Le Dragon d’Or
Un casse-tête dramatique
La lecture de certaines pièces donne tout de suite envie de passer au plateau.
Pour voir comment ça marche.
C’est le cas pour
Le Dragon d’or
de Roland Schimmelpfennig.
C’est une série de casse-tête qui demandent à être résolus.
Et s’ils donnent envie de jouer, c’est qu’ils proposent de nouvelles règles de jeu.
Schimmelpfennig élabore ici un dispositif complexe entre un choeur d’acteurs
uniquement déterminés par leur âge et leur sexe et 17 personnages, dont l’âge
et le sexe ne correspondent surtout pas à celui des « acteurs ».
L’auteur articule cette première règle à une deuxième, qu’il a déjà développée
dans des pièces antérieures (
Push Up, Une nuit arabe
etc…) : les acteurs
passent du récit au dialogue. Ils racontent ce que font leurs personnages et ils
les jouent en direct. Ils décident de raconter et ils sont pris dans l’action.
A partir de ces deux règles proprement théâtrales, les combinaisons se
multiplient et proposent un jeu subtil entre acteurs, conteurs et personnages,
la multiplicité du collectif et celle de la personne, la question de l’anonyme et
celle de l’identité, qui démultiplient les perspectives de la fiction.
Schimmelpfennig s’occupe de traiter à la fois le monde d’aujourd’hui et le
théâtre d’aujourd’hui. Il ne dissocie pas le geste théâtral de ce qu’il raconte.
Pour le spectateur la tension de l’histoire - que va-t-il se passer ? - colle aux
métamorphoses en train de se faire, et le déplace sans arrêt de l’identification à
la distance, de l’inquiétude au plaisir du jeu, de la reconnaissance à la surprise
et au rire.
Et si je mets « acteurs » entre guillemets, c’est que ceux-ci sont listés sous la rubrique Personnages, dans la
version française, et que les dialogues sont ensuite distribués entre les cinq « acteurs », et non entre les
personnages de fiction, comme on pourrait s’y attendre.
On pourrait dire qu’il y a 5 +17 personnages.
Ou que l’acteur masculin de plus de soixante ans, va produire au cours du spectacle le personnage (ou la figure) de
L’homme de plus de soixante ans en traversant les 3 ou 4 personnages de fiction qui lui sont attribués.