1 was higher in the endometrium, peripheral blood
mononucleated cells and lymph nods 15 days after insemination in pregnant compared to nonpregnant ewes. However, expression variability of MX1 mRNA was high in pregnant ewes. MX1
cannot be used as a specific and sensitive biological marker of early pregnancy. SIRPA mRNA
expression was not different between physiological states. This gene is not, in the tissues studied, a
biological marker for gestation at 15 days post-insemination. Further investigations are underway to
identify an early and specific biological marker of pregnancy in ruminants.
Keywords: PREGNANCY DIAGNOSIS – MARKER – GENE – MX1 – SIRPA – SHEEP –
EWE – CATTLE – COW
Jury :
President : Pr.
Director : Fabienne Constant
Assessor : Bénédicte Grimard
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