Endocrinologie de la Gestation chez la Vache : Investigations durant le 1er Trimestre CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GÉNÉRALE Introduction générale 16 Endocrinologie de la Gestation chez la Vache : Investigations durant le 1er Trimestre INTRODUCTION GÉNÉRALE Les Protéines Associées à la Gestation (PAGs) constituent une grande famille de molécules exprimées spécifiquement dans les couches superficielles du placenta de plusieurs espèces d’euthériens (Green et al., 2000). Chez les bovins, la détection de ces protéines associées à (ou spécifiques de) la gestation, dans la circulation sanguine maternelle est utilisée couramment comme méthode de diagnostic de gestation à partir du 30e jour après la saillie ou l’insémination artificielle (Sasser et al., 1986 ; Humblot et al., 1988 ; Zoli et al., 1992 ; Mialon et al., 1993). Bien que des concentrations significatives de PAG puissent être détectées chez certaines femelles à des stades plus précoces (Szenci et al., 1998a ; Pérenyi et al., 2002b), l’exactitude du diagnostic de gestation posé avant le 30e jour après la conception, peut être compromise par des différences individuelles dans le profil de sécrétion des PAGs par l’embryon en développement (Pérenyi et al., 2002b ; Chavatte-Palmer et al., 2006, Sousa et al., 2006), tout comme d’ailleurs par l’incidence élevée de la mortalité embryonnaire durant cette période critique (Kummerfeld et al., 1978 ; Sreenan et Diskin, 1983). Plusieurs molécules d’origine bovine, caprine et ovine présentant des identités de 63 à 87% avec la protéine de référence (PAGI) ont été étudiées. Bon nombre d’entre-elles ont été utilisées pour générer des antisérums afin de développer des dosages radioimmunologiques (Butler et al., 1982 ; Camous et al., 1988 ; Zoli et al., 1991 ; Garbayo et al., 1998 ; El Amiri et al., 2003, 2004). Parmi ces molécules, la mieux connue est la PAGI isolée et caractérisée par Zoli en 1991 à partir de cotylédons fœtaux prélevés en milieu de gestation. Cette glycoprotéine possède une masse moléculaire de 67kDa et répond à la séquence N-terminale suivante : Arg-Gly-Ser-Xxx-Leu-Thr-Thr-His-Pro-Leu. Des antisérums ont été produits contre cette protéine désignée boPAG67kDa ou encore boPAG-1, un système radioimmunologique homologue (RIA-497) a été développé pour détecter et suivre la gestation des bovins à partir du 30e jour après la fécondation (Zoli et al., 1992). Quelques années plus tard, d’autres molécules de PAG ont été isolées à partir d’extraits de placenta de caprins (Garbayo et al., 1998). Une préparation semi-purifiée contenant les PAG caprines de masses moléculaires de 55 et 62 kDa et de séquences peptidiques terminales IleSer-Ser-Pro-Val-Ser-Xxx-Leu-Thr-Ile et Arg-Asp-Ser-Xxx-Val-Thr-Ile-Val-Pro-Leu respectivement a permis de produire l’antisérum polyclonal R#706. Introduction générale 17 Endocrinologie de la Gestation chez la Vache : Investigations durant le 1er Trimestre Utilisé dans un système de dosage hétérologue, cet antisérum a permis de mesurer des concentrations croissantes de PAG chez des vaches en gestation aussi précocement qu’aux jours 21-25 après la conception (Pérenyi et al., 2002b). Plus récemment, différentes molécules de PAG ont été isolées à partir d’extraits de placenta ovins prélevés à différents stades de gestation (El Amiri et al., 2003, 2004). Des lapins ont été immunisés contre deux préparations : l’une contenant les ovPAG57+59kDa (séquence NH2 terminale Ile-Ser-Ser-Ile-Arg-Val-Ser-Xxx-Leu-Thr et Arg-Gly-Ser-Asn-Leu-Thr-Ile-HisPro-Leu pour la PAG57kDa et la PAG59kDa respectivement) et l’autre la PAG55kDa possédant la séquence NH2 terminale Arg-Val-Ser-Xxx-Leu-Thr-Ile-His-Pro-Leu. Deux nouveaux antisérums (R#780 et R#809) étaient disponibles mais n’avaient jamais été utilisés pour établir le diagnostic de gestation chez le bovin. Lorsque nous avons entrepris de réaliser un programme de recherche en vue de présenter une thèse de doctorat, nous avons décidé de focaliser nos études sur le premier trimestre de la gestation. En effet, cette période présente un intérêt particulier pour l’éleveur mais en même temps, elle reste difficile à explorer notamment dans les pays du sud car les vétérinaires ne disposent pas encore de moyens d’investigation de pointe (échographes). Au moment où nous avons entrepris la recherche, nous avons prévu un protocole de prélèvement qui devait nous permettre de révéler les cas de mortalité embryonnaire tardive ou fœtale. En effet, les conditions d’exploitation du sud sont susceptibles d’augmenter la fréquence de la mortalité embryonnaire, cette affection dans les pays du nord peut concerner un pourcentage non négligeable des femelles inséminées allant de 3,6 à 10,6 % selon les auteurs repris dans une synthèse rédigée par Hanzen et collaborateurs (1999a; b) Tenant compte de ces différents éléments, nous avons décidé de réaliser un protocole de prélèvement de sang selon une chronologie bien précise, ensuite de réaliser des dosages avec un maximum de rigueur et de contrôle et enfin, d’interpréter les résultats à la lumière des connaissances actuelles. Dans le cadre de la thèse, nous avons dû limiter nos objectifs à des proportions raisonnables (154 génisses et vaches) mais il est clair que lorsque la thèse sera terminée, nous envisageons de développer un laboratoire de service à l’université de Béjaia pour permettre aux chercheurs Introduction générale 18 Endocrinologie de la Gestation chez la Vache : Investigations durant le 1er Trimestre d’approfondir les investigations sur la mortalité embryonnaire dans les conditions climatiques des pays chauds (Thatcher et al., 2001 ; 2003 ; 2006). Dans ce contexte, lorsque nous avons entrepris les investigations au laboratoire, il nous a paru nécessaire, voire indispensable de comparer différents systèmes de dosages (RIA-497, RIA706, RIA-780, RIA-809, RIA-Pool) afin de préciser les meilleures conditions de détection de la PAG durant le premier trimestre de la gestation. Prenant en considération, la mention de concentrations détectables de PAG chez les taureaux et les génisses non gestantes publiée par Zoli et al. (1992), nous avons attaché une importance particulière aux concentrations mesurées en dehors de la gestation. Pour répondre à cette question, une dizaine de vaches non gestantes ont fait l’objet de prélèvements trois fois par semaine afin de déterminer les niveaux retrouvés en dehors de toute gestation. Cette partie du travail nous a permis d’acquérir une bonne expérience dans la technique de dosage et de suivi des animaux. C’est ainsi que nos travaux ont permis de mettre en évidence des pics de concentrations de PAG détectable dans un voire deux prélèvements successifs (Ayad et al., 2007, Abstract, The Life Science Summit, Biomedica, Aachen, Germany) (cf. annexes). Jusqu’aujourd’hui, aucune publication n’a rapporté ce résultat. Les résultats de nos travaux apparaissent dans les publications 1 et 2 (Ayad et al., 2007 ; Ayad et al., soumis) ainsi que dans les résumés de communications et posters présentés lors de réunions scientifiques (cf. annexes). A ce stade, nous avons décidé d’approfondir nos investigations sur la série de plasma dont nous disposions en développant le dosage d’autres hormones, la progestérone et ensuite, la LH et la prolactine. Dans toutes les espèces de mammifères placentaires, la progestérone est nécessaire à l’implantation, au développement de l’embryon et au bon déroulement de la gestation. Au départ, le corps jaune constitue l’unique source de la sécrétion progestéronique et il en reste le producteur principal pendant un temps plus ou moins long de la gestation suivant les espèces. Chez la vache, l’ovariectomie pratiquée avant le 150e jour de la gestation entraîne l’avortement ; celui-ci survient chez la chèvre quelle que soit l’époque de la gestation alors que chez la brebis dont la durée de gestation est identique, l’avortement ne survient que si Introduction générale 19 Endocrinologie de la Gestation chez la Vache : Investigations durant le 1er Trimestre l’ovariectomie est pratiquée dans les 50 premiers jours de la gestation. Il est également bien connu que chez la vache comme chez la brebis (Bindon, 1971), l’implantation embryonnaire dépend de la seule progestérone ; celle-ci intervient à la fois pour empêcher les contractions utérines et pour maintenir l’activité sécrétoire de l’endomètre : deux conditions indispensables à l’implantation. Aujourd’hui, il est devenu possible de vérifier expérimentalement l’importance de la préparation hormonale de l’endomètre et de l’utérus. C’est ainsi qu’après transfert d’un embryon dans l’utérus d’une génisse en anoestrus, le trophoblaste a sécrété une quantité mesurable de PAG dès le 18e jour après l’oestrus de référence. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que lors d’anoestrus, l’utérus est placide mais non sécrétant. L’embryon n’a pas été rejeté, il a essayé de survivre, mais il n’a pu s’implanter d’où cette stimulation de la PAG plus précoce et temporaire se traduisant dans le profil plasmatique (Sousa et al., 2006). L’hormone lutéinisante (LH) est sécrétée de façon pulsatile et à de faibles niveaux durant le cycle œstral, excepté au moment du grand pic préovulatoire survenant pendant quelques heures de la période des chaleurs. Chez le bovin, la LH est l’hormone lutéotrophique principale, c'est-à-dire qu’elle soutient le corps jaune et stimule la synthèse de progestérone. Le mécanisme par lequel la LH stimule la sécrétion de progestérone implique la liaison à un récepteur membranaire, l’activation de l’adenylate cyclase, la formation d’AMP cyclique et l’activation du système de protéine kinase A. Ce dernier phosphoryle les enzymes impliquées dans la stéroidogenèse et augmente le transfert du cholestérol à partir du cytoplasme dans les membranes internes des mitochondries des petites cellules lutéales. Après le transport du cholestérol vers les structures mitochondriales, le clivage de la chaîne latérale du cholestérol produit la pregnénolone et la conversion de la pregnénolone en progestérone peut commencer. Chez la femelle non gestante, les prostaglandines F2α (PGF2α) entament le processus de lutéolyse dès les 15e -17e jours suivant l’ovulation. Chez les ruminants, en présence d’un conceptus viable, la sécrétion de protéines trophoblastiques empêche le relarguage pulsatile de PGF2α par l’endomètre (Bazer et al., 1986 ; Godkin et al., 1988) et facilite le maintien du corps jaune (Knickerbocker et al., 1986). L’interféron tau bovin est la glycoprotéine trophoblastique (bTP1) considérée comme molécule anti-lutéolytique chez la vache. L’interféron tau est synthétisé par les cellules Introduction générale 20 Endocrinologie de la Gestation chez la Vache : Investigations durant le 1er Trimestre mononucléées du trophectoderme et sécrété uniquement dans la lumière utérine (Morgan et al., 1993). Malgré l’existence de systèmes de dosages par RIA (Takahashi et al., 2005), la protéine reste indétectable dans le sang périphérique. Bien qu’une augmentation de la concentration de l’ARN messager de l’interféron tau bovin puisse être détectable dès le jour 9 ou 10 de gestation, une production à large échelle est limitée aux jours 17-19 lorsque le conceptus subit une expansion rapide dans sa forme élongée (Farin et al., 1990). Chez le bovin, les expériences ont montré que la prolactine est peu impliquée dans le processus lutéotrophique (Hoffmann et al., 1974). Cependant, dans des investigations portant sur l’anoestrus des bovins, Beckers (cours de 3e cycle) avait montré que la mise en place de spirales vaginales contenant la progestérone entraîne une diminution des concentrations de prolatine. Un grand nombre d’études ont rapporté que des concentrations plus élevées de progestérone peuvent induire un environnement utérin plus favorable à la survie de l’embryon en développement Ces conditions résulteraient dans une meilleure croissance du conceptus, lequel produirait des quantités accrues de protéines trophoblastiques comme l’interféron tau (Kerbler et al., 1997 ; Mann et al., 1999, 2006). Cependant, ces études n’ont pas permis de suivre en parallèle les fonctions lutéales et trophoblastiques sur une relativement longue période de temps. En général, elles se sont focalisées sur une seule mesure des concentrations de l’interféron tau dans le liquide de flushage de l’utérus après l’abattage des femelles gestantes (Takahashi et al., 2005). C’est pourquoi, nous avons consacré la 3e partie de notre recherche à l’étude des relations progestérone, LH, prolactine et PAG. Les dosages RIA ont été développés et validés notamment en insistant sur la linéarité de réponse sur une gamme de concentrations très large. Les résultats de cette investigation apparaissent dans la publication numéro 3 (Ayad et al., 2007). Ce travail ouvre une nouvelle perspective sur l’interprétation des relations entre les hormones de l’axe hypothalamo hypophyso gonadique et le trophoblaste. Introduction générale 21